Siritz : Comment est-ce que vous êtes devenue décoratrice de film.
Aline Bonetto : Par une succession de hasards et par une sorte d’évidence qui s’est imposée à moi. Je suis totalement autodidacte. Mon parcours a été guidé par ma soif de curiosité et d’aventures. Après avoir très tôt stoppé mes études je me suis essayée pendant un an à la mosaïque. L’envie de découvrir les terres lointaines et leurs cultures m’a conduit au cœur de l’Afrique pendant 18 mois, puis sur les routes de l’Inde, du Népal, du Sri Lanka, des Caraïbes. Pendant une dizaine d’années j’ai sillonné les routes et les fleuves, traversé des déserts, vu des huttes et des palais, admiré des sculptures de terre, de bois, de pierre et de marbre qui figuraient ici dieux et là diables. Et puis j’ai rencontré des gens si différents et pourtant si semblables. Apprendre à ouvrir les yeux, à sentir, à écouter, à capturer les couleurs, se souvenir des lignes, des textures, des lumières, des odeurs : cela a été mon école.
Siritz : Mais voyager coûte cher. De quoi viviez-vous ?
AB : (rires). Je vivais de peu ! Mais néanmoins il fallait à chaque fois financer le prochain voyage. Pour ce faire, j’ai frappé à toutes les portes, saisi toutes les opportunités et vécu de nombreuses expériences : je me suis lancée dans le commerce de plantes médicinales, j’ai fabriqué des bijoux, des marionnettes, travaillé dans une galerie d’art asiatique, réalisé des chantiers de peinture et même vendu des ballons de baudruche à l’hélium !
J’ai vécu tous ces moments avec la même curiosité, le même enthousiasme. Mais rien n’était assez excitant pour durer longtemps. J’ai appris sur le terrain, par instinct, à travailler le décor en créant ma propre méthode
« J’ai rencontré le monde de la pub et des clips
Siritz : Et qu’est-ce qui vous a fait découvrir votre voie, décoratrice de cinéma ?
AB : J’ai rencontré, par le biais d’amis, le monde de la pub et des clips. Je me souviens les avoir aidés bénévolement à fabriquer un culbuto géant et d’autres éléments de décors. C’était tellement palpitant de rechercher et d’associer différents savoir-faire et matériaux pour relever des défis artistiques et techniques. Le décorateur Jean-Philippe Carp m’a proposé de l’assister dans son prochain projet de pub. J’ai immédiatement accepté. C’est ainsi que, de pub en pub, j’ai appris, sur le terrain, par instinct, à travailler le décor en créant ma propre méthode. De mon enfance je garde un souvenir intense de moments passés dans un grenier plein de costumes de théâtre que j’enfilais pour m’inventer des vies aux aventures rocambolesques. Cela a nourri un imaginaire ! Cet imaginaire je le traçais aussi au crayon. J’ai très tôt dessiné sur les marges de mes cahiers, les coins de nappes en papier, les blocs de téléphone. Alors, quand j’ai rencontré ce métier, ce fut mon évidence.
Siritz : Quelle évidence ?
AB : Il y avait là tout ce que je recherchais : jongler avec les lignes et les couleurs pour former des volumes, imaginer et créer, tout en relevant des challenges incroyables pour servir une idée, un concept, un scénario. Renouveler, réinventer, repartir à zéro à chaque projet.
Faire plutôt qu’être
Je me souviens que Jean-Pierre Jeunet avait demandé à un étudiant en cinéma « qu’est-ce que vous voulez… être ou faire ? ». Pour ma part et sans aucun doute, c’est « faire ». La décoration de film me le permet. A ma manière, j’ai sculpté ce métier de décoratrice autant qu’il m’a façonné.
Grâce à Claudie Ossard, productrice de grand talent, qui a notamment produit Beneix et Kusturica, j’ai rencontré Caro et Jeunet. Je travaillais souvent avec Claudie en pub et elle s’apprêtait à produire « Delicatessen », film ovni qu’elle seule a eu l’audace de produire.
Siritz : Elle vous les a présenté dès « Delicatessen » ?
AB : Oui. Ils m’ont fait passer une sorte d’audition. Je suis venue avec mon dossier sous le bras que j’avais préparé après lecture du scénario. Je le leur ai présenté et, une fois que j’ai eu terminé, ils sont restés de marbre, pendant un instant qui m’a paru interminable. Sans que je puisse détecté la moindre réaction. Puis, finalement, ils ont éclaté de rire et m’ont dit que j’allais faire partie de l’aventure. Et quelle aventure. Ce fut mon premier long métrage.
Siritz : On peut dire que vous êtes entrée par la très grande porte. Mais avant de poursuivre sur votre carrière, vos collègues décoratrices et décorateurs, quel est, en général, leur itinéraire ?
Approcher la géographie du décor, ses volumes et ses couleurs.
AB : Ils ont pour la plupart fait des écoles d’architecture, de cinéma, entre autre l’excellente Femis ou quelques autres écoles privées. Certains ont exercé au théâtre, créé des scènes de show TV ou même exercé leurs talents au Cirque du Soleil. Il n’y a pas de parcours type. Chacun créée sa voie. Ce métier de décorateur est tellement complexe qu’une partie de celui-ci ne s’apprend qu’en faisant ! Tout commence par la lecture du scénario. S’ensuit alors un processus d’échange avec le metteur en scène pour approcher la géographie du décor, ses volumes et ses couleurs.
Au fur et à mesure de cet aller-retour avec le réalisateur, naissent des envies, des images. On « voit » les décors. Alors commence la valse des croquis, dessins et maquettes, car il faut que cette vision artistique s’inscrive dans une réalité technique et financière. Ce n’est pas uniquement un travail d’architecte, de peintre, de sculpteur, d’illusionniste, c’est un jeu d’équilibriste entre volonté artistique, possibilité financière et timing.
Siritz : Chaque film c’est un autre voyage.
AB : Oui. Plus qu’un travail d’équipe, la fabrication d’un film est véritablement l’aventure d’un équipage. Et, comme chaque film est un voyage différent, je constitue mon équipe en fonction du projet. Tout en conservant un noyau de techniciens qui m’accompagnent depuis fort longtemps et connaissent bien ma manière de travailler. Outre des assistants dessinateurs, des ensembliers, c’est à des menuisiers, des peintres, des sculpteurs, staffeurs et un très large panel de compétences auquel je fais appel.
Les décors de films sont ainsi le point de rencontre d’une grande variété de savoir-faire. Mon rôle est de choisir, synthétiser toutes ces énergies, les emmener dans mon sillage pour traduire une vision : la mienne. Qui n’est autre que le prolongement de la vision du metteur en scène. »
Définitivement, chaque film est un périple enrichissant. Je réalise à quel point ce métier fait écho à mes premières amours.
« Delicatessen » était presqu’entièrement story-boardé
Siritz : Jeunet et Caro ce sont des réalisateurs qui créent un véritable univers. Par exemple, dès « Delicatessen », au stade du scénario vous ont-ils déjà décrit cet univers ? Le décor, les costumes, la lumière ? Ou, à partir du scénario, vous ont-ils demandé de faire des propositions ?
AB : Ils ont l’un et l’autre, un univers visuel poétique très marqué. Ils avaient énormément de références dès le départ. Le film était presque entièrement story-boardé tant ils avaient une idée précise des cadres et de la mise en scène. Nous avons bien sûr énormément échangé de références, d’images. C’est un travail essentiel avec tous les metteurs en scène pour s’imprégner de leur univers. Mais aussi saisir les envies qui ne sont pas nécessairement formulées. Bien que leurs intentions artistiques aient été clairement définies Caro et Jeunet restaient toujours à l’écoute de nouvelles suggestions.
Siritz : Dans les autres films que vous avez fait avec eux ils avaient toujours un story-board ?
AB : Oui. Que ce soit sur les films Caro-Jeunet ou Jeunet seul. Il y a toujours eu un story-board. Chez Jeunet il y a cette précision de métronome. C’est extraordinaire de voir à quel point il a son film en tête. C’est pour cela qu’il peut faire un story-board. Il affectionne le travail en studio qui offre un parfaite maitrise du tournage. Je me souviens des premiers jours dans Paris pour « Amélie Poulain » où Jean-Pierre a découvert les aléas du tournage en extérieur.
Jean-Pierre Jeunet est un metteur en scène qui travaille beaucoup en amont. Il aime tellement l’image qu’il ne veut rien négliger. Si un problème se présente, il a une grande capacité à rebondir et à trouver une solution de mise en scène aussi satisfaisante que l’idée originale. Je crois que ce qui nous unit, Jeunet et moi, c’est l’idée que chaque détail compte et qu’au fond, ils contribuent tous à raconter « l’histoire », en touches légères et délicates, apportant chacun sa note de poésie. »
Siritz : Dans un précédent Carrefour, Remy Chevrin, le directeur de la photo, disait que, sauf exception, la majorité des réalisateurs français n’avaient pas d’ambition visuelle. Qu’ils ne s’intéressaient qu’au texte et aux acteurs. Ce n’est évidemment pas le cas de Jeunet et Caro. https://siritz.com/le-carrefour/remy-chevrin-notre-cinema-manque-dambition-visuelle/. Dans un autre Carrefour, la créatrice de costumes, Madeline Fontaine, a la même analyse, et rappelle que le cinéma est pourtant un art visuel. https://siritz.com/le-carrefour/lapparence-revele-beaucoup-sur-les-personnages/ Mais, vous, n’avez-vous travaillé qu’avec des réalisateurs qui avaient cette ambition visuelle ?
