ANTOINE DU BARY RÉALISE « MES JOURS DE GLOIRE »

Canal+ a diffusé lundi 21 février le film « Mes jours de gloire » qui était sortie en salle le 26 février 2020.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Mes_jours_de_gloire

Cinéfinances.info* a fourni les données financières de cet article.

C’est le premier long métrage réalisé par Antoine du Bary qui était jusque-là assistant réalisateur et avait réalisé un court-métrage « L’enfance du chef » qui avait reçu le Prix Canal+ lors de la Semaine de la critique en 2016. Il a été produit par Jean Duhamel (Iconoclast films) pour un budget initial de 2,6 millions € et distribué par Bac Films.

Pour la préparation, 31 jours de tournage et la post-production, la rémunération du réalisateur est de 60 000 €, répartie à part égale entre à valoir sur droits d’auteur et salaire de réalisateur. C’est sensiblement moins que la rémunération médiane des réalisateurs de films français sortis en 2020. https://siritz.com/financine/le-barometre-des-realisateurs-fin-octobre/

Le scénario a été coécrit avec Elias Belkedar et ils se sont partagés 60 000 €.

Sorti sur 23 copies le film a rassemblé 45 000 spectateurs en 3 semaines

Il a bénéficié de l’avance sur recettes à hauteur de 550 000 €. Canal+ l’a préacheté 678 000  €  et Multithématiques 100 000 €. Bac Films, pour les mandats salle, vidéo, vod, S-vod et international a accordé un minimum garanti de 200 000 €. Le producteur a mis son salaire et ses frais généraux en participation. Il a investi 800 000 €, mais n’inclut pas le crédit d’impôt dans son plan de financement.

A noter que sont comédien principal  est Vincent Lacoste le comédien principal des films de Thomas Lilti. https://siritz.com/cinescoop/entre-medecine-cinema-et-series/

*www.Cinefinances.info est un site, accessible par abonnement, destiné aux professionnels du cinéma.  Il publie le budget, le plan de financement et la répartition des recettes de tous les films français qui sortent (hors les films « sauvages » qui ne déposent pas leurs contrats au registre public et ne demandent donc pas l’agrément qui leur permettrait d’accéder à l’aide du CNC). Il dispose d’un puissant moteur de recherche multicritères et de 10 ans d’archives.

Siritz.com : Actuellement Canal+ diffuse la série « Paris police 1900 » qui est une série de grande qualité qui marche très bien. Qui en a eu l’idée ?

Emmanuel Daucé : C’est Canal+. Ils voulaient faire une nouvelle série policière : « Braquo » s’était arrêté et « Engrenages » allait s’arrêter. Arielle Saracco, Fabrice de la Patellière, Vera Peltekian et Pierre Saint-André avaient envie de faire une série autour de la police scientifique en 1900. https://fr.wikipedia.org/wiki/Emmanuel_Daucé

Siritz.com : Qu’est-ce qui leur avait donné cette envie ?

ED : Une exposition photo sur le début de la police scientifique autour de Bertillon. Les photos de scènes de crime étaient à fois horribles et très esthétiques. Donc à la base c’était plus une intention visuelle qu’un véritable concept.

Siritz.com : Ils vous ont demandé à vous directement ?

ED : Non. Ils avaient interrogé plusieurs producteurs avant moi. Mais ils n’avaient pas trouvé la bonne clef. Moi, mon reflexe c’est de penser avant tout à un auteur, j’ai pensé à Fabien Nury avec lequel je n’avais jamais travaillé mais dont je connaissais bien l’univers. Et Canal+ était ravi de le retrouver puisqu’il avait fait la saison 1 de « Guyane » avec eux.

Canal+ voulait une série policière qui se passe en 1900

Siritz.com : C’est avant tout un grand scénariste de bandes dessinées. Mais il avait donc aussi écrit et même réalisé, une série télévisée.

ED : Oui. Fabien c’est d’abord un scénariste très expérimenté mais aussi un auteur avec un univers très personnel. Et, du coup, cette série qui était à la base une commande est devenue une série d’auteur. J’ai rencontré Fabien quand on était étudiant et je savais qu’il était fan de polars. Puis je l’avais recroisé quelques années plus tard à Tetra Media quand il travaillait à l’adaptation pour le cinéma de la série « Les brigades du tigre ». Il avait déjà à cette époque le projet de faire en série « Il était une fois en France » alors que ça n’était pas encore paru en bande-dessinée. Cela devait être en 2005.

Siritz.com : Quand vous acceptez de faire la série vous savez que cela va être forcément une série chère. Est-ce que vous pensez tout de suite à comment vous allez la financer, parce que la chaîne Canal+ ne va sans doute pas tout financer ?

Moins cher de régler les problèmes budgétaires au niveau du scénario

ED : Vous savez, j’ai produit « Un village français » et, au tout début, en 2005 je savais qu’elle coûterait forcément plus cher que les séries habituelles de France télévisions. Ce qu’il faut faire c’est travailler avec un auteur scénariste. C’est moins cher de régler les problèmes budgétaires au niveau du scénario que quand on en est à la réalisation.  Fabien Nury, dans sa carrière d’auteur de bandes dessinées était un scénariste aguerri. Et il avait écrit la série «Guyane» et réalisé un épisode. Il avait donc toutes les compétences pour être un showrunner.

Siritz.com : Et quand il a commencé qu’est-ce qu’il a mis en avant.

ED : Il a tout de suite centré son récit autour de la préfecture de police de Paris et du préfet de police Lépine. La préfecture est une ville dans la ville.  Faire de ce lieu un décor récurrent, c’est déjà une manière de résoudre une partie des problèmes financiers. Par ailleurs j’ai tout de suite proposé à Fabien Nury d’être producteur associé. C’est le meilleur moyen de traiter toutes les questions économiques et artistiques ensemble et non pas séparément. On les résout ensemble et progressivement.

Siritz.com : Quelles ont été les phases de l’écriture ?

ED : Fabien avait déjà une bonne connaissance de cette époque. Suite à l’adaptation des « Brigades du tigres » et à un projet de série pour Canal+, qui ne s’est pas fait pour des problèmes de budget, sur la bande à Bonnot. Puis avec l’aide d’une documentaliste, mais aussi tout seul, Fabien est reparti dans la doc durant près d’un an, c’est la base de son travail. Beaucoup de personnages et d’événements sont tirés de cette documentation, une documentation qui se fait aussi beaucoup à travers des images, photographies, peintures de l’époque. Partant des personnages Fabien écrit des notes, sortes de traduction de la documentation en matière fictionnelle, et partant de ces notes il écrit des synopsis. Comme il vient de la bande dessinée il réfléchit beaucoup en scène et a une pensée très visuelle. Donc, il écrit très tôt des scènes avec, dès les premières étapes, une grande attention apportée à leur dimension visuelle.

Siritz.com : Il a écrit avec une équipe de scénariste ?

Deux ans pour écrire la première saison

ED : Oui. Il a créé un atelier de scénaristes avec Alain Ayrole, un auteur de bandes dessinées, ainsi que Benjamin Adam et Thibault Valetoux qui sont diplômés de la FEMIS section séries. Ils ont discuté avec Fabien pendant des semaines pour nourrir les arches et les personnages. Mais les versions dialoguées ont été écrites par Fabien, sauf les épisodes 3 et 4 qu’il a coécrit avec eux. La manière d’écrire de Fabien est très particulière et on n’a pas trouvé quelqu’un qui pourrait écrire « à la manière de ». C’était déjà le cas pour « Un village français ». C’est une marche que nous n’avons pas réussi à franchir.

Siritz.com : Combien de temps a pris l’écriture de tout le scénario de la première saison ?

ED : Cela a été relativement rapide. Environ 2 ans.

Siritz.com : Et Canal intervenait à chaque étape pour donner son accord ?

ED : Ils nous faisaient globalement confiance. C’était plutôt un échange régulier avec eux.  Dès le début ils étaient très enthousiastes. Néanmoins ce qui les gênait c’est qu’on leur proposait une série historique et politique dans un cadre policier alors qu’ils voulaient vraiment une série policière. Vera Peltékian disait qu’il fallait dans cette série un « Dahlia noir ». Il a alors fallu ajouter l’affaire de la valise sanglante, inspirée, elle aussi, de faits réels. Cela permettait vraiment à Canal+ de dire qu’on était dans une série policière.

Siritz.com : C’est une série où la mise en image est très importante. Qui a choisi les techniciens artistiques ?

ED : Fabien Nury, mais aussi Fabien Despaux qui a réalisé les 4 premiers épisodes. Ils ont fait le casting ensemble avec Canal+ et Okinawa Guérard, la directrice de casting avec laquelle j’ai la chance de travailler depuis « Un village français ». Julien Despaux a amené le chef opérateur flamand, Brecht Goyvaerts, qui a un immense talent.  C’est Fabien qui a amené Pierre Quefféléan, qui est un chef décorateur du cinéma. Et la chef costumière Anaïs Romand, c’est une suggestion de Canal+.

Siritz.com : Et pour la musique qui est toujours très importante pour donner son identité à une série, comme à un film ?

