IL DENONCE L’ÉCOSYSÈME DE NOTRE CINÉMA ET AUDIOVISUEL
Alan Smithie*, scénariste hollywoodien mythique, plutôt que de suggérer des pansements couteux et des traitements dispendieux en rajout à un système déjà sous perfusion, a étudié la question avec un regard aussi persan qu’un touriste de Montesquieu.* https://fr.wikipedia.org/wiki/Alan_Smithee
Comme Uzbek ou Riga, il a tenu à ce qu’on se pose toutes les vraies questions. Qu’on regarde d’où vient et où va l’argent qui nous manque.
Des comparaisons internationales accablantes
Comparaison avec Israël et les pays scandinaves
Voici les quelques pistes qu’il a dégagé :
– l’audiovisuel français génère 10 fois plus de recettes sur son marché intérieur qu’à l’étranger. Israël ou les pays scandinaves font exactement l’inverse. Mathématique de la démographie ? Certes. Mais dans leurs marchés intérieurs, numériquement faibles, les fictions sont vues par les 2/3 de la population. Et elles récoltent infiniment plus de prix et génèrent plus de remakes ou d’adaptations de leurs formats au-delà de leurs frontières. Le business model les pousse vers l’excellence, là où le nôtre réserve cette exigence à des exceptions qui confirment la règle. Pourtant, n’avons-nous pas les mêmes neurones en France qu’ailleurs ? Sommes-nous à ce point plus médiocres que nos voisins ? La réponse est évidement dans le système productif et éditorial que le monde entier nous envie.
– Ce système loué, révéré, défendu bec et ongles permet en effet de faire des centaines de films par an, là où des pays à bassin de population comparables se limitent à des dizaines, ou moins encore. Cocorico ? Podium ? En quantité, sûrement. En qualité, c’est autre chose. Combien de ces centaines de films sont primés internationalement ? Combien ont une sortie technique, et ne résultent que d’obligations des chaînes d’aligner sur leur étagère des produits qui n’ont même pas été des prototypes, c’est à dire bénéficié de recherche et de vision, et modélisé l’excellence (ce qu’un prototype industriel se doit de faire, et le cinéma, qu’on le veuille ou non reste une industrie) ? Combien de films sortis en salles ne passeraient même pas le test du visionnage pour être diffusés comme téléfilm ? Combien de scénarios ne passent pas une check-list basique de cohérence, d’empathie ou d’addiction ? (un indice: beaucoup – parce qu’on ne leur demande pas d’être bons mais de noircir des pages! Et que ceux qui devraient leur demander n’ont pas la formation nécessaire pour le faire. Comment faire réécrire si on n’a pas appris à lire ?)
On vante une industrie de prototypes (qui n’en sont même pas, en fait) contre les odieuses usines à rêves. Pourtant, de Sophocle à Eugène Sue ou David Fincher, la drogue de synthèse des créateurs est la même : l’émotion, et le but le même : en fourguer au plus grand nombre. Hugo n’avait aucune envie de rester confidentiel, et la plupart d’entre nous non plus. Ce n’est donc pas l’objectif de l’auteur, son travail, mais son organisation, le mode de fabrication, les intermédiaires, les flux d’argent et de décision, et l’architecture financière de son capital qui sont en cause. Aurions-nous donc privilégié le nombre de personnes rémunérés sur la bête plus que la bête elle-même ? En bref, l’emploi primerait-il sur la création ?
Beaucoup de films ne sont pas faits pour être vus mais pour être financés
– nous approchons là d’un vilain secret : beaucoup de films, n’en déplaise à leurs auteurs ou interprètes qui n’en sont pas tous conscients, ne sont pas des films (merci Magritte), mais de simples pompes à pognon. Ben oui. Ils ne sont pas fait pour être vus et appréciés mais pour être financés. Point barre. Le public que nous (les auteurs) visons n’a rien à faire dans cette équation-là. Dur à admettre, mais tellement vrai. Nous ne sommes que les plombiers méprisés de ce syphon rutilant. De simples machines à générer du financement. Et de l’emploi. Et des heures d’intermittence. Le scénario n’a alors rien d’une partition à exécuter, c’est un simple générateur (hélas indispensable, quelle misère !) d’aide, de crédit, un prétexte à Soficas, tax shelter, crédit d’impôt, aides en tous genres (ville, département, région, nation, etc.). Et les plus puissants de nos bailleurs de fonds l’ont compris. Et c’est ainsi que beaucoup de scénaristes victimes sont complices, souvent à l’insu de leur plein gré : ils pérennisent la pompe à fric qui fait des films jetables et des collaborateurs jetés.
– vous vous souvenez de Bowfinger? Dans ce film, le personnage créé par Steve Martin, un producteur aussi génial que désillusionné, explique qu’aucun blockbuster au monde ne coute plus de 2, 184 dollars à produire : tout le reste n’est que combines, publicité et sur-financement. Derrière la galéjade, une vérité au-delà de l’Atlantique comme en deçà. Le ras-le-bol de Maraval sur la sur-inflation des salaires de stars en 2012 ne disait pas toutefois (par pudeur, sans doute) que sa propre marge de producteur (outré comme il se devait de l’être) était indexée sur le budget total du film. Un téléfilm a deux millions ne génère pas beaucoup de bénéfices. Avec la même quantité de travail à peu de chose près au cinéma, le même scénario avec des stars multiplie le budget par 10, et les 15% de marge commencent à en valoir la peine. On commence à comprendre. La qualité n’a pas à être au rendez-vous. Pourquoi écrire pour le public quand ce sont les banques qui vous font vivre ?
C’est là que notre génie national entre en jeu
– Quelle marge si le film n’est pas un succès, me direz-vous ? Comment faire rentrer l’argent quand on ne rentre même pas dans ses frais ! C’est là que notre génie national entre en jeu. La magie de notre exception culturelle ? Celle du budget, automatique. Mais pas que. Certains directeurs de production (qualifiés de magiciens, eux aussi, dont on se repasse les coordonnées comme celles d’une voyante ou d’une maison close) sont de vrais faiseurs de miracles. Avec eux, la marge, c’est le gras du film. On l’enlève ? Surtout pas ! On se la mange ! Ces number crunchers ont d’ailleurs dans leur contrat des pourcentages sur les économies réalisées. Qui sont autant de bénéfices si on ne change pas le budget et le plan de financement du film, ainsi bénéficiaire AVANT son premier tout de manivelle. On budgétise à 100, on finance à 100 ou idéalement plus, on tourne à 75, pour simplifier. Le gras, c’est du bénèf ! Le meilleur scénario se voit alors amputé de scènes de nuit, de véhicules, de figurants, d’enfants, de décors, de costumes, de renforts maquillage/coiffure, de montage, de musique, d’effets spéciaux, de place à la cantine, de caravanes et de voitures ventouses, d’animaux, de cascades ou de musique, bref d’une bonne partie des notes de sa partition : sans ligne de flute, pas besoin de flutiste, le pipo suffit.
Un prestataire de plateaux repas dans le transport aérien m’expliquait qu’une olive pouvait facilement coûter
100 000 euros sur un ravier en plastique (du temps où on prenait l’avion, vous vous souvenez? ), si on la ramenait aux centaines de millions de plateau servis. Une belle scène ? Pour quoi faire si elle est chère, alors qu’un trait de plume ou une touche delete ramène bien plus de sous ? A condition qu’on l’écrive et qu’on la budgétise avant de l’effacer, bien sûr. La création ? Elle est toute entière dans la comptabilité. Reconnue outre-Atlantique qui la pratique aussi. C’est à ce prix que la saga Harry Potter est toujours déficitaire. Mais au moins a-t-elle trouvé son public : le creative accounting de nos voisins vise à en capter les bénéfices en aval, pas à anémier en amont la production value, considérée, elle, comme un produit d’appel dans la plupart des pays étrangers.