La priorité de Lioret c’est l’acteur, les mots, le son
AB : Il y a autant de types de films que de réalisateurs. Ils sont effectivement peu nombreux à avoir une ambition visuelle forte, et lorsque c’est le cas, on peut parfois leur reprocher le côté « esthétisant » de leur film. Bien sûr, qui dit « ambition visuelle » dit aussi « avoir les moyens de ses ambitions ».
Mais on peut faire de très beaux films en se basant sur un bon script avec de bons dialogues et une bonne direction d’acteur. Me vient en tête le film de Philippe Lioret « Le fils de Jean ». C’est un réalisateur avec qui j’ai travaillé et que j’aime beaucoup. Il était ingénieur du son à l’origine. Sa priorité c’est la voix de l’acteur, les mots, le son. Pas les décors. Les films qu’il a fait sont pourtant très « beaux. J’adore les films de Ken Loach et aussi ceux d’Alfonso Cuarón. Peu importe où l’on met l’accent, ce qui compte, c’est de raconter une histoire avec force et sincérité.
Moi aussi je me sens raconteur d’histoire à coup de pinceaux, de rideaux, de marteaux, de ciseaux, de tableaux.
Un véritable partenariat avec le/la directeur de la photo et le/la créateur de costume
Siritz : Après avoir discuté le plus en amont possible avec le réalisateur, est-ce que vous travaillez immédiatement avec le directeur de la photo, les costumiers, voire le monteur ?
AB : Très vite dans le processus de création d’un film, il est indispensable d’établir une triangulation entre lumière, décors et costumes pour travailler en cohérence artistique. Ce travail de la couleur, des volumes et des matières exige une relation étroite, un véritable partenariat avec le/la directeur de la photo et le/la créateur de costume. En revanche, il est très rare de travailler en amont avec le monteur, c’est plutôt un travailleur de l’aval. Il est certains membres de l’équipe d’un film qu’un décorateur ne croisera pas souvent si ce n’est qu’à la projection.
Siritz : Vous avez travaillé avec des réalisateurs américains. Comment vous ont-ils choisie ?
AB : Pour mon travail sur des films qui ont eu un parcours international comme « Amélie Poulain » et « Un long Dimanche de Fiançailles » de Jeunet, pour lequel j’ai eu 2 nominations aux Oscars. Ce fut aussi le fait du hasard. J’ai une première fois été appelée par Disney pour « Maleficient ». Déjà engagée sur un autre projet il ne m’était pas possible de faire le film, mais, j’ai accepter de travailler en amont pour établir un dossier d’intention artistique, et ce, avant qu’un metteur en scène ne soit attaché au projet. Par ailleurs, j’ai continué de travailler sur quelques films publicitaires entre les longs métrages, quand le timing le permettait. Notamment avec Chanel qui travaille avec de grands réalisateurs. L’approche de cette grande maison bien que publicitaire, est de mettre en avant l’excellence de la marque via l’excellence de l’image.
J’ai rencontré le réalisateur Joe Wright, en travaillant avec lui sur 2 campagnes parfum, avec Keira Knightley. Les Studios Warner lui ont proposé de réaliser le film d’aventure « Pan », avec Hugh Jackman. Sa décoratrice anglaise, Sarah Greenwood, n’étant pas disponible, il m’a proposé de le rejoindre à Londres pour travailler ensemble sur ce projet. Je n’ai pas hésité à accepter.
Siritz : Et cela vous a ouvert la voie d’autres films américains
Une collaboration sur « Wonder woman »
AB : A la fin de ce film les studios Warner m’ont proposé de rencontrer la réalisatrice Patty Jenkins, pour une collaboration sur « Wonder Woman ». Là encore je n’ai pas hésité. L’aventure s’étant très bien passée, j’ai retrouvé une nouvelle fois Patty Jenkins et Warner pour un deuxième volet de Wonder Woman qui devrait sortir en Octobre, la sortie ayant été repoussée suite à la crise sanitaire.
Une collaboration très en amont, et tout au long du film, avec le superviseur et l’équipe VFX
Siritz : Quel différence y a t il entre tourner sur un blockbuster américain et un film français.
AB : On est bien traité ! (rires). Il y a bien sûr 1000 petites différences. Mais, principalement, c’est la taille qui impressionne. La taille des studios, des équipes, des camions, des budgets, la fréquence des réunions et le nombre de personnes qui y participent. Il est fréquent d’avoir des équipes à 300 personnes et pour peu qu’il y ait quelques figurants, c’est 700 repas servis au déjeuner ! Ce qui diffère également sur ce type de film c’est la collaboration très en amont, et tout au long du film, avec le superviseur et l’équipe VFX. Pour le reste, après une petite période d’adaptation, ce n’est pas très différent de ce que nous connaissons.
Siritz : Pour fabriquer des décors vous travaillez avec des prestataires ?
AB : En France, non. L’équipe déco est composée d’intermittents. En Angleterre où sont tournés 80% des blockbusters américains, aussi d’ailleurs. C’est le statut le plus adapté à nos métiers. Ce système offre une incroyable flexibilité qui permet de constituer chaque équipe en fonction des besoins d’un projet avec des techniciens compétents et enthousiastes.
Siritz : Vous n’avez jamais travaillé sur des séries. Pourtant, l’économie des séries repose sur un décor récurrent. Qui est donc essentiel.
AB : Des propositions m’ont été faites, mais qui prenaient trop de temps. J’avoue préférer le format film, même en tant que spectatrice. A l’exception de la série « Tchernobyl » qui m’a été proposée par son réalisateur Johan Renck et que j’aurais aimé faire si le timing l’avait permis.
Je travaille pour le prochain Jeunet commandé par Netflix
Siritz : Vous êtes en train de travailler sur un ou plusieurs films ?
AB : Je travaillais en prépa sur deux films qui ont été interrompus, suite à la crise sanitaire du Covid 19 : « Bigbug » de Jean-Pierre Jeunet pour Netflix produit par Eskwad et Tapioca. Il devrait redémarrer en prépa début août. Et, en second lieu, « Astérix et Obélix – La route de la soie » réalisé par Guillaume Canet et produit par Trésor films, dont le tournage a été repoussé au printemps. Ces deux films sont totalement différents et c’est ce grand écart qui m’intéresse et me passionne.
«J’ai sculpté ce métier de décoratrice autant qu’il m’a façonné » explique la décoratrice de tous les films de Jeunet, des films publicitaires de Chanel mais aussi de blockbusters américains. Elle a reçu un César et deux nominations aux Oscars. Elle raconte son parcours et explique les enjeux de son métier.
René Bonnell sur l’économie du cinéma français
Le CarrefourSiritz : Vous avez remis en 2014 un rapport sur le financement de la production et de la distribution française à l’heure du numérique. Quelles étaient les réformes essentielles que vous préconisiez ?
René Bonnell: Je voudrais dire au préalable que j’ai eu de la chance que le CNC ait appliqué une majorité de mes préconisations.
Siritz : Qu’est-ce qui a été retenu ?
RB : Tout d’abord, il a été mis un peu d’ordre dans le coût des films.
Siritz : En plafonnant à un million d’euros la rémunération d’un talent ?
RB : Cela ne figure pas dans mon rapport contrairement à ce que j’ai pu entendre. Cette mesure est purement cosmétique. Pour arrêter la dérive inflationniste des budgets de production, j’avais émis des propositions plus structurelles qui n’ont pas été retenues. Il reste que, désormais, le talent ne peut coûter plus d’un certain pourcentage du budget qui décroit avec le niveau de ce dernier.
Un bilan régulier
Par ailleurs, on a consolidé la situation financière des sociétés de production, en élevant le capital social minimum à 45 000 € (J’avais proposé 50 000 €), dont 25 000€ au minimum en numéraire totalement libéré. Cela reste insuffisant, car, quand on doit financer des films de plusieurs centaines de milliers voire de millions d’euros, on devrait pouvoir disposer de davantage de fonds propres. Les mécanismes d’encouragement fiscal existant devraient être mis davantage à profit pour attirer des capitaux extérieurs dans la branche.
Siritz : Vous avez également proposé des mesures pour consolider les films dits du milieu, ceux dont le budget se situe aux alentours de 4 à 6 millions €.
RB : Oui. En revoyant la répartition de l’aide automatique à la production et à la distribution. Ce qui a été fait.
Ne pas dépasser un ratio de 50% d’aides sélectives
Siritz : Est-ce qu’il y a des réformes que vous jugiez essentielles n’ont pas été mises en œuvre ?