ED : On avait plusieurs idées et on a fait quelque chose qui n’est pas très sympathique. On a fait un blind-test entre le projet de trois compositeurs. Et on a choisi Grégoire Hetzel. Mais on a rémunéré les deux autres.

Siritz.com : En fin de course la série coûtait combien.

Un budget de série française, pas un budget de série internationale

ED : Un peu au-dessus de 2 millions € l’épisode. Cela ne comprend pas les frais généraux. C’est le coût réel.

Siritz.com : C’est quasiment le double de ce que coûte une série habituelle française. Comment la financez-vous ?

ED : Il y a Canal+ la chaîne qui est fortement impliqué et Studio Canal a donné un minimum garanti pour le mandat de ventes internationales.

Siritz.com : Cette série a un incontestable potentiel à l’international. Mais est-ce que vous êtes couvert dès le départ ?

ED : On reste dans un budget de fiction française, mais pas de série internationale. Mais pour pouvoir trouver son équilibre économique Paris Police vise le marché international. C’est ce que je cherche à faire depuis « Un village français » et « Les hommes de l’ombre » : faire des séries longues d’auteur, qui portent un regard singulier sur le monde, avec l’ambition de créer une valeur de catalogue, que ce soit à travers le deuxième marché français ou les ventes à l’international.

Siritz.com : Mais, avant de créer de la valeur, il faut aussi faire de la marge ?

ED : Oui, mais il faut accepter de baisser les taux de marge dans un premier temps, pertes que l’on espère combler par les futures ventes. Puis, dès la deuxième saison on peut aussi limiter certaines dépenses si la production a été pensée sur le long cours, en amortissant par exemple le coût de certains décors. Un mini-série ne pourra jamais atteindre cet objectif. Cela suppose de choisir des séries dont les concepts sont susceptibles de durer. Il faut aussi s’entourer de talents et de techniciens qui sont prêts à s’engager sur plusieurs saisons.

Siritz.com : Donc vous réfléchissez avec l’auteur, dès le départ, aux saisons suivantes ?

ED : Bien entendu. C’est ce que l’on a fait tout de suite pour « Un village français ». C’est une manière de penser l’équilibre économico artistique de la série.

Siritz.com : Vous avez déjà commencé à écrire la deuxième saison de Paris Police ?

La saison 2 sera « Paris Police 1905 »

MD : Bien sûr.

Siritz.com : Sur la deuxième saison ce sont les mêmes scénaristes ?

ED : « Paris Police 1905 » sera écrite par Fabien Nury et Xavier Dorison, avec qui Fabien avait écrit « Les brigades du tigre ».

Siritz.com : A ce stade vous savez déjà qui seront les réalisateurs ?

ED : En principe la même équipe que la saison 1. On a constitué une famille artistique autour de la saison 1 alors que l’on ne se connaissait pas les uns les autres. Comme pour « Un village français ».

Siritz.com : Combien de temps a duré le tournage des 8 épisodes ?

ED : Plus d’une centaine de jours de tournage. Des journées de 9 heures. On était entre 14 et 15 jours par épisode, ce qui est énorme.

Siritz.com : L’audience sur Canal doit être élevée.

ED : Les retours des abonnés sont à un très haut niveau.

Siritz.com : Maintenant parlons de votre carrière. Vous avez fait l’ESSEC, puis la FEMIS. C’est une bifurcation étonnante.

J’ai découvert que producteur était un métier

ED : Quand j’étais à l’ESSEC je me suis très vite rendu compte qu’il était hors de question que je travaille dans le consulting, l’audit ou la finance qui étaient les débouchés naturels. J’étais attiré par les métiers culturels et je cherchais ma voie. En fait je me demandais comment je pourrais être utile ! Au départ, je voulais plutôt travailler dans l’édition. A l’école j’étais copain avec Jérôme Barthélémy qui était dans la promo au-dessus de moi et qui, alors qu’il était à l’ESSEC a présenté la FEMIS, dans la section production. J’ai alors découvert que producteur était un métier qui s’apprenait et pas seulement un truc d’héritier. https://fr.wikipedia.org/wiki/Emmanuel_Daucé

Siritz.com : Vous étiez cinéphile ?

ED : Venant de province je connaissais le cinéma par Arte et le vidéoclub de mon village. Mais vers la fin de l’ESSEC, quand j’ai préparé la FEMIS (j’avais quand même pas mal de temps !), je suis devenu un rat de cinémathèque. Et j’ai trouvé des stages à la régie sur des tournages pour voir de l’intérieur comment ça fonctionnait. Et dès que j’ai mis les pieds sur un plateau de cinéma cela m’a plu, j’avais juste peur de me faire éjecter.

L’idée du réalisateur roi ne m’allait pas

Siritz.Com : Comment vous êtes passé de diplômé de la FEMIS à responsable de la fiction de Tetra Media ? C’est un bâton de maréchal.

ED : Quand j’étais à la FEMIS je travaillais aux Films Pélléas. Comme stagiaire.  Mais je me suis rendu compte que le monde du cinéma et, notamment du cinéma d’auteur, n’étais pas mon monde. L’idée du réalisateur roi ne m’allait pas. Je voyais bien que leur rapport au texte était secondaire par rapport au rapport avec l’image. Or moi, j’avais un rapport au texte très fort et l’envie de marier succès public avec fiction politique. Et je voyais ça dans les séries HBO de l’époque comme « Les Sopranos ».

Siritz.com : Vous avez découvert ça pendant que vous étiez à la FEMIS ?

ED : Oui. Je me suis dit que je voulais être producteur de séries. J’ai fait mon mémoire de sortie de la FEMIS sur la production de séries en France dans lequel j’expliquais comment donner de la valeur aux séries. Marc Nicolas qui dirigeait l’école à l’époque m’avait dit que ce n’était pas un mémoire mais une déclaration d’intention. Il fallait faire des séries longues. Il fallait faire des séries d’auteur. Mais au lieu de les centrer sur un réalisateur, il fallait les centrer sur un scénariste. Au fond, depuis tout ce temps je radote. En tout cas c’est toujours ma politique aujourd’hui. Mais on voit dans le compte facebook « Paroles de scénaristes » que cette idée a beaucoup de mal à faire son chemin.

Siritz.com : Et comment avez-vous fait ?

ED : j’ai pris les droits d’un roman « Peau de lapin » et avec un camarade de la FEMIS, Sébastien Mounier (devenu depuis un scénariste à succès de séries) nous avons écrit une adaptation en série, le pilote dialogué et les arches.

Siritz.com : Donc vous vouliez devenir scénariste.

Cela a beaucoup surpris Philippe Martin que je choisisse les séries plutôt que le cinéma

ED : Non. Mais c’était comme être stagiaire régie sur des productions. C’était le meilleur moyen pour comprendre ce que c’était qu’écrire un scénario de série. On l’a présenté à la Fondation Hachette. Et on a gagné le prix du meilleur scénariste. A cette époque j’ai rencontré Jean-François Boyer qui dirigeait Telfrance. Je lui ai dit que j’aimerais le rejoindre. Cela a beaucoup surpris Philippe Martin, le producteur des Films Pélléas, qui produisait (et produit encore) d’excellents films d’auteurs – dont ceux de Pierre Salvadori par exemple.

Siritz.com : Et Jean-François vous a engagé.

ED : Oui. Et j’ai bien fait de le suivre. A cette époque, toutes les séries françaises étaient faites pour un public de plus de 40 ans. J’avais 27 ans et elles n’étaient pas faites pour moi. J’ai commencé à travailler sur le feuilleton « Plus belle la vie ». Il y avait eu un appel d’offres. J’avais travaillé sur les premiers textes de réponse à l’appel d’offre, avant d’être éjecté du projet une fois qu’il a été mis en production. L’audience s’est effondrée. Olivier Sulzynger a été engagé pour rebâtir « Plus belle la vie » et il m’a repris. Et là je me suis rendu compte que, même pour la fiction la plus industrielle qui soit, c’est parce qu’un auteur s’était emparé du feuilleton que les audiences avaient décollé. Le travail de production à Marseille était très impressionnant, mais jusqu’à l’arrivée de cet auteur cela ne marchait pas. Et c’est pendant un des ateliers d’écriture de « Plus Belle La Vie » que j’ai commencé à penser à un « Un village français ».

Siritz.com : Et comment ce projet est devenu une réalité ?

J’ai parlé à Jean-François Boyer de mon projet  de « Un village français »

Jean-François Boyer est un entrepreneur

ED : Jean-François Boyer a quitté Telfrance pour reprendre Tetra Media. On a déjeuné ensemble parce qu’il cherchait à constituer son équipe de fiction. Je lui ai parlé de mon projet. Et je lui ai suggéré d’en confier l’écriture Frédéric Krivine que je ne connaissais pas personnellement, mais j’avais eu la chance de lire les scénarios d’une mini-série (Nom de code DP) que j’avais trouvé remarquables. Et il fallait lui proposer d’être producteur associé. Une sorte de showrunner en fait. La série pouvait s’étendre sur plusieurs saisons et s’exporter. C’était en décembre 2004 et en janvier 2005 j’arrivais à Tetra Media comme producteur. Il n’y avait que 4 personnes.

