Revoir profondément les aides sélectives 

Le fonds de soutien doit être rapidement réformé. Car, avant même l’arrivée du Coronavirus, il était devenu largement déficitaire. Une situation très grave puisque, pour le cinéma comme l’audiovisuel,  ce  soutien financier est l’un des rares mécanismes dont la France peut s’enorgueillir  de son efficacité.

La double nature du fonds de soutien

Cette efficacité est due à sa double nature. C’est  tout d’abord une épargne forcée : le produit de taxe de 10,7% sur les recettes des salles et de 5,15 % sur les recettes des chaînes  n’est reversé aux entreprises françaises de la filière que si elles le réinvestissent. Ce qui les oblige ã un dynamisme structurel. C’est, en second lieu, un droit de douane sur les oeuvres étrangères, et tout particulièrement américaines, puisque le soutien ne bénéficie qu’aux entreprises et aux oeuvres françaises. Ce qui permet de reverser globalement à celles-ci plus que leur part de la recette prélevée.

Par ailleurs, les américains ne peuvent se plaindre de ce droit de douane. Car, pour le cinéma, il  permet å la France d’être, de loin, leur second marché continental, du fait d’un superbe réseau de salles alimenté par la première production nationale de films. Malgré ce droit de douane, leur chiffre d’affaires net est donc plus élevé qu’ailleurs. Certes, le Royaume-Uni est un marché plus important pour les américains. Mais c’est essentiellement dû à la langue commune.

Il est vrai que l’efficacité du soutien est beaucoup moins visible pour la télévision. Mais c’est parce que les ressources de celles-ci sont structurellement limitées. Ainsi,  nous avons choisi à la fois d’avoir l’une des plus basses redevances d’Europe pour financer notre secteur public et d’interdire à des secteurs importants de faire de la publicité à la télévision. Néanmoins,  sans soutien, une grande partie de nos œuvres télévisuelles ne pourrait être  financée.

Le Coronavirus a évidemment aggravé le déficit du compte de soutien. D’abord, par le confinement et la fermeture des salles. Puis, par la baisse du chiffre d’affaires des chaînes gratuites, baisse qui risque de se prolonger. Enfin, par l’absence de films américains en salle. Et donc du mécanisme du droit de douane. Voir sur ce point : http://Cinéfinances.info* a fourni les données financières de cet article

Mais, quand les films américains reprendront leurs sorties et les spectateurs leur fréquentation habituelle, le soutien financier retrouvera tout de même son déficit d’avant la crise sanitaire. Or, au mieux, on peut espérer  un maintien des recettes en provenance des salles et de la télévision. Certes, le produit de la  taxe payée par les plates-formes américaines de S-Vod augmentera. Mais son taux de 2% est faible et ne pourrait être aligné sur celui de la télévision payante que si son taux de TVA passait de 20 à 10%. Ce qui est  improbable, parce que ce serait une très mauvaise affaire pour les finances publiques.

Des critères de réussite précis et vérifiables

Pour supprimer ce déficit, la seule solution est donc de réduire les dépenses du fond de soutien. Or,  il serait contreproductif  de réduire le  soutien automatique, alors que  son efficacité est incontestable.  Reste les aides sélectives. Elles n’ont cessé de se développer au fil des années. L’une des causes de cette évolution c’est peut-être que c’est  un moyen, pour le président du CNC, de donner un os à ronger à des secteurs sous sa tutelle. Et de flatter les personnalités nommées dans les commissions d’attribution des aides.

Bien évidemment, la  création et le maintien de ces aides  peuvent être  justifiés. Mais, jusqu’à ce jour,  jamais, lors de leur création, on ne fixe le ou les objectifs à atteindre, si possible en les chiffrant. C’est à dire en définissant des critères de réussite précis et vérifiables. Et, jamais on n’impose de faire un bilan annuel, puis  quinquennal, des résultats atteints par rapport aux objectifs. Accompagné de suggestions.

Pour faire les indispensables économies il faut donc commencer à étudier chacune des aides sélectives existantes à cette aune. Et en hiérarchisant leur intérêt par rapport à une stratégie d’ensemble. Celles qui se trouvent en fin de listes devraient être supprimées ou réduites. Dans certain cas il pourrait d’ailleurs y  avoir fusion. En tout cas, comme, à l’évidence, il y a trop d’aides sélectives, il faut en limiter le nombre et n’en créer une nouvelle qui si on en a supprimé une autre au préalable.

Il est certain que, pour une profession qui n’a connu qu’un CNC qui fabriquait de nouvelles aides comme les banques centrales fabriquent de la nouvelle monnaie, le réveil va être douloureux. D’autant plus qu’il aura lieu au moment où la situation économique d’ensemble du secteur s’est détériorée. Mais cette subite détérioration ne fait qu’accélérer la nécessité de revoir tout l’écosystème  de notre cinéma et de notre audiovisuel. Une  révision qui  peut se révéler positive sur le long terme. https://siritz.com/editorial/__trashed-8/

Sans aucune chaîne française

« Jeunesse sauvage », est sorti en salle la semaine dernière. Son réalisateur est Frédéric Carpentier qui avait réalisé plusieurs courts métrages mais dont c’est le premier long métrage. Comme l’est « Jumbo », réalisé par Zoé Wittock, qui sort cette semaine https://siritz.com/cinescoop/la-remuneration-de-zoe-wittock-pour-jumbo/.