RB : Oui. D’abord la chronologie des médias. L’accord de l’année dernière est déjà obsolète. La profession devrait procéder à des reformes qui répondent à la réalité de la « consommation » cinématographique en sanctuarisant les salles avec une fenêtre de quatre mois.
Par ailleurs, j’avais proposé de faire un bilan régulier des soutiens accordés, pour éviter l’empilement actuellement constaté des aides créées en fonction de la dernière pression subie. Il s’agirait de ne pas dépasser en valeur un ratio de 50% d’aides sélectives, façon de limiter le saupoudrage actuel. La stimulation constante de l’offre comme cela s’est pratiqué depuis des décennies aboutit à une évidente surproduction qui s’accompagne souvent d’une certaine frustration des professionnels qui assistent au naufrage de leurs films en salles. Les statistiques à cet égard sont effarantes. On peut affirmer que la probabilité qu’un film échoue en salles est de l’ordre de 80 à 90%.
J’ai cherché à freiner la dissémination des structures de production et de distribution par une incitation au regroupement, en jouant sur la bonification des aides cumulées. On le sait, l’éparpillement des entreprises génère un cercle vicieux : fragile en trésorerie, le producteur consacre beaucoup de temps à faire le tour de toutes les aides possibles en France et en Europe. La demande de l’accroissement des aides sélectives est permanente et une telle politique est sans issue. Il faut régler le problème à la base, en poussant à la concentration et la diversification vers la télévision des entreprises de production.
Rappelons qu’une bonne moitié de la production française non préfinancée par une chaîne n’est vue au total que par un petit nombre de spectateurs. Dans la majorité des cas, elle ne connaît qu’une sortie confidentielle en vidéo ou souvent aucune diffusion sur les plateformes et ne sera pas exportée. Beaucoup d’énergie et d’enthousiasme pour très peu de résultats. C’est triste.
Que des films soient bénéficiaires avant de sortir n’est pas normal
Serge Siritz : Avec le recul de cinq ans quels résultat sur le coût des films ?
RB : Globalement, certaines dérives se sont arrêtées. Est-ce à cause de la mise en œuvre des mesures que je préconisais ou de l’essoufflement du fonds de soutien ? Est-ce à cause du niveau de plus en plus pléthorique de films distribués face à une fréquentation tournant autour de 200 à 210 millions d’entrées et incapable de les absorber ? Les deux je pense.
Mais si le coût des films a baissé, la cassure entre les films bien financés et les autres, à budget plus modeste, s’est aggravée. Il fallait mettre fin à certaines dérives inflationnistes en matière de budget. Mais il faut prendre garde de ne pas laisser vivoter une part de plus en plus importante de la production, source, bien souvent, du renouvellement des talents. A cet égard que des films soient bénéficiaires avant de sortir, cela n’est pas normal.
Siritz : Il y en avait beaucoup dans ce cas ?
RB : A l’époque du rapport, un film sur cinq environ. Et cela grâce à un usage habile des techniques de préfinancement et du vedettariat. Ce pourcentage a dû baisser. On jouait alors au social-démocrate pour appeler à un système de soutien financier d’aide publique et d’obligations d’investissement. Mais l’on devenait Tatchérien quand il s’agissait de jouer à l’offre et à la demande, notamment sur les cachets des auteurs et des interprètes connus. Il ne s’agissait que d’une poignée de talents dont on présupposait le succès garanti au box-office, en oubliant qu’une majorité d’artistes, interprètes ou techniciens, vivent difficilement de leur métier. Il y avait là une iniquité de répartition.
Aucune talent ne fait nécessairement marcher un film
Rappelons qu’aucun talent (cinéastes ou interprètes), ne fait nécessairement marcher un film. Toutes les statistiques le prouvent. Un succès transforme un acteur ou une actrice, voire un réalisateur en vedette qui, ensuite, va renouveler ou non son exploit. Mais, ce qui n’est pas renouvelé ce sont les cachets. Dans le marché américain, véritablement libéral, si un talent subit un ou deux échecs, son cachet s’effondre. Ce n’est pas le cas en France. On dit : un tel ou une telle on ne peut le payer moins de tant. Et pourquoi ? Parce qu’il en a toujours été ainsi. Peu importe le destin économique de l’œuvre. Mais sous l’effet de la crise du financement, les mentalités semblent évoluer.
Siritz : Vous avez fait des propositions sur l’exportation dont on dit constamment que c’est un marché et, donc, une source de financement que l’on pourrait développer.
RB : Oui. Elles ont abouti à la création d’une aide automatique calculée sur les entrées réalisées hors de nos frontières. Ce qui est plus efficace que l’aide sélective antérieure. A ce stade, il n’y a que deux ans de retour d’expérience et, avec le Covid 19, de nombreux marchés étrangers se sont effondrés. Mais le CNC veut poursuivre cette politique en l’adaptant pour éviter que lorsque les films de Luc Besson n’ont pas de succès ou ne sont pas sur le marché, le nombre d’entrées à l’étranger soit divisé par deux.
Il va manquer au moins 100 millions € au CNC
Siritz : Est-ce que 6 ans après ce rapport est toujours d’actualité ?
RB : Les premières lignes du rapport parlent d’affaissement du dispositif de soutien et, plus loin, de la raréfaction des ressources du fonds pour des raisons que j’explique. Alors que le CNC disposait à l’époque de réserves importantes. Cela lui permettait de maintenir le niveau du soutien par branche, mais masquait le lent tarissement de ses sources de financement. Cette appréciation n’était hélas pas erronée. Le CNC a dû faire des économies dès 2018. En 2020, avec le Covid 19, il va manquer selon moi au CNC au moins 100 millions €, en raison de la mise à l’arrêt durant trois mois des salles collectrices de TSA et de la contraction des recettes publicitaires des chaînes. Les ressources attendues des nouveaux contributeurs d’Internet et de la S-Vod mettront du temps à prendre le relais.
Siritz : Vous aviez demandé dans votre rapport que l’on fasse périodiquement un bilan de chacune des aides. J’ai d’ailleurs repris cette suggestion dans mon éditorial de la semaine dernière. C’est du bon sens, mais ça n’est toujours pas fait. https://siritz.com/editorial/pour-equilibrer-le-fonds-de-soutien/
RB : Oui. Chaque branche dispose de nombreuses aides. Et il faudrait que, régulièrement, on fasse un bilan, sans tabou, de chacune d’entre elles, pour les modifier ou les regrouper.
La fusion des obligations d’investissement des chaînes dans le cinéma et l’audiovisuel
Serge Siritz : D’autres reformes sont-elles nécessaires ?
RB : La grande réforme ce serait la fusion des obligations d’investissement des chaînes dans le cinéma et l’audiovisuel, avec un pourcentage minimum garanti à chacun des secteurs.
Siritz : Mais le cinéma est vent debout contre !
RB : C’est sûr. Une telle réforme aboutirait vraisemblablement à moins de films et plus de séries. Mais le total des obligations restant inchangées, le volume de commande et de travail dans le secteur audiovisuel resterait constant. Les chaînes pourraient faire des arbitrages, en concentrant des moyens sur des films à forte valeur ajoutée de production et à diriger certains films vers la télévision. A long terme, les cinéastes y gagneraient en faisant leurs armes sur le petit écran avant de passer au grand et de subir l’épreuve de plus en plus violente de la salle. Bien sûr, on pourrait demander aux chaînes de cofinancer un minimum de premières œuvres pour le cinéma.
Les grandes signatures du cinéma tournent désormais des séries
Siriz : Mais, une partie du cinéma a peut-être évolué. Car, de plus en plus de producteurs de cinéma produisent des séries et des réalisateurs de cinéma en réalisent. En outre, le niveau des séries s’est fortement élevé. Par ailleurs, c’est plus intéressant pour un réalisateur de tourner régulièrement des épisodes des séries que d’attendre plusieurs années pour faire son prochain film.
RB : Ce n’est pas un hasard si de grandes signatures du cinéma tournent désormais des séries. En prenant simplement l’exemple d’ARTE, une série touche de 800 000 à un million de spectateurs, voire davantage. Ce que peu de réalisateurs peuvent atteindre en salle. Il y a une époque où Daniel Toscan du Plantier, qui avait beaucoup d’esprit, disait, « la télévision c’est de la confection et le cinéma c’est de la haute couture ». Aujourd’hui ça n’est plus vrai. Et, on ne se déplace pour aller au cinéma que s’il y a quelque chose de très attractif et non sur des sujets largement traités à la télévision (policiers par exemple).
Passer des contrats de programme entre le CNC et des producteurs
Siritz : Revenons au problème des ressources du CNC.
RB : A court terme, le trou est tel que l’Etat va devoir intervenir, comme il l’a fait pour le fonds de garantie des tournages. On pourrait en profiter pour rechercher des effets structurels sur le secteur de la production. Par exemple, par la voie de contrats de programmes passés entre le CNC et les producteurs. On utiliserait les leviers des prêts de l’IFCIC et des aides à la production pour les exhorter à s’engager, à mettre en œuvre des premiers films, des films tournés vers l’exportation, d’investir en développement sur un temps long et à se diversifier en télévision.