Siritz.com : Jean François vous a confié une grosse responsabilité.

ED : Dans les grosses sociétés comme Telfrance il y a beaucoup de monde. Les jeunes producteurs travaillent sous la coupe de producteurs établis. Jean François est un entrepreneur. Il démarrait. On était 4. Il m’a donné les clefs du camion. Je n’avais pas un salaire très élevé, mais cela ne me posait pas de problème parce que je n’avais pas d’enfants : je voulais d’abord produire des séries ! Aujourd’hui je travaille avec de jeunes producteurs (Antoine Szymalka, Alexandre Boyer et Léa Gabrié qui va nous rejoindre bientôt) et, en aucun cas je leur dis qu’ils sont à mon service. Ils doivent mener à bien leurs projets.

Siritz.com : La première série diffusée a été « La commune », écrite par Abdel Raouf Dafri. C’est une excellente série qui se passe dans un quartier où s’affrontent deux clans de maghrébins, les religieux et les gangsters, dirigés par deux anciens amis d’enfance. Vous êtes le premier à avoir fait confiance à ce scénariste mais ce projet n’a été accepté par Canal+ que quand Jacques Audiard a décidé de tourner pour le cinéma son scénario « Un Prophète ». Cela prouve à quel point à cette époque le scénariste, même pour les séries, n’était pas reconnu. Abdel a expliqué pourquoi sa série s’est retrouvée à l’antenne si vite. https://siritz.com/le-carrefour/ard-prophete-du-scenario/. Après il y a eu « Un village français ».

En 2005 les chaînes ont pris conscience de leur retard dans le 52’

ED : En 2005 les chaînes ont commencé à prendre conscience de leur retard dans les séries de 52’. Il y avait eu « PJ », « Avocats et Associés », et leurs petites sœurs, les séries policières du vendredi sur France 2, « Clara Sheller » sur la case du mercredi et « Police district » sur M6. France 3 avait lancé un appel d’offre sur des 52’, qu’ils voulaient « identitaires de France 3 ». Je me disais qu’il ne fallait pas proposer de série policière et que ce ne soit pas parisien. Et l’Occupation était un genre qui marchait toujours en France. « La grande vadrouille » est un des plus grands succès de l’histoire du cinéma français. Et c’était un genre spécifiquement français qui pouvait favoriser l’exportation.

L’Occupation c’est un genre qui marche toujours en France

Siritz.com : Quelle a été la réaction de France 3 ?

ED : Anne Holmès a été la première à lire le projet et elle était enthousiaste. Et je me disais que France 3 pourrait élargir son public au-delà de son public âgé, parce que, comme dans les séries de HBO, les personnages ne seraient pas manichéens.

Siritz.com : Mais c’était une série chère.

ED : Non. Pas beaucoup plus chère que leurs fictions unitaires. Le décor, la campagne française n’a pas changée entre 40 et aujourd’hui. La première saison on a fait zéro marge. C’était vraiment un investissement, un pari sur l’avenir de Jean-François Boyer. On était des outsiders, personne ne nous attendait et il fallait penser différemment.

Siritz.com : A partir de « Un village français » vous êtes devenu un producteur reconnu et établi.

Il n’y en a pas beaucoup en France qui ont la capacité dêtre showrunner

ED : Oui. Maintenant il y a la holding Tetra media studio, qui a des filiales, dont Tetra Media fiction. Chaque filiale est dirigée par un producteur associé. La notion de coproduction est dans notre ADN. Depuis 3 ans maintenant, ITV est entré dans le capital de Tetra media Studio, ce qui nous permet de nous appuyer sur le réseau des producteurs d’ITV (dont ITV Studio America qui produit la série « Snowpiercer » pour Netflix aux Etats Unis ou Cattleya en Italie, le producteur de « Gomorra ») pour des coproductions internationales.

Siritz.com : Aujourd’hui les chaînes cherchent toutes à commander des séries. Mais une série doit avoir un showrunner qui écrit et réalise. Il y en a beaucoup en France qui ont cette capacité ?

ED : Non. C’est un des problèmes que l’on rencontre aujourd’hui pour faire plus de séries de meilleure qualité. Cette fonction demande beaucoup d’’expérience et de compétence, il ne peut pas y avoir une génération spontanée de showrunner. Aujourd’hui, beaucoup de scénaristes français, dont plusieurs anciens du département Séries de la Fémis que j’ai eu la chance d’accompagner durant plusieurs années avec Franck Philippon, sont en train d’apprendre ce métier…

Siritz.com :  Vous avez déjà fait une série pour Netflix.

ED : Oui, « Vampires ». C’est une série qui a été produite par Antoine Szymalka. Elle a malheureusement été diffusée dans un grand anonymat. C’était la première semaine du confinement en mars et toute la communication de Netflix est tombée à l’eau. Il n’y aura pas des saison 2. On est en discussion avec eux sur d’autres projets.

Siritz.com : Travailler avec Netflix c’est différent par rapport aux chaînes françaises.

Lorsqu’il commence à douter de l’auteur, le premier responsable c’est le producteur

ED : Les différences tiennent avant tout aux personnes. Chez Netflix en un an elles dont déjà changé. Au début il fallait produire très très vite. Maintenant ils prennent plus leur temps. Quand un projet correspond à la ligne éditoriale d’une chaîne, en général ça se passe bien. Quand elle intervient beaucoup c’est que le projet a été choisi pour de mauvaises raisons, quand on découvre que la vision que nous avons du projet n’est en fait pas partagée. Même chose quand un producteur intervient trop sur un texte. Lorsqu’il commence à douter de l’auteur, le premier responsable c’est le producteur. Cela veut dire qu’il s’est trompé en décidant de travailler avec cet auteur sur ce projet. Une difficulté de beaucoup de séries, c’est qu’elles reposent sur un empilement de talents et de visions et non pas sur la vision d’un scénariste-auteur accompagné par le producteur et le diffuseur.

Siritz.com : C’est aussi le problème sur le  cinéma. Les chaînes qui sont un financier déterminant, consciemment ou inconsciemment, visent le Une des magazines de télé ou de grands articles. Il faut des stars. Le scénario passe après.

 

 

THOMAS LILTI SCÉNARISTE ET RÉALISATEUR À SUCCÈS

Canal+ a diffusé dimanche 21 « Première année » sorti en salle le 12 septembre 2018. https://fr.wikipedia.org/wiki/Première_Année

 

C’est une comédie dramatique écrite et réalisée par Thomas Lilti dont c’est le 4ème film . https://fr.wikipedia.org/wiki/Thomas_Lilti

Thomas Lilti a fait des études de médecine pendant lesquelles il a réalisé trois courts métrages. Il a ensuite écrit des scénarios pour le cinéma et des séries (comme «Cœur océan » diffusée par France 2).

Cinéfinances.info* a fourni les données financières de cet article.

« Première année » a été produit par Emmanuel Barraux (Les films du Parc et 31 juin Films) pour un budget initial de 6,15 millions €. C’est Le Pacte qui l’a distribué.

Pour la préparation 39 jours de tournage et la post-production la rémunération du réalisateur a été de 125 000 €, répartie à part égale entre à valoir sur droits d’auteur et salaire de technicien. C’est la rémunération moyenne des réalisateurs de films français sortis en 2020.https://siritz.com/financine/le-barometre-des-realisateurs-fin-octobre/.

Mais il a reçu en plus 225 000 € pour le sujet et le scénario.

Le film a rassemblé plus d’un million de spectateurs.

Son précédent film était « Médecin de campagne », sorti en salle le 23 mars 2016. Il avait le même producteur et le même distributeur. Son budget initial était de 5,3 millions €.

Pour la préparation, 43 jours de tournage et la post-production sa rémunération était de 120 000 €, répartie à part égale entre à valoir sur droits d’auteur et salaire de technicien. Il avait coécrit le scénario avec Baya Kasmi et ils s’étaient partagés 100 000 €.

Ce film avait rassemblé 1 5120 000 spectateurs.

le comédien Vincent Lacoste est l’interprèterez principal de ses films.

Son film « Hippocrate », sorti en salle en 2014 avait rassemblé 914 000 spectateurs. Il en a créé une série du même nom, qu’il a réalisée et dont il a co-écrit le scénario avec trois autres scénaristes. Elle était produite par Emmanuel Barraux et diffusée par Canal+

Le film

La série

*www.Cinefinances.info est un site, accessible par abonnement,  destiné aux professionnels du cinéma.  Il publie le budget, le plan de financement et la répartition des recettes de tous les films français qui sortent (hors les films « sauvages » qui ne déposent pas leurs contrats au registre public et ne demandent donc pas l’agrément qui leur permettrait d’accéder à l’aide du CNC). Il dispose d’un puissant moteur de recherche multicritères et de 10 ans d’archives.