Il est produit par Madelaine Film (Frédéric de Goldschmidt et Virginie Lacombe). Il y a également une coproduction belge à 10%, avec Magellan Films.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Jeunesse_sauvage

Cinéfinances.info*  a fourni les données financières de cet article

Le budget du film de 2,07 millions €.  Son financement a bénéficié de 450 000 € d’avance sur recette.  Par ailleurs, 170 000 € d’ISF cinéma y ont été investis. C’est une source de financement  qui commence à être de plus en plus utilisée. Les particuliers qui investissent dans un fonds utilisant ce mécanisme peuvent déduire 50% de leur ISF, dans la limité de 18 000 € par an. Alors que les soficas permettent de réduire 60% de l’IRPP dans la limite de 18 000 €.  D’ailleurs la sofica adossée Cofinova a également investi 200 000 €.

A noter que le producteur français, tout comme le producteur belge, ont inclus dans les financements un « apport en industrie » : 59 000 € pour Madeleine films et 5 500 € pour Magellan. Une source de financement assez originale.

Enfin,  les deux producteurs ont mis en participation  environ 90% de leur salaire producteur et de leurs frais généraux.

Orange studio est coproducteur pour 200 000 €. Néanmoins, le film n’a pas été pré-acheté par OCS, ni d’ailleurs par aucune chaîne payante ou gratuite.

La région Occitanie a accordé une subvention de 200 000 € et le distributeur Jou2fête 50 000 € pour la distribution en salle.

En Belgique, Screen-Bruxelles a apporté 23 000 € en échange des commandes à des prestataires de l’agglomération. Le film y bénéficie de 135 000 € de tax shelter et a prévu 17 000 € de vente à une chaîne belge.

*www.Cinefinances.info est un site, accessible par abonnement,  destiné aux professionnels du cinéma.  Il publie le budget, le plan de financement et la répartition des recettes de tous les films français qui sortent (hors les films « sauvages » qui ne déposent pas leurs contrats au registre public et ne demandent donc pas l’agrément qui leur permettrait d’accéder à l’aide du CNC). Il dispose d’un puissant moteur de recherche multicritères et de 10 ans d’archives.

Son premier long metrage de réalisatrice

Cette semaine vient de sortir « Jumbo », un film dramatique. C’est une coproduction  entre la société française Insolence Productions (Chantal Bertrand) pour 30% ;  Les Films Fauves (Gilles Chanial) du Luxembourg, pour 37% ; et  Kwassa Films (Anabelle Nezri) de la Belgique pour 33%.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Jumbo_(film)

Cinéfinances.info*  a fourni les données financières de cet article

La réalisatrice de « Jumbo » est Zoé Wittock. Elle est de nationalité belge. Le budget du film  est de 2,765 millions €.  C’est le premier long métrage de Zoé Wittock. Elle a fait un bachelor de cinéma dans une école internationale à Paris. Ensuite, aux États-Unis,  elle a fait un master en cinéma à l’American Film Institute (AFI). A partir de là,  elle a commencé à travailler dans le cinéma, sur des tournages, en assistanat réalisation, en attendant de pouvoir écrire et développer ses propres projets.  C’est ainsi qu’elle a réalisé quelques courts-métrages. 

Pour 33 jours de tournage sa rémunération a été  de 32 500 € dont 12 700 € en à-valoir sur droits d’auteur et 19 500 € de salaire de technicien.  A notre que le sujet a été rémunéré 22 500 €.

C’est très en-dessous de la rémunération médiane des réalisateurs de films français sortie en 2019. https://siritz.com/les-barometres-de-la-distribution/la-remuneration-des-realisateurs-des-films-francais-sortis-en-2019/

*www.Cinefinances.info est un site, accessible par abonnement,  destiné aux professionnels du cinéma.  Il publie le budget, le plan de financement et la répartition des recettes de tous les films français qui sortent (hors les films « sauvages » qui ne déposent pas leurs contrats au registre public et ne demandent donc pas l’agrément qui leur permettrait d’accéder à l’aide du CNC). Il dispose d’un puissant moteur de recherche multicritères et de 10 ans d’archives.

Pour « Les Parfums » produit par Les Films  du Velvet

« Les parfums »,  avec Emmanuelle Devos et Grégory Montel, est sorti hier sur plus de 550 copies. Il est distribué par Pyramide. C’est le troisième film  réalisé par Gregory Magne. Produit par les Films du Velvet (Fréderic Jouve), il a un budget de 2,68 millions €.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Les_Parfums

Cinéfinances.info*  a fourni les données financières de cet article

Pour 40 jours de tournage, la rémunération du réalisateur est de 64 000 €, dont 30 000 € en à-valoir sur droits d’auteur et 34 000 € en salaire de technicien. A noter que c’est très en-dessous de la rémunération médiane des réalisateurs de films français sortie en 2019. https://siritz.com/les-barometres-de-la-distribution/la-remuneration-des-realisateurs-des-films-francais-sortis-en-2019/

 Par ailleurs, le sujet a été rémunéré 85 000 €.