Siritz : Ça tend à favoriser les grosses structures plutôt qu’un grand nombre de petits producteurs.
RB : Cela aurait surtout pour effet de renforcer les structures petites et moyennes. C’est nécessaire pour produire des films ou des œuvres audiovisuelles qui répondent avec plus de moyens à une demande réelle. Le nombre de jeunes allant au cinéma a été diminué par deux en 20 ans. Cela pose un problème que l’on ne peut ignorer.
Aller chercher l’argent là où il se trouve
Siritz : Dans l’économie du cinéma la principale source de financement de la production ce sont les chaînes gratuites. Inévitablement, indépendamment de la crise sanitaire, leur chiffre d’affaires va baisser. Les producteurs comptent sur les plates-formes de S-Vod pour compenser cette baisse. Mais celles-ci n’ont l’intention d’investir dans les films que marginalement. Dans ces conditions, qu’est-ce qui peut compenser la baisse de l’apport des chaînes.
RB : La question n’est pas simple. Ce qui est certain c’est qu’il faut aller chercher l’argent là où il se trouve. C’est-à-dire du côté des plates-formes qui, en tout cas, ne contribuent pas assez au fonds de soutien. Leur participation obligatoire annoncée au financement de la création peut devenir une source de financement de premier ordre.
Siritz : Mais si on aligne leur taxe sur celle de nos chaînes, elles vont demander d’aligner leur taux de TVA sur celui de Canal+ et de la passer de 20 à 10%.
RB : Peut-être. Cela ramène au fait qu’il faut optimiser les dépenses du fonds de soutien et affecter l’aide là où on en a besoin.
Siritz : Dans l’optique de l’équilibre des comptes du fonds de soutien vous avez parlé de la nécessité de faire un bilan régulier des aides sélectives
RB : C’est ce que j’avais proposé effectivement. Un bilan tous les deux ans et la répartition de 50/50 entre automatique et sélectif. Cela suppose des réformes stratégiques pour refondre le système. Il faudrait faire des choix douloureux, car il est plus facile de créer une aide que de réformer, regrouper ou supprimer les aides existantes. En économie du cinéma l’optimum est le maximum. Notamment en matière de création. Mais ce maximum est fixé par les ressources forcément limitées du système. Autant anticiper et éviter d’opérer une sélection par l’échec.
Pour attirer les capitaux privés il faut une réforme radicale des pratiques
Siritz : Une autre ressource ce sont les capitaux privés. Cela suppose évidemment qu’investir dans le cinéma soit une activité rentable.
RB : Je suis pour. Les capitaux privés ne s’engagent que parcimonieusement en production, car ils ne se récupèrent qu’à des seuils trop élevés de recette, derrière les frais d’édition, les éventuels à valoir et des priorités accordées aux producteurs délégués au niveau de l’aide. Les investisseurs extérieurs sont donc découragés. Mais il faut opérer une réforme radicale des pratiques en obéissant à plusieurs principes : intégrer les frais d’édition dans les budgets de production ; supprimer la technique du financement par à valoir qui a dévasté le secteur et correspondait à une époque où les résultats en salles étaient moins concentrés sur une poignée de films et ou plus d’argent remontait des salles sur davantage de films ; aligner les intérêts de tous les participants dans la récupération de leurs investissements.
Le distributeur se rémunèrerait par une commission qui couvre ses coûts de fonctionnement et demeurerait libre d’investir en coproduction. Toutes les recettes du film seraient ainsi partagées au prorata de l’investissement de chacun et amorties à la même hauteur. La part du producteur délégué tiendrait compte de son travail de développement, de ses frais généraux, de son apport financier et bien sûr de sa garantie de bonne fin. Certains films sont montés sur ces bases.
Siritz : En capitaux privés il y a déjà les Sofica. Malgré leur avantage fiscal leurs actionnaires ne gagnent pas beaucoup.
RB : On peut assouplir les règles, les faire intervenir davantage au capital. Mais, là encore, il faut que la remontée de recette soit plus rapide et plus équitable.
Ce miracle ne peut durer longtemps
Siritz : Comment est-ce que le système continue à fonctionner avec ces défauts ?
RB : A mon sens, sans réforme de fonds, ce miracle ne peut pas durer longtemps. Les pertes sont plus ou moins bien absorbées. Les circuits quand ils produisent ou distribuent s’en sortent avec les salles. Les distributeurs indépendants, avec un seul film bénéficiaire, peuvent amortir les pertes de plusieurs autres, mais beaucoup souffrent. Les diffuseurs télévisuels sur-financent souvent les œuvres en se disant qu’elles peuvent marcher sur leurs antennes. En cas de difficultés financières d’un opérateur, les fournisseurs ne sont pas payés, certaines avances ne sont pas remboursées. Cette collectivisation des pertes ne pourra pas constituer à terme une solution. Car chacun des partenaires du cinéma connaît aussi des problèmes qui pourraient affaiblir son apport financier au Septième art.
Voir la riche carrière de René Bonnell :
https://www.franceculture.fr/personne-rene-bonnell.html
Trois ministres de la Culture par président
ÉditorialUne des illustrations du mal français
La nomination de Roselyne Bachelot comme ministre de la culture du nouveau gouvernement a été bien accueillie par le secteur. A la fois parce qu’elle baigne dans la culture ; mais aussi, parce que sa forte personnalité va lui conférer l’autorité pour obtenir des arbitrages financiers favorables.
Néanmoins, rappelons il y avait déjà eu deux ministres ã ce poste sous la présidence d’Emmanuel Macron. Et Franck Riester n’avait sans doute pas la forte personnalité de Roseline Bachelot, mais il était très compétent sur les dossiers du cinéma, de l’audiovisuel et des médias. Enfin, rappelons qu’il y avait dėjà eu trois ministre sous la présidence de François Hollande.
Voir la liste des ministres de la culture sous la Vème République:
https://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_des_ministres_français_de_la_Culture_et_de_la_Communication
C’est l’illustration d’un des maux français. Il est en effet impossible, en moins de deux ans, de mener une véritable politique. Ne serait-ce que pour imaginer et de mettre en œuvre des réformes nécessaires et qui vont avoir un impact positif.
A France Télévisions aussi
On trouve d’ailleurs le même problème ã la tête de France télévisions où aucun président n’a étė renouvelé. Sauf Marc Tessier, dont le premier mandat avait été une complète réussite justifiant son maintien. Mais une réforme dans le mode de désignation des présidents a écourté à quelques mois son second mandat.
Il est vrai que cette fois le choix du CSA est « cornélien » : d’un côté la présidente de France télévisions demande logiquement son renouvellement, de l’autre, Christophe Baldelli, lorsqu’il était à la tête de France 2, a incontestablement très bien réussi.
Seules les paillettes
En fait, la réalité, c’est que la culture comme la communication n’intéresse pas nos chefs d’Etat et de gouvernements, sauf dans leur aspect paillette. La preuve en a encore été donnée quand notre président, les bras de chemise retroussés, a conversé en direct à la télévision, par visioconférence, avec quelques personnalités du monde de la culture. Tandis qu’ã ses côtés, sans doute pour se donner une contenance, le ministre de la culture, Franck Riester, prenait des notes, comme s’il découvrait des mesures qu’il avait forcément contribué à élaborer. Le Président c’est donné le beau rôle en annonçant que, pour chaque intermittent, la période pour le calcul des 507 heures permettant de bénéficier des indemnités de chômage, serait étendue jusqu’à août 2021. Une mesure très coûteuse, mais tout ã fait justifiée par les effets de la crise sanitaire sur l’activité culturelle.
En revanche, le président a montré qu’il n’hésitait à parler de ce qu’il ne connaissait pas. Ainsi, interrogé sur le fonds garanti contre les risques de pandémies sur les tournages, il a affirmé que les Soficas devaient y participer. Ce qui est à la fois contraire à la loi et à leur objet social. Il a, par ailleurs, affirmé, à juste titre, que les compagnies d’assurance devaient y participer. Or, seules les mutuelles ont accepté de le faire. Le président n’a donc pas pu, ou sans doute voulu, peser sur ces grandes compagnies d’assurance pour qu’elles y participent aussi.
La culture est un secteur stratégique
Au cours de cette visioconférence le Président a affirmé que la transposition de la directive SMA, sur les plates-formes de S-Vod, serait effective au 1er janvier 2021. C’est une promesse audacieuse. Espérons que Roseline Bachelot saura surmonter les incroyables lourdeurs de la machine administrative française pour qu’il en soit ainsi. Or, la crise sanitaire a démontré ã quel point faire compliquer plutôt que simple est, en France, une règle supérieure aux droits de l’homme et ã notre constitution. Même dans le cas de grande urgence. Comme l’ont prouvé les retards dans l’approvisionnement des masques. Ou comme ceux dans le versement des indemnités promises au personnel soignant.