 

 

 

 

LES SÉRIES,  Y ONT ÉCHAPPÉ COMME LE THÉÂTRE ET L’OPÉRA

Ainsi que  l’ont brillamment démontré dans Siritz.com aussi bien Abdel Rafrou Dafri (https://siritz.com/le-carrefour/ard-prophete-du-scenario/ ) qu’un scénariste anonyme (https://siritz.com/le-carrefour/un-scenariste-met-les-pieds-dans-le-plat/), le cinéma français est victime du mythe de l’auteur-réalisateur. Un mythe sur lequel est fondé tout notre système de soutien..

Car, un film de fiction, comme une série, c’est d’abord une bonne histoire. Le réalisateur l’enrichit à l’occasion de sa mise en image, ce qui suppose qu’il sache choisir ses collaborateurs techniques de création : notamment le directeur de la photo (https://siritz.com/le-carrefour/remy-chevrin-notre-cinema-manque-dambition-visuelle/ le chef décorateur (https://siritz.com/le-carrefour/alice-bonetto-decoratrice-de-film/), le créateur des costumes

(https://siritz.com/le-carrefour/lapparence-revele-beaucoup-sur-les-personnages/ ). Il l’est aussi par son casting et sa direction d’acteurs. Il l’est enfin par son montage. Et la bande musicale est souvent aussi importante que la mise en image.

Mais, sans bon scénario il n’y a pas de bon film. Or, en France, les réalisateurs qui sont aussi de bons scénaristes se comptent sur les doigts d’une main. Ce mythe du réalisateur-auteur, inventé par la Nouvelle vague, ne se retrouve d’ailleurs que dans le cinéma. Personne n’oserait affirmer qu’un bon opéra commence par un bon metteur en scène et que le compositeur-Mozart, Wagner ou Verdi-est secondaire. Bien entendu, certaines mises en scène enrichissent considérablement des opéras. https://www.opera-online.com/fr/columns/manu34000/jean-liermier-met-en-scene-un-cosi-fan-tutte-ingenieux-mais-amer-a-lopera-de-lausanne . Il en est de même en ce qui concerne les pièces de théâtre. Mais, dans le cinéma, les réalisateurs sont, par nature, des Léonard de Vinci dotés de tous les talents.

Il est significatif que le scénario de «Un prophète», écrit par Abdel Raouf Dafri, et qui est un chef d’œuvre, n’a attiré l’attention de la profession sur le talent de celui-ci qu’à partir du moment où un grand réalisateur, Jacques Audiard, a décidé de le tourner. Ce n’est qu’alors que son projet de série, qu’il avait écrit avant, a soudain été pris en considération par un diffuseur.

Les producteurs de cinéma, et il y en a évidemment de talents, sont incités par tout notre système de soutien â produire beaucoup de films, mais pas forcément des films pour être vus. D’où 200 à 250 films par an, mais seulement de 35 à 40% de part de marché national et 10% de chiffre d’affaires à l’exportation. Et, pour parvenir à produire plus de 200 films par an, le mythe du réalisateur-auteur est commode parce que ce serait beaucoup plus difficile s’il fallait 200 bons scénarios.

Le pire c’est que ce mythe est un véritable boulet pour les réalisateurs. Un réalisateur de talent enrichit considérablement un scénario et deux réalisateurs de talents peuvent faire des films très différents à partir du même scénario. Mais, en France, on demande au réalisateur de courir à la fois le sprint et le marathon. Il a peu de chance d’être bon dans les deux disciplines.

Pour la série, l’approche est heureusement différente et le ou les scénaristes sont à l’origine de tout. Certes, notre système de soutien des séries est beaucoup moins généreux que pour le cinéma et ne permet que de financer des budgets de 800 000 à un million d’euros l’heure. Mais les diffuseurs ont besoin de programmes qui plaisent au public pour générer de la publicité ou des abonnements. Et, de plus en plus souvent, pour sortir de ce carcan et financer des budgets de 2 millions € l’heure, ils doivent viser l’exportation.

Mais la situation évolue. Jusqu’à présent les jeunes qui voulaient faire du cinéma voulaient surtout être réalisateurs. C’était le graal. Aujourd’hui ils découvrent des séries de grande qualité, américaines mais aussi françaises. Et un nombre croissant d’entre eux comprend qu’être scénariste est peut-être plus épanouissant. Et la FEMIS, à la différence de l’IDHEC, assure la formation de scénaristes et de producteurs, pas uniquement de réalisateurs.

POUR LA RÉALISATION DE SES DERNIERS FILMS

Mercredi 17 février Arte a diffusé « Quand on a 17 ans ». https://fr.wikipedia.org/wiki/L%27Adieu_à_la_nuit

C’est le 21ème  long métrage de fiction d’André Téchniné. https://fr.wikipedia.org/wiki/André_Téchiné.

A 77 ans il est incontestablement l’un des principaux réalisateurs du cinéma d’ auteur  français,  collectionnant  les récompenses et les succès. Il est reconnu comme un remarquable directeur d’acteur et ses films se veulent d’un romantisme flamboyant et violemment anti-naturalistes.

En 1995 « Les roseaux sauvages » ont obtenu le César du meilleur film, du meilleur réalisateur et du meilleur scénario ainsi que le prix Delluc.

« Quand on a 17 ans » avait été produit par Marc Missonnier (Fidélité films) et distribué par Wild Bunch en France et à l’étranger. Wild bunch était également coproducteur. Il était sorti en salle  le 30 mars 2017 et avait rassemblé    240 000 spectateurs. C’est France 2 qui l’avait co-produit. C’est donc une rediffusion. Son budget est de 5,3 millions €. Pour la préparation, 44 jours de tournage et la post-production la rémunération d’André Téchiné était de          144 000 €, répartie à part égale entre à valoir sur droits d’auteur et salaire de technicien.  Il avait co-écrit le scénario avec Céline Sciamma et ils s’étaient partagés 414 000 €.

Le film suivant d’André Téchiné est « Nos années folles », sorti en salle le 13 septembre 2017. Il était produit et distribué par ARP Sélection (Michel Halberstaedt et Laurent Pétin). Son budget était de 6,5 millions €.

https://www.google.com/?client=safari&channel=ipad_bm

Pour la préparation, 37 jours de tournage et la post-production la rémunération d’André Téchniné est la même que pour son film précédent. Il avait co-écrit le scénario avec Cédric Anger et ils s’étaient partagés 451 000 €. Le film avait rassemblé 142 0000 spectateurs.

Le dernier long métrage d’André Téchiné sorti en salle est « L’Adieu à la nuit » dont nous avons déjà parlé.

https://siritz.com/cinescoop/la-remuneration-du-realisateur-andre-techine/

Sa rémunération était de 120 000 €, soit légèrement moins que pour les deux films précédents. Il avait co-écrit le scénario et, là encore, la rémunération était en baisse puisqu’elle n’était que de 260 000 €.

 

Siritz.com : Comment êtes-vous venu au cinéma, vous n’avez même pas votre certificat d’études et, d’après ce que vous m’avez dit, vos parents étaient analphabètes ? https://fr.wikipedia.org/wiki/Abdel_Raouf_Dafri

Abdel Raouf Dafri :  Je n’ai pas fait d’études parce que je ne supportais pas la discipline de l’école, mais j’ai beaucoup lu.

Siritz.com : Mais comment êtes vous devenu scénariste de cinéma ? Et d’emblée l’un des plus grands.

ARD : En fait, ça s’est fait par le plus grand des hasards. J’habitais à Lille, une ville très socialiste, et, en 1981, les militants socialistes faisaient du porte-à-porte dans les cités. Et puis, ils faisaient des réunions où il y avait des jeunes, du café chaud. Sans adhérer j’y allais. Et c’est là que j’ai appris que, si Mitterrand était élu, il créerait les radios libres. Et les radios libres se sont ouvertes. On venait avec ses disques que l’on passait et on disait ce que l’on voulait dans le micro. Je suis devenu animateur radio et disc-jockey en boîte de nuit. J’ai fait ce métier pendant 10 ans, même à la télé. Et quand la radio est devenue professionnelle, il fallait synthétiser ses 25 secondes de présentation d’un disque, donc l’écrire. J’ai découvert aussi ce que c’était de faire l’interview et le montage d’un reportage. Et, un jour, je me suis rendu compte que j’aimais beaucoup le cinéma. Surtout le cinéma américain. J’adorais les gens comme Richard Brooks.

Siritz.com : Vous vouliez alors faire du cinéma ?

ARD : Non. Mais je lisais beaucoup de livres sur le cinéma. Je m’intéressais au « process ». Et je me suis intéressé naturellement à des scénaristes. Pour moi, au sommet il y avait Oliver Stone. Et je m’intéressais plus à un cinéma de genre qu’à un cinéma dit d’auteur. Même s’il y a des choses que j’aime chez Jean-Luc Godard. Truffaut m’a parlé avec « Les 400 coups » et « L’enfant sauvage ». Après il ne m’a pas dit grand-chose. En fait, je ressentais profondément le cinéma américain. En tout cas, à 27 ans je me suis demandé ce que j’allais faire. Je n’avais plus envie d’être animateur. Et j’ai découvert, dans un livre de Patrick Brion, que Richard Brooks avait démarré comme scénariste. L’écriture m’a semblé un job formidable.

A cette époque, en France, personne ne voulait être scénariste

Siritz.com : C’était quand ?