C’est la grande nouveauté de la semaine. Le film bénéficie de bonnes critiques

Son précédent film

Le précédent film de Grégory Magne, « L’air de rien », sorti en 2012, avait déjà été produit par Les Films du Velvet. Son budget était de 960 000 €. Mais la réalisation était partagée avec Stéphane Viard. En outre, pour 27 jours de tournage leur rémunération était de 21 000 €, répartie en 5 000 € d’à-valoir sur les droits d’auteur et 16 000 € de salaire de technicien. Le film était une coproduction avec le Royaume-Uni (6% du financement). Il avait atteint 37 000 entrées.

Enfin, son premier film, « Vingt quatre heures par jour en mer » était un documentaire qu’il a réalisé en 2008 sur sa traversée de l’Atlantique en voilier et en solitaire.

*www.Cinefinances.info est un site, accessible par abonnement,  destiné aux professionnels du cinéma.  Il publie le budget, le plan de financement et la répartition des recettes de tous les films français qui sortent (hors les films « sauvages » qui ne déposent pas leurs contrats au registre public et ne demandent donc pas l’agrément qui leur permettrait d’accéder à l’aide du CNC). Il dispose d’un puissant moteur de recherche multicritères et de 10 ans d’archives.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Les_Parfums

Un film d’avance sur recette

Canal+ a diffusé mardi soir « Mais vous êtes fous ». Ce film, sorti en 2019, était le premier film  réalisé Audrey Dewan qui, jusque là avait mené une carrière de journaliste et de scénariste.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Mais_vous_êtes_fous

Cinéfinances.info*  a fourni les données qui permettent d’analyser le financement de « Mais vous êtes fous ».

Produit par Rectangle productions (Edouard Veil), il a un budget de 3,6 millions €. Il a bénéficié d’une avance sur recette de 650 000 €. Il est typique de nombre de films à budget moyen qui ont de plus en plus de mal à trouver leur financement. Le producteur a investi en numéraire 210 000 €  et 95 000 € de soutien à la préparation. Il a également investi tout son salaire producteur et tous ses frais généraux. Ainsi que le crédit d’impôt qu’il estime pouvoir toucher.

Audrey Diwan a mené une carrière de journaliste et a écrit de nombreux scénario de films

La Région  Ile de France sur le territoire de laquelle il a été tourné a accordé une subvention de 356 000 €. Les soficas Palatine Etoile 15 et  Cofinova 15 ont investi chacune 125 000 €.

Aucune chaîne en clair n’est coproductrice ni n’a pré-acheté un passage. En revanche Canal+ a acheté le premier passage de télévision à péage 788 000 € et Multithématiques les passages suivants 141 000 €. Le groupe Canal a donc financé 26 % du budget du film. C’est sensiblement supérieur à la moyenne des achats des films français en 2019. https://siritz.com/les-barometres-de-la-distribution/combien-canal-et-multithematiques-achetent-conjointement-les-films-cinefinances-info-fournit-achats-en-pourcentage-du-devis/

Wild Bunch a assuré la distribution en salle avec également les mandats vidéo et vod. Son minimum garanti était de 150 000 €, avec une sortie sur 157 copies. Le groupe a également pris le mandat ventes internationales pour 50 000 €.

Le film a attiré 107 000 spectateurs dans l’hexagone.  Avec le soutien automatique ce devrait être  un investissement à peine équilibré pour Wild Bunch.

*www.Cinefinances.info est un site, accessible par abonnement,  destiné aux professionnels du cinéma.  Il publie le budget, le plan de financement et la répartition des recettes de tous les films français qui sortent (hors les films « sauvages » qui ne déposent pas leurs contrats au registre public et ne demandent donc pas l’agrément qui leur permettrait d’accéder à l’aide du CNC). Il dispose d’un puissant moteur de recherche multicritères et de 10 ans d’archives.

Comme son précédent film

Mardi soir OCS Max a diffusé « Bécassine».  Il s’agit d’une adaptation de la célèbre bande dessinée de Jacqueline Riviere et Emile-Josèphe-Porphyre Pinchon. Le premier passage de télévision payante avait été diffusé par Canal +. Le film a été réalisé par Bruno Podalydes. Son frère Denys en est l’un des principaux interprètes. Le film était sorti en juin 2018.

Cinéfinances.info*  a fourni les données financières de cet article

Le 8ème films réalisé par Podalydès

Produit par Why not Productions (Pascal Caucheteux), sont budget est de 4,3 millions €. C’est le 8ème film réalisé par Bruno Podalydes. Pour 30 jours de tournage sa rémunération pour cette réalisation a été de 100 000 €, répartie à part égale entre à-valoir sur droits d’auteur et salaire de technicien. C’est moins que la rémunération moyenne des réalisateurs de films français en 2019. https://siritz.com/les-barometres-de-la-distribution/la-remuneration-des-realisateurs-des-films-francais-sortis-en-2019/ Il a également reçu 150 000 € pour le scénario et les dialogues. Quant aux droits d’adaptation de la célèbre bande-dessinée, ils ont été acquis 200 000 €.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Bruno_Podalydès

C’est Why not Productions qui avait produit le précédent film de Bruno Podalydes, « Comme un avion », sorti en 2015.  Son budget était de 3,750 millions €. En tant que réalisateur, pour 37 jours de tournage, sa rémunération était identique. En revanche son scénario n’avait été rémunéré que 10 000 € alors que le sujet avait été acheté 150 000 €.