Pourtant, la culture au sens large, c’est à dire comprenant les arts et la communication, est un secteur stratégique. A double titre. Tout d’abord il contribue au « soft power » d’une nation, avec tout ce que cela entraîne pour son influence, son image et son tourisme. D’autre part c’est un secteur économique en plein développement, avec un énorme potentiel de création d’emplois et de valeur ajoutée.
Voir aussi l’enjeu de la S-Vod qui est l’une des branches de la communication : https://siritz.com/editorial/comment-amener-la-s-vod-a-financer-notre-cinema/
La rémunération de Marion Vernoux
CinéscoopPour la réalisation de « Bonhomme », son troisième film
Jeudi OCS City a diffusé « Bonhomme ».
https://fr.wikipedia.org/wiki/Bonhomme_(film)
Cinéfinances.info* a fourni les données financières de cet article.
Son budget est de 3,4 millions €. Il a été produit par Les films du kiosque (François Kraus) qui a produit les trois films réalisés par Marion Vernoux.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Marion_Vernoux
Canal+ avait préacheté le premier passage de télévision à péage pour 1,05 millions € et OCS le second pour 100 000 €. Le film est coproduit par France 3 cinéma (300 000 €) et pré-acheté par France 3 (300 000 € ). Il est distribué par La Belle Company associé à Orange studio. Il n’a réalisé que 50 000 entrées.
La rémunération de la réalisatrice est de 60 000 €, répartie à part égale entre à-valoir sur droits d‘auteur et salaire de technicien. Soit 1,8% du budget du film. C’est la moitié de la rémunération médiane des films de fiction sortis en 2019. https://siritz.com/les-barometres-de-la-distribution/remuneration-des-realisateurs-de-films-francais-de-fiction/. C’est également moins que la rémunération médiane, en pourcentage par rapport au devis de ces mêmes films. https://siritz.com/financine/barometre-de-la-remuneration-des-realisateurs/
Son scénario n’a été payé que 1 750 €. En revanche le sujet a été rémunéré 168 000 €.
La rémunération de ses précédents films
Son précédent film était « Et ta sœur », sorti en 2016. Il était tiré du roman « Une jeune fille aux cheveux blonds », écrit par Fanny Chesnel. La rémunération de la réalisatrice était de 130 000 €, répartie à part égale entre à-valoir sur droits d’auteur et salaire de technicien. Distribué par Le Pacte, il avait totalisé 133 000 entrées.
Le premier film de Marion Vernoux, « Les beaux jours » était sorti en 2013. Il était distribué par Le Pacte et avait atteint 473 000 entrées.
*www.Cinefinances.info est un site, accessible par abonnement, destiné aux professionnels du cinéma. Il publie le budget, le plan de financement et la répartition des recettes de tous les films français qui sortent (hors les films « sauvages » qui ne déposent pas leurs contrats au registre public et ne demandent donc pas l’agrément qui leur permettrait d’accéder à l’aide du CNC). Il dispose d’un puissant moteur de recherche multicritères et de 10 ans d’archives.
Baromètre de la rémunération des réalisateurs
FinanCinéEn pourcentage du devis des films sortis en 2019
Le site Cinéfinances.info* publie le budget et le plan de financement de tous les films français qui sortent. A partir de ces données il établit des classements annuels qui permettent de situer un financement ou une dépense par rapport au marché d’une année donnée. Siritz.com a établi un baromètre de la rémunération des réalisateurs de films de fiction https://siritz.com/les-barometres-de-la-distribution/remuneration-des-realisateurs-de-films-francais-de-fiction/
Il y ajoute un baromètre de cette rémunération, mais en pourcentage par rapport au devis de tous les films sortis en 2019. Mais ce baromètre concerne tous les films, qu’ils soient documentaires, de fiction ou d’animation. Il y en a 232.
Le pourcentage le plus élevé est de 15,6%. Il s’agit d’une rémunération de 15 000 € de Delphine Detrie, la réalisatrice du documentaire « Jeune bergère » dont le budget est de 96 000 €. La rémunération des réalisateurs de documentaire est souvent élevé en pourcentage, car le devis des films est bas.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Jeune_Bergère
La rémunération la plus élevée des films de fiction est celle des frères Dardenne pour « Le jeune Ahmed ». Elle est de 700 000 € pour un budget de 6,2 millions €, soit 11,3% du budget. Dans ce cas il est clair que les réalisateurs sont la vedette du film.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Jeune_Ahmed
Le pourcentage moyen est de 3%. A titre d’exemple, «sur « Doubles vies », Olivier Assayas a été rémunéré 139 000 € alors que le budget du film est de 4,6 millions €.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Doubles_Vies
La rémunération médiane est de 2,1% du budget du film. Il y a autant de réalisateurs qui sont au-dessus de cette rémunération qu’en-dessous. A titre d’exemple, pour « Seules les bêtes », dont le budget est de 4,77 millions €, Dominik Moll a été rémunéré 100 000 €.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Seules_les_bêtes_(film)
Pour « Tout simplement noir »
CinéscoopLa rémunération de Jean-Pascal Zadi
Les exploitants comptent beaucoup sur « Tout simplement noir » qui sort ce mercredi, pour faire remonter d’un cran une fréquentation bien molle. C’est une comédie à sketch sur l’identité noire.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Tout_simplement_noir_(film)
Cinéfinances.info* a fourni les données financières de cet article
Ce film, produit et distribué par Gaumont, a un budget de 3,4 millions €. Canal+ l’a préacheté pour 830 000 € ainsi que Multithématiques pour 80 000 €. En ce qui concerne la télévision gratuite c’est C8, une autre chaîne du groupe Canal+, qui l’a acheté 300 000 € en étant, en plus, coproducteur pour 80 000 €.
La carrière très variée de Jean-Pascal Zadi
« Tout simplement noir » est co-réalisé par Jean-Pascal Zadi et John Wax. Le second est un photographe de plateau et n’avait jamais réalisé de film. Jean-Pascal Zadi est à la fois rappeur et acteur. Il a déjà réalisé des clips, un documentaire et autoproduit trois longs métrages. En 2013 et 2014 il a animé l’équipe de Before du Grand Journal, l’avant-programme de Canal+. C’est donc un visage connu des abonnés de la chaîne à péage. Puis il a tenu, en 2015, une chronique sur la radio Mouv. II a également écrit un roman « Bastos à crédit »
Voir sa carrière : https://fr.wikipedia.org/wiki/Jean-Pascal_Zadi
Pour 34 jours de tournage la rémunération des réalisateurs est de 110 000 €, dont 20 000 € en à-valoir sur droits d’auteurs et 90 000 € de salaire de technicien. C’est sensiblement plus que la rémunération médiane des réalisateurs de films de fiction sortis en 2019 https://siritz.com/les-barometres-de-la-distribution/remuneration-des-realisateurs-de-films-francais-de-fiction/. Jean-Pascal Zadi est également le principal interprète du film.
A noter que le sujet apporté par Jean-Pascal Zadi a été rémunérée 90 000 €.
*www.Cinefinances.info est un site, accessible par abonnement, destiné aux professionnels du cinéma. Il publie le budget, le plan de financement et la répartition des recettes de tous les films français qui sortent (hors les films « sauvages » qui ne déposent pas leurs contrats au registre public et ne demandent donc pas l’agrément qui leur permettrait d’accéder à l’aide du CNC). Il dispose d’un puissant moteur de recherche multicritères et de 10 ans d’archives.
La rémunération de Mounia Meddour Gens
CinéscoopLa réalisatrice de « Papicha » révélation et succès de 2019
Ce mardi Canal+ diffuse pour la première fois « Papicha ». Ce film a été l’une des révélation et l’un des succès marquants de l’année 2019. Il s’agit d’une coproduction à parts quasiment égales entre la France, la Belgique et l’Algérie. Il a été tourné à Alger en langue arabe.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Papicha
Cinéfinances.info* a fourni les données financières de cet article
Son budget est de 1,2 millions €. Jour2fête en a acquis les droits de distribution français pour la salle, la vidéo, la VoD et le couloir TV hertzienne, pour 25 000 €. Or, le film, sorti sur 147 copies, est resté 9 semaines à l’affiche et a atteint 260 000 entrées.
Il a été réalisé par Mounia Meddour Gens. Elle est née à Moscou d’une mère russe et d’un père algérien. Agée de 42 ans c’est son premier long métrage. Elle avait réalisé auparavant des documentaires et un court métrage.
Voir sa carrière : https://fr.wikipedia.org/wiki/Mounia_Meddour
Le film a été sélectionné au Festival de Cannes 2019 à Un certain regard. Surtout, en 2020, il a décroché 2 Césars : celui du meilleur premier film et celui du meilleur espoir féminin, attribué à l’actrice principale de film, Lyna Khoudri.
Pour 29 jours de tournage la rémunération de la réalisatrice est de 45 250 €, dont 5 000 € d’à-valoir sur droits d’auteur et 40 250 € de salaire de technicienne. C’est quasiment la moitié de la rémunération médiane des films français sortis en 2019. https://siritz.com/les-barometres-de-la-distribution/la-remuneration-des-realisateurs-des-films-francais-sortis-en-2019/ Mais, comme on l’a vu, le budget du film est très bas. La rémunération de la réalisatrice représente 3,75% de celui-ci.
Elle a en outre reçu 10 000 € pour le scénario.
*www.Cinefinances.info est un site, accessible par abonnement, destiné aux professionnels du cinéma. Il publie le budget, le plan de financement et la répartition des recettes de tous les films français qui sortent (hors les films « sauvages » qui ne déposent pas leurs contrats au registre public et ne demandent donc pas l’agrément qui leur permettrait d’accéder à l’aide du CNC). Il dispose d’un puissant moteur de recherche multicritères et de 10 ans d’archives.
Aline Bonetto, décoratrice de film
Le CarrefourSiritz : Comment est-ce que vous êtes devenue décoratrice de film.
Aline Bonetto : Par une succession de hasards et par une sorte d’évidence qui s’est imposée à moi. Je suis totalement autodidacte. Mon parcours a été guidé par ma soif de curiosité et d’aventures. Après avoir très tôt stoppé mes études je me suis essayée pendant un an à la mosaïque. L’envie de découvrir les terres lointaines et leurs cultures m’a conduit au cœur de l’Afrique pendant 18 mois, puis sur les routes de l’Inde, du Népal, du Sri Lanka, des Caraïbes. Pendant une dizaine d’années j’ai sillonné les routes et les fleuves, traversé des déserts, vu des huttes et des palais, admiré des sculptures de terre, de bois, de pierre et de marbre qui figuraient ici dieux et là diables. Et puis j’ai rencontré des gens si différents et pourtant si semblables. Apprendre à ouvrir les yeux, à sentir, à écouter, à capturer les couleurs, se souvenir des lignes, des textures, des lumières, des odeurs : cela a été mon école.
Siritz : Mais voyager coûte cher. De quoi viviez-vous ?
AB : (rires). Je vivais de peu ! Mais néanmoins il fallait à chaque fois financer le prochain voyage. Pour ce faire, j’ai frappé à toutes les portes, saisi toutes les opportunités et vécu de nombreuses expériences : je me suis lancée dans le commerce de plantes médicinales, j’ai fabriqué des bijoux, des marionnettes, travaillé dans une galerie d’art asiatique, réalisé des chantiers de peinture et même vendu des ballons de baudruche à l’hélium !
J’ai vécu tous ces moments avec la même curiosité, le même enthousiasme. Mais rien n’était assez excitant pour durer longtemps. J’ai appris sur le terrain, par instinct, à travailler le décor en créant ma propre méthode
« J’ai rencontré le monde de la pub et des clips
Siritz : Et qu’est-ce qui vous a fait découvrir votre voie, décoratrice de cinéma ?
AB : J’ai rencontré, par le biais d’amis, le monde de la pub et des clips. Je me souviens les avoir aidés bénévolement à fabriquer un culbuto géant et d’autres éléments de décors. C’était tellement palpitant de rechercher et d’associer différents savoir-faire et matériaux pour relever des défis artistiques et techniques. Le décorateur Jean-Philippe Carp m’a proposé de l’assister dans son prochain projet de pub. J’ai immédiatement accepté. C’est ainsi que, de pub en pub, j’ai appris, sur le terrain, par instinct, à travailler le décor en créant ma propre méthode. De mon enfance je garde un souvenir intense de moments passés dans un grenier plein de costumes de théâtre que j’enfilais pour m’inventer des vies aux aventures rocambolesques. Cela a nourri un imaginaire ! Cet imaginaire je le traçais aussi au crayon. J’ai très tôt dessiné sur les marges de mes cahiers, les coins de nappes en papier, les blocs de téléphone. Alors, quand j’ai rencontré ce métier, ce fut mon évidence.
Siritz : Quelle évidence ?
AB : Il y avait là tout ce que je recherchais : jongler avec les lignes et les couleurs pour former des volumes, imaginer et créer, tout en relevant des challenges incroyables pour servir une idée, un concept, un scénario. Renouveler, réinventer, repartir à zéro à chaque projet.
Faire plutôt qu’être
Je me souviens que Jean-Pierre Jeunet avait demandé à un étudiant en cinéma « qu’est-ce que vous voulez… être ou faire ? ». Pour ma part et sans aucun doute, c’est « faire ». La décoration de film me le permet. A ma manière, j’ai sculpté ce métier de décoratrice autant qu’il m’a façonné.
Grâce à Claudie Ossard, productrice de grand talent, qui a notamment produit Beneix et Kusturica, j’ai rencontré Caro et Jeunet. Je travaillais souvent avec Claudie en pub et elle s’apprêtait à produire « Delicatessen », film ovni qu’elle seule a eu l’audace de produire.
Siritz : Elle vous les a présenté dès « Delicatessen » ?
AB : Oui. Ils m’ont fait passer une sorte d’audition. Je suis venue avec mon dossier sous le bras que j’avais préparé après lecture du scénario. Je le leur ai présenté et, une fois que j’ai eu terminé, ils sont restés de marbre, pendant un instant qui m’a paru interminable. Sans que je puisse détecté la moindre réaction. Puis, finalement, ils ont éclaté de rire et m’ont dit que j’allais faire partie de l’aventure. Et quelle aventure. Ce fut mon premier long métrage.
Siritz : On peut dire que vous êtes entrée par la très grande porte. Mais avant de poursuivre sur votre carrière, vos collègues décoratrices et décorateurs, quel est, en général, leur itinéraire ?
Approcher la géographie du décor, ses volumes et ses couleurs.
AB : Ils ont pour la plupart fait des écoles d’architecture, de cinéma, entre autre l’excellente Femis ou quelques autres écoles privées. Certains ont exercé au théâtre, créé des scènes de show TV ou même exercé leurs talents au Cirque du Soleil. Il n’y a pas de parcours type. Chacun créée sa voie. Ce métier de décorateur est tellement complexe qu’une partie de celui-ci ne s’apprend qu’en faisant ! Tout commence par la lecture du scénario. S’ensuit alors un processus d’échange avec le metteur en scène pour approcher la géographie du décor, ses volumes et ses couleurs.
Au fur et à mesure de cet aller-retour avec le réalisateur, naissent des envies, des images. On « voit » les décors. Alors commence la valse des croquis, dessins et maquettes, car il faut que cette vision artistique s’inscrive dans une réalité technique et financière. Ce n’est pas uniquement un travail d’architecte, de peintre, de sculpteur, d’illusionniste, c’est un jeu d’équilibriste entre volonté artistique, possibilité financière et timing.
Siritz : Chaque film c’est un autre voyage.
AB : Oui. Plus qu’un travail d’équipe, la fabrication d’un film est véritablement l’aventure d’un équipage. Et, comme chaque film est un voyage différent, je constitue mon équipe en fonction du projet. Tout en conservant un noyau de techniciens qui m’accompagnent depuis fort longtemps et connaissent bien ma manière de travailler. Outre des assistants dessinateurs, des ensembliers, c’est à des menuisiers, des peintres, des sculpteurs, staffeurs et un très large panel de compétences auquel je fais appel.
Les décors de films sont ainsi le point de rencontre d’une grande variété de savoir-faire. Mon rôle est de choisir, synthétiser toutes ces énergies, les emmener dans mon sillage pour traduire une vision : la mienne. Qui n’est autre que le prolongement de la vision du metteur en scène. »
Définitivement, chaque film est un périple enrichissant. Je réalise à quel point ce métier fait écho à mes premières amours.
« Delicatessen » était presqu’entièrement story-boardé
Siritz : Jeunet et Caro ce sont des réalisateurs qui créent un véritable univers. Par exemple, dès « Delicatessen », au stade du scénario vous ont-ils déjà décrit cet univers ? Le décor, les costumes, la lumière ? Ou, à partir du scénario, vous ont-ils demandé de faire des propositions ?
AB : Ils ont l’un et l’autre, un univers visuel poétique très marqué. Ils avaient énormément de références dès le départ. Le film était presque entièrement story-boardé tant ils avaient une idée précise des cadres et de la mise en scène. Nous avons bien sûr énormément échangé de références, d’images. C’est un travail essentiel avec tous les metteurs en scène pour s’imprégner de leur univers. Mais aussi saisir les envies qui ne sont pas nécessairement formulées. Bien que leurs intentions artistiques aient été clairement définies Caro et Jeunet restaient toujours à l’écoute de nouvelles suggestions.
Siritz : Dans les autres films que vous avez fait avec eux ils avaient toujours un story-board ?
AB : Oui. Que ce soit sur les films Caro-Jeunet ou Jeunet seul. Il y a toujours eu un story-board. Chez Jeunet il y a cette précision de métronome. C’est extraordinaire de voir à quel point il a son film en tête. C’est pour cela qu’il peut faire un story-board. Il affectionne le travail en studio qui offre un parfaite maitrise du tournage. Je me souviens des premiers jours dans Paris pour « Amélie Poulain » où Jean-Pierre a découvert les aléas du tournage en extérieur.
Jean-Pierre Jeunet est un metteur en scène qui travaille beaucoup en amont. Il aime tellement l’image qu’il ne veut rien négliger. Si un problème se présente, il a une grande capacité à rebondir et à trouver une solution de mise en scène aussi satisfaisante que l’idée originale. Je crois que ce qui nous unit, Jeunet et moi, c’est l’idée que chaque détail compte et qu’au fond, ils contribuent tous à raconter « l’histoire », en touches légères et délicates, apportant chacun sa note de poésie. »
Siritz : Dans un précédent Carrefour, Remy Chevrin, le directeur de la photo, disait que, sauf exception, la majorité des réalisateurs français n’avaient pas d’ambition visuelle. Qu’ils ne s’intéressaient qu’au texte et aux acteurs. Ce n’est évidemment pas le cas de Jeunet et Caro. https://siritz.com/le-carrefour/remy-chevrin-notre-cinema-manque-dambition-visuelle/. Dans un autre Carrefour, la créatrice de costumes, Madeline Fontaine, a la même analyse, et rappelle que le cinéma est pourtant un art visuel. https://siritz.com/le-carrefour/lapparence-revele-beaucoup-sur-les-personnages/ Mais, vous, n’avez-vous travaillé qu’avec des réalisateurs qui avaient cette ambition visuelle ?
La priorité de Lioret c’est l’acteur, les mots, le son
AB : Il y a autant de types de films que de réalisateurs. Ils sont effectivement peu nombreux à avoir une ambition visuelle forte, et lorsque c’est le cas, on peut parfois leur reprocher le côté « esthétisant » de leur film. Bien sûr, qui dit « ambition visuelle » dit aussi « avoir les moyens de ses ambitions ».
Mais on peut faire de très beaux films en se basant sur un bon script avec de bons dialogues et une bonne direction d’acteur. Me vient en tête le film de Philippe Lioret « Le fils de Jean ». C’est un réalisateur avec qui j’ai travaillé et que j’aime beaucoup. Il était ingénieur du son à l’origine. Sa priorité c’est la voix de l’acteur, les mots, le son. Pas les décors. Les films qu’il a fait sont pourtant très « beaux. J’adore les films de Ken Loach et aussi ceux d’Alfonso Cuarón. Peu importe où l’on met l’accent, ce qui compte, c’est de raconter une histoire avec force et sincérité.
Moi aussi je me sens raconteur d’histoire à coup de pinceaux, de rideaux, de marteaux, de ciseaux, de tableaux.
Un véritable partenariat avec le/la directeur de la photo et le/la créateur de costume
Siritz : Après avoir discuté le plus en amont possible avec le réalisateur, est-ce que vous travaillez immédiatement avec le directeur de la photo, les costumiers, voire le monteur ?
AB : Très vite dans le processus de création d’un film, il est indispensable d’établir une triangulation entre lumière, décors et costumes pour travailler en cohérence artistique. Ce travail de la couleur, des volumes et des matières exige une relation étroite, un véritable partenariat avec le/la directeur de la photo et le/la créateur de costume. En revanche, il est très rare de travailler en amont avec le monteur, c’est plutôt un travailleur de l’aval. Il est certains membres de l’équipe d’un film qu’un décorateur ne croisera pas souvent si ce n’est qu’à la projection.
Siritz : Vous avez travaillé avec des réalisateurs américains. Comment vous ont-ils choisie ?
AB : Pour mon travail sur des films qui ont eu un parcours international comme « Amélie Poulain » et « Un long Dimanche de Fiançailles » de Jeunet, pour lequel j’ai eu 2 nominations aux Oscars. Ce fut aussi le fait du hasard. J’ai une première fois été appelée par Disney pour « Maleficient ». Déjà engagée sur un autre projet il ne m’était pas possible de faire le film, mais, j’ai accepter de travailler en amont pour établir un dossier d’intention artistique, et ce, avant qu’un metteur en scène ne soit attaché au projet. Par ailleurs, j’ai continué de travailler sur quelques films publicitaires entre les longs métrages, quand le timing le permettait. Notamment avec Chanel qui travaille avec de grands réalisateurs. L’approche de cette grande maison bien que publicitaire, est de mettre en avant l’excellence de la marque via l’excellence de l’image.
J’ai rencontré le réalisateur Joe Wright, en travaillant avec lui sur 2 campagnes parfum, avec Keira Knightley. Les Studios Warner lui ont proposé de réaliser le film d’aventure « Pan », avec Hugh Jackman. Sa décoratrice anglaise, Sarah Greenwood, n’étant pas disponible, il m’a proposé de le rejoindre à Londres pour travailler ensemble sur ce projet. Je n’ai pas hésité à accepter.
Siritz : Et cela vous a ouvert la voie d’autres films américains
Une collaboration sur « Wonder woman »
AB : A la fin de ce film les studios Warner m’ont proposé de rencontrer la réalisatrice Patty Jenkins, pour une collaboration sur « Wonder Woman ». Là encore je n’ai pas hésité. L’aventure s’étant très bien passée, j’ai retrouvé une nouvelle fois Patty Jenkins et Warner pour un deuxième volet de Wonder Woman qui devrait sortir en Octobre, la sortie ayant été repoussée suite à la crise sanitaire.
Une collaboration très en amont, et tout au long du film, avec le superviseur et l’équipe VFX
Siritz : Quel différence y a t il entre tourner sur un blockbuster américain et un film français.
AB : On est bien traité ! (rires). Il y a bien sûr 1000 petites différences. Mais, principalement, c’est la taille qui impressionne. La taille des studios, des équipes, des camions, des budgets, la fréquence des réunions et le nombre de personnes qui y participent. Il est fréquent d’avoir des équipes à 300 personnes et pour peu qu’il y ait quelques figurants, c’est 700 repas servis au déjeuner ! Ce qui diffère également sur ce type de film c’est la collaboration très en amont, et tout au long du film, avec le superviseur et l’équipe VFX. Pour le reste, après une petite période d’adaptation, ce n’est pas très différent de ce que nous connaissons.
Siritz : Pour fabriquer des décors vous travaillez avec des prestataires ?
AB : En France, non. L’équipe déco est composée d’intermittents. En Angleterre où sont tournés 80% des blockbusters américains, aussi d’ailleurs. C’est le statut le plus adapté à nos métiers. Ce système offre une incroyable flexibilité qui permet de constituer chaque équipe en fonction des besoins d’un projet avec des techniciens compétents et enthousiastes.
Siritz : Vous n’avez jamais travaillé sur des séries. Pourtant, l’économie des séries repose sur un décor récurrent. Qui est donc essentiel.
AB : Des propositions m’ont été faites, mais qui prenaient trop de temps. J’avoue préférer le format film, même en tant que spectatrice. A l’exception de la série « Tchernobyl » qui m’a été proposée par son réalisateur Johan Renck et que j’aurais aimé faire si le timing l’avait permis.
Je travaille pour le prochain Jeunet commandé par Netflix
Siritz : Vous êtes en train de travailler sur un ou plusieurs films ?
AB : Je travaillais en prépa sur deux films qui ont été interrompus, suite à la crise sanitaire du Covid 19 : « Bigbug » de Jean-Pierre Jeunet pour Netflix produit par Eskwad et Tapioca. Il devrait redémarrer en prépa début août. Et, en second lieu, « Astérix et Obélix – La route de la soie » réalisé par Guillaume Canet et produit par Trésor films, dont le tournage a été repoussé au printemps. Ces deux films sont totalement différents et c’est ce grand écart qui m’intéresse et me passionne.
«J’ai sculpté ce métier de décoratrice autant qu’il m’a façonné » explique la décoratrice de tous les films de Jeunet, des films publicitaires de Chanel mais aussi de blockbusters américains. Elle a reçu un César et deux nominations aux Oscars. Elle raconte son parcours et explique les enjeux de son métier.
Une « franchise » du cinéma familiale
CinéscoopLa rémunération de Nicolas Vanier
Vendredi dernier Canal+ a diffusé le premier passage de « Donne-moi des ailes » qui rappelle que Nicolas Vanier est une franchise du cinéma familial français.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Donne-moi_des_ailes
Cinéfinances.info* a fourni les données financières de cet article
Ce film d’aventure familiale était sorti en 2019. Il est produit par Radar Films (Clément Miserez) et SND Audiovisuel FF (Thierry Desmichelle), filiale du groupe M6. Son budget est de 11,88 millions €.
Il est tiré des expériences de Christian Moullec qui organise des vols sur ULM accompagné d’oiseaux. Celui-ci a d’ailleurs participé à l’écriture du scénario avec Mathieu Petit et le réalisateur . Le scénario de cette incroyable aventure d’un vol en ULM, avec des oies sauvages, jusqu’en Laponie, a été rémunéré 547 000 €.
Pour 50 jours de tournage, la rémunération de Nicolas Vannier, dont c’est le 9ème long métrage, a été de 320 000 €, répartie à part égale entre à-valoir sur droits d’auteur et salaire de technicien. C’est plus du double de la rémunération moyenne des réalisateurs français en 2019. https://siritz.com/les-barometres-de-la-distribution/la-remuneration-des-realisateurs-des-films-francais-sortis-en-2019/
Voir la riche carrière de Nicolas Vanier : https://fr.wikipedia.org/wiki/Nicolas_Vanier
Le film, distribué par SND et sorti sur 583 copies, a réalisé 1 437 000 entrées en 13 semaines d’exploitation.
Après le succès de « L’Ecole buissonnière »
Le précédent film de Nicolas Vanier était « L’Ecole buissonnière », sorti en 2017. Il était également produit par Radar Film, coproduit et distribué par Studio Canal. Il était tiré du roman éponyme de Nicolas Vanier qui avait été acheté 280 000 €. Les scénario, écrit par le réalisateur et Jérôme Tonnerre, avait été rémunéré 180 000 €.
Pour 49 jours de tournage la rémunération de Nicolas Vanier en tant que réalisateur était de 420 000 € répartie à part égale entre à-valoir sur droit d’auteur et salaire de technicien.
Le prochain film de Nicolas Vanier est « Poly », une adaptation du célèbre feuilleton de Cécile Aubry. Il est produit par SND et Bonne Pioche (Emmanuel Priou). SND en est évidemment le distributeur. Il sortira en salle le 7 octobre.
Ainsi, Nicolas Vanier est l’un des grands réalisateurs français de films familiaux et il est une véritable « franchise » pour SND.
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Pour équilibrer le fonds de soutien
ÉditorialRevoir profondément les aides sélectives
Le fonds de soutien doit être rapidement réformé. Car, avant même l’arrivée du Coronavirus, il était devenu largement déficitaire. Une situation très grave puisque, pour le cinéma comme l’audiovisuel, ce soutien financier est l’un des rares mécanismes dont la France peut s’enorgueillir de son efficacité.
La double nature du fonds de soutien
Cette efficacité est due à sa double nature. C’est tout d’abord une épargne forcée : le produit de taxe de 10,7% sur les recettes des salles et de 5,15 % sur les recettes des chaînes n’est reversé aux entreprises françaises de la filière que si elles le réinvestissent. Ce qui les oblige ã un dynamisme structurel. C’est, en second lieu, un droit de douane sur les oeuvres étrangères, et tout particulièrement américaines, puisque le soutien ne bénéficie qu’aux entreprises et aux oeuvres françaises. Ce qui permet de reverser globalement à celles-ci plus que leur part de la recette prélevée.
Par ailleurs, les américains ne peuvent se plaindre de ce droit de douane. Car, pour le cinéma, il permet å la France d’être, de loin, leur second marché continental, du fait d’un superbe réseau de salles alimenté par la première production nationale de films. Malgré ce droit de douane, leur chiffre d’affaires net est donc plus élevé qu’ailleurs. Certes, le Royaume-Uni est un marché plus important pour les américains. Mais c’est essentiellement dû à la langue commune.
Il est vrai que l’efficacité du soutien est beaucoup moins visible pour la télévision. Mais c’est parce que les ressources de celles-ci sont structurellement limitées. Ainsi, nous avons choisi à la fois d’avoir l’une des plus basses redevances d’Europe pour financer notre secteur public et d’interdire à des secteurs importants de faire de la publicité à la télévision. Néanmoins, sans soutien, une grande partie de nos œuvres télévisuelles ne pourrait être financée.
Le Coronavirus a évidemment aggravé le déficit du compte de soutien. D’abord, par le confinement et la fermeture des salles. Puis, par la baisse du chiffre d’affaires des chaînes gratuites, baisse qui risque de se prolonger. Enfin, par l’absence de films américains en salle. Et donc du mécanisme du droit de douane. Voir sur ce point : http://Cinéfinances.info* a fourni les données financières de cet article
Mais, quand les films américains reprendront leurs sorties et les spectateurs leur fréquentation habituelle, le soutien financier retrouvera tout de même son déficit d’avant la crise sanitaire. Or, au mieux, on peut espérer un maintien des recettes en provenance des salles et de la télévision. Certes, le produit de la taxe payée par les plates-formes américaines de S-Vod augmentera. Mais son taux de 2% est faible et ne pourrait être aligné sur celui de la télévision payante que si son taux de TVA passait de 20 à 10%. Ce qui est improbable, parce que ce serait une très mauvaise affaire pour les finances publiques.
Des critères de réussite précis et vérifiables
Pour supprimer ce déficit, la seule solution est donc de réduire les dépenses du fond de soutien. Or, il serait contreproductif de réduire le soutien automatique, alors que son efficacité est incontestable. Reste les aides sélectives. Elles n’ont cessé de se développer au fil des années. L’une des causes de cette évolution c’est peut-être que c’est un moyen, pour le président du CNC, de donner un os à ronger à des secteurs sous sa tutelle. Et de flatter les personnalités nommées dans les commissions d’attribution des aides.
Bien évidemment, la création et le maintien de ces aides peuvent être justifiés. Mais, jusqu’à ce jour, jamais, lors de leur création, on ne fixe le ou les objectifs à atteindre, si possible en les chiffrant. C’est à dire en définissant des critères de réussite précis et vérifiables. Et, jamais on n’impose de faire un bilan annuel, puis quinquennal, des résultats atteints par rapport aux objectifs. Accompagné de suggestions.
Pour faire les indispensables économies il faut donc commencer à étudier chacune des aides sélectives existantes à cette aune. Et en hiérarchisant leur intérêt par rapport à une stratégie d’ensemble. Celles qui se trouvent en fin de listes devraient être supprimées ou réduites. Dans certain cas il pourrait d’ailleurs y avoir fusion. En tout cas, comme, à l’évidence, il y a trop d’aides sélectives, il faut en limiter le nombre et n’en créer une nouvelle qui si on en a supprimé une autre au préalable.
Il est certain que, pour une profession qui n’a connu qu’un CNC qui fabriquait de nouvelles aides comme les banques centrales fabriquent de la nouvelle monnaie, le réveil va être douloureux. D’autant plus qu’il aura lieu au moment où la situation économique d’ensemble du secteur s’est détériorée. Mais cette subite détérioration ne fait qu’accélérer la nécessité de revoir tout l’écosystème de notre cinéma et de notre audiovisuel. Une révision qui peut se révéler positive sur le long terme. https://siritz.com/editorial/__trashed-8/
Le financement de « Jeunesse sauvage »
FinanCinéSans aucune chaîne française
« Jeunesse sauvage », est sorti en salle la semaine dernière. Son réalisateur est Frédéric Carpentier qui avait réalisé plusieurs courts métrages mais dont c’est le premier long métrage. Comme l’est « Jumbo », réalisé par Zoé Wittock, qui sort cette semaine https://siritz.com/cinescoop/la-remuneration-de-zoe-wittock-pour-jumbo/.
Il est produit par Madelaine Film (Frédéric de Goldschmidt et Virginie Lacombe). Il y a également une coproduction belge à 10%, avec Magellan Films.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Jeunesse_sauvage
Cinéfinances.info* a fourni les données financières de cet article
Le budget du film de 2,07 millions €. Son financement a bénéficié de 450 000 € d’avance sur recette. Par ailleurs, 170 000 € d’ISF cinéma y ont été investis. C’est une source de financement qui commence à être de plus en plus utilisée. Les particuliers qui investissent dans un fonds utilisant ce mécanisme peuvent déduire 50% de leur ISF, dans la limité de 18 000 € par an. Alors que les soficas permettent de réduire 60% de l’IRPP dans la limite de 18 000 €. D’ailleurs la sofica adossée Cofinova a également investi 200 000 €.
A noter que le producteur français, tout comme le producteur belge, ont inclus dans les financements un « apport en industrie » : 59 000 € pour Madeleine films et 5 500 € pour Magellan. Une source de financement assez originale.
Enfin, les deux producteurs ont mis en participation environ 90% de leur salaire producteur et de leurs frais généraux.
Orange studio est coproducteur pour 200 000 €. Néanmoins, le film n’a pas été pré-acheté par OCS, ni d’ailleurs par aucune chaîne payante ou gratuite.
La région Occitanie a accordé une subvention de 200 000 € et le distributeur Jou2fête 50 000 € pour la distribution en salle.
En Belgique, Screen-Bruxelles a apporté 23 000 € en échange des commandes à des prestataires de l’agglomération. Le film y bénéficie de 135 000 € de tax shelter et a prévu 17 000 € de vente à une chaîne belge.
*www.Cinefinances.info est un site, accessible par abonnement, destiné aux professionnels du cinéma. Il publie le budget, le plan de financement et la répartition des recettes de tous les films français qui sortent (hors les films « sauvages » qui ne déposent pas leurs contrats au registre public et ne demandent donc pas l’agrément qui leur permettrait d’accéder à l’aide du CNC). Il dispose d’un puissant moteur de recherche multicritères et de 10 ans d’archives.