Siritz.com : En période normale la Commission d’agrément se réunit une semaine sur deux. Pendant le confinement a-t-elle continué à se tenir ?
Antoine Rein : Oui. Au tout début le CNC nous envoyait les dossiers et on faisait les remarques par écrit. C’était un peu acrobatique. Et puis, au bout de deux ou trois réunions, les commissions sont devenues virtuelles.
Siritz.com : Et maintenant ça continue en virtuel ?
AR : Non. Ce sont de vrais commissions dans lesquelles on est présent.
Siritz.com : Depuis qu’il y a eu le confinement est-ce qu’on note des évolutions dans les dossiers présentés. Est-ce que les projets montés avant la crise ont été déposés tels quels, où certains ont-ils étaient modifiés pour tenir compte d’une situation nouvelle ?
AR : Pendant le confinement, pour ce qui est de l’agrément d’investissement, c’est à dire avant le tournage, il n’y avait pratiquement aucun dossier déposé. En tout cas plus aucune fiction. Quelques documentaires et quelques animations. Bien entendu, tous les tournages qui avaient commencé ont été interrompus.
Siritz.com : Et quand le confinement a cessé et que les tournages ont pu reprendre, est-ce qu’on note un changement dans les dossiers déposés à l’agrément d’investissement ?
Il y a le problème de l’assurance
AR : Au début il y a tout de suite eu le problème de l’assurance. https://siritz.com/le-carrefour/tournages-assurer-les-risques-pandemiques/ Les assureurs ne voulaient absolument pas assurer contre les risques du Coronavirus. Et, dans ces conditions, c’était tout simplement impossible de tourner. Aucun producteur ne pouvait prendre ce risque. Et puis il y a eu la mise en place de ce fonds de garantie du CNC pour l’assurance contre le Coronavirus. A partir de ce moment les tournages ont repris. Mais le fonds du CNC ne couvre que les tournages qui se passent en France. Ceux qui se passent en partie ou en totalité à l’étranger n’ont donc pas repris.
Siritz.com : Mais ce fonds de garantie ne couvre qu’un pourcentage de certaines dépenses, il y a une franchise importante et il est plafonné à un millions €. Cela reste donc un risque énorme pour un producteur.
AR : Oui. Pour un film à 2 ou 3 millions € c’est jouable tout en restant un gros risque pour les producteurs, compte tenu de la franchise importante. Mais pour un film à budget moyen, et, encore plus, à budget élevé, le risque est très élevé compte tenu du plafond du capital assuré (1 million €).
Siritz.com : Les assureurs ont proposé une assurance complémentaire.
AR : Mais elle est tellement chère. Elle va au-delà du million, mais est également plafonnée à un niveau très bas. Elle ne présente aucun intérêt. Je ne pense pas qu’un seul producteur l’ait prise. Malgré les tentatives de certains courtiers, on peut vraiment dire que les assureurs n’ont pas tenu leur rôle.
Siritz.com : Est-ce que, quand les tournages ont repris, les plannings de tournages ont été modifiés ?
AR : A la sortie du confinement et quand il y a eu une assurance, on s’est demandé pour les films dont le tournage avait été interrompu et ceux dont le tournage devait commencer, s’il fallait ou pas attendre. On a élaboré des règles de protection sanitaires. Certains se sont dits que, même si la situation n’était pas très claire, il fallait tourner avant qu’une nouvelle vague arrive. D’autres se sont dits qu’ils étaient tellement dans l’inconnu sur ce qu’on allait pouvoir tourner et comment qu’il fallait attendre.
Siritz.com : Mais qu’est-ce que les mesures de protection sanitaires ont changé dans tournages ?
AR : Il faut un référent Covid. On prend la température de tout le monde tous les matins. S’ils ont de la température, on les renvoie chez eux et on les fait tester. Et si le test est positif on l’étend à ceux de l’équipe avec lesquels ils ont été en contact. On nettoie toutes les surfaces régulièrement. Cela fait perdre au moins une demi-heure par jour.
Siritz.com : Et les scènes avec beaucoup de figurants ?
AR : Chacun fait ce qu’il veut. Mais, pour mon film, je me suis dit que les scènes avec foule il vaut mieux les tourner à la fin. Et je sais que, pour les « Tuche 4 », quand il y a eu le confinement, il leur restait quelques semaines de tournage. Ils ont réécrit et quand le tournage a repris, les scènes avec foule ont dû être modifiées. Pour donner un exemple, dans mon film qui est en tournage, il y a une scène qui se passe gare de Lyon. On a eu l’autorisation d’y tourner et nos comédiens avaient le droit de ne pas porter le masque. Mais ces conditions sont en train de changer et on ne peut de toute façon pas étendre ça aux figurants. Du coup, la scène a fini par perdre son sens et nous avons changé de décor. Bien entendu, je ne dis pas ça sous forme de critique, mais juste pour expliquer l’adaptation à laquelle nous sommes confrontés.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Antoine_Rein
Les grands investisseurs doivent rattraper leur retard
Siritz.com : Maintenant, quand on examine les projets qui arrivent à la Commission, est-ce qu’on ne note pas que les grands investisseurs habituels sont beaucoup plus frileux. Ils lisent le Ciné-chiffres comme nous tous et, globalement, il y a une très nette baisse de la fréquentation.
AR : Notre secteur est particulier. Parce qu’il y a tous ceux qui ont des obligations d’investir. Ils doivent remplir ces obligations et, compte tenu du confinement et de l’impossibilité de tourner à l’étranger, ils sont en retard dans l’exécution de ces obligations. Au contraire donc, il n’y a jamais eu autant de dossiers qui se présentent à l’agrément. Quand j’étais chez mon loueur de matériel, il me disait qu’il n’a jamais eu autant de locations de matériel un mois de septembre. La difficulté vient des distributeurs. Ils ont souffert comme nous tous de la crise. Pendant 3 ou 4 mois, ils n’ont pas sorti de films et ceux qu’ils avaient signés il faut bien qu’ils les sortent. Donc ils ont un surstock. Il se peut qu’à terme certains diminuent leurs investissements ou soient plus prudents sur leurs prochains investissements.
C’est encore plus bipolaire qu’avant
Siritz.com : Le distributeur a toujours été celui qui prenait le plus de risque. Et, quand je regarde la fréquentation, il y a encore quelques films qui marchent, réalisant des scores proches de ce que pouvait espérer leur distributeur. Mais la majorité ne marche pas du tout.
AR : Effectivement. C’est encore plus bipolaire qu’avant. J’ai l’impression que le film qui se plantait à 150 000 ou 100 000 entrées il y a quelques années n’en fait plus que 50 000. Aujourd’hui, quand on ne marche pas, on ne marche pas du tout. Mais je ne suis pas sûr pour autant que les proportions de films qui marchent ou ne marchent pas aient changé.
Siritz.com : Les distributeurs risquent d’être le goulot d’étranglement.