« Bécassine! », qui est sorti sur 285 copies, a réalisé 219 000 entrées. Il ne semble donc pas pouvoir devenir devenir une nouvelle franchise d’UGC.

*www.Cinefinances.info est un site, accessible par abonnement,  destiné aux professionnels du cinéma.  Il publie le budget, le plan de financement et la répartition des recettes de tous les films français qui sortent (hors les films « sauvages » qui ne déposent pas leurs contrats au registre public et ne demandent donc pas l’agrément qui leur permettrait d’accéder à l’aide du CNC). Il dispose d’un puissant moteur de recherche multicritères et de 10 ans d’archives.

Bande-originale : une grossière erreur de Siritz.com

Dans un article paru lundi dans notre rubrique Cinéscoop, nous avons publié un article intitulé : La rémunération du compositeur de la bande-originale plus élevée que celle du réalisateur de « La bonne épouse ».

Nous nous référions  au budget du film qui indiquait que les droits musicaux étaient de 127 500 €, alors que la rémunération du réalisateur était composée de 67 500 € de droits d’auteur et de 67 500 € de salaire de technicien. Nous pensions que les droits musicaux, ne concernaient que la rémunération du compositeur, Grégoire Hetzel,  et pas la fabrication de la musique.

C’est une erreur que plusieurs compositeurs, réalisateurs et agents nous ont souligné.

Nous publions donc intégralement le message de l’agent de Grégoire Hetzel en nous excusant auprès de lui et de nos lecteurs :

Je suis l’agent du compositeur Grégoire Hetzel. J’ai pris connaissance avec stupéfaction des chiffres que vous avez publié à propos de sa rémunération pour le film « La bonne épouse » de Martin Provost. Ces chiffres sont totalement faux et ne reflètent pas la réalité et l’environnement financier du film. 

Je vous rappelle qu’un budget musique comprend la prime d’écriture du compositeur ainsi que le budget de fabrication, alors que les chiffres présentés dans votre article sous-entendent que la rémunération qui a été versée à Grégoire Hetzel ne représente que la prime de commande. 

Sur ce film, je suis l’agent de Grégoire Hetzel ainsi que le producteur exécutif de la musique. Je connais par conséquent jusqu’au moindre centime les dépenses qui ont été réalisées pour la fabrication de la musique et le montant de la prime de commande du compositeur. 

Je vous demande donc de retirer votre article qui peut nuire à la carrière de Grégoire Hetzel, ayant pour conséquence une vision tronquée de ses exigences financières par l’ensemble de la filière audiovisuelle.

Cordialement, Vivien Kiper

Siritz : Comment définiriez-vous le rôle du directeur de production ?

Thomas Santucci : C’est un peu comme le Premier ministre dans la Vème République. Le producteur étant le Président de la République. Il mène la politique de fabrication du film en fonction de deux lignes directrices, qui sont parfois contradictoires, D’une part, celle du financement réuni par le producteur. Et, d’autre part, celle de l’ambition artistique du réalisateur, qui a peut-être travaillé sur le scénario pendant des années. Son rôle est donc de faire coïncider ces deux lignes. Mon père en cinéma, Patrick Grandperret,  qui était à la fois réalisateur et producteur, disait qu’un directeur de production devait être un directeur des solutions. Pour tous ceux qui collaborent au film, réalisateur, techniciens ou prestataires, c’est celui qui est là pour rendre les choses possibles, dans des conditions économiques données, qui sont parfois restreintes.

Siritz : Comment devient-on directeur de production ? Vous avez fait HEC. J’imagine qu’il y a de nombreuses formations possibles. Mais ce que vous venez de décrire suppose de connaître tous les aspects de la fabrication d’un film. Comment démarrer ?

Sylvie Pialat m’a fait rencontrer Patrick Grandperret

TS : Il y a des parcours divers. Mais on peut dire que la plupart des directeurs de production français viennent de l’un des deux corps d’encadrement que sont la régie ou  la mise en scène. Et puis, il y a les cas particuliers, dont je fais partie. Pendant HEC et après  j’ai été apprenti journaliste. Puis je suis passé par la filière du court-métrage. C’est un véritable laboratoire d’expérience pour tous les postes. Les enjeux économiques sont moins importants que pour un long métrage. Ce qui permet à des jeunes de s’aguerrir dans un poste auquel ils n’auraient pas accès dans l’économie du long métrage. J’ai donc appris sur le terrain. Et puis, après, il y a les rencontres fortuites. 

Il y a 15 ans j’ai rencontré Sylvie Pialat, qui avait monté Les films du Worso. Elle m’a fait rencontrer Patrick Grandperret. Je suis devenu directeur de production sur ses derniers longs métrages, dont « Meurtrières » sorti en 2006. C’était un des premiers rôles de Céline Sallette. J’ai par la suite eu la chance de partager des expériences très fortes avec des réalisateurs pour qui j’ai la plus grande admiration, comme Alain Guiraudie, Patricia Mazuy ou Mikhaël Hers. Ils m’ont permis de grandir dans la pratique de ce métier.

Siritz : Donc votre parcours est un peu différent de la majorité de vos collègues ?

TS : Oui. En général, ils avaient une expérience plus avérée quand ils ont accédé à la direction de production. Moi, j’ai appris en faisant. Je suis en préparation de mon vingtième long métrage comme directeur de production, et j’ai toujours l’impression d’apprendre.

Faire intervenir le directeur de production pendant la phase de développement

Siritz : Quel est ce film en préparation ?

TS : Il s’appelle « Compagnons ». Il est produit par Soyouz Films. Et il est écrit et réalisé par François Favrat. C’est notre première collaboration. 

Siritz : À quel stade intervient le directeur de production ? 

TS : Il y a plusieurs cas. Ce qui me paraît pertinent, c’est de le faire intervenir pendant la phase de développement, et avant même le montage financier, pour définir le périmètre de fabrication. Le producteur a plus ou moins une idée des financements qu’il peut trouver.  D’ailleurs, aujourd’hui, en général,  les producteurs sont plus compétents sur le financement qu’experts de la fabrication, dont ils sont très rarement issus. Le directeur de production discute avec le réalisateur et le ou les scénaristes, pour leur proposer des choses faisables, correspondant au financement dont le producteur estime qu’il disposera. Il m’arrive d’intervenir deux ou trois ans avant la mise en production du film. Je fais alors une première estimation et des suggestions. Mais mon  rôle commence vraiment 5 ou 6 mois avant la fabrication, quant on commence à entamer les repérages. A ce moment là, à priori, le financement est connu.

Siritz : Dans le coût d’un film il y a un poste très important c’est le casting des premiers rôles. Est-ce que vous intervenez ?

TS : Non, je n’ai pas voix au chapitre. Et c’est normal, car c’est vraiment l’endroit du réalisateur et des producteurs. Et le financement dépend en grande partie du casting. Les comédiens ont une certaine valeur de marché, estimée par les producteurs, les investisseurs et les agents. Et ils ne sont pas substituables si facilement les uns aux autres. Bien entendu il y a une part de négociation. Mais, pour faire baisser les coûts de productions, pas plus que nos Premiers ministres les directeurs de production ne sont des magiciens. En fait, pour réduire les coûts, on peut jouer sur certaines scènes, en mettant moins de figurants, en arbitrant entre le studio et le décor naturel. Mais il n’y a pas de secret : les solutions se trouvent essentiellement dans le scénario, et il faut donc établir un rapport de confiance mutuelle fort avec le réalisateur.

Culturellement le cinéma français se tourne en décor naturel

Siritz : Quand j’ai mené mon étude sur la crise des studios français,  il m’est apparu qu’une des causes de cette crise, c’était que les réalisateurs français avaient tendance à privilégier le tournage en décor naturel et à ne tourner en studio que s’ils ne pouvaient faire autrement. Or c’est l’opposé de la tendance des réalisateurs étrangers, et notamment des anglo-saxons. C’est  presqu’une position idéologique, depuis la Nouvelle Vague. Avez-vous la même analyse ?

https://www.cnc.fr/professionnels/etudes-et-rapports/rapport/les-studios-de-tournage-un-enjeu-primordial-pour-la-production-en-france_990068

TS : Effectivement, le cinéma français, culturellement, depuis la Nouvelle Vague, est un cinéma qui se tourne en décor naturel. Cela vient, pour la majorité des réalisateurs français, de leur formation et de leur culture. Pour les anglo-saxons, c’est l’opposé, mais pas de manière aussi nette. Beaucoup d’entre eux tournent aussi en décor naturel. Sur les films français il y a des cas de figure où les directeurs de production, les directeurs de la photo, les chefs décorateur et, même, les assistants réalisateurs savent que c’est plus judicieux de tourner en studio. Mais il faut en discuter avec le réalisateur : la solution technique et/ou ou financière n’est la bonne que si le metteur en scène s’en empare pleinement.

Siritz : Est-ce qu’il y a des cas typiques ?

TS : Oui. Par exemple, le tournage dans un appartement parisien. Au bout de 6 jours de tournage, avec des gens qu’il faut reloger, des camions à garer dans la rue, des voisins avec qui cohabiter, etc, cela devient plus intéressant de tourner en studio. Et puis quand, dans les décors, il faut faire des cascades ou des effets spéciaux le studio est plus commode. Mais il faut discuter avec les réalisateurs, car beaucoup d’entre eux sont mal à l’aise à priori dans le tournage en studio.

Les réalisateurs de téléfilms sont plus techniciens que les réalisateurs de cinéma

Siritz : Est-ce que c’est différent avec les réalisateurs de fictions tv ? Dans les séries, où l’un des intérêts financier est d’utiliser des décors récurrents, c’est évident.

TS : J’ai travaillé sur quelques téléfilms. La  première différence c’est qu’ils reposent sur une  économie plus réduite pour les producteurs. Et, donc, plus normée en fabrication. Ce qui n’a rien à voir avec la qualité. C’est l’opposé des films de cinéma qui sont des prototypes, réputés non reproductibles. Mais un téléfilm c’est 20 et 24 jours de tournage, alors que les longs-métrages de cinéma se tournent rarement en moins de 30/35 jours. Et puis, mon expérience c’est que les réalisateurs de téléfilms sont souvent plus techniciens que les réalisateurs de cinéma. Ils connaissent les conditions financières et, donc, les conditions techniques permettant de les  respecter. Quoiqu’avec Grandperret ou Guiraudie, j’ai travaillé avec des réalisateurs qui avaient une très forte conscience des aspects techniques et financiers. Ce n’est donc pas une règle absolue.

Siritz : Mais, de plus en plus de producteurs de cinéma font des séries. De même pour les réalisateurs de cinéma qui tournent des épisodes de série. Est-ce que cela ne va pas modifier leur approche de la fabrication des films ?

TS : Si. J’en suis persuadé. Cela nourrit leur réflexion. Par exemple, Rebecca Zlotowski a tourné la remarquable série « Les Sauvages », avec Roschdy Zem, diffusée sur Canal+. J’ai la sensation que cela a nourri son expérience et lui servira pour ses prochains films de cinéma. De même, pour « Le bureau des légendes », Eric Rochant, lui-même grand réalisateur de cinéma, a plutôt fait appel à des réalisateurs identifiés comme réalisateurs de cinéma. Je suis sûr que cela va avoir un impact sur leur cinéma.

Le modèle économique du cinéma français est en train de mourir à petit feu

Siritz : Ces passerelles vont être d’autant plus nécessaires que le modèle économique du cinéma français doit évoluer. https://siritz.com/editorial/production-cinema-les-limites-du-systeme/

TS : Evidemment. Ce modèle économique, reposant notamment sur le financement de Canal+ et des chaînes, est en train de mourir à petit feu.  Et la crise actuelle va accélérer ce processus.

Siritz : Mais le cinéma français a toujours été en crise.

TS : C’est vrai. Même quand j’y suis entré, il y a presque 20 ans, il vivait dans la fin de la période dorée des années 80/90 et on parlait déjà de sa crise. Mais, aujourd’hui, je crois que cela correspond de plus en plus à une réalité. La raréfaction des sources de financement va forcément nous obliger à revoir nos méthodes de fabrication. D’autant plus que l’on a vu émerger à la télévision des œuvres de très grande qualité, comme « Le bureau des légendes », « les Revenants », « Zone Blanche ». Et il y en a d’autres, sur Canal+, Arte ou les autres grandes chaînes. Elles ont été fabriquées dans une économie plus contrainte qui n’a pas nui à leur qualité.

Siritz : Quel impact vont avoir les mesures sanitaires à respecter pendant les tournages ?

TS : En mai notre association de directeurs de production a contribué, comme toutes les associations de techniciens,  à l’élaboration du guide des précautions à prendre pendant les tournages. En juin on se rend compte que la situation est extrêmement évolutive. Au point que certaines préconisations faites il y a quelques semaines peuvent être soupçonnées d’être obsolètes. C’est difficile d’être dans la juste mesure. Ce qui est sûr, c’est que notre responsabilité collective est très grande.

Siritz : Dans Le Carrefour de  Remy Chevrin il insistait sur le fait que ces mesures étaient des suggestions, mais pas des obligations et que, ceux qui venaient sur un tournage n’étaient pas obligés de les suivre. Par exemple, prendre sa température en arrivant.

TS : C’est le droit français. Le chef d’entreprise ne peut subordonner un emploi à une clause  de bonne santé. Les tests, par exemple, se font sur la base du volontariat. De toute façon on marche en terrain inconnu. On pense que le gros de l’épidémie est passé. Mais on  ne peut faire comme si rien ne s’était passé. On a eu des scénarios d’effondrement de la filière cinéma en France. Je ne suis pas certains qu’ils soient totalement écartés. Les prestataires souffrent énormément de l’arrêt de l’activité et de sa reprise graduelle. Les producteurs souffrent énormément, tout comme les distributeurs et les exploitants. Il est probable que cette situation va accélérer les évolutions qui étaient en œuvre, notamment du modèle économique.

La situation sanitaire évolue vite

Siritz : Parmi les problèmes il y a le problème de l’assurance contre les risques de pandémie. Le premier fonds qui a été mis en place limite les remboursement à 20%, avec un plafonds de 1,2 millions €. Cela me paraissait dérisoire pour un film de budget un peu conséquent. Aujourd’hui plusieurs mutuelles ont alimenté un fonds d’un millions €, le remboursement est de 30% et le plafond de 1,8 millions €. Qu’en pensez-vous, vous et vos collègues ?

TS : La situation évolue très vite. Il y a encore quelques semaines aucun producteur ne voulait lancer un tournage. Le risque était trop grand à prendre. Aujourd’hui, j’ai l’impression que ça évolue. Depuis deux ou trois semaines les producteurs appellent les directeurs de production. Moi, je reçois plusieurs appels par semaine, pour des tournages à la fin de l’automne. C’était inenvisageable il y a peu. Mais il faut rester très prudent, ce qui est paradoxal : lancer un processus de fabrication nécessite un enthousiasme formidable, un élan qui peut être brutalement remis en cause par l’évolution de la situation sanitaire.

Siritz : Mais concrètement est-ce que les mécanismes d’assurance semblent satisfaisants ?

Les compagnies d’assurance doivent se mouiller

TS : Il y a un film pour lequel un producteur m’a appelé.  Effectivement, il ne voit pas encore clair du point de vue de l’assurance. Il est nécessaire d’aller jusque dans les détails. Je pense qu’on aura une plus grande visibilité en septembre ou octobre. Or, naturellement, tout le monde a en tête cette éventuelle deuxième vague de l’épidémie. Les assureurs défendent leur point de vue, qui est très malthusien par rapport aux risques et aux efforts de l’ensemble de la filière. Les courtiers et le CNC font un gros boulot pour monter une protection qui marche. Mais je pense que les compagnies d’assurance doivent se mouiller. On a l’impression que les assureurs veulent qu’on paye les assurances, mais, à condition qu’on n’ait jamais recours à eux. La crise concerne le cœur de leur activité, qui, semble-t-il, sur le long terme, est rentable. Or, ils se tournent vers la puissance publique pour prendre leur place et trainent les pieds pour faire le moindre effort.

Siritz : Mais peut-être que les assureurs vont trouver que la production cinéma est trop risquée pour eux.

TS : C’est un risque, en effet. Et cela entrainerait l’effondrement de la filière en France. Peut-être que les gros opérateurs américains, notamment les GAFA comme Netflix, Amazon ou Apple, et peut-être les majors, qui appartiennent à de très grands groupes, auront le moyen de s’auto-assurer. Mais pas les producteurs français qui sont, presque tous, des indépendants. Et l’Etat ne pourra combler durablement la défaillance des opérateurs privés, en l’occurrence les compagnies d’assurance.

Or, je constate qu’en face, l’ensemble de la filière, des producteurs aux techniciens et comédiens, des exploitants aux prestataires, a fait preuve d’une grande résilience et, souvent, d’une certaine solidarité. Il serait effroyable que notre industrie, si riche et performante, meure du fait d’un défaut d’assurance. Pendant ce confinement très anxiogène, beaucoup se sont nourris de films, de séries, d’unitaires très divers. Il serait inimaginable que tout cela disparaisse.

Les chaînes ont mis le paquet

Hier soir TF1 a diffusé un second passage de « Joséphine s’arrondit », sorti en 2016. C’est pourtant France 2 qui avait coproduit et acheté « Joséphine », le premier des films tirés des  célèbres bandes dessinées de Pénélope Bagieu.

Ce premier film était produit et distribué par UGC pour un budget de 9 millions €. Marilou Berry en était déjà l’interprète principale. Et c’est Agnes Obadia qui l’avait réalisé. Il était sorti en 2013 et avait atteint 600 000 entrées. France 2 cinéma avait investi 700 000  en coproduction et  la chaîne avait acheté un passage pour le même montant.

« Joséphine s’arrondit » est toujours interprété par Marilou Berry. Mais, cette fois-ci, celle qui, jusque là avait uniquement fait une carrière de comédienne,  passe à la réalisation :

https://fr.wikipedia.org/wiki/Joséphine_s%27arrondit

Jusque là la fille de Josiane Balasko (et la nièce de Richard Berry) avait uniquement menée une carrière de comédienne, d’ailleurs commencé quand elle était très jeune

https://fr.wikipedia.org/wiki/Marilou_Berry

Le budget du film est de 10,8 millions. UGC en est toujours producteur et distributeur. En tant que producteur il a investi 3,65 millions € en numéraire. Néanmoins le producteur ne prend pas en compte dans son plan de financement le crédit d’impôt dont il va bénéficier. De même il s’est attribué 440 000 € de salaire producteur et 620 000 € de frais généraux. Les imprévus sont de 885 000 €. Et il n’y a pas de minimum garanti distributeur.

TF1 Films production a investi, comme l’avait fait France 2 cinéma pour le précédent film,  700 000 € en coproduction. Mais la chaîne a pré-acheté 2 passages payés respectivement 1,1 millions € et 900 000 €. Et sa filiale, NT1, l’a pré-acheté pour un prochain passage 281 000 €.

Canal+ a acheté le premier passage pay tv 2,270 € et Multithématiques les suivants 280 000 €. Donc le groupe a apporté un financement de 22,7% du budget du film. c’est légèrement plus que la moyenne en 2019 : https://siritz.com/les-barometres-de-la-distribution/combien-canal-et-multithematiques-achetent-conjointement-les-films-cinefinances-info-fournit-achats-en-pourcentage-du-devis/

Enfin 2 soficas adossées ont investi 1,8 millions €.

Le film, avait dépassé les 893 000 entrées. Le premier passage sur TF1, le 5 juillet 2018, avait rassemblé 3,9 millions de spectateurs et réalisé 18,8% de part de marché.

C’est certainement devenu l’une des franchises d’UGC.

Le train du cinéma sans sa locomotive américaine

Les salles françaises ont repris leur activité. Bien évidemment, tous les professionnels se demandent quelles leçons tirer de l’ouverture des salles et des premiers résultats ? La première constatation est que l’on ne prévoit pas la fréquentation cinématographique comme le résultat d’élections, car les prévisions de Médiamétrie sont totalement à côté de la plaque. https://siritz.com/editorial/le-verdict-du-box-office-de-cette-semaine/. Notamment par ce que la fréquentation dépend avant tout de l’offre.

Par ailleurs, cette analyse est compliquée. D’une part certaines salles n’ont pas ouvert le 22 juin tandis que d’autres n’ouvraient pas non plus le 24 juin. Mais, de surcroit, après 14 semaines d’arrêt total, les très sophistiqués outils de remontée d’informations que sont Ciné-chiffres et Comscore sont totalement déréglés. Dans ce domaine, comme dans le reste de la vie économique et sociale, on se rend compte que l’événement que nous vivons est du jamais vu et, surtout,  du jamais prévu.

En tout cas, plusieurs exploitants se disent plutôt agréablement surpris. Il faut en effet prendre en compte des références significatives. Ainsi, la fréquentation s’est arrêtée en mars.  Un mois qui a réalisé 18,76 millions d’entrées  en 2019 et 20,86 millions en 2018.  Or, le cinéma reprend un mois de juin qui a fait 12,47 millions d’entrées en 2019 et 10 millions en 2018. Donc une baisse d’un tiers à 50%.

En fait, et pour de multiples raisons,  le mois de juin est, avec le mois de septembre, le plus mauvais mois de l’année pour le cinéma.

Pour être plus précis, comparons les semaines.  Sur l’ensemble du territoire il y a eu 1,7 millions d’entrées du 19 au 25 juin 2019  et 1,6 millions du 20 au 26 juin 2018. A comparer ã une semaine moyenne qui, selon les années, se situe entre 3,8 et 4 millions d’entrées.

Mais l’élément le plus significatif est l’absence de nouveautés à fort potentiel commercial. Et, surtout, la totale absence de films américains de major. Or, sur une année les films américains représentent un peu moins des 50% des entrées. Et, la période de l’été est la grande saison des blockbusters américains qui, pour, réduire les effets du piratage, sortent mondialement.

Ainsi, du 19 au 25 juin 2019,  c’est le blockbuster « Men in black » qui dominait le box-office avec 194 000 entrées. Il était en 2ème semaine. 4 films de majors totalisaient 630 000 entrées sur les 1,6 millions. Donc, sans ces films, la fréquentation se situait en-dessous du million d’entrées. En 2018, C’est « Jurassic World »  qui était en tête pour sa 3ème semaine, avec 364 000 entrées. Tandis que 4 films de majors  totalisaient à eux seuls 840 000 entrées. Sans ces films la fréquentation globale aurait été de 760 000 entrées. 

Pas de fête du cinéma

Et la semaine suivante de 2018 et 2019, à cheval sur juin et juillet, était celle de La fête du cinéma qui n’aura pas lieu en 2020. 

Donc, si l’on prend en compte ces données, avec les seuls films français et européens et les films les plus commerciaux en continuation, les résultats sont effectivement satisfaisants. En tête on trouve « La bonne épouse », distribué par Mémento. Le film avait rassemblé 163 000 spectateurs en 4 jours, juste avant le confinement. Il redémarre avec, selon son distributeur, environ 20 000 entrées par jour les premiers jours de la semaine, donc avant le week-end, Sur cette semaine de 10 jours il pourrait totaliser environ 200 000 entrées, ce qui serait excellent.

« De Gaulle », distribué par SND, est en seconde position. Il avait totalisé près de 600 000 entrées en 10 jours. Il redémarre en attirant, selon son distributeur, environ 10 000 entrées chacun des premiers jours de la semaine. Et pourrait donc encore engranger aux alentours de  100 000 entrées cette semaine.

« L’ombre de Staline », distribué par Condor, un film art et essai, se trouve en 3ème position, une place à laquelle le distributeur n’est pas habitué. Et les résultats du documentaire «Le capital au XXIème siècle », distribué par Diaphana sur très peu de copies, sont également satisfaisants.

Est-ce une bonne nouvelle pour les films français ?

Mais l’absence de films de majors presque tout l’été est inquiétante.  Même la sortie de deux probables blockbusters qui était prévue pour fin juillet est reportée. Celle de « Tenet », réalisé par Christopher Nolan  et distribué par Warner est repoussée au 12 août. 

http://www.allocine.fr/article/fichearticle_gen_carticle=18691066.html

 Et celle de « Mulan», réalisé par Niki Caro et distribué par Disney, est reportée au 21 août.  Mais, dans les deux cas, tout dépendra de la situation du Coronavirus aux Etats-Unis et en Chine.

Ainsi,  dans les mois qui viennent, le marché français dépendra essentiellement des films français et européens. Ceux-ci auront l’avantage d’avoir la chance de pouvoir être gardés plus longtemps à l’affiche puisqu’ils ne seront pas bousculés par trop de nouveaux films à rentrer. Mais est-ce une bonne nouvelle pour eux ? Une haute fréquentation donne en effet envie d’aller et de retourner au cinéma. Il n’est donc pas certain que cette disparition de concurrents qui réalisaient 50% des entrées soit une si bonne nouvelle pour les films français et européens.

Problème pour le financement du soutien automatique

Enfin, le produit de la TSA sera sans doute réduit de moitié. Or, cette taxe est un droit de douane sur les films étrangers, et, notamment américains, puisqu’ils la payent sans en bénéficier. Ce qui permet de reverser aux entreprises françaises, du moins dans les premières tranches, beaucoup plus que le montant de la taxe prélevée. Mais ce mécanisme ne jouant pas, cela va poser des problèmes financiers supplémentaires au CNC. Alors que, de surcroit, il a augmenté pour l’été, les taux de soutien automatique des deux première tranches, de 50 et 20%.