ARD : En 1993. A cette époque, en France, personne ne voulait être scénariste. Tout le monde voulait être réalisateur. Et je voulais être scénariste de série télé. J’avais vécu avec « Belphégor », « La 4ème dimension », « Les incorruptibles ». Je trouvais que le feuilletonnant permettait de creuser les personnages. Et HBO, la chaîne américaine du cinéma, a commencé à se lancer à son tout dans les séries.

Siritz.com : Et vous avez commencé à écrire des séries ?

ARD : Il y a deux personnes qui ont cru en moi très vite. D’abord, Martin Brossolet, de la boite de production Protécréa. Et il y a un autre monsieur qui m’a appelé, c’est Nicolas Boukhrief, qui dirigeait Canal+ écriture dans les années 90, avec Richard Grandpierre, qui deviendra producteur par la suite.

Siritz.com : Vous avez travaillé pour Protécréa ?

ARD : Moi, je pouvais écrire un épisode du « Commissaire Moulin » parce qu’il se comporte comme un vrai flic. Pour lui la fin justifie les moyens et il peut se comporter comme un fasciste. Je ne pouvais écrire un épisode de « Navarro » ou des « Cordier » parce que ça n’est pas réaliste. Dans les années 90 j’ai écrit donc le synopsis, puis le scénario d’un épisode de Moulin. Mais, avant qu’il ne soit tourné, ce que j’avais écrit s’est passé exactement de la même façon dans la réalité. A tel point qu’on ne pouvait le tourner.

Siritz.com : Vous avez écrit d’autres choses ?

ARD :Je leur avais envoyé autre chose, qui était plutôt dans le genre du romancier américain Elmore Léonard. https://fr.wikipedia.org/wiki/Elmore_Leonard Parce que Tarantino a tout pris à Léonard. On ne le dit jamais assez. J’avais écrit une histoire de 10 truands par équipe de deux qui doivent retrouver Leila, la maitresse d’un mafieux, à qui elle a volé tout son pognon et des papiers compromettant. Mais, parmi les 10, l’un est l’amant de Leila. Donc, il participe à la poursuite pour essayer de la sauver. Et chaque binôme est assez antinomique et les dialogues sont assez drôles. Ça s’appelait « GangBang ». Mais Boukhrief m’a dit que ça n’était pas le moment pour monter un film de genre.

Siritz.com : Donc deux impasses.

ARD : Oui. Alors je suis revenu dans le nord et je suis retourné à la communication d’entreprise. J’ai écrit un court métrage. Un ami l’a réalisé et ça été produit par une boîte lilloise. C’est un huis clos sur un tueur en série. Il y avait déjà de bonnes bases, mais trop de dialogue. On s’est bien marré. Et puis après j’ai continué à écrire.

Siritz.com : Mais comment avez-vous vraiment démarré ?

ARD : J’ai écrit le projet d’une série. Elle se passait dans un quartier :  deux amis d’enfance, des maghrébins d’origine, dirigent deux camps opposés. L’un, les truands, l’autre, les religieux.

Un projet de série refusé par plusieurs producteurs et quatre fois par Canal+

Siritz.com : Tout à fait d’actualité.

ARD : Mais pas à l’époque. Il a été refusé par plusieurs producteurs. Et, même, quatre fois par Canal+. Ils trouvaient que c’était un sujet dur, violent. Et puis en 2001 Martin Brossolet m’a envoyé une carte de vœux pour le nouvel an et m’a dit d’appeler le nouveau responsable de Canal+ écriture, François Cognard. Il venait de Starfix et moi je lis Starfix. Je le rencontre. Mais lui il veut orienter les films de Canal vers le dialogue, du film de genre à l’italienne. Ça n’était pas ma came. Je suis trop américain. Les grands polars américains disent tous des choses sur leur société à travers une fiction totale. John Ford a été le premier réalisateur américain à parler du racisme à travers « Le Sergent Noir ». Dans « La prisonnière du désert » John Wayne est un personnage épouvantable vis-à-vis des indiens. Mais, grâce à Canal+ j’ai rencontré Marco Cherqui, le producteur de La Compagnie des Phares et Balises. Et il m’a dit qu’il voulait faire du cinéma de genre et que, si je lui amenai une super histoire, il signait. Et un jour je lui amène « Un prophète ». A cette époque j’étais au RMI.

Siritz.com : Mais comment avez-vous écrit cette histoire ?

Un de mes films fondateurs a été « Dans la chaleur de la nuit »

ARD : Je lis énormément de livres, j’adore m’instruire.  Je suis d’origine algérienne, né en France. Mais vous m’entendez, je n’ai pas d’accent. A la télé quand j’entends parler des français d’origine maghrébine ils ont l’accent d’émigrés arrivés récemment en France. Une caricature qui n’a rien de vrai. Les maghrébins d’origine, nés en France, parlent comme les français des endroits où ils habitent. Cette représentation des maghrébins nés en France me mettait la rage. Même chose pour les noirs nés en France. A cette époque, je regardais beaucoup la télé et un de mes films fondateurs a été « Dans la chaleur de la nuit », de Norman Jewinson, avec Sidney Poitier. Et j’en avais marre de voir des films avec des arabes dominés par les blancs qui leur montrent la direction. Mais je ne voulais pas faire un film communautariste, parce que je ne suis pas communautariste. Je voulais faire un film dans lequel l’arabe ne se voit pas comme arabe, mais tous les autres, les arabes comme les corses, le voient comme tel.  Et l’acte fondateur c’est qu’il est un arabe au service des corses. Et là il a la paix. Relative, puisqu’il est esclave.

Siritz.com : Mais il évolue.

ARD : Oui parce qu’il lit et il commence à comprendre quelle est sa place. Et son cerveau évolue, mais les autres ne le voit pas. Et lui il sait qu’ils ne le voient pas. Il va donc pouvoir commencer à monter son propre plan. Il encaisse, encaisse. Et, le moment venu, il prend le pouvoir.

Siritz.com :  Vous avez enquêté sur le monde la prison, sur les truands ? C’est si réaliste.

ARD : Tous mes potes dans le nord ont fait de la prison. Je connais parce qu’ils racontent.

Pas un producteur ne signe pas avec un scénariste ans avoir un réalisateur

Siritz.com : Par quelles étapes êtes-vous passé ?

ARD : D’abord j’ai travaillé pendant trois ans sur le scénario. Puis je raconte l’histoire pendant trois heures à Marco Cherqui, le producteur de Phares et Balises. Il me dit que ça sort beaucoup des clous. Mais j’ai une chance inouïe c’est que Canal+ veut le faire.  J’écris donc un traitement de 40 pages, comme une grosse nouvelle à l’américaine. Marco Cherqui  le lit et me dit qu’on va entrer en développement. Et, à cette époque il n’y a pas un producteur qui signe avec un scénariste sans avoir un réalisateur. C’est le problème en France. On fait tellement confiance au réalisateur que le scénario peut être pourri, on monte le film quand même. Aux États-Unis c’est le scénario qui prime. Et, en France, ils ne savent pas lire.

Siritz.com : Pas tous.

ARD : Je vais vous donner un exemple très concret qui m’a été raconté par Nicolas Boukhrief. Un américain était venu le voir quand il était à Canal, avec un scénario. Il l’a lu et en est tombé amoureux. Il a dit : il faut absolument le faire en France, ça va être énorme. Il l’a envoyé à tous les plus gros producteurs de la place de Paris.  Ils l’ont fait passer en comité de lecture. Les notes de lecture sont remontées à Nicolas. Et elles disaient toutes « on ne comprend rien, on ne sait pas qui fait quoi, qui est qui ». Un des lecteurs a même dit « il faudrait mettre les scènes dans l’ordre ».  Boukhrief a rappelé le scénariste et lui a rendu compte des remarques. Le scénariste est parti proposer son scénario aux États-Unis. C’est « The Usual Suspects » ! Cette histoire m’a marqué. Voilà comment les scénarios sont lus dans nos principales boîtes de production.

Siritz.com : Donc revenons à « Un prophète ». Vous en êtes au traitement.

ARD : Oui. A cette époque j’étais très en colère et la colère n’est pas bonne conseillère. Et j’avais fait connaissance, grâce à Canal, de Nicolas Pefailly. Lui, il allait canaliser mon jeu. On a travaillé en binôme : j’écrivais 30 pages, je lui envoyais, il réagissait pendant que je continuais à avancer. On se faisait une réunion sur les 30 pages et ainsi de suite.

Jacques Audiard veut réaliser « Un Prophète »

A l’époque, la femme de Marco déjeune avec Jacques Audiard. Elle lui parle de mon traitement et Jacques demande à lire. Il propose d’être conseiller. Nous on avait déjà lancé l’écriture de la V1. Puis Jacques lit la V1. Puis on lui envoie la V2. Et là il dit : « Je veux réaliser ce projet ». On se rencontre. Et lui il n’a jamais vu d’arabe : c’est le fils de Michel Audiard. Il était surpris de la violence. Je lui dis que c’est comme ça en prison. Et qu’il devait prendre pour les rôles de vrais arabes, avec des gueules d’arabe. Et les trois quarts des mecs qu’on a pris ont un casier judiciaire. Les acteurs du film ont vécu ce que leurs personnages qu’ils interprètes ont vécu. Et ils ont conseillé Jacques. Le seul qui n’est pas de ce monde, c’est le premier rôle, Tahar Rahim, qui n’a jamais fait de prison. Il avait été remarqué dans ma série « La Commune ».

Grand prix du jury à Cannes, Prix Delluc, 9 Césars, 1,35 millions d’entrées

Puis Jacques a travaillé avec un scénariste, Thomas Bidegain, pour l’adapter le scénario à son style. Parce qu’il a une forte personnalité et veut à tout prix que ce soit du Jacques Audiard. Mais là, il est face à un scénario original. Un bouquin, on peut le violer. Kubrick l’a fait plusieurs fois. Mais sur un scénario original, c’est plus compliqué parce que j’ai une écriture très verrouillée. Par exemple, il était très embêté par la scène où le type sort une lame de rasoir de sa bouche pour en égorger un autre.  Je lui ai dit : s’il n’y a pas cette scène, on trouvera un autre réalisateur. Et si on ne s’était pas entendu là-dessus mon plan B c’était Michael Cimino. Il aurait sans doute dit oui parce qu’il n’arrivait plus à tourner à Hollywood. https://fr.wikipedia.org/wiki/Un_prophète

Siritz.com : Mais « Un Prophète » n’est pas du tout le premier de vos scénarios qui a été tourné. Il y a d’abord eu votre série « La Commune ».

ARD : Les choses se sont débloquées avec la rencontre d’Emmanuel Daucé et de Jean-François Boyer, de Tetra Média Ils étaient emballés et voulaient absolument la faire. Et puis, le bruit a commencé à courir que l’inconnu qui avait écrit ce scénario en avait écrit un autre, un long métrage qui allait être tourné par Jacques Audiard. Ça changeait tout. Et Canal a appelé Emmanuel Daucé et lui a dit qu’ils aimaient mon projet de série et qu’ils en avaient une autre qui était retardée. Ils lui ont demandé si j’étais capable d’écrire tous les épisodes de la mienne dans un délai très court pour être à l’antenne en remplacement. Emmanuel m’a demandé si je m’en sentais capable. Je lui ai dit que je n’avais pas le choix. Et le projet s’est monté très vite. Fabrice de la Patellière, le responsable de la fiction de Canal+, a été formidable. Parce que, personnellement, il avait de gros problèmes avec la violence. C’est pourquoi il privilégie des sujets psychologiques, comme « Le bureau des légendes ». Mais, à partir du moment où Canal dit oui, ils suivent. Le développement s’est bien passé. Donc Canal a diffusé les 8 épisodes de « La Commune ». https://fr.wikipedia.org/wiki/La_Commune_(série_télévisée)

Siritz.com : Comment cela a marché ?

ARD : Pas bien. Et, moi j’ai la conception américaine : on ne continue que si ça marche.

Siritz.com : Donc, « La Commune » a été votre premier scénario à être produit et diffusé. Mais, cela a été possible parce que vous aviez écrit le scénario d’un long métrage, « Un Prophète » que Jacques Audiard allait réaliser. Et, avant que « Un Prophète » ne soit réalisé, vous avez écrit le scénario de deux autres longs métrages à succès.

ARD : Cherqui distribuait le scénario de « Un Prophète » comme des petits pains. Tout le monde le lisait parce qu’ils voyaient Jacques Audiard en couverture. Or, un jour, je lis dans un article qu’un agent important, Samuelson, s’est fait casser la gueule par un producteur, Thomas Langmann. Ma réaction ça été de me dire que ce producteur était un passionné et j’ai demandé à Cherqui de me le présenter. Et il me dit que ça tombait bien, parce que lui aussi voulait me rencontrer, après avoir lu « Un prophète ».

Siritz.com : Vous le rencontrez et il vous propose « Mesrine » ?

Moi je voyais Mesrine comme un salon, pas un héros

ARD : Oui. Mais moi je cherche à caser mes propres histoires. Mesrine cela ne me tentait pas trop. Et puis il me parle de l’acteur auquel il pensait. Et je lui dis « non, je ne travaille pas avec ce monsieur. Je n’ai rien contre lui, mais je ne vais pas voir ses films. Alors je ne vais pas faire un film avec lui. » Et il me demande pour qui j’aimerais écrire ? Je réponds : Vincent Cassel.  Ça ne lui allait pas. En plus il m’avait fait lire les scénarios qui avaient été écrits jusque-là. Ils étaient très mauvais et je lui ai dit que j’avais peut-être une vision différente de la sienne.

Siritz.com : Mais s’il venait vous voir c’est que lui aussi les trouvait mauvais.

ARD :  En tout cas, je lui explique que moi je voyais Mesrine comme un salop qui s’est fabriqué un personnage, mais qui allait jusqu’u bout de sa folie et qui était un mec très dangereux. Lui, le voyait comme un héros. Je lui réponds : non. Moi je vois Nelson Mandela comme un héros, ou Martin Luther King ou Ghandi. Pas Mesrine. J’ai lu son livre « L’instinct de mort ». Il n’aime pas les arabes qu’il traite de bougnoules. Si je traite de Mesrine, je parle de l’homme, je ne fais pas de la Mesrinemanie. Thomas était embêté, mais il tenait à son projet. Et, au fonds de lui, il pensait encore me faire changer d’avis.

Siritz.com : Et qu’est-ce qui a fait avancer ce projet ?

ARD : Un jour il me dit que, pour la réalisation, il pensait à Jean-François Richet. Je lui ai dit : super, on est au moins d’accord sur un point ! Et Richet avait le même point de vue que moi sur le personnage. Puis, on a été voir Vincent Cassel et j’ai exposé ma vision. Et Cassel a dit génial. Tous les trois on a été voir Thomas qu’on a convaincu et je suis parti en écriture. Et j’ai lu deux tonnes de documentation. J’ai interviewé la première compagne de Mesrine jouée par Cécile de France. Et j’ai vu Charlie Bauer un militant d’extrême gauche, ami de Mesrine, qui a fait 25 ans de prison.

Richet c’est la méthode américaine : il n’écrit pas le scénario, il réalise

Siritz.com : Vous avez écrit avec Richet ?

ARD : Non. Lui c’est la méthode américaine. On était d’accord sur le fond et il m’a laissé écrire. Lui s’occupait de la mise en scène. Après il a fallu faire des ajustements, car chacun des deux films sur Mesrine a coûté 20 millions d’euros et il fallait s’adapter au financement disponible. Et 20 millions pour un polar sur Mesrine le métier n’y croyait pas.

https://fr.wikipedia.org/wiki/L%27Instinct_de_mort_(film)

 

 

https://fr.wikipedia.org/wiki/L%27Ennemi_public_nº_1_(film,_2008)

2 500 000 d’entrées et de nombreux prix

Siritz.com : Mais pour le deuxième film il n’y avait plus de livre d’où partir.

ARD : Il n’y avait que les faits d’armes relatés par la presse et il fallait écrire une vraie histoire. Et là j’ai compris qui était Mesrine, surtout parce que Charlie Bauer m’aidait sur cette partie de sa vie. Et j’avais la possibilité de faire ce que font les américains : mettre de la politique dans un film de genre. L’échange entre Georges Wilson et Vincent Cassel, sur la négociation de la rançon, a bien eu lieu. Et Richet avait une confiance absolue dans mon travail de scénariste.

Siritz.com : Votre scénario a été tourné tel quel.

ARD : Non. Il y avait une scène de braquage de bijouterie à Genève. Quatre minutes de silence absolu, une semaine de tournage. On n’a pas eu le budget. Ça m’a brisé le cœur. Il y a eu une deuxième scène que l’on n’a pu tourner, faute de moyens. Moi, je ne signe rien avant de voir le producteur et que nous sommes d’accord sur ce que je veux faire. On passe un accord à ce moment. Mais quand c’est pour des raisons budgétaires, on s’adapte.

Siritz.com : Et le scénario de « Gibraltar » ?

ARD : C’est une arnaque. Dimitri Rassam est, comme Thomas Langmann, le fils d’un très grand producteur. Ils ont tous les deux hérités d’une fortune. Mais Thomas est un homme formidable, un grand producteur et Dimitri n’a aucun talent et je n’ai aucun respect pour lui. Sur ce film je me suis fait avoir. Et le film n’a pas marché.

Siritz.com : Vous ne voulez qu’être scénariste et pourtant vous avez réalisé un film. Sur la guerre d’Algérie. «Qu’un sang impur », sorti en 2020.

Les français, contrairement aux américains, ont du mal à regarder leur propre merde

ARD : Ça été très compliqué. Moi je ne veux qu’être scénariste. Comme David Mamet ou David Chase. En France, le paysage est pauvre en réalisateurs de qualité. J’ai eu de la chance. J’ai eu Audiard et Richet. J’avais proposé mon film sur la guerre d’Algérie à Jean-François Richet. Mais il voulait travailler sur Lafayette. Et il me suggère de le réaliser moi-même. Moi, j’avoue, la perspective de me lever à 6 heures du matin, de me coucher à minuit, ne m’excite pas. J’en ai parlé au producteur Marc Missonnier qui adhérait au projet tout de suite. Je voulais utiliser le contexte de la guerre d’Algérie pour raconter des choses politiques à travers une fiction totale.

Siritz.com : Vous avez donc découvert la réalisation.

ARD : Oui, en tant que scénariste, je suis un des rares très bien payé, qui peut vire de sa plume. Mais en tant que réalisateur j’ai découvert ce que c’est qu’une équipe technique. Par ailleurs, mon film montre la complexité de cette guerre. Il n’y a pas d’un côté le bon FLN et de l’autre les méchants colons. Mais les journalistes n’ont pas voulu comprendre ce que je disais.

Siritz.com : Et le succès n’a pas été au rendez-vous.

ARD : Les français, contrairement aux américains, ont du mal à regarder leur propre merde. Les américains ont fait des films sur le massacre des indiens, la guerre du Viet-Nam, sur la corruption de leur politique. Nous, en France, on a de vrais problèmes avec ça. Dans « Dans la chaleur de la nuit », Sidney Poitier veut attribuer le meurtre au colon raciste et n’est donc pas si différent des blancs qui veulent faire porter le meurtre à un noir, sans preuve. C’est à partir de ce film que j’ai commencé à m’intéresser à ceux qui écrivent le cinéma, pas à ceux qui le mettent en image. Et que j’ai du mal à accepter le mythe du réalisateur scénariste.

Siritz.com : Mais vous avez découvert la réalisation. Et on n’a eu que 42 salles et pas d’affichage sur Paris. Mon producteur a appelé de grands exploitants pour qu’ils élargissent la sortie et ils lui ont dit que ce film allait attirer une clientèle qu’ils ne voulaient pas voir dans leur salles…

Je travaille sur « Un Prophète », la série

ARD : Oui. « Un Prophète », la série. 10 épisodes de 45 à 50 minutes. L’équipe originelle est de retour : Marco Cherqui, Nicolas Peufaillit. On a récupéré tous les droits. Je tiens à souligner que Phares et Balise sont des producteurs qui respectent les scénaristes

Siritz.com : Vous avez déjà une chaîne ?

ARD : Non. Nous sommes financés par Media Musketeers Studio » dirigée par Sébastien Janin. En fait il est financé par un groupe américain. Nous avons de gros moyens. Ce sera du 2 millions € l’épisode.  J’ai écrit l’arche narrative, la bible et les deux premiers épisodes.

Siritz.com : C’est un arabe qui est le héros ?

ARD : Avant « Un Prophète » les arabes n’existent pas dans le cinéma français. Après « Un Prophète » ils ont fait carrière. On voit avec le Covid qu’il y a des tas de toubibs arabes. Donc un arabe ne peut plus passer inaperçu. Il faut prendre une ethnie qu’on ne voit pas. J’ai choisi un africain, un comorien.

Siritz.com : C’est tout ?

Je vais écrire aussi la série « Madame Claude »

ARD : Non. J’ai signé un projet avec Fabio Conversi (Babe film) et Malika Abdelaoui (Marathon Studio). « Madame Claude ».

Siritz.com : Dans les années 70 il y a déjà eu deux longs métrages sur le sujet.

ARD : Oui. Là c’est une série et il y aura beaucoup de révélations sur la France de l’époque. C’est un personnage extraordinaire. Ce projet intéresse déjà beaucoup les américains.

Siritz.com : Vous travaillez à la fois pour le cinéma et les séries. Comment voyez-vous l’avenir du cinéma ?

ARD : Les plateformes vont avoir des moyens considérables et elles, elles vont privilégier le scénario. Pour que j’aille au cinéma il faudra me proposer James Bond, Top Gun ou Matrix 4. Ce qu’on ne veut pas voir sur un grand écran de télé. Il y a Dune aussi. Mais Warner a promis de le diffuser en même temps sur HBO Max et en salle. Et HBO Max sera France en 2022.

 

https://siritz.com/le-carrefour/un-scenariste-met-les-pieds-dans-le-plat/

POUR LA RÉALISATION DE « L’EMBARRAS DU CHOIX »

Dimanche 14 février France 2 a diffusé en prime-time « L’embarras du choix », une comédie romantique sortie en salle le 15 mars 2016 https://fr.wikipedia.org/wiki/L%27Embarras_du_choix.

Il a été réalisé par Eric Lavaine dont c’est le 7ème long métrage  et qui a mené aussi une carrière de scénariste. https://fr.wikipedia.org/wiki/Éric_Lavaine

Cinéfinances.info* a fourni les données financières de cet article.

Le film a comme producteurs délégués à 50/50 Alain Benguigui (Sombrero Films), Thomas Verhaeghe  (Atelier de production). Son budget initial est de 8 millions € et il est distribué par Pathé.

Pour la préparation, 41 jours de tournage et la post-production, la rémunération du réalisateur est de 93 000 €, répartie entre 45 000 € d’à valoir sur droits d’auteur et 48 000 € de salaire de technicien. C’est beaucoup moins que la rémunération médiane des réalisateurs de films français sortis en 2020. https://siritz.com/financine/le-barometre-des-realisateurs-fin-octobre/Néanmoins,  le scénario a été co-écrit avec Laurent Turner, Laure Hennequart et ils se sont partagés 359 000 €.

Le film a rassemblé 445 000 entrées.

Le film suivant d’Eric Lavaine est la comédie »Chamboultout », sorti en salle le 3 avril 2019. Il était produit par Vincent Roger (Same Player) pour un budget de 9,3 millions € et distribué par Gaumont.

Pour la préparation, 40 jours de tournage et la post-production la rémunération du réalisateur est de 250 000 €, répartie à part égale entre à valoir sur droits d’auteur et salaire de technicien. Le scénario a été co-écrit avec Bruno Lavaine et Barbara Halary-Lafond et ils se sont partagés 150 000 €. Les rémunérations supplémentaires de la  création sont en outre de 440 000 €.

Le film a rassemblé 715 000 spectateurs.

Le prochain film d’Eric Lavaine, « Un tour chez ma fille », n’est pas encore sorti.

*www.Cinefinances.info est un site, accessible par abonnement,  destiné aux professionnels du cinéma.  Il publie le budget, le plan de financement et la répartition des recettes de tous les films français qui sortent (hors les films « sauvages » qui ne déposent pas leurs contrats au registre public et ne demandent donc pas l’agrément qui leur permettrait d’accéder à l’aide du CNC). Il dispose d’un puissant moteur de recherche multicritères et de 10 ans d’archives.

 

 

POUR LA RÉALISATION DE « MON POUSSIN »

Dimanche 7 février TF1 a diffusé en prime-time la comédie française, « Mon poussin », sortie en salle le 28 juin 2017. https://fr.wikipedia.org/wiki/Mon_poussin

 

Le film a été réalisé par Frédéric Forestier dont c’est le 7ème long métrage et qui a aujourd’hui 51 ans. https://fr.wikipedia.org/wiki/Frédéric_Forestier

Cinéfinances.info* a fourni les données financières de cet article.

Le film a été produit par Brigitte Maccioni (Les Films du 24, filiale d’UGC) et distribué par UGC. TF1 est la chaîne en clair qui l’a coproduit et préacheté.  Elle l’avait déjà diffusé.

Pour la préparation, 42 jours de tournage et la post-production la rémunération du réalisateur a été de 200 000 €, répartie, en part égale, entre à valoir sur droits d’auteur et salaire de technicien.

C’est légèrement plus que la rémunération moyenne des réalisateurs de films français sortis en 2020. https://siritz.com/financine/le-barometre-des-realisateurs-fin-octobre/https://siritz.com/financine/le-barometre-des-realisateurs-fin-octobre/.

Le film a rassemblé 332 000 spectateurs en salle.

C’est le groupe Canal+ qui avait été, de loin, la principale source de financement de la chaîne avec un préachat de 2 072 000 € de Canal+, de 256 000 € de Multithématiques et de 200 000 € de C8. Soit 28% du budget initial.

Le précédent long métrage réalisé par Frédéric Forestier était « Colt 45 », coréalisé avec Fabrice du Weiz. C’était un thriller.

Il était produit par Thomas Langmann (La Petite Reine), pour un budget de 12,8 millions €. Warner l’a distribué en salle et en vidéo en France.

Pour la préparation, 38 jours de tournage et la post-production la rémunération des réalisateurs n’avait été que de 90 000 €, dont 40 000 € d’à valoir sur droits d’auteur et 50 000 € de salaires de technicien.

*www.Cinefinances.info est un site, accessible par abonnement, destiné aux professionnels du cinéma.  Il publie le budget, le plan de financement et la répartition des recettes de tous les films français qui sortent (hors les films « sauvages » qui ne déposent pas leurs contrats au registre public et ne demandent donc pas l’agrément qui leur permettrait d’accéder à l’aide du CNC). Il dispose d’un puissant moteur de recherche multicritères et de 10 ans d’archives.

PRODUIRE DES OEUVRES POUR LE PUBLIC EN FRANCE ET DANS LE MONDE

Le Carrefour, « Un scénariste met les pieds dans le plat » a suscité un record de réactions, toutes laudatives, sur les réseaux sociaux ou par mail. https://siritz.com/le-carrefour/un-scenariste-met-les-pieds-dans-le-plat/

Tout d’abord parce que cette analyse est très juste et nous allons revenir là-dessus. Mais aussi parce que, en France, l’avènement de la série a été aussi celui de l’avènement des scénaristes. Comme on le sait, dans notre pays, depuis la Nouvelle vague, le dogme est qu’un un film c’est essentiellement un réalisateur. Bien que les plus grands réalisateurs de la Nouvelle vague (Truffaut, Resnais, etc…) ont souvent créé leurs films avec de non moins grands scénaristes (Grunberg, Semprun, etc..). Comme nos grands réalisateurs d’avant la Nouvelle vague (Renoir, Carné, Duvivier, etc…)  dont ils disaient se démarquer.

Mais, ainsi  que le remarque notre scénariste, les plateformes et les chaînes ont besoin que leurs séries soient vues et appréciés pour justifier des renouvellements d’abonnement et en susciter de nouveaux. Or, pour y parvenir, il faut commencer par un bon scénario. Bien entendu, une série, encore plus qu’un film, c’est une œuvre collective. Et les bons scénaristes, comme les bons réalisateurs, ne se ramassent pas à la pelle. Donc, désormais, les scénaristes sont écoutés. D’où, le succès de cet article, comme de Paroles de scénaristes sur Facebook.

Notre écosystème pousse nos producteur à être essentiellement des monteurs d’affaires

Et ce que ce scénariste a dit de plus marquant c’est que « beaucoup de films ne sont pas fait pour être vus mais tour être financés ». En fait, tout l’écosystème de notre cinéma pousse les producteurs à être essentiellement des monteurs d’affaires. Ils ont besoin de savoir où trouver des financements, pas forcément de savoir lire un scénario ou constituer une équipe de tournage compétente. Dans notre site Cinéfinances.info on trouve régulièrement des films pour lesquels le producteur a dû trouver une vingtaine de sources de financement et d’autres où il est clairement bénéficiaire avant que le film ne sorte. https://www.cinefinances.info

Parmi les réactions que le Carrefour de vendredi a suscité celle du scénariste-réalisateur Bruno François-Boucher

https://fr.wikipedia.org/wiki/Bruno_François-Boucher qui a notamment fait des documentaires sur de grands réalisateurs et de grands films, est particulièrement intéressante :

Évidemment c’est très intéressant. Je trouve que l’un des exemples qui convient le mieux au cinéma, quel que soit le pays et le budget qu’on a, c’est celui de Spielberg (n’oublions pas qu’il a commencé avec des films en Super 8.) Il dit qu’il a toujours essayé de mettre le double à l’écran de ce qu’il avait à sa disposition, que ce soit moins d’1 million (Duel) ou 100 millions. À partir de ce constat cela veut dire qu’il faut d’abord trouver des gens plus que motivés, prêts à faire des sacrifices, s’organiser pour tourner très vite et faire preuve d’une imagination débordante pour donner cette illusion du plus. En fait il prend le problème à l’envers.

Dans un autre genre, Satyajit Ray avait toujours rêvé de faire un film d’aventures de corsaires, mais il n’a jamais eu que de très petits budgets pour faire des films intimistes. Il a adapté son outil, ce qui ne l’a pas empêché d’être l’un des cinéastes les plus reconnus dans le monde. Comme Éric Rohmer dans son genre. Le tout, entre ces trois, c’est de trouver la bonne solution. Facile à dire, pas toujours à faire. Très dur même. Mais le cinéma est comme ça. »

Le rapport Bonnell sur le financement de la production et de la distribution française

Le défaut de notre système a déjà été dénoncé par René Bonnell du point de vue d’un économiste mais d’aussi d’un professionnel qui a dirigé le cinéma à Canal+, puis à France télévisions. Il avait rendu en 2014 un « rapport sur le financement de la production et de la distribution française à l’heure du numérique. » nombre de ses propositions ont été reprises, mais pas toutes. Et, depuis, la situation a beaucoup évolué. Nous l’avions interrogé l’année dernière sur le même sujet et il avait fait des suggestions supplémentaires.

En tout cas, comme nous ne cessons de le rappeler, l’arrivée des grandes plateformes internationales va tout changer. Les producteurs français se battent pour qu’elles consacrent 20% de leur chiffre d’affaires dans l’investissement dans des œuvres françaises dont 20% dans les films de cinéma et qu’elles respectent, pour ces films, la chronologie des médias. Mais les questions essentielles, c’est-à-dire de survie, ne sont pas abordées : comment faire en sorte que le chiffre d’affaire de notre exportation de films ne soit que de 10% par ce que notre production est fondée sur l’autarcie ? Surtout, alors que les films français ne représentent que 35 à 40% du marché des salles en France, comment compenser la probable très forte réduction de films américains qui, jusqu’ici représentent 50% de ce marché. Car il est probable qu’en plus de Netflix, les majors américaines du cinéma, à commencer par Disney et Warner, vont réserver leurs plus importantes productions ainsi que leurs principaux talents et stars, à leurs propres plateformes qui représentent un marché potentiel dix fois plus important que celui de leurs films de cinéma.

Les plateformes vont tout bouleverser

La priorité du cinéma français est de se préparer à ce bouleversement. https://siritz.com/editorial/s-vod-quelle-riposte-des-exploitants/

La nécessite de moderniser profondément notre système de soutien à la création est d’ailleurs reconnue par la tribune commune qu’ont signé, dans Le Monde, Jérôme Seydoux le PDG de Pathé et Pascal Rogard, le directeur général de la SACD. https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/02/13/cinema-apres-le-covid-19-le-retour-a-la-vie-devra-s-accompagner-d-une-profonde-modernisation-de-notre-systeme-de-soutien-a-la-creation_6069873_3232.html

 

 

LA COPRODUCTION EUROPÉNNE D’UN PREMIER FILM

Ce mercredi OCS diffuse « Jumbo », le premier film de la réalisatrice belge Zoé Wittock. En France il est sorti en salle le 1er juillet 2020. C’est une coproduction entre la France (30%), le Luxembourg (37%) et la Belgique (33%) dont le budget initial total est de 2,77 millions €.

Siritz.com a déjà consacré un article à la rémunération de la réalisatrice lors de sa sortie en salle. https://siritz.com/cinescoop/la-remuneration-de-zoe-wittock-pour-jumbo/. Mais le financement de ce premier film est également très intéressant.

Cinéfinances.info* a fourni les données financières de cet article.

Tout d’abord, notons que, dans le plan de financement initial, le producteur délégué français, Insolence productions (Anaïs Bertrand, Pascaline Saillat, Amélie Mallard) a investi en numéraire 63 000 €, le luxembourgeois les Films Fauves (Gilles Chanial) 63 000 € et le belge Kwassa Films (Anabelle Nezri) 67 000 €. Au total, donc, 166 000 €. Or, dans le budget sont inscrit 226 000 € de salaire producteur et 195 000 € de frais généraux.

Bien entendu, ces dépenses se justifient par le fait que le ou les producteurs mettent des mois, voire des années avant de monter un film et que leur métier consiste à travailler sur plusieurs films à la fois dont seule une minorité aboutissent.

Autre caractéristique, les aides publiques nationales sont importantes : en France, 470 000 € d’avance sur recettes plus 15 000 € d’aide à la musique du CNC ; au Luxembourg 910 000 € d’Aide Financière Sélective ; en Belgique 600 000 € de tax shelter, 100 000 € de la Fédération Wallonie Bruxelles, 75 000 € de Wallimages. Soit au total 2 170 000 €, c’est à dire 78% du budget du film. Certes, certaines de ces aides ne sont que des avances, comme l’Avance sur recettes, mais elles ne sont à rembourser que quand le film commence à être bénéficiaire. En outre s’ajoute les avances du fonds Eurimages, soutien aux coproductions européennes, qui s’élève à 250 000 €. Donc les financements publics représentent  en tout 87% du financement du film !

En France Rezo Films a accordé un minimum garanti de 50 000 € et le film n’a rassemblé que 6 000 spectateurs et WT Film Export a accordé un minimum garanti de 80 000 € pour le mandat export.  Cela rappelle à quel point les distributeurs sont ceux qui prennent le plus de risques dans le cinéma alors qu’ils sont le maillon essentiel puisque, sans une sortie salle, le montage financier ne se boucle pas.

En Belgique la chaîne Be tv a acheté le film 15 000€.

*www.Cinefinances.info est un site, accessible par abonnement, destiné aux professionnels du cinéma.  Il publie le budget, le plan de financement et la répartition des recettes de tous les films français qui sortent (hors les films « sauvages » qui ne déposent pas leurs contrats au registre public et ne demandent donc pas l’agrément qui leur permettrait d’accéder à l’aide du CNC). Il dispose d’un puissant moteur de recherche multicritères et de 10 ans d’archives.