Le scénario est d’abord une agence pôle emploi avant d’être une histoire
– Ce secret de polichinelle est partagé jusqu’au CNC, dont les huiles connaissent parfaitement les rouages du système qu’elles lubrifient. Lors d’un séminaire de formation continue sur le financement, il y a quelques années (restons flou) le formateur était gêné d’expliqué à certains pontes de l’institution qu’il fallait apprendre à faire, non un budget, mais 6 ou bien plus pour le même film. Un peu comme pour le Zizi de Pierre Perret, il y en avait pour toutes les bourses. Le sous-gonflé à x pour cent (pour la copro), à y pour cent (pour le fisc), le sur-gonflé à 40% (pour le CNC), celui avec les fausses dépenses (région), etc., et le vrai (ultra-secret et connu d’une poignée d’initiés). Le numéro 3 du CNC d’alors avait éclaté de rire : « tu crois qu’on n’est pas au courant ? Qu’on ignore que votre coût budgétisé d’un HMI loué à la journée, multiplié par X jours au tarif catalogue Transpalux ne sera pas, dûment négocié, divisé par 10 sur la durée du tournage ? ? On le sait parfaitement ! Mais comme on est plafonné à un pourcentage de votre total pour vous aider, on vous demanderait de tricher si vous ne le faisiez pas. Sinon, l’Etat ponctionnerait cet argent non employé pour sa dette ! (ce qu’il fait, d’ailleurs).»
– un autre exemple ? Pourquoi tant de non-auteurs veulent s’approprier un scénario ? On invoquera pêle-mêle la faiblesse des dommages punitifs, la méconnaissance des tribunaux, du processus créatif et le désir refoulé d’enfantement de créateurs stériles qui adoptent de force un projet et imposent leur patronyme au forceps. Foin de cette psychanalyse : mentionne-t-on jamais qu’un scénario payable en droits d’auteur, c’est 6 à 7 fois moins de charges et d’impôts divers qu’un technicien ? Si on épluche de près les contrats des gros films, on verra que le réalisateur préfère très largement minimiser son salaire et sur-enfler le prix du scénario (qu’il l’ait écrit ou pas) de centaines de milliers d’euros : 30% de bonus sur le fisc !
– On continue ? le scénario est d’abord une agence pôle emploi avant d’être une histoire: il va donner ses 507 heures aux dizaines, cinquantaines ou centaines d’intermittents qui travailleront dessus. Il va générer ainsi non seulement le salaire de toute une équipe, mais son chômage tout le reste de l’année. Faites le calcul !
Un scénario rapporte sans jamais être tourné
– poursuivons encore. Même ceux qui ont collaboré à un scénario qui n’a en 20 ans jamais été libre plus de quelques mois, pourront vous assurer qu’un scénario rapporte sans jamais être tourné. Si, vous avez bien lu. C’est une machine à cash ! D’abord, annoncer qu’on veut le produire, contrat à l’appui, génère des lignes d’escompte de banque considérables, à 7 ou 8 chiffres pour le pris d’une option qui n’en a que 4. Avec tableau excel de financement, plan de travail et tout le toutim. Ensuite viennent les « retainer fees », ces sommes qu’une star de l’interprétariat ou de la réalisation réclame pour qu’on puisse le ou la dire attaché(e) au film, ajoutant ainsi poids, crédibilité, re-financement toujours. De quoi payer les salaires, voyages, repas et autres frais généraux d’une boite pendant des années. A perte ? Pas pour tout le monde, puisque les salaires sont versés dans ce purgatoire entre enfer de l’abandon et paradis du tournage (le scénariste, lui, patiente). Une boite tourne extrêmement bien avec 3, 5 ou 10 projets en gestation. Ce sera de les tourner qui coûterait le plus cher. Et probablement le moins rentable.
– Mais les financiers dans tout ça ? Pas de souci, puisque ce n’est que rarement leur argent : les personnes prennent leur dû, les sociétés lissent leurs pertes, en amortissement, sur 3 ans. 3 ans pendant lesquels on s’est payé sur la bête. Les loyers, l’école des enfants, les vacances à la neige ou au soleil ont toujours lieu, que le film marche ou pas. Or, pour qu’il marche, il faudrait du travail, de l’écoute, de la réécriture. Est-ce vraiment nécessaire ? Mieux vaut en prendre un autre et ne pas se casser la tête et la tirelire.
Les plateformes font films et séries pas pour les banques mais pour le public
– bon, la pandémie rebat les cartes et, clouant le public chez lui, oblige à faire des films (et surtout, désormais, des séries) pour lui. Un comble. C’est là où il faut prendre une pierre et lapider les odieuses plateformes qui menacent notre beau système. Bon, reconnaissons que question partage, elles n’ont aucun scrupule à garder tous les droits pour l’éternité, les planètes non encore découvertes, et les moyens de diffusion inconnus à ce jour. C’est, sur le pas si long terme, une terrible menace sur nos rémunérations. Mais force est de reconnaître que les films et les séries, elles ne les font pas pour les banques, pas pour le huitième étage, mais pour le public ; même s’il risque d’être réduit à un algorithme, la recette est efficace et le business model plutôt orienté contenu que contenant. C’est déjà ça. Un objectif où on peut les rejoindre, même si on risque, les contrats susnommés abritent trop souvent les auteurs des retombées financières auxquelles ils pourraient prétendre
– enfin vient la feuille de répartition des droits de diff, qui génère autant de bienfaits que d’effets pervers. Je ne militerai jamais pour sa suppression, mais force est de constater que d’un seul coup, il est aussi difficile de partager son expertise (et donc le savoir-faire global du métier) avec d’autres auteurs quand des sommes y sont attachées, et que les pique assiettes s’invitent souvent à ce festin, sortant de derrière les fagots des contrats de co-auteurs comme une super bouteille (à l’amer à boire) gardée pour la bonne occasion.
Propositions pour rendre le business model plus axé sur le contenu
Tout ça pour vous dire qu’il nous faut, après avoir montré nos cicatrices, travailler sur la prévention. Rendre le business model plus axé sur le contenu, plus vertueux, de force, puisque de gré est manifestement et résolument impensable
– les budgets, oui mais comment les rendre VRAIMENT transparents ?
– donner un intéressement annuel automatique aux créateurs SAUF si contredit par la reddition des comptes annuels, devenue de fait obligatoire
– toute recette n’est pas bénéficiaire : les scénaristes doivent être intéressé(e)s à chaque euro financé que leur contenu génère (accord de coproduction, préachat, financement d’aides publiques, etc.), puisque tout se fait sur leurs scénarios. Il faut en finir avec les RNPP fantômes dont on ne voit pas l’ombre d’un nano-iota après les pléthoriques zéros après la virgule. C’est dès la conception que le scénariste doit être rémunéré.
– repenser l’intermittence autrement ? Y intéresser les scénaristes qui la rendent possible ?
– avoir des dommages punitifs dissuasifs, pour que polluer ou tricher coûte beaucoup, beaucoup plus cher que payer. Avec une publicité conséquente ? Une interdiction d’exercer ? Une saisie sur fonds propres ? Une blacklist déposée à la SACD ? Une juridiction mieux dédiée, mieux formée que l’existante ?
– repenser la feuille de droits ?
– avoir notre MBA (enfin !) Non, pas le diplôme de manager (quoique), mais l’équivalent français du Minimum Basic Agrément, ou Agrément Basique Minimal qui soit opposable à tout contrat. Avec des rémunérations du brainstorming et des ateliers, et pour chaque étape des prix planchers, si si, puisque qu’actuellement, on voit le troisième sous-sol depuis le grenier.
– un pourcentage automatique sur TOUTE vente au premier euro collecté : les créateurs sont devenus, de fait, depuis des années les plus gros financiers de l’audiovisuel, par les millions d’heures de travail gratuit fournies sans compter ni rémunération.
– une fusion syndicat et SACD, notre société de perception ne distribuant pas les droits sur des contrats ne rentrant pas dans le MBA précité serait le meilleur bouclier pour que ses membres refusent de signer les ukases léonins devenus de fait aussi caduques qu’illégaux.
– une partition des répertoires et un cloisonnement permettant à chaque corporation créative de défendre ses intérêts propres autant que les intérêts communs lorsque l’unité est de mise.
– une variété de grades de rémunération salariée pour toute commande ou adaptation de format existant qui permette le partage des savoirs vers les plus jeunes en atelier.
– des durées d’exploitation et vente plus courtes et éphémères (30 ans, c’est beaucoup trop en ces temps d’accélération fulgurante de consommation et d’empilement croissant de contenus, 10 ou 15 suffiraient largement), des retours plus clairs aux créateurs à défaut d’exploitation, sans ces clauses scélérates qui rendent les auteurs responsables et redevables des dettes que leur producteur à grassement généré sur leur travail.
Voilà quelques pistes pour l’instant. Maladroites ? Alan Smithie volontiers. Indispensables ? Sans aucun doute.
Car notre business model n’est plus le même, plus le bon. Alors que les modes de production et de consommation changeaient, de vicié, il est devenu vicieux, fautif et pousse-au-crime. Il est plus qu’urgent de le repenser.
Qui a dit « grève » ?
M.D
PS : Sur le scénario Siritz.com a publié un Carrefour https://siritz.com/le-carrefour/evaluer-un-scenario-par-yves-lavandier/
UN SCENARISTE MET LES PIEDS DANS LE PLAT
Le CarrefourIL DENONCE L’ÉCOSYSÈME DE NOTRE CINÉMA ET AUDIOVISUEL
Alan Smithie*, scénariste hollywoodien mythique, plutôt que de suggérer des pansements couteux et des traitements dispendieux en rajout à un système déjà sous perfusion, a étudié la question avec un regard aussi persan qu’un touriste de Montesquieu.* https://fr.wikipedia.org/wiki/Alan_Smithee
Comme Uzbek ou Riga, il a tenu à ce qu’on se pose toutes les vraies questions. Qu’on regarde d’où vient et où va l’argent qui nous manque.
Des comparaisons internationales accablantes
Comparaison avec Israël et les pays scandinaves
Voici les quelques pistes qu’il a dégagé :
– l’audiovisuel français génère 10 fois plus de recettes sur son marché intérieur qu’à l’étranger. Israël ou les pays scandinaves font exactement l’inverse. Mathématique de la démographie ? Certes. Mais dans leurs marchés intérieurs, numériquement faibles, les fictions sont vues par les 2/3 de la population. Et elles récoltent infiniment plus de prix et génèrent plus de remakes ou d’adaptations de leurs formats au-delà de leurs frontières. Le business model les pousse vers l’excellence, là où le nôtre réserve cette exigence à des exceptions qui confirment la règle. Pourtant, n’avons-nous pas les mêmes neurones en France qu’ailleurs ? Sommes-nous à ce point plus médiocres que nos voisins ? La réponse est évidement dans le système productif et éditorial que le monde entier nous envie.
– Ce système loué, révéré, défendu bec et ongles permet en effet de faire des centaines de films par an, là où des pays à bassin de population comparables se limitent à des dizaines, ou moins encore. Cocorico ? Podium ? En quantité, sûrement. En qualité, c’est autre chose. Combien de ces centaines de films sont primés internationalement ? Combien ont une sortie technique, et ne résultent que d’obligations des chaînes d’aligner sur leur étagère des produits qui n’ont même pas été des prototypes, c’est à dire bénéficié de recherche et de vision, et modélisé l’excellence (ce qu’un prototype industriel se doit de faire, et le cinéma, qu’on le veuille ou non reste une industrie) ? Combien de films sortis en salles ne passeraient même pas le test du visionnage pour être diffusés comme téléfilm ? Combien de scénarios ne passent pas une check-list basique de cohérence, d’empathie ou d’addiction ? (un indice: beaucoup – parce qu’on ne leur demande pas d’être bons mais de noircir des pages! Et que ceux qui devraient leur demander n’ont pas la formation nécessaire pour le faire. Comment faire réécrire si on n’a pas appris à lire ?)
On vante une industrie de prototypes (qui n’en sont même pas, en fait) contre les odieuses usines à rêves. Pourtant, de Sophocle à Eugène Sue ou David Fincher, la drogue de synthèse des créateurs est la même : l’émotion, et le but le même : en fourguer au plus grand nombre. Hugo n’avait aucune envie de rester confidentiel, et la plupart d’entre nous non plus. Ce n’est donc pas l’objectif de l’auteur, son travail, mais son organisation, le mode de fabrication, les intermédiaires, les flux d’argent et de décision, et l’architecture financière de son capital qui sont en cause. Aurions-nous donc privilégié le nombre de personnes rémunérés sur la bête plus que la bête elle-même ? En bref, l’emploi primerait-il sur la création ?
Beaucoup de films ne sont pas faits pour être vus mais pour être financés
– nous approchons là d’un vilain secret : beaucoup de films, n’en déplaise à leurs auteurs ou interprètes qui n’en sont pas tous conscients, ne sont pas des films (merci Magritte), mais de simples pompes à pognon. Ben oui. Ils ne sont pas fait pour être vus et appréciés mais pour être financés. Point barre. Le public que nous (les auteurs) visons n’a rien à faire dans cette équation-là. Dur à admettre, mais tellement vrai. Nous ne sommes que les plombiers méprisés de ce syphon rutilant. De simples machines à générer du financement. Et de l’emploi. Et des heures d’intermittence. Le scénario n’a alors rien d’une partition à exécuter, c’est un simple générateur (hélas indispensable, quelle misère !) d’aide, de crédit, un prétexte à Soficas, tax shelter, crédit d’impôt, aides en tous genres (ville, département, région, nation, etc.). Et les plus puissants de nos bailleurs de fonds l’ont compris. Et c’est ainsi que beaucoup de scénaristes victimes sont complices, souvent à l’insu de leur plein gré : ils pérennisent la pompe à fric qui fait des films jetables et des collaborateurs jetés.
– vous vous souvenez de Bowfinger? Dans ce film, le personnage créé par Steve Martin, un producteur aussi génial que désillusionné, explique qu’aucun blockbuster au monde ne coute plus de 2, 184 dollars à produire : tout le reste n’est que combines, publicité et sur-financement. Derrière la galéjade, une vérité au-delà de l’Atlantique comme en deçà. Le ras-le-bol de Maraval sur la sur-inflation des salaires de stars en 2012 ne disait pas toutefois (par pudeur, sans doute) que sa propre marge de producteur (outré comme il se devait de l’être) était indexée sur le budget total du film. Un téléfilm a deux millions ne génère pas beaucoup de bénéfices. Avec la même quantité de travail à peu de chose près au cinéma, le même scénario avec des stars multiplie le budget par 10, et les 15% de marge commencent à en valoir la peine. On commence à comprendre. La qualité n’a pas à être au rendez-vous. Pourquoi écrire pour le public quand ce sont les banques qui vous font vivre ?
C’est là que notre génie national entre en jeu
– Quelle marge si le film n’est pas un succès, me direz-vous ? Comment faire rentrer l’argent quand on ne rentre même pas dans ses frais ! C’est là que notre génie national entre en jeu. La magie de notre exception culturelle ? Celle du budget, automatique. Mais pas que. Certains directeurs de production (qualifiés de magiciens, eux aussi, dont on se repasse les coordonnées comme celles d’une voyante ou d’une maison close) sont de vrais faiseurs de miracles. Avec eux, la marge, c’est le gras du film. On l’enlève ? Surtout pas ! On se la mange ! Ces number crunchers ont d’ailleurs dans leur contrat des pourcentages sur les économies réalisées. Qui sont autant de bénéfices si on ne change pas le budget et le plan de financement du film, ainsi bénéficiaire AVANT son premier tout de manivelle. On budgétise à 100, on finance à 100 ou idéalement plus, on tourne à 75, pour simplifier. Le gras, c’est du bénèf ! Le meilleur scénario se voit alors amputé de scènes de nuit, de véhicules, de figurants, d’enfants, de décors, de costumes, de renforts maquillage/coiffure, de montage, de musique, d’effets spéciaux, de place à la cantine, de caravanes et de voitures ventouses, d’animaux, de cascades ou de musique, bref d’une bonne partie des notes de sa partition : sans ligne de flute, pas besoin de flutiste, le pipo suffit.
Un prestataire de plateaux repas dans le transport aérien m’expliquait qu’une olive pouvait facilement coûter
100 000 euros sur un ravier en plastique (du temps où on prenait l’avion, vous vous souvenez? ), si on la ramenait aux centaines de millions de plateau servis. Une belle scène ? Pour quoi faire si elle est chère, alors qu’un trait de plume ou une touche delete ramène bien plus de sous ? A condition qu’on l’écrive et qu’on la budgétise avant de l’effacer, bien sûr. La création ? Elle est toute entière dans la comptabilité. Reconnue outre-Atlantique qui la pratique aussi. C’est à ce prix que la saga Harry Potter est toujours déficitaire. Mais au moins a-t-elle trouvé son public : le creative accounting de nos voisins vise à en capter les bénéfices en aval, pas à anémier en amont la production value, considérée, elle, comme un produit d’appel dans la plupart des pays étrangers.
Le scénario est d’abord une agence pôle emploi avant d’être une histoire
– Ce secret de polichinelle est partagé jusqu’au CNC, dont les huiles connaissent parfaitement les rouages du système qu’elles lubrifient. Lors d’un séminaire de formation continue sur le financement, il y a quelques années (restons flou) le formateur était gêné d’expliqué à certains pontes de l’institution qu’il fallait apprendre à faire, non un budget, mais 6 ou bien plus pour le même film. Un peu comme pour le Zizi de Pierre Perret, il y en avait pour toutes les bourses. Le sous-gonflé à x pour cent (pour la copro), à y pour cent (pour le fisc), le sur-gonflé à 40% (pour le CNC), celui avec les fausses dépenses (région), etc., et le vrai (ultra-secret et connu d’une poignée d’initiés). Le numéro 3 du CNC d’alors avait éclaté de rire : « tu crois qu’on n’est pas au courant ? Qu’on ignore que votre coût budgétisé d’un HMI loué à la journée, multiplié par X jours au tarif catalogue Transpalux ne sera pas, dûment négocié, divisé par 10 sur la durée du tournage ? ? On le sait parfaitement ! Mais comme on est plafonné à un pourcentage de votre total pour vous aider, on vous demanderait de tricher si vous ne le faisiez pas. Sinon, l’Etat ponctionnerait cet argent non employé pour sa dette ! (ce qu’il fait, d’ailleurs).»
– un autre exemple ? Pourquoi tant de non-auteurs veulent s’approprier un scénario ? On invoquera pêle-mêle la faiblesse des dommages punitifs, la méconnaissance des tribunaux, du processus créatif et le désir refoulé d’enfantement de créateurs stériles qui adoptent de force un projet et imposent leur patronyme au forceps. Foin de cette psychanalyse : mentionne-t-on jamais qu’un scénario payable en droits d’auteur, c’est 6 à 7 fois moins de charges et d’impôts divers qu’un technicien ? Si on épluche de près les contrats des gros films, on verra que le réalisateur préfère très largement minimiser son salaire et sur-enfler le prix du scénario (qu’il l’ait écrit ou pas) de centaines de milliers d’euros : 30% de bonus sur le fisc !
– On continue ? le scénario est d’abord une agence pôle emploi avant d’être une histoire: il va donner ses 507 heures aux dizaines, cinquantaines ou centaines d’intermittents qui travailleront dessus. Il va générer ainsi non seulement le salaire de toute une équipe, mais son chômage tout le reste de l’année. Faites le calcul !
Un scénario rapporte sans jamais être tourné
– poursuivons encore. Même ceux qui ont collaboré à un scénario qui n’a en 20 ans jamais été libre plus de quelques mois, pourront vous assurer qu’un scénario rapporte sans jamais être tourné. Si, vous avez bien lu. C’est une machine à cash ! D’abord, annoncer qu’on veut le produire, contrat à l’appui, génère des lignes d’escompte de banque considérables, à 7 ou 8 chiffres pour le pris d’une option qui n’en a que 4. Avec tableau excel de financement, plan de travail et tout le toutim. Ensuite viennent les « retainer fees », ces sommes qu’une star de l’interprétariat ou de la réalisation réclame pour qu’on puisse le ou la dire attaché(e) au film, ajoutant ainsi poids, crédibilité, re-financement toujours. De quoi payer les salaires, voyages, repas et autres frais généraux d’une boite pendant des années. A perte ? Pas pour tout le monde, puisque les salaires sont versés dans ce purgatoire entre enfer de l’abandon et paradis du tournage (le scénariste, lui, patiente). Une boite tourne extrêmement bien avec 3, 5 ou 10 projets en gestation. Ce sera de les tourner qui coûterait le plus cher. Et probablement le moins rentable.
– Mais les financiers dans tout ça ? Pas de souci, puisque ce n’est que rarement leur argent : les personnes prennent leur dû, les sociétés lissent leurs pertes, en amortissement, sur 3 ans. 3 ans pendant lesquels on s’est payé sur la bête. Les loyers, l’école des enfants, les vacances à la neige ou au soleil ont toujours lieu, que le film marche ou pas. Or, pour qu’il marche, il faudrait du travail, de l’écoute, de la réécriture. Est-ce vraiment nécessaire ? Mieux vaut en prendre un autre et ne pas se casser la tête et la tirelire.
Les plateformes font films et séries pas pour les banques mais pour le public
– bon, la pandémie rebat les cartes et, clouant le public chez lui, oblige à faire des films (et surtout, désormais, des séries) pour lui. Un comble. C’est là où il faut prendre une pierre et lapider les odieuses plateformes qui menacent notre beau système. Bon, reconnaissons que question partage, elles n’ont aucun scrupule à garder tous les droits pour l’éternité, les planètes non encore découvertes, et les moyens de diffusion inconnus à ce jour. C’est, sur le pas si long terme, une terrible menace sur nos rémunérations. Mais force est de reconnaître que les films et les séries, elles ne les font pas pour les banques, pas pour le huitième étage, mais pour le public ; même s’il risque d’être réduit à un algorithme, la recette est efficace et le business model plutôt orienté contenu que contenant. C’est déjà ça. Un objectif où on peut les rejoindre, même si on risque, les contrats susnommés abritent trop souvent les auteurs des retombées financières auxquelles ils pourraient prétendre
– enfin vient la feuille de répartition des droits de diff, qui génère autant de bienfaits que d’effets pervers. Je ne militerai jamais pour sa suppression, mais force est de constater que d’un seul coup, il est aussi difficile de partager son expertise (et donc le savoir-faire global du métier) avec d’autres auteurs quand des sommes y sont attachées, et que les pique assiettes s’invitent souvent à ce festin, sortant de derrière les fagots des contrats de co-auteurs comme une super bouteille (à l’amer à boire) gardée pour la bonne occasion.
Propositions pour rendre le business model plus axé sur le contenu
Tout ça pour vous dire qu’il nous faut, après avoir montré nos cicatrices, travailler sur la prévention. Rendre le business model plus axé sur le contenu, plus vertueux, de force, puisque de gré est manifestement et résolument impensable
– les budgets, oui mais comment les rendre VRAIMENT transparents ?
– donner un intéressement annuel automatique aux créateurs SAUF si contredit par la reddition des comptes annuels, devenue de fait obligatoire
– toute recette n’est pas bénéficiaire : les scénaristes doivent être intéressé(e)s à chaque euro financé que leur contenu génère (accord de coproduction, préachat, financement d’aides publiques, etc.), puisque tout se fait sur leurs scénarios. Il faut en finir avec les RNPP fantômes dont on ne voit pas l’ombre d’un nano-iota après les pléthoriques zéros après la virgule. C’est dès la conception que le scénariste doit être rémunéré.
– repenser l’intermittence autrement ? Y intéresser les scénaristes qui la rendent possible ?
– avoir des dommages punitifs dissuasifs, pour que polluer ou tricher coûte beaucoup, beaucoup plus cher que payer. Avec une publicité conséquente ? Une interdiction d’exercer ? Une saisie sur fonds propres ? Une blacklist déposée à la SACD ? Une juridiction mieux dédiée, mieux formée que l’existante ?
– repenser la feuille de droits ?
– avoir notre MBA (enfin !) Non, pas le diplôme de manager (quoique), mais l’équivalent français du Minimum Basic Agrément, ou Agrément Basique Minimal qui soit opposable à tout contrat. Avec des rémunérations du brainstorming et des ateliers, et pour chaque étape des prix planchers, si si, puisque qu’actuellement, on voit le troisième sous-sol depuis le grenier.
– un pourcentage automatique sur TOUTE vente au premier euro collecté : les créateurs sont devenus, de fait, depuis des années les plus gros financiers de l’audiovisuel, par les millions d’heures de travail gratuit fournies sans compter ni rémunération.
– une fusion syndicat et SACD, notre société de perception ne distribuant pas les droits sur des contrats ne rentrant pas dans le MBA précité serait le meilleur bouclier pour que ses membres refusent de signer les ukases léonins devenus de fait aussi caduques qu’illégaux.
– une partition des répertoires et un cloisonnement permettant à chaque corporation créative de défendre ses intérêts propres autant que les intérêts communs lorsque l’unité est de mise.
– une variété de grades de rémunération salariée pour toute commande ou adaptation de format existant qui permette le partage des savoirs vers les plus jeunes en atelier.
– des durées d’exploitation et vente plus courtes et éphémères (30 ans, c’est beaucoup trop en ces temps d’accélération fulgurante de consommation et d’empilement croissant de contenus, 10 ou 15 suffiraient largement), des retours plus clairs aux créateurs à défaut d’exploitation, sans ces clauses scélérates qui rendent les auteurs responsables et redevables des dettes que leur producteur à grassement généré sur leur travail.
Voilà quelques pistes pour l’instant. Maladroites ? Alan Smithie volontiers. Indispensables ? Sans aucun doute.
Car notre business model n’est plus le même, plus le bon. Alors que les modes de production et de consommation changeaient, de vicié, il est devenu vicieux, fautif et pousse-au-crime. Il est plus qu’urgent de le repenser.
Qui a dit « grève » ?
M.D
PS : Sur le scénario Siritz.com a publié un Carrefour https://siritz.com/le-carrefour/evaluer-un-scenario-par-yves-lavandier/
LA REMUNERATION D’EMMANUEL MOURET
CinéscoopPOUR LA RÉALISATION DE MADEMOISELLE DE JONCQUIÈRES
Mercredi 10 février Arte diffuse « Mademoiselle de Joncquières ». Ce film était sorti en salle en 2018. https://fr.wikipedia.org/wiki/Mademoiselle_de_Joncquières
Il est réalisé par Emmanuel Mouret dont c’est le 9ème long métrage. https://fr.wikipedia.org/wiki/Emmanuel_Mouret
Cinéfinances.info* a fourni les données financières de cet article.
A noter qu’ Emmanuel Mouret a réalisé un film sorti en salle le 15 septembre 2020 et dont nous avons parlé, « Les choses qu’on dit, les choses qu’on fait », quand il était sortie en salle le 15 septembre 2020. https://siritz.com/cinescoop/la-remuneration-d-emmanuel-mouret/ Ce film vient d’obtenir le prix 2020 des auditeurs de France inter. Comme tous les films du réalisateur, depuis son deuxième, « Vous et Fleur », sorti en 2004, il est produit par Fréderic Niedermayer (Moby Dick Films) et distribué par Pyramide films, l’un et l’autres spécialisés dans le cinéma d’auteur. https://www.unifrance.org/annuaires/societe/313415/moby-dick-films C’est un remarquable exemple de continuité de collaboration.
Frédéric Niedermayer, diplômé de la Femis, département production 1998
Le budget de « Mademoiselle de Joncquières » est de 3,6 millions €. Il est tiré d’un épisode d’un roman de Denis Diderot qui avait déjà été adapté par Robert Bresson pour « Les dames du bois de Boulogne ». Mais, alors que ce dernier se passait au XXème siécle, le film d’Emmanuel Mouret se passe au XVIIIème siècle.
Pour la préparation, 37 jours de tournage et la post-production la rémunération du réalisateur est de 40 000 €, dont 15 000 € en à valoir sur droits d’auteur et 25 000 € en salaire de technicien. C’est beaucoup moins que la rémunération médiane des réalisateurs de films français sortis en 2020. https://siritz.com/financine/le-barometre-des-realisateurs-fin-octobre/
En outre il a reçu 70 000 € pour le scénario.
Le film avait atteint presque 450 000 entrées.
Le précédent film d’Emmanuel Mouret était « Caprice », sorti en salle le 22 avril 2015. Il avait le même producteur et le même distributeur. Son budget était de 3 millions €.
Pour la préparation, 35 jours de tournage et la post-production la rémunération du réalisateur était de 82 000 € répartie entre 40 000 € d’à valoir sur droits d’auteur et 42 000 € de salaire de technicien. Mais il avait reçu 50 000 € de rémunération complémentaire, plus 50 000 € pour l’écriture du scénario.
Le film avait rassemblé 125 000 entrées.
*www.Cinefinances.info est un site, accessible par abonnement, destiné aux professionnels du cinéma. Il publie le budget, le plan de financement et la répartition des recettes de tous les films français qui sortent (hors les films « sauvages » qui ne déposent pas leurs contrats au registre public et ne demandent donc pas l’agrément qui leur permettrait d’accéder à l’aide du CNC). Il dispose d’un puissant moteur de recherche multicritères et de 10 ans d’archives.
SUITE DE L’ÉDITORIAL SUR « EN THÉRAPIE »
ÉditorialSUR LES RÉACTIONS D’UN LECTEUR
L’éditorial intitulé « Les leçons à tirer de En thérapie », paru hier, a suscité de nombreuses réactions, notamment sur Facebook. Il parait utile d’en publier une qui reflète plusieurs d’entre elles et qui me permets de préciser mon propos. https://siritz.com/cinescoop/les-lecons-du-succes-de-en-therapie/
Elle a été envoyée par Ludo du Clary :
Papier intéressant, mais qui oublie les #auteurs des 900 pages de texte écrites en 2 ans : David Elkaïm, Vincent Poymiro, Pauline Guéna, Alexandre Manneville et Nacim Mehtar. Là est la vraie clef du succès de la série, et des séries en général. Ensuite vient la force de frappe des réals et du cast, qui est clairement exceptionnelle ici. Evidemment que l’exposition énorme dans les médias est une clef du succès aussi, grâce aux talentueux réals et producteurs de la série. Mais que les auteurs ne fassent pas partie des « leçons du succès »…..
Amis journalistes, il faut faire votre job. Vraiment.
Tout d’abord je voulais affirmer que je partage ces remarques qui sont essentielles. Mais il s’agit d’un éditorial et non d’un article sur la série. Et cet éditorial a pour objet, comme l’indique son titre, de tirer des leçons.
La première c’est que ce duo de réalisateurs à succès du cinéma français a choisi de consacrer à une série pour la télévision au moins le temps qu’ils consacre habituellement à un d’un long métrage. Cela illustre le fait que la série est désormais reconnue comme un art majeur, au même titre que le film de cinéma. Et donc qu’il est susceptible d’attirer même les « stars » de ce cinéma. Cela avait déjà été le cas pour « Le bureau des légendes » qui avait été créé pr un réalisateur à succès , Eric Rochant et interprété par un autre réalisateur et acteur à succès, Mathieu Kassovitz. Mais eux, depuis, ont quasiment basculé dans le monde des séries. A noter que le producteur du « Bureau des légendes », Fédération Entertainment, est coproducteur de de « En thérapie ».
La seconde leçon c’est qu’un des grands producteurs français du cinéma d’auteur s’est lancé dans la production d’une série pour la télévision. Il avait certes déjà produit une fiction et des documentaires pour la télévision, mais pas 35 épisodes pour un budget de 8 millions € ce qui a dû mobiliser une grande part de son énergie pendant longtemps.
DE VÉRITABLES AUTEURS ET DES CHEFS D’ORCHESTRE
Par ailleurs, quand je dis que ces deux réalisateurs sont les auteurs de la série, alors qu’il s’agit d’une adaptation de la série israélienne, je maintiens. La série israélienne a fourni le concept qui est très simple. Mais les deux réalisateurs ont apporté leur patte, que l’on retrouve dans tous leurs films : un humour subtil ; la présentation d’une société, d’un milieu et de leur problématique ; et une profonde empathie pour leurs personnages. Par ailleurs, le choix de la période des attentats comme révélateur des différentes composantes de la société française ouvre des angles très riches.
Enfin, comme dans toutes les séries longues aujourd’hui, les showrunners sont avant tout des chefs d’orchestre. Un orchestre qui comprend ici des solistes de grands talents comme les cinq scénaristes et les trois réalisateurs. Sans eux, à partir du concept de départ, il est probable que les épisodes aient vite paru répétitifs, alors que le récit va de rebondissement en rebondissement et que le spectateur est constamment maintenu en haleine.
Il semble d’ailleurs que, désormais, les scénaristes de talent et d’expérience vont être le principal goulot d’étranglement dans les secteur des séries puisque la demande des séries de qualité va exploser du fait du développement des plateformes.
Quant aux comédiens il est très probable que cette série constitue pour eux un tremplin, comme cela se produit avec les succès au box-office du cinéma.
https://www.telerama.fr/ecrans/en-therapie-un-succes-qui-fait-du-bien-6817711.php
Dernière leçon à tirer : le succès de la politique numérique d’Arte qui ose diffuser, sur Arte TV, dès le premier jour tous les épisodes de la série, avant même que la chaîne n’ai commencé à en diffuser 5. En une semaine ils ont rassemblé 5 millions de vus, sans que cela n’empêche la chaîne de battre des records. C’est un exemple remarquable de la façon dont une chaîne peut répondre aux plateformes S-VoD.
Bien entendu, toutes les remarques de professionnels sur ce véritable événement sont les bienvenues et seront relayées.
Serge Siritzky
PS : Mon compte facebook a été piraté et dans Messenger il ne faut pas ouvrir la vidéo « Cela te ressemble »qui vise à prendre votre mail et son mot de passe.
LES LEÇONS DU SUCCES DE « EN THÉRAPIE »
CinéscoopDE GRANDS TALENTS DU CINEMA FRANÇAIS S’ÉPANOUISSENT DANS UNE SÉRIE
Le succès de « En thérapie » illustre la profonde évolution du cinéma français ces dernières années. Une évolution très significative. https://fr.wikipedia.org/wiki/En_thérapie
La série est un succès parce qu’elle a eu une audience record sur Arte. TV, qui propose, avant même la chaîne, l’ensemble des épisodes sur internet. Internet est donc devenu un mode de diffusion très puissant de la télévision. Et en plus, sur la chaîne diffusée par les modes de diffusion traditionnelles, les premiers épisodes ont eu eux aussi une audience record de près de 2,1 millions de spectateurs. C’est aussi, comme chacun peut le constater, un succès critique puisque la presse est quasi-unanime à lui tresser des couronnes.
Premier fait significatif, c’est d’abord que deux des plus grands réalisateurs du cinéma français, Olivier Nakache et Eric Toledano, dont le duo enchaîne succès commerciaux après succès, mais sont également représentatifs d’un cinéma de qualité, en sont les auteurs. Certes, il s’agit de l’adaptation d’une série à succès israélienne, « Betipul », dont, comme pour beaucoup de séries israéliennes, le format a déjà été adapté, aux Etats-Unis, sous le titre « In treatment » et en Italie. Mais les deux « showrunners » français l’ont très profondément adaptée. Au point que c’est véritablement une oeuvre originale à part entière, sur laquelle apparait clairement leur patte.
Autre fait significatif, la couverture média de cette série est équivalente à celle des « blockbusters » de ce duo. Pour des auteurs du cinéma, la série est donc désormais un art majeur, au même titre que le film de cinéma. Et, pour certains, il l’est peut-être encore plus, parce qu’il leur permet de créer un univers et de multiples personnages. En y travaillant, comme un compositeur qui serait aussi chef d’orchestre, avec plusieurs auteurs, et plusieurs réalisateurs.
Le duo avais pris l’habitude de réaliser un film tous les deux ans. Or, rien que la réalisation des 35 épisodes de 26 minutes de la série ont représenté 70 jours de tournage, soit deux fois que pour un long métrage. Cela veut-il dire que cette série va prendre la place d’un film que le duo aurait pu réaliser pour le cinéma ? Il semble que oui. Pour Olivier Nakache et Eric Tolédano, mais aussi le cinéma français, c’est une aubaine, car leur film aura ainsi évité l‘incroyable embouteillage des sorties de 2021, quand les salles vont ré-ouvrir. Mais il semble qu’ils travaillent déjà à la suite, alors que toutes les salles de cinéma seront sans doute ré-ouvertes.
Le budget des 35 épisodes de 26 minutes est d’environ 8 millions €, soit celui de deux films français à budget moyen. C’est aussi 80% du budget horaire moyen d’une série française de prime-time.
Autre fait significatif, le film est produit par Les Films du Poisson, qui, depuis sa création en 1997, est synonyme de cinéma d’auteur. Il en a produit beaucoup et certains ont été couronnés par de nombreux prix, dont des Césars, une Caméra d’or , un prix Jean Vigo et même un Oscar. Elle a aussi produit une fiction et quelques documentaires pour la télévision. Cette société a été créée par deux femmes, Laetitia Gonzales et Yann Fogiel. Cette dernière est née en Israël, ce qui explique que plusieurs des œuvres à succès de la société soient inspirées par Israël, notamment son documentaire, « The Gatekeepers » sur le Shin Beth, lauréat de l’Oscar. Et, « En Thérapie » aussi.
Ces faits sont également significatifs parce qu’ils illustrent que, désormais, de nombreux producteurs et de nombreux talents du cinéma se tournent aussi vers les séries. Enfin, les performances de plusieurs des comédiens de « En thérapie » son telles, que, même pour ceux qui étaient déjà connus, en quelques jours ils sont propulsés au rang de star, comme le serait l’interprète d’un succès du box-office.
SERGE SIRITZKY
LA REMUNERATION D’ERIC LARTIGAU
CinéscoopPOUR LA RÉALISATION DE « #JE SUIS LÀ ».
Vendredi 5 février Canal+ diffuse, « #JeSuisLà », sorti en salle le 5 février 2020. https://fr.wikipedia.org/wiki/Je_suis_là
Il a été réalisé par Éric Lartigau dont c’est le 6 ème long métrage. https://fr.wikipedia.org/wiki/Éric_Lartigau
Cinéfinances.info* a fourni les données financières de cet article.
C’est une coproduction déléguée à 50/50 de Edouard Weill (Rectangle Productions) et de Gaumont. Gaumont est également distributeur. Le budget initial du film est de 11,4 millions €.
Pour la préparation, 45 jours de tournage et la post-production la rémunération du réalisateur est de 400 000 €, dont 250 000 € en à valoir sur droits d’auteur et 150 000 € de salaire de technicien. C’est plus du double de la rémunération moyenne des réalisateurs de films français sortis en 2020. . https://siritz.com/financine/le-barometre-des-realisateurs-fin-octobre/
Il a reçu, en outre, 200 000 € par des contrats annexes.
Le scénario a été écrit avec Thomas Bidegain et ils se sont partagés 300 000 €.
Le film a rassemblé 195 000 spectateurs.
Le précédent film réalisé par Éric Lartigau est « Le famille bélier », sorti en salle le 14 févier 2014. C’est un des plus grands succès du cinéma français puisqu’il a réalisé près de 7,5 millions de spectateurs.
Le film avait été produit par Philippe Rousselet (Jéricho Films) pour un budget de 11 millions € et distribué par Mars Films.
Pour la préparation, 40 jours de tournage et la post-production, la rémunération d’Eric Lartigau était de 700 000 €, dont 400 000 € d’à valoir sur droits d’auteur et 300 000 € de salaire de technicien. Il avait, en outre, reçu 100 000 € de rémunérations complémentaires.
Éric Lartigau a coécrit le scénario avec Stanislas Carré de Malberg et Vitoria Bedos qui ont reçu respectivement 25 000 € et 30 000 €. Mais, toutes ces rémunérations sont des minima garantis. Compte tenu du succès du film elles ont dû être augmentées par des pourcentages sur les recettes.
*www.Cinefinances.info est un site, accessible par abonnement, destiné aux professionnels du cinéma. Il publie le budget, le plan de financement et la répartition des recettes de tous les films français qui sortent (hors les films « sauvages » qui ne déposent pas leurs contrats au registre public et ne demandent donc pas l’agrément qui leur permettrait d’accéder à l’aide du CNC). Il dispose d’un puissant moteur de recherche multicritères et de 10 ans d’archives.
LA REMUNERATION DE LUCIEN JEAN-BAPTISTE
CinéscoopPOUR LA REALISATION DE « IL A DÉJA TES YEUX »
Mardi 1er Février C8 a diffusé « Il a déjà tes yeux », sorti en salle le 18 janvier 2017. https://fr.wikipedia.org/wiki/Il_a_déjà_tes_yeux
Le film a été réalisé par Lucien Jean-Baptiste qui en est aussi l’acteur principal. C’est son 4eme film en tant que réalisateur. Il est acteur de nombreux films et de fictions . Il est aussi réalisateur et scénariste. Son premier long métrage comme réalisateur et interprète était « La première étoile » qui a rassemblé 1,65 million de spectateurs.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Lucien_Jean-Baptiste
Cinéfinances.info* a fourni les données financières de cet article.
Le film est produit par Maxime Delauney et Romain Rousseau (Nolita cinéma), pour un budget initial de 5,9 millions €. Il est distribué par TF1 DA qui en a confié la distribution physique à UGC.
Pour la préparation, 43 jours de tournage et la post-production la rémunération de Lucien Jean-Baptiste est de 250 000 €, dont 200 000 € comme à valoir sur droits d’auteur et 50 000 € de salaire de technicien. C’est beaucoup plus que la rémunération moyenne des réalisateurs de films français sortis en 2020. https://siritz.com/financine/le-barometre-des-realisateurs-fin-octobre/
Lucien Jean-Baptiste a coécrit le scénario avec Marie-Françoise Colombani et Sébastien Mounier. Ils se sont partagés 332 000 €.
Le film a rassemblé 1,4 millions de spectateurs.
Le précédent film de Lucien Jean-Baptiste était « Dieumerci ! », sorti en salle le 9 février 2016. Il était produit par Farid Lahoussa (Vertigo Productions) pour un budget de 3,6 millions €. Il était distribué par Wild Bunch et avait rassemblé 123 000 spectateurs.
Pour la préparation, 35 jours de tournage et la post-production la rémunération du réalisateur était de 80 000 €, répartie à part égale entre à valoir sur droits d’auteur et salaire de technicien. Il avait coécrit le scénario avec Gregory Boutboul et Veronique Armenakian. Ils s’étaient partagés 216 000 €. Le film avait rassemblé 123 000 spectateurs.
*www.Cinefinances.info est un site, accessible par abonnement, destiné aux professionnels du cinéma. Il publie le budget, le plan de financement et la répartition des recettes de tous les films français qui sortent (hors les films « sauvages » qui ne déposent pas leurs contrats au registre public et ne demandent donc pas l’agrément qui leur permettrait d’accéder à l’aide du CNC). Il dispose d’un puissant moteur de recherche multicritères et de 10 ans d’archives.
QUEL EST L’OBJET DE SIRITZ.COM ?
Le CarrefourLe blog Siritz.com suscite chaque semaine des réactions de professionnels du cinéma, soit par mail soit par facebook. Certaines sont critiques, d’autres interrogatives. Au point qu’ il nous semble important de bien expliquer notre objet.
Tout d’abord, comme il est répété à chaque fois, les articles de la rubrique CinéScoop et FinanCiné utilisent les données financières fournies par le site, Cinéfinances.info sur tous les films français à mesure qu’ils sortent en salle.
Ce site, accessible par abonnement, est principalement destiné aux producteurs, distributeurs, agents, chaînes de télévision, soficas et régions. Il s’appuie sur des données publiques, achetées au Registre Public de la Cinématographie. Ces données sont incluses dans les contrats liés à la chaîne des droits d’auteur qui sont obligatoirement déposés au Registre Public si les films veulent bénéficier du soutien financier. Elles comprennent le budget, le plan de financement et la répartition des recettes de ces films. Il s’agit du budget initial, tel qu’il apparait dans l’agrément d’investissement, et non du coût définitif du film, tel qu’il apparait dans le budget de production. Nous savons qu’il y a des différences entre ces deux chiffres et que, parfois, elles sont très importantes. Mais nous estimons que ce qui est le plus utile c’est ce budget initial puisque c’est sur la base de ce budget que le producteur a réussi à monter son film.
Le 9 mars 2020, la société Cinéfinances.info a lancé ce blog gratuit, Siritz.com. Son but est, à partir de certains des chiffres du site payant, de fournir des analyses sur la réalité économique de la production de films. Mais, le 16 mars, les salles ont été fermées et les films ont donc cessé de sortir. Pendant ce premier confinement le blog a alors analysé les données non de films qui sortent en salle, mais des films diffusés à la télévision et qui sont sortis en salle récemment. Notons que Cinéfinances.info, au contraire, continue de fournir les données sur les films aux dates où leur programmation avait été prévue. A la fin du premier confinement le blog a repris son cours normal, mais cette situation n’a duré que quelques semaines. Depuis la seconde fermeture des salles, les analyses portent, à nouveau, essentiellement sur les films récents diffusés par les chaînes.
S’adapter à une situation où les films ne sortent plus
Nous avons choisi de ne pas analyser les films dont parle chaque semaine Cinéfinances.info car, hors de leur contexte de sortie en salle, les analyses perdraient une grande partie de leur signification.
Ainsi, une partie des analyses que nous avions prévues, constituant des baromètres sur les composantes des budgets ou des financements, perdait de son intérêt parce qu’ils portaient sur des films produits 2, 3 ou 4 ans auparavant et que la situation évolue forcément. Ainsi, le seul de ces baromètres utilisés est celui de la rémunération des réalisateurs des films français sortis en salle en 2020. C’est, comme on le comprend, un baromètre indicatif mais très partiel puisqu’il ne porte que sur à peine 6 mois. Or, en période normale, nous en aurions publiés une dizaine, portant chacun sur le mois écoulé et le cumul depuis le début de l’année.
Nous nous sommes aperçus que, en ce qui concerne les données tirées de Cinéfinances.info, c’étaient, de loin, les articles sur la rémunération des réalisateurs qui avaient le plus de lecteurs. L’un de ces réalisateurs a fait remarquer que nous ne citions que les jours de tournage, alors que cette rémunération porte sur la préparation et la post-production. Nous le rappelons donc désormais à chaque fois. Un autre vient de nous rappeler que, très souvent, un réalisateur travaille plusieurs années sur un projet de film avant de recevoir la moindre rémunération. C’est exact et nous cherchons un moyen de prendre en compte cette réalité. D’une manière générale nous sommes ouverts à toute suggestion qui pourrait améliorer le service que nous rendons.
En période normale la rubrique Carrefour est consacrée à l’interview des professionnel du cinéma et de l’audiovisuel. Comte tenu des circonstances elle est suspendue. Mais nous allons la reprendre, plutôt centrée sur les professionnels de l’audiovisuel.
En revanche, les éditoriaux, qui sont la rubrique la plus lue, se poursuivent chaque semaine . Ils se concentrent actuellement sur les plateformes de S-Vod car c’est un secteur en plein développement et qui ne cesse d’évoluer. Et cette évolution pèse fortement sur l’avenir du cinéma et de la télévision.
Enfin, nous voulons informer nos lecteurs et les professionnels du cinéma français, que, chaque jour, de 6% à 10% de nos lecteurs proviennent des Etats-Unis.
LA RÉMUNÉRATION DE MECHELON ET HERVÉ
CinéscoopPOUR LA RÉALISATION DE « DOUDOU »
Dimanche 1er février TF1 a diffusé en prime-time « Le Doudou », qui était sorti en salle le 26 juin 2018.https://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Doudou
Le film a été co-réalisé par Philippe Mechelen et Julien Hervé. Ils avaient travaillé ensemble comme auteurs des Guignols de l’info sur Canal. Ils étaient scénaristes de longs métrages mais c’est leur premier long métrage en tant que réalisateurs. https://fr.wikipedia.org/wiki/Philippe_Mechelen et https://fr.wikipedia.org/wiki/Julien_Hervé
PHILIPPE MICHELEN
JULIEN HERVÉ
Cinéfinances.info* a fourni les données financières de cet article.
Le producteur délégué est Richard Grandprierre (Eskwad Films), en coproduction avec Pathé Films qui est également distributeur avec tous les mandats sauf la télévision.
Le budget initial du film, est de 6,7 millions €, mais il ne comprend pas d’imprévus. Pour la préparation, 35 jours de tournage et la post-production la rémunération des deux réalisateurs est de 350 000 €, répartie à part égale entre à valoir sur droits d’auteurs et salaire de technicien. C’est le double de la rémunération moyenne des réalisateurs de films français sortis en 2020. https://siritz.com/financine/le-barometre-des-realisateurs-fin-octobre/
Ils sont également les scénaristes du film et à ce titre ont reçu 487 000 €.
Le film a rassemblé 402 000 spectateurs.
TF1 a investi 500 000 € en tant que coproducteur et a préacheté la diffusion pour 900 000 €.TMC a préacheté le diffusion pour 100 000 €. Le principal investisseur dans le film est Canal+ qui a préacheté ses passages pour 1,3 millions €. Multithématiques les a préachetés 232 000 €. Il y a 4 soficas, dont deux adossées à Pathé films qui ont investi 800 000 € et deux non-adossées qui ont investi 300 000 €.
*www.Cinefinances.info est un site, accessible par abonnement, destiné aux professionnels du cinéma. Il publie le budget, le plan de financement et la répartition des recettes de tous les films français qui sortent (hors les films « sauvages » qui ne déposent pas leurs contrats au registre public et ne demandent donc pas l’agrément qui leur permettrait d’accéder à l’aide du CNC). Il dispose d’un puissant moteur de recherche multicritères et de 10 ans d’archives.
S-VoD : QUELLE RIPOSTE DES EXPLOITANTS ?
ÉditorialWARNER VA FORCÉMENT DONNER LA PRIORITÉ À HBO MAX
Les quelques semaines pendant lesquelles nos salles ont ré-ouvert entre deux confinements ont démontré à quel point toute l’économie de notre cinéma dépendait du cinéma américain. Certes il y a de fortes chances que, grâce aux vaccins, la pandémie disparaisse et que nos salles ouvrent enfin. Mais, comme on l’a vu, il n’est pas certain du tout que les blockbusters américains soient au rendez-vous pour les alimenter. https://siritz.com/editorial/la-salle-de-cinema-menacee-de-mort/
En effet, la pandémie a accéléré le développement des plateformes internationales de S-VoD et celles-ci sont devenues le marché prioritaire des deux principaux studios américains tandis que Netflix avait désormais les moyens de soustraire au cinéma une grande partie de ses talents. https://siritz.com/financine/razzia-de-netflix-sur-les-films-de-cinema/
Netflix, avec ses 200 millions d’abonnés, a désormais la capacité d’investir 18 milliards de dollars par an pour s’approvisionner en programmes exclusifs. Le groupe vient d’atteindre l’équilibre, malgré cet investissement en nouveaux programmes. Disney+ s’est rendu compte que son potentiel sur ce marché est bien supérieur à ce qui avait été imaginé au départ et qu’il est potentiellement 10 fois plus important que celui du cinéma en salle. En outre, dans les semaines qui viennent, la plateforme va intégrer à son offre la plateforme Star, qui appartenait à Fox, récemment rachetée. Or, alors que Disney + vise un public familial, Star vise un public jeune et adulte, ce qui va élargir son audience.
Enfin, la deuxième major du cinéma, Warner a, semble-t-il, fait la même analyse que le groupe Disney. Tout d’abord il est significatif que le groupe ait nommé à sa tête Jason Kilar qui, jusque-là dirigeait la plateforme américaine de S-VoD, Hulu. Comcast/Warner en était un actionnaire minoritaire aux côtés de Disney devenu majoritaire. Puis Disney en a pris le contrôle total. Le conseil d’administration de Warner média a donc choisi un homme venant de la S-VoD et pas du cinéma pour le diriger. Et celui-ci, à la fin de l’année dernière, n’a pas hésité à annoncer que Warner violerait, au moins pour toute l’année 2021, la sacro-sainte règle de la fenêtre d’exclusivité des salles alors que quelques semaines auparavant il la proclamait intangible.
Lorsque la pandémie aura été vaincue Warner devrait revenir à la chronologie des médias traditionnelle. Mais le groupe devrait aussi, en toute logique, donner la priorité au développement de sa plateforme HBO Max pour être un des leaders du marché porteur de la S-VoD. Il est d’ailleurs significatif que, selon des rumeurs qui semblent sérieuses, Warner travaillerait sur une série « prequel » de Harry Potter, un de ses plus grands succès en salle, pour HBO Max, plutôt que pour de nouveaux films. De même que Disney réserve désormais toute la franchise Star War à Disney +. Ces rumeurs sont démenties par Warner, mais une telle démarche paraitrait logique. Sans quoi, on ne voit pas comment HBO Max, qui, avec seulement 13 millions d’abonnés, est très en retard par rapport à Netflix et Disney+, pourrait décoller.
Si ces trois plateformes consacrent le gros de leurs investissements à la production pour leurs plateformes, et débauchent à cette fin les plus grands talents du cinéma, la production de blockbusters américains pour le cinéma va fortement chuter, sinon disparaitre. Pour le cinéma français cela veut dire moins d’entrées dans les salles, moins de soutien financier, moins de chiffre d’affaires pour nos chaînes de télévision et moins d’investissement de ces chaînes dans les films de cinéma français, mais aussi, des séries.
Il est impératif que les exploitants élaborent une parade
Et, comme on l’a vu avec Netflix, ce « débauchage » ne va pas se limiter aux talents et stars de blockbusters américains, mais concerner aussi les talents du cinéma d’auteurs comme Jane Campion ou Jean-Pierre Jeunet, ou les stars nationales comme Dany Boon ou Omar Sy.
C’est pourquoi, il est impératif que les exploitants élaborent une parade qu’ils mettraient en œuvre si cette menace se réalisait. Une riposte pourrait consister à s’allier entre eux, exploitants européens et américains, pour initier des studios capables de se substituer aux majors défaillantes, afin qu’ils produisent des blockbusters et attirent talents et les stars du cinéma. Bien entendu cette suggestion est plus facile à énoncer qu’à mettre en œuvre. Mais si Netflix, Disney et Warner choisissent la stratégie décrite ci-dessus, une riposte audacieuse est indispensable. Ces plateformes sont juridiquement implantées aux Etats-Unis parce que c’est le premier marché du monde et que l’anglais est la langue universelle, mais ce sont des médias internationaux. Le cinéma, se définit comme le média qui diffuse ses productions en priorité dans les salles de cinéma. Il va sans doute devoir s’assurer que les productions dont il a impérativement besoin continuent à approvisionner prioritairement ce média.
DES ETUDIANTS INTERROGENT L’ECOLOGIE DES IMAGES
CinéscoopDANS LE CADRE D’UN MASTER DE L’UNIVERSITÉ DE PARIS I
L’audiovisuel au sens large va avoir un énorme besoin de nouveaux talents. https://siritz.com/financine/razzia-de-netflix-sur-les-films-de-cinema/ Il est donc important que les professionnels du secteur s’intéressent à ceux que nos universités et nos écoles sont en train de former.
Autour de la session « Hors-pistes » du Centre Pompidou consacré à L’Écologie des images, quinze étudiants du Master scénario, réalisation, production de l’École des Arts de la Sorbonne (Université de Paris 1) proposent quinze courts-métrages.
Ces quinze essais posent des questions liées à la nature des images. Ils interrogent l’écologie et les écosystèmes, par le biais d’archives et de créations personnelles, sous le mode du journal filmé, du documentaire de création, du film d’animation, d’expérimentations formelles, de mélange entre fiction et documentaire… quinze films qui interrogent l’écologie et ses modes de représentation.
Les étudiants sont accompagnés par deux enseignants, la productrice Gaëlle Bayssière et le cinéaste Frédéric Sojcher, qui dirige le Master.
Gaëlle Bayssiere est une productrice https://www.unifrance.org/annuaires/personne/347197/gaelle-bayssiere
Frédéric Sojcher est un réalisateur, enseignant et écrivain né a Belgique. https://fr.wikipedia.org/wiki/Frédéric_Sojcher
Projections et rencontres avec les cinéastes gratuites, sur réservation sur la plateforme La 25ème heure mardi 2 et jeudi 4 février à 19h.
La 25ème HEURE est un dispositif permettant aux cinémas et autres lieux culturels d’assurer une continuité en ligne de leurs activités et de maintenir l’écosystème vertueux du réseau culturel.
Il permet de diffuser en ligne, à horaires fixes, des séances de cinéma (ou des concerts, pièces de théâtre, opéras, conférences etc) dans des salles virtuelles géolocalisées, permettant de limiter l’accès du public à leurs lieux culturels de proximité.
Les séances peuvent être suivies d’un débat avec les réalisateurs, acteurs, musiciens etc, les spectateurs pouvant poser leurs questions grâce à un chat intégré.
Les spectateurs de Hors pistes peuvent accéder à chacune des séances virtuelles gratuitement, sur réservation : www.centrepompidou.fr/fr/horspistes2021
Voici le lien avec le programme du 2 février :
https://we.tl/t-Li4frwgFCd
Voici le lien avec le programme du 4 février :
https://we.tl/t-SabyPiTFDa