AR : Mais ils ont besoin de sortir des films pour faire du chiffre d’affaires et couvrir leurs frais généraux. Ce qui m’inquiète c’est le cinéma d’auteur. Les Festivals, qui sont le vrai tremplin du cinéma d’auteur, vont être encombrés des films qui n’ont pas pu y être présentés. Les distributeurs risquent de se faire une concurrence encore plus vive sur les films dits commerciaux ou les films d’auteurs reconnus, et sacrifier le cinéma d’auteur plus exigeant. Les plates-formes non plus n’ont pas une grosse appétence pour les films d’auteur de gens pas connus, malgré leurs grandes déclarations d’amour au cinéma.
Siritz.com : Mais Netflix a acheté «Mignonnes» qui est un film d’auteur et un premier film.
AR : Il y a toujours des exceptions. Et ils achètent davantage des films sur la banlieue ou sur les jeunes. Mais, de manière générale, les films hors comédie ou genre sont peu achetés par ces nouveaux intervenants.
De plus en plus de films à moins 1 million €
Siritz.com : Il semble qu’il y a beaucoup, peut-être de plus en plus, de films qui ne passent pas à la Commission d’investissement.
AR : Attention. Ils peuvent très bien passer directement à l’agrément de production, après tournage. Cela veut juste dire qu’ils n’ont pas de financements encadrés (ie préachats télé, aides régionales, CNC, crédit d’impôt, soficas…). Ce sont souvent des documentaires, et parfois des fictions avec des budgets très limités. Mais on contrôle en Commission de production qu’ils ont bien respecté les minima syndicaux. Sinon, ils n’ont pas droit au soutien automatique du CNC et n’entrent pas dans les quotas des chaînes s’ils sont achetés. Il y a de plus en plus de films de moins un millions € de budget, notamment des documentaires. C’est ainsi qu’en moins de 10 ans, ils sont passés de 20% des films produits à 30%.
Siritz.com : Mais notez-vous des évolutions marquantes ?
AR : Il y a un peu plus de films produits, mais, parmi eux, il y a surtout de plus en plus de films à petit budget. Le budget moyen baisse, mais c’est surtout le budget médian qui chute (-12,5% en 2019). Par ailleurs, le pourcentage d’aide publique est plafonné à 50%, ou à 60% si c’est un premier ou deuxième film et enfin à 70% s’il n’y a pas de crédit d’impôt. Or ces pourcentages sont frôlés de plus en plus souvent. Cela veut dire qu’il y a une dichotomie croissante entre les films de marché et les films subventionnés. Le fameux film du milieu devient de plus en plus difficile à financer. Avant, un film du milieu avait un budget entre 4 et 7 millions €. Aujourd’hui, quand on est au début de cette tranche, on est presqu’un gros film (la médiane est d’ailleurs à 2,35 M€ en 2019). Et il doit y avoir de moins en moins de très très gros budgets. Bref, les films entre 3,5 et 5 millions € sont de plus en plus difficiles à monter.
Siritz.Com : Y-a-t’il une autre évolution qui vous frappe ?
De plus en plus de production déléguée avec groupe
AR : Pour un producteur indépendant les conditions sont de plus en plus dures. Il y a de plus en plus de coproductions déléguées avec les groupes. C’est inquiétant parce que les producteurs indépendants font un travail de diversité et de développement que ne peuvent pas faire les groupes.
Siritz.com : Vous êtes un peu traités comme des producteurs exécutifs ?
AR : Ce qui n’est pas normal c’est qu’un producteur indépendant développe un projet pendant deux ans, va voir un groupe et se retrouve coproducteur délégué, avec des parts de recette tardives et donc très incertaines. On se retrouve effectivement quasi-producteur exécutif, alors qu’on a développé le projet. Le développement c’est le risque le plus important. Quand les groupes co-développent, c’est autre chose. Ils partagent le risque de développement. Mais quand on développe le film, que l’on va voir les chaînes et les régions, et qu’à la fin le distributeur devient coproducteur délégué, je trouve que ça n’est pas juste. Or je le vois de plus en plus.
Siritz.com : Vous êtes en tournage de votre nouveau film. Quel est son sujet ?
AR : « Les jeunes amants » est une histoire d’amour entre une femme, Fanny Ardant, et un homme plus jeune, Melvil Poupaud. La réalisatrice est Carine Tardieu, avec qui nous avions fait « Du vent dans mes mollets » et « Otez-moi d’un doute » qui avaient été deux succès. On a donc trouvé le financement assez rapidement. Mais le confinement a commencé la semaine où la préparation débutait…
Siritz.com : C’est elle qui a apporté le sujet ?
AR : Non. On est en coproduction avec Patrick Sobelman (Ex Nihilo). Il avait développé le projet avec Solveig Anspach, qui est décédée avant la fin de l’écriture. Et Solveig lui a fait promettre de trouver une réalisatrice pour reprendre le projet. Il l’a proposé à Carine qui a accepté de le reprendre, en le réécrivant.
Siritz.Com : J’imagine que le confinement a posé des problèmes.
AR : Bien entendu, parce qu’on ne savait pas combien de temps il allait durer. Puis, si les comédiens devraient porter un masque ou rester à distance. Pendant les 6 semaines de confinement on n’a pas arrêté de changer d’avis sur la date de reprise. Vers la fin, on a décidé qu’on allait reprendre en septembre, pour avoir le temps de mieux préparer et de mieux connaître les conditions de travail. C’est une histoire d’amour qui ne pourrait être possible avec un monde où une grande partie de la population est masquée…
Baisse des durées de tournage
Siritz.com : Combien de temps de tournage ?
AR : 8 semaines. On tourne actuellement en Bretagne, qui est très épargnée par le virus, puis on revient à Paris et ensuite on va en Rhône-Alpes.
Siritz.com : C’est plus qu’un tournage moyen.
AR : Oui. 8 semaines c’est devenu beaucoup. En 5 ans, le nombre de jours de tournage moyen a baissé de 5 jours. La moyenne est plutôt à 35 jours. Le budget est un peu en-dessous de 5 millions € (ces fameux films difficiles à faire). On a France 2, Canal+, Ciné+, des Soficas et 2 régions. C’est Diaphana qui distribue et MK2 qui s’occupe des ventes internationales. On a eu l’avance sur recettes, ce qui est la première fois pour mon associé et moi.
Siritz.com : Avec un tel financement, pas besoin de mettre votre salaire et vos frais généraux en participation.
AR : Si. Pas la totalité, mais une majeure partie. C’est ça qui est décourageant. Même en incluant le crédit d’impôt. Bien entendu, je ne me plains, car il faut bien comprendre que ces films qui ont ainsi tous les guichets sont des exceptions. La majorité des films que je vois à l’agrément se font dans des conditions difficiles. Cette catégorie permettait aux producteurs, il y 10 ans, de prendre une partie de ses frais généraux et/ou salaires. Aujourd’hui elle ne le permet pas, voire le producteur est obligé de prendre un risque au-delà de cette mise en participation. Si on rajoute les films que nous développons et qui ne voient pas le jour et la faible quotité de recettes qui nous revient, notre activité devient presque absurde économiquement. C’est pourquoi je suis choqué quand certains ne trouvent pas normal qu’on puisse s’octroyer parfois une partie de nos frais généraux.
Si une société de production fait un film par an, ce n’est pas avec 150 000 € de salaire et de frais généraux qu’elle va payer loyers, salaires et développements. La production est un métier d’apprentissage, c’est pourquoi on a progressivement plus de facilité avec les années. Mais les conditions générales se détériorent tellement que j’ai l’impression de monter un escalier roulant qui descend. Je repense souvent à mon expérience de président du Bloc ou du collège cinéma du SPI. Au début je me disais j’allais essayer d’améliorer les choses. Mais au final, on passait notre temps à éteindre les feux et à essayer de stabiliser la situation.
Siritz.com : Les Soficas, quand elles interviennent, prennent en premier, une grosse part des recettes. Il est rare qu’il reste grand-chose pour le producteur délégué.
AR : Il y a 10 ans je leur cédais beaucoup moins de parts pour plus d’argent investi. Mais, force est de constater que ce n’est pas pour autant qu’ils ont un meilleur taux de récupération. Les Soficas sont de plus en plus dures, mais c’est parce que le marché est de plus en plus difficile. En fait, hormis le soutien automatique du CNC réservé au producteur délégué, pour récupérer des recettes il faut que le film soit un gros succès. J’ai fait beaucoup de petits succès sur lesquels je n’ai obtenu aucune recette.
Siritz.com : Vous avez un autre projet ?
AR : J’ai une comédie familiale, très originale et dont nous sommes très contents : « Le sens de la famille » avec Franck Dubosc et Alexandra Lamy. Il est distribué par Gaumont et sort le 20 janvier 2021. Et j’ai trois films en début de casting et/ou de financement qui m’excitent beaucoup et me rendent confiants, malgré cette période difficile.
LA REMUNERATION D’ EMMANUEL MOURET
CinéscoopPOUR LA REALISATION « LES CHOSES QU’ON DIT, LES CHOSES QU’ON FAIT »
Le nouveau films réalisé par Emmanuel Mouret vient de sortir.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Les_Choses_qu%27on_dit,_les_choses_qu%27on_fait
C’est son 10ème.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Emmanuel_Mouret
Comme les précédents il a été produit par Moby Dick Films (Férédic Nidermayer) et distribué par Pyramide distribution (Eric Lagesse)
Cinéfinances.info* a fourni les données financières de cet article.
Son budget est de 3,4 millions €, ce qui correspond à la moyenne des films français.
Pour la préparation, 37 jours de tournage et la post-production la rémunération du réalisateur est de 125 000 €, dont 45 000 € d’à valoir sur droits d’auteur et 80 000 € de salaire de technicien. C’est un peu moins que la rémunération moyenne des réalisateurs de films français déjà sortis en 2020. https://siritz.com/financine/barometre-des-realisateurs-de-films/
Mais Emmanuel Mouret a reçu aussi 120 000 € pour le scénario et 60 000 € de compléments qui sont inscrits dans la ligne Sujet du budget.
Le précédent film d’Emmanuel Mouret, « Mademoiselle de Joncquières », était sorti en 2018. Son budget était de 3,6 millions €. Il était tiré d’un roman de Denis Diderot dont les droits avaient été achetés 70 000 €. La rémunération du réalisateur avait été de 40 000 €, dont 15 000 € en à valoir sur droits d’auteur et 25 000 € en salaire de technicien. Mais il avait touché en outre 70 000 € pour le scénario.
Le film avait atteint presque 450 000 entrées, ce qui explique la hausse substantielle de la rémunération fixe totale d’Emmanuel Mouret.
*www.Cinefinances.info est un site, accessible par abonnement, destiné aux professionnels du cinéma. Il publie le budget, le plan de financement et la répartition des recettes de tous les films français qui sortent (hors les films « sauvages » qui ne déposent pas leurs contrats au registre public et ne demandent donc pas l’agrément qui leur permettrait d’accéder à l’aide du CNC). Il dispose d’un puissant moteur de recherche multicritères et de 10 ans d’archives.
ANALYSE D’UN PLAN FINANCEMENT
FinanCiné« ANTOINETTE DANS LES CEVENNES, UN BUDGET MOYEN
Cette semaine sort la comédie française « Antoinette dans les Cévennes ».
https://fr.wikipedia.org/wiki/Antoinette_dans_les_Cévennes
Il est réalisé par Caroline Vignal dont c’est le deuxième film.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Caroline_Vignal
Cinéfinances.info* a fourni à Siritz.com les chiffres permettant d’analyser la structure de son financement
D’un budget de 3,75 millions €, il se situe dans la moyenne des budgets de films français. Il est produit par Chapka films (Laetitia Galitzine) et La Filmerie (Aurélie Riviere) . Le distributeur est Diaphana.
Cinéfinances.info* a fourni à Siritz.com les données pour analyser la structure du financement de ce film, comme il l’avait fait pour deux films sortis la semaine dernière. https://siritz.com/financine/deux-plans-de-financement-compares/
Comme on le voit, les producteurs ont mis 7,6% du financement sous forme de participation, avec leurs salaires et leurs frais généraux. C’est 78% du montant total de ceux-ci. Ils ont également versé près de 15% en numéraire ou en réinvestissement de soutien financier. Une somme à peu près équivalente au crédit d’impôt, qui n’est pas inclus dans le plan de financement.
L’Avance sur recette représente près de 12% du financement. Au même niveau que l’apport de la Belgique. Le film a été coproduit et pré-acheté par une chaîne en clair qui a apporté près de 19% du financement tandis que le cumul du pré-achat de toutes les chaînes à péage en représente pratiquement autant.
Il y a deux soficas, dont une adossée, qui ont permis de financer 7% du budget.
*www.Cinefinances.info est un site, accessible par abonnement, destiné aux professionnels du cinéma. Il publie le budget, le plan de financement et la répartition des recettes de tous les films français qui sortent (hors les films « sauvages » qui ne déposent pas leurs contrats au registre public et ne demandent donc pas l’agrément qui leur permettrait d’accéder à l’aide du CNC). Il dispose d’un puissant moteur de recherche multicritères et de 10 ans d’archives.
ANTOINE REIN SUR LA PRODUCTION CINEMA
Le CarrefourSiritz.com : En période normale la Commission d’agrément se réunit une semaine sur deux. Pendant le confinement a-t-elle continué à se tenir ?
Antoine Rein : Oui. Au tout début le CNC nous envoyait les dossiers et on faisait les remarques par écrit. C’était un peu acrobatique. Et puis, au bout de deux ou trois réunions, les commissions sont devenues virtuelles.
Siritz.com : Et maintenant ça continue en virtuel ?
AR : Non. Ce sont de vrais commissions dans lesquelles on est présent.
Siritz.com : Depuis qu’il y a eu le confinement est-ce qu’on note des évolutions dans les dossiers présentés. Est-ce que les projets montés avant la crise ont été déposés tels quels, où certains ont-ils étaient modifiés pour tenir compte d’une situation nouvelle ?
AR : Pendant le confinement, pour ce qui est de l’agrément d’investissement, c’est à dire avant le tournage, il n’y avait pratiquement aucun dossier déposé. En tout cas plus aucune fiction. Quelques documentaires et quelques animations. Bien entendu, tous les tournages qui avaient commencé ont été interrompus.
Siritz.com : Et quand le confinement a cessé et que les tournages ont pu reprendre, est-ce qu’on note un changement dans les dossiers déposés à l’agrément d’investissement ?
Il y a le problème de l’assurance
AR : Au début il y a tout de suite eu le problème de l’assurance. https://siritz.com/le-carrefour/tournages-assurer-les-risques-pandemiques/ Les assureurs ne voulaient absolument pas assurer contre les risques du Coronavirus. Et, dans ces conditions, c’était tout simplement impossible de tourner. Aucun producteur ne pouvait prendre ce risque. Et puis il y a eu la mise en place de ce fonds de garantie du CNC pour l’assurance contre le Coronavirus. A partir de ce moment les tournages ont repris. Mais le fonds du CNC ne couvre que les tournages qui se passent en France. Ceux qui se passent en partie ou en totalité à l’étranger n’ont donc pas repris.
Siritz.com : Mais ce fonds de garantie ne couvre qu’un pourcentage de certaines dépenses, il y a une franchise importante et il est plafonné à un millions €. Cela reste donc un risque énorme pour un producteur.
AR : Oui. Pour un film à 2 ou 3 millions € c’est jouable tout en restant un gros risque pour les producteurs, compte tenu de la franchise importante. Mais pour un film à budget moyen, et, encore plus, à budget élevé, le risque est très élevé compte tenu du plafond du capital assuré (1 million €).
Siritz.com : Les assureurs ont proposé une assurance complémentaire.
AR : Mais elle est tellement chère. Elle va au-delà du million, mais est également plafonnée à un niveau très bas. Elle ne présente aucun intérêt. Je ne pense pas qu’un seul producteur l’ait prise. Malgré les tentatives de certains courtiers, on peut vraiment dire que les assureurs n’ont pas tenu leur rôle.
Siritz.com : Est-ce que, quand les tournages ont repris, les plannings de tournages ont été modifiés ?
AR : A la sortie du confinement et quand il y a eu une assurance, on s’est demandé pour les films dont le tournage avait été interrompu et ceux dont le tournage devait commencer, s’il fallait ou pas attendre. On a élaboré des règles de protection sanitaires. Certains se sont dits que, même si la situation n’était pas très claire, il fallait tourner avant qu’une nouvelle vague arrive. D’autres se sont dits qu’ils étaient tellement dans l’inconnu sur ce qu’on allait pouvoir tourner et comment qu’il fallait attendre.
Siritz.com : Mais qu’est-ce que les mesures de protection sanitaires ont changé dans tournages ?
AR : Il faut un référent Covid. On prend la température de tout le monde tous les matins. S’ils ont de la température, on les renvoie chez eux et on les fait tester. Et si le test est positif on l’étend à ceux de l’équipe avec lesquels ils ont été en contact. On nettoie toutes les surfaces régulièrement. Cela fait perdre au moins une demi-heure par jour.
Siritz.com : Et les scènes avec beaucoup de figurants ?
AR : Chacun fait ce qu’il veut. Mais, pour mon film, je me suis dit que les scènes avec foule il vaut mieux les tourner à la fin. Et je sais que, pour les « Tuche 4 », quand il y a eu le confinement, il leur restait quelques semaines de tournage. Ils ont réécrit et quand le tournage a repris, les scènes avec foule ont dû être modifiées. Pour donner un exemple, dans mon film qui est en tournage, il y a une scène qui se passe gare de Lyon. On a eu l’autorisation d’y tourner et nos comédiens avaient le droit de ne pas porter le masque. Mais ces conditions sont en train de changer et on ne peut de toute façon pas étendre ça aux figurants. Du coup, la scène a fini par perdre son sens et nous avons changé de décor. Bien entendu, je ne dis pas ça sous forme de critique, mais juste pour expliquer l’adaptation à laquelle nous sommes confrontés.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Antoine_Rein
Les grands investisseurs doivent rattraper leur retard
Siritz.com : Maintenant, quand on examine les projets qui arrivent à la Commission, est-ce qu’on ne note pas que les grands investisseurs habituels sont beaucoup plus frileux. Ils lisent le Ciné-chiffres comme nous tous et, globalement, il y a une très nette baisse de la fréquentation.
AR : Notre secteur est particulier. Parce qu’il y a tous ceux qui ont des obligations d’investir. Ils doivent remplir ces obligations et, compte tenu du confinement et de l’impossibilité de tourner à l’étranger, ils sont en retard dans l’exécution de ces obligations. Au contraire donc, il n’y a jamais eu autant de dossiers qui se présentent à l’agrément. Quand j’étais chez mon loueur de matériel, il me disait qu’il n’a jamais eu autant de locations de matériel un mois de septembre. La difficulté vient des distributeurs. Ils ont souffert comme nous tous de la crise. Pendant 3 ou 4 mois, ils n’ont pas sorti de films et ceux qu’ils avaient signés il faut bien qu’ils les sortent. Donc ils ont un surstock. Il se peut qu’à terme certains diminuent leurs investissements ou soient plus prudents sur leurs prochains investissements.
C’est encore plus bipolaire qu’avant
Siritz.com : Le distributeur a toujours été celui qui prenait le plus de risque. Et, quand je regarde la fréquentation, il y a encore quelques films qui marchent, réalisant des scores proches de ce que pouvait espérer leur distributeur. Mais la majorité ne marche pas du tout.
AR : Effectivement. C’est encore plus bipolaire qu’avant. J’ai l’impression que le film qui se plantait à 150 000 ou 100 000 entrées il y a quelques années n’en fait plus que 50 000. Aujourd’hui, quand on ne marche pas, on ne marche pas du tout. Mais je ne suis pas sûr pour autant que les proportions de films qui marchent ou ne marchent pas aient changé.
Siritz.com : Les distributeurs risquent d’être le goulot d’étranglement.
AR : Mais ils ont besoin de sortir des films pour faire du chiffre d’affaires et couvrir leurs frais généraux. Ce qui m’inquiète c’est le cinéma d’auteur. Les Festivals, qui sont le vrai tremplin du cinéma d’auteur, vont être encombrés des films qui n’ont pas pu y être présentés. Les distributeurs risquent de se faire une concurrence encore plus vive sur les films dits commerciaux ou les films d’auteurs reconnus, et sacrifier le cinéma d’auteur plus exigeant. Les plates-formes non plus n’ont pas une grosse appétence pour les films d’auteur de gens pas connus, malgré leurs grandes déclarations d’amour au cinéma.
Siritz.com : Mais Netflix a acheté «Mignonnes» qui est un film d’auteur et un premier film.
AR : Il y a toujours des exceptions. Et ils achètent davantage des films sur la banlieue ou sur les jeunes. Mais, de manière générale, les films hors comédie ou genre sont peu achetés par ces nouveaux intervenants.
De plus en plus de films à moins 1 million €
Siritz.com : Il semble qu’il y a beaucoup, peut-être de plus en plus, de films qui ne passent pas à la Commission d’investissement.
AR : Attention. Ils peuvent très bien passer directement à l’agrément de production, après tournage. Cela veut juste dire qu’ils n’ont pas de financements encadrés (ie préachats télé, aides régionales, CNC, crédit d’impôt, soficas…). Ce sont souvent des documentaires, et parfois des fictions avec des budgets très limités. Mais on contrôle en Commission de production qu’ils ont bien respecté les minima syndicaux. Sinon, ils n’ont pas droit au soutien automatique du CNC et n’entrent pas dans les quotas des chaînes s’ils sont achetés. Il y a de plus en plus de films de moins un millions € de budget, notamment des documentaires. C’est ainsi qu’en moins de 10 ans, ils sont passés de 20% des films produits à 30%.
Siritz.com : Mais notez-vous des évolutions marquantes ?
AR : Il y a un peu plus de films produits, mais, parmi eux, il y a surtout de plus en plus de films à petit budget. Le budget moyen baisse, mais c’est surtout le budget médian qui chute (-12,5% en 2019). Par ailleurs, le pourcentage d’aide publique est plafonné à 50%, ou à 60% si c’est un premier ou deuxième film et enfin à 70% s’il n’y a pas de crédit d’impôt. Or ces pourcentages sont frôlés de plus en plus souvent. Cela veut dire qu’il y a une dichotomie croissante entre les films de marché et les films subventionnés. Le fameux film du milieu devient de plus en plus difficile à financer. Avant, un film du milieu avait un budget entre 4 et 7 millions €. Aujourd’hui, quand on est au début de cette tranche, on est presqu’un gros film (la médiane est d’ailleurs à 2,35 M€ en 2019). Et il doit y avoir de moins en moins de très très gros budgets. Bref, les films entre 3,5 et 5 millions € sont de plus en plus difficiles à monter.
Siritz.Com : Y-a-t’il une autre évolution qui vous frappe ?
De plus en plus de production déléguée avec groupe
AR : Pour un producteur indépendant les conditions sont de plus en plus dures. Il y a de plus en plus de coproductions déléguées avec les groupes. C’est inquiétant parce que les producteurs indépendants font un travail de diversité et de développement que ne peuvent pas faire les groupes.
Siritz.com : Vous êtes un peu traités comme des producteurs exécutifs ?
AR : Ce qui n’est pas normal c’est qu’un producteur indépendant développe un projet pendant deux ans, va voir un groupe et se retrouve coproducteur délégué, avec des parts de recette tardives et donc très incertaines. On se retrouve effectivement quasi-producteur exécutif, alors qu’on a développé le projet. Le développement c’est le risque le plus important. Quand les groupes co-développent, c’est autre chose. Ils partagent le risque de développement. Mais quand on développe le film, que l’on va voir les chaînes et les régions, et qu’à la fin le distributeur devient coproducteur délégué, je trouve que ça n’est pas juste. Or je le vois de plus en plus.
Siritz.com : Vous êtes en tournage de votre nouveau film. Quel est son sujet ?
AR : « Les jeunes amants » est une histoire d’amour entre une femme, Fanny Ardant, et un homme plus jeune, Melvil Poupaud. La réalisatrice est Carine Tardieu, avec qui nous avions fait « Du vent dans mes mollets » et « Otez-moi d’un doute » qui avaient été deux succès. On a donc trouvé le financement assez rapidement. Mais le confinement a commencé la semaine où la préparation débutait…
Siritz.com : C’est elle qui a apporté le sujet ?
AR : Non. On est en coproduction avec Patrick Sobelman (Ex Nihilo). Il avait développé le projet avec Solveig Anspach, qui est décédée avant la fin de l’écriture. Et Solveig lui a fait promettre de trouver une réalisatrice pour reprendre le projet. Il l’a proposé à Carine qui a accepté de le reprendre, en le réécrivant.
Siritz.Com : J’imagine que le confinement a posé des problèmes.
AR : Bien entendu, parce qu’on ne savait pas combien de temps il allait durer. Puis, si les comédiens devraient porter un masque ou rester à distance. Pendant les 6 semaines de confinement on n’a pas arrêté de changer d’avis sur la date de reprise. Vers la fin, on a décidé qu’on allait reprendre en septembre, pour avoir le temps de mieux préparer et de mieux connaître les conditions de travail. C’est une histoire d’amour qui ne pourrait être possible avec un monde où une grande partie de la population est masquée…
Baisse des durées de tournage
Siritz.com : Combien de temps de tournage ?
AR : 8 semaines. On tourne actuellement en Bretagne, qui est très épargnée par le virus, puis on revient à Paris et ensuite on va en Rhône-Alpes.
Siritz.com : C’est plus qu’un tournage moyen.
AR : Oui. 8 semaines c’est devenu beaucoup. En 5 ans, le nombre de jours de tournage moyen a baissé de 5 jours. La moyenne est plutôt à 35 jours. Le budget est un peu en-dessous de 5 millions € (ces fameux films difficiles à faire). On a France 2, Canal+, Ciné+, des Soficas et 2 régions. C’est Diaphana qui distribue et MK2 qui s’occupe des ventes internationales. On a eu l’avance sur recettes, ce qui est la première fois pour mon associé et moi.
Siritz.com : Avec un tel financement, pas besoin de mettre votre salaire et vos frais généraux en participation.
AR : Si. Pas la totalité, mais une majeure partie. C’est ça qui est décourageant. Même en incluant le crédit d’impôt. Bien entendu, je ne me plains, car il faut bien comprendre que ces films qui ont ainsi tous les guichets sont des exceptions. La majorité des films que je vois à l’agrément se font dans des conditions difficiles. Cette catégorie permettait aux producteurs, il y 10 ans, de prendre une partie de ses frais généraux et/ou salaires. Aujourd’hui elle ne le permet pas, voire le producteur est obligé de prendre un risque au-delà de cette mise en participation. Si on rajoute les films que nous développons et qui ne voient pas le jour et la faible quotité de recettes qui nous revient, notre activité devient presque absurde économiquement. C’est pourquoi je suis choqué quand certains ne trouvent pas normal qu’on puisse s’octroyer parfois une partie de nos frais généraux.
Si une société de production fait un film par an, ce n’est pas avec 150 000 € de salaire et de frais généraux qu’elle va payer loyers, salaires et développements. La production est un métier d’apprentissage, c’est pourquoi on a progressivement plus de facilité avec les années. Mais les conditions générales se détériorent tellement que j’ai l’impression de monter un escalier roulant qui descend. Je repense souvent à mon expérience de président du Bloc ou du collège cinéma du SPI. Au début je me disais j’allais essayer d’améliorer les choses. Mais au final, on passait notre temps à éteindre les feux et à essayer de stabiliser la situation.
Siritz.com : Les Soficas, quand elles interviennent, prennent en premier, une grosse part des recettes. Il est rare qu’il reste grand-chose pour le producteur délégué.
AR : Il y a 10 ans je leur cédais beaucoup moins de parts pour plus d’argent investi. Mais, force est de constater que ce n’est pas pour autant qu’ils ont un meilleur taux de récupération. Les Soficas sont de plus en plus dures, mais c’est parce que le marché est de plus en plus difficile. En fait, hormis le soutien automatique du CNC réservé au producteur délégué, pour récupérer des recettes il faut que le film soit un gros succès. J’ai fait beaucoup de petits succès sur lesquels je n’ai obtenu aucune recette.
Siritz.com : Vous avez un autre projet ?
AR : J’ai une comédie familiale, très originale et dont nous sommes très contents : « Le sens de la famille » avec Franck Dubosc et Alexandra Lamy. Il est distribué par Gaumont et sort le 20 janvier 2021. Et j’ai trois films en début de casting et/ou de financement qui m’excitent beaucoup et me rendent confiants, malgré cette période difficile.
TELEVISION ET CINEMA DANS LA CRISE
ÉditorialLes deux secteurs sont affectés, mais différemment
La télėvision et le cinéma sont affectés très différemment par la crise actuelle. https://siritz.com/editorial/les-salles-de-cinema-en-grand-peril/A court terme la télėvision gratuite a vu ses recettes publicitaires baisser. Mais elle a pu en en grande partie compenser ce recul par un serrage des boulons. Et, à la rentrée, l’activité semble repartir. Mais les chaînes n’ont pas la moindre visibilité sur les mois à venir. Pour la télėvision payante les recettes publicitaires sont marginales.
La menace de la S-VoD
Mais, sur le long terme, toutes les télėvisions vont être touchées par la S-VoD et certains services sociaux comme Facebook ou You tube. Les réseaux sociaux grignotent régulièrement des parts de marché publicitaire. Et il n’est pas certain que, pour les chaînes gratuites, la publicité ciblée et l’ouverture à celle des films permette de compenser cette évolution. En outre, l’élargissement de l’offre de la S-Vod va inévitablement grignoter l’audience de toutes les chaînes. Pour l’instant, en France, il y a quatre services de S-Vod : Netflix, Amazon Prime, Disney + et Apple TV. Mais s’y ajouteront sans doute les services qui existent dėjà aux Etats-Unis, HBO Premium et Peacock, le service de S-Vod gratuit d’Universal, financé par la publicité. Il est enfin possible que Facebook lance sa propre offre de programmes.
https://www.zdnet.fr/blogs/digital-home-revolution/l-enjeu-des-programmes-frais-pour-la-svod-39908695.htm
Canal + a rėagi de deux façons : en devenant, avec My Canal, un service de S-VoD disposant d’un important catalogue de programmes. Et en développant l’activité de distributeur de chaînes payantes et de S-Vod. A l’image d’ Apple et de Google qui exploitent une importante activité de diffusion d’applications internet. Par ailleurs, nos grands groupes de chaînes gratuites vont lancer Salto, un service de S-Vod utilisant leur catalogue. Mais s’il n’a pas un important budget pour financer des programmes exclusifs, il risque de ne pas faire le poids.
Surtout, les services américains s’adressent au marché mondial et ont donc des moyens sans commune mesure avec ceux de leurs concurrents français. Or, pour le cinéma, la fiction, le documentaire ou l’animation les talents ne sont pas multipliables ã l’infini et leur prix va finir par s’envoler. En outre, les services américains vont sans doute élargir leur offre aux grands événements sportifs, à l’information et au flux.
Les chaînes de tėlėvision n’ont pourtant pas perdu la bataille. Un groupe comme Canal a montré ses capacités d’adaptation. Et il pourra y avoir des alliances entre les grandes chaînes européennes payantes ou gratuites. Il pourra y avoir aussi des alliances entre celles-ci et des plates-formes mondiales.
Bouleversement de l’économie du cinéma
Pour le cinéma la situation est beaucoup plus difficile. https://siritz.com/editorial/les-salles-de-cinema-en-grand-peril/ Même en période d’épidémie, il y a toujours des films rentables. Mais de moins en moins. Et, tant que le Coronavirus restera une menace, la fréquentation se maintiendra en-dessous du niveau nécessaire à l’équilibre des salles. Il faut donc que très vite le gouvernement mette en place un soutien qui permette à celles-ci de faire la soudure.
En outre, toute l’économie de la production est bouleversée. Les tournages à l’étranger sont stoppés. Et les plates-formes de S-VoD vont picorer dans l’offre de films pour les diffuser directement, sans passage par les salles de cinéma. Les montants d’investissements encadrés ne peuvent donc être respectés. Et le CSA ne sait comment gérer ce déséquilibre dont il ne peut prévoir l’évolution. Est-ce que, quand la S-VoD sera intégrée dans l’économie du cinéma, cette pratique disparaîtra ? Tout dėpendra sans doute de leur fenêtre de diffusion. Elles exigeront probablement la même que Canal +. Mais cette dernière, comme tous les investisseurs encadrés d’ailleurs, pourrait aussi prėvoir dans son contrat que le rachat pour une sortie directe en S-VoD est impossible. Cela pourrait même être prévu par la réglementation.
DEUX PLANS DE FINANCEMENT COMPARES
FinanCinéCeux de « Le bonheur des uns » et de « La Daronne »
Cette semaine sont sorties deux comédies françaises. Le site Cinéfinances.info* publie pour ses abonnés le budget et le plan de financement de ces deux films. Il a fourni à Siritz.com les chiffres pour analyser et comparer la structure de leur financement.
« Le bonheur des uns », produit par Cinéfrance Productions et Artémis, est distribué par SND. Son budget est de 6 450 000 €. https://siritz.com/cinescoop/la-remuneration-de-daniel-cohen/
https://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Bonheur_des_uns…
« La Daronne », produit par Les films du lendemain et La Boétie films. Est distribué par Le Pacte. Son budget est de 5,8 millions €. https://siritz.com/cinescoop/la-remuneration-de-jean-paul-salome/
https://fr.wikipedia.org/wiki/La_Daronne
Le plan de financement initial de « Le bonheur des uns » signale l’apport de chaînes, mais sans les citer. Les producteurs délégués ont mis la quasi-totalité de leur salaire, frais généraux et même imprévus en participation. Mais ils ne prennent pas en compte le crédit d’impôt qui doit être d’un montant supérieur. Le minimum garanti du distributeur représente 18% du financement. A noter que le soutien du CNC provient de 5 aides sélectives différentes.
Dans le plan de financement de « »La Daronne » le producteur délégué ne met rien en participation mais inscrit le crédit d’impôt prévisionnel. L’apport de la Belgique se situe, comme pour « Le bonheur des uns », autour de 5% et le minimum garanti du distributeur à 17% du budget. L’apport du fonds de soutien est de 10%, soit le double du « Bonheur des uns ».
*www.Cinefinances.info est un site, accessible par abonnement, destiné aux professionnels du cinéma. Il publie le budget, le plan de financement et la répartition des recettes de tous les films français qui sortent (hors les films « sauvages » qui ne déposent pas leurs contrats au registre public et ne demandent donc pas l’agrément qui leur permettrait d’accéder à l’aide du CNC). Il dispose d’un puissant moteur de recherche multicritères et de 10 ans d’archives.
LE BAROMETRE DE LA DISTRIBUTION EN AOUT
FinanCinéLes performances des distributeurs se dégradent par rapport à juillet
Désormais Siritz.com publie ce baromètre tous les mois. Il présente le pourcentage du minimum garanti couvert par les recettes salles de la première semaine des films français. Il permet d’avoir une idée des performances des investissements des distributeurs dans les films français qui sortent ce mois.
Il ne tient pas compte de l’investissement en frais d’édition, mais l’on peut estimer que le distributeur les a proportionnés à son minimum garanti. Par ailleurs, le plus souvent, ce minimum garanti est accordé pour un mandat sur plusieurs médias qui, selon le film, ont plus ou moins de valeur. Enfin, ne sont pas pris en compte les films où le distributeur n’a pas accordé de minimum garanti. C’est le cas, notamment, de films dont le distributeur est également producteur.
Bien entendu, l’évolution de la carrière des films est très variable. En moyenne, sur l’ensemble de leur carrière ils réalisent au moins 3 fois les entrées de la première semaine. Certains atteignent beaucoup plus et d’autres moins. Mais il s’agit d’un baromètre destiné à donner des tendances du marché.
Cinéfinances.info* a fourni les données financières de cet article.
En août c’est « Terrible jungle », distribué par Appolo Films qui réalise la meilleure performance, puisque le minimum garanti, qui était de 140 000 € est largement couvert dés la première semaine par les recettes salles. Il a réalisé 83 000 entrées. Le film a ensuite chuté fortement, mais l’investissement du distributeur est certainement largement couvert.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Terrible_Jungle
Rezo films qui distribue « Just kids », n’a couvert de 10% son minimum garanti avec les recettes salle de sa première semaine. Et le film a ensuite chuté fortement.
Ce qui est en tout cas frappant c’est que les performances du mois d’août sont très au-dessous de celles du mois de juillet, aussi bien pour la meilleure performance que pour la moyenne ou la moins bonne. Et l’on sait que septembre est, en général, le plus mauvais mois de l’année en ce qui concerne la fréquentation. https://siritz.com/financine/barometre-de-la-distribution-en-juillet-2020/
*www.Cinefinances.info est un site, accessible par abonnement, destiné aux professionnels du cinéma. Il publie le budget, le plan de financement et la répartition des recettes de tous les films français qui sortent (hors les films « sauvages » qui ne déposent pas leurs contrats au registre public et ne demandent donc pas l’agrément qui leur permettrait d’accéder à l’aide du CNC). Il dispose d’un puissant moteur de recherche multicritères et de 10 ans d’archives.
LA REMUNERATION DE DANIEL COHEN
CinéscoopPOUR LA RÉALISATION DE « LE BONHEUR DES UNS »
Ce mercredi 9 septembre sort «Le bonheur des uns », réalisé par Daniel Cohen et distribué par SND. C’est une adaptation de la pièce de théâtre « L’île flottante », écrite par Daniel Cohen. Celui-ci mène en outre une carrière de comédien et de scénariste
https://fr.wikipedia.org/wiki/Daniel_Cohen_(cinéaste)
Cinéfinances.info* a fourni les données financières de cet article.
Produit par Cinéfrance studios (Julien Denis), le budget du film est de 6,5 millions €.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Bonheur_des_uns…
Pour 30 jours de tournage la rémunération de Daniel Cohen a été de 100 000 €, répartie à part égale entre à valoir sur droits d’auteur et salaire de technicien. C’est sensiblement moins que la rémunération moyenne des réalisateurs de films français sortis depuis le début de l’année. https://siritz.com/financine/barometre-des-realisateurs-de-films/
Mais les droits d’adaptation de sa pièce ont été achetés 60 000 €. En outre, pour la scénario qu’il a écrit avec Olivier Dazat, ils se sont partagés une rémunération de 200 000 €.
Le précédent film réalisé par Olivier Cohen, « Comme un chef », était sorti en 2012. Il était interprété par Jean Reno et Mickael Youn.
D’un budget de 10 millions €, il était produit et distribué par Gaumont. Pour la préparation, 35 jours de tournage et la post-production, la rémunération de Daniel Cohen avait été de 277 000 €, dont 207 000 € d’à valoir sur droits d’auteur et 70 000 € de salaire de technicien. Il avait en outre reçu 270 000 € inscrits dans la ligne sujet. Le scénario avait, lui aussi été coécrit avec Olivier Dazat qui avait reçu 50 000 €.
*www.Cinefinances.info est un site, accessible par abonnement, destiné aux professionnels du cinéma. Il publie le budget, le plan de financement et la répartition des recettes de tous les films français qui sortent (hors les films « sauvages » qui ne déposent pas leurs contrats au registre public et ne demandent donc pas l’agrément qui leur permettrait d’accéder à l’aide du CNC). Il dispose d’un puissant moteur de recherche multicritères et de 10 ans d’archives
ANGELO COSIMANO SUR LES EFFETS DE LA CRISE
Le CarrefourSiritz.com : Comme travaillez-vous aujourd’hui à la CST. Est-ce que vos réunions vous les faites au bureau ou en visioconférence ?
https://www.cst.fr
Angelo Cosimano : Tout en virtuel, ce qui a eu beaucoup d’effets positifs. Par exemple, il y a plus de participants, ne serait-ce que parce qu’il n’y a pas de temps de transport. Elles se passent très bien parce que chacun respecte l’autre, la qualité sonore nous contraint a vraiment écouter les interlocuteurs et je rajouterai qu’il n’y a pas d’effet de manche non plus lieu pour nous faire perdre du temps. C’est assez paradoxal, mais nous y avons découvert beaucoup d’avantages.
Siritz.com : Vous allez déménager.
AC : A la fin du mois. Notre équipe est dans les cartons. En principe nous serons installés début octobre, 9 rue Baudoin dans le 13 ème. Avant même de connaître la Covid, nous avons fait le choix de nous contraindre, et d’anticiper le développement des réunions virtuelles. Nous passons de 800 à 300 mètres carrés…
Siritz.com : La CST est un formidable poste d’observation de la fabrication des films et des œuvres audiovisuelles. Est-ce que vous notez un retour au volume de tournage avant la crise ou un recul ?
La reprise des tournages s’est bien passée
AC : La reprise des tournages qui étaient en cours s’est très bien passée. Très tôt, après la fin du confinement, les préparations semblent être reparties. Sur l’aspect tournage nous sommes plus optimiste qu’à la fin du printemps. Ne serait-ce que parce que la télévision a besoin de programmes. Bien entendu les entrées des salles sont au plus bas depuis la réouverture. Mais le cinéma français n’a pas perdu beaucoup. C’est essentiellement dû à l’absence des 55% d’entrées dues aux films américains. Donc, sur le plan de la production il y a des raisons d’être optimiste. Bien entendu, pour les salles de cinéma c’est très compliqué.
Siritz.com : Il y a des règles sanitaires assez strictes sur les tournages. Quels sont les métiers les plus affectés ?
AC : Les retours sont plutôt positifs. Contrairement à la légende, une équipe de tournage c’est une équipe de gens très disciplinés. Tout simplement parce que, comme on n’a pas une minute à perdre, chaque minute perdue coûte très cher. D’après les informations qui remontent à nous, tout le monde s’est plié au jeu. Je pense que c’est plus dans l’écriture que c’est compliqué. Faire prendre moins de risques aux comédiens pourrait devenir une autocensure inconsciente. Mais je fais confiance aux réalisateurs et aux auteurs pour ne pas céder à de mauvaises habitudes.
Siritz.com : Le fait qu’il n’y ait pas de retard ou de coûts supplémentaires c’est ce que disait Remy Chevrin, le directeur de photo, quand nous l’avons interviewé. https://siritz.com/le-carrefour/remy-chevrin-notre-cinema-manque-dambition-visuelle/
Les temps de préparation sont trop courts, ce qui coûte cher
AC : Un des défauts du cinéma français, et de la fiction, c’est le manque de temps de préparation. Parce que les financements sont rassemblés au dernier moment et les décisions de tournage sont prises très tard. Donc, comme la production ne consacre pas assez de temps à la préparation, elle perd beaucoup en ne rationalisant pas assez les tournages. Et, économiquement, c’est un non sens puisque la conséquence c’est que, à la fin, cela coûte plus cher. Mais là, depuis la Covid, il s’agit des vies humaines. Donc, il semblerait que la préparation donne de meilleurs résultats en évitant les pertes de temps disons « superfétatoires »…
Jusqu’à ce jour, à ma connaissance, il n’y a pas eu de cas de malade à la suite d’un tournage. A priori tout le monde prend les précautions qu’il faut. En revanche, à partir du déclenchement du confinement il y a sans doute eu des pré-projets qui ont été repoussés et n’ont pas redémarré. On ne peut le quantifier, mais cela aura un effet à un moment. En tout cas les producteurs font leur boulot et essayent à nouveau de monter leurs films.
Siritz.com : Certains disent que cela va permettre enfin de réduire le nombre de film.
AC : Cela fait 50 ans que j’entends dire qu’il y a trop de films. J’avais 15 ans et je m’occupais d’une salle d’art et d’essai de banlieue. Evidemment c’est faux. La preuve : il y a beaucoup moins de films et c’est une catastrophe. Le spectateur, comme le téléspectateurs, a besoin d’avoir le sentiment d’avoir le choix. Et, si, en plus, nous rajoutons la peur d’aller au cinéma, la situation devient très compliquée.
Siritz.com : On ne peut savoir à l’avance quel film va marcher.
AC : C’est la démonstration qu’il faut continuer de produire à un rythme élevé. Pour les salles et pour les intermittents.
Siritz.com : Mais pour les intermittents, on prend en compte dans l’assiette minimale de 507 heures, toutes les heures jusqu’au 31 août 2021.
AC : Mais je parle d’au-delà. Il faut reprendre un même niveau de production.
Siritz.com : On dit que les tournages français à l’étranger ont des problèmes, du fait des mesures sanitaires des différents pays. L’inverse serait vrai aussi.
J’ai eu le Coronavirus le 15 janvier
AC : Je n’ai pas d’exemple, mais je pense que cela doit effectivement être le cas. Il y a la quatorzaine au Royaume-Uni, en Espagne l’épidémie repart. L’Italie tient le choc, mais ça peut repartir en trois jours. Et c’est la même chose pour les tournages d’équipes étrangères en France. C’est à l’image de ce qui se passe dans l’ensemble de l’économie sur toute la planète : dans les faits, nous vivons au jour le jour. En outre, beaucoup de pays commencent à imposer la couverture médicale obligatoire pour arriver chez eux. Cela va d’ailleurs peut-être enfin régler cette question au niveau européen. La prise en charge de la sécurité sociale au niveau européen est en principe très simple. Dans la réalité ça n’est pas si simple que ça. De toute façon la vraie sortie du tunnel viendra du vaccin. Pour l’instant on n’en est qu’à l’espoir de vaccin. Et si on en trouve un, est-ce qu’on pourra obliger tout le monde à se vacciner ? En tout cas, moi j’ai eu le Coronavirus le 15 janvier.
Siritz.com : Ah bon ?
AC : Au début, j’ai cru que c’était une grippe. Personne n’avait encore entendu parler du Coronavirus. Coup de chance, j’ai commencé à ressentir les symptômes la veille du micro-salon. J’ai tout annulé. Le matin j’avais 40 de fièvre et je n’y ai pas été. Si j’y avais été j’aurais contaminé un grand nombre de professionnels.
Siritz.com : Cela a duré combien de temps.
AC : Une semaine. J’avais l’impression d’avoir du béton dans les poumons. Je dormais assis car j’avais du mal à respirer. Mon médecin m’a dit que c’était une grippe. Ma femme l’avait aussi. J’ai été crevé pendant deux semaines. C’est quand j’ai fait les tests sérologiques en avril, les premiers tests, que j’ai découvert que j’avais eu la Covid.
Siritz.com : Vous êtes président de la CST depuis 2 ans. Qu’est-ce que cela change par rapport à délégué général ?
AC : Le délégué général, Baptiste Heynemann, assume la tache difficile de manager les équipes et les rapports quotidiens avec notre secteur. Par exemple c’est lui qui a pris en charge le déménagement et croyez-moi c’est un sacré travail pour une modeste équipe comme la nôtre. J’ai toute confiance en Baptiste, je sais qu’avec lui, la CST saura s’installer dans le XXIème siècle, et que ma génération parviendra à passer la main à des gens beaucoup plus jeunes. C’est la direction que j’ai proposé à notre conseil d’administration avec un objectif parallèle de pouvoir atteindre la parité au plus vite. Pour la première fois de son existence, la vice-présidence est assurée par une femme, notre amie Claudine Nougaret, qui est à la fois réalisatrice, productrice et l’une des meilleurs ingénieurs du son de notre pays. J’en profite pour remercier tous les membres de notre bureau qui bénévolement sont toujours présents à nos côtés. La CST est une association ou la solidarité a toujours exemple d’exemplarité.
Le plus important reste la conservation des savoir-faire dans chaque métier
Siritz.com : Quels sont les enjeux essentiels du secteur ?
AC : Le plus important reste la conservation des savoir-faire dans chaque métier. Parce que la révolution technologique a déjà eu lieu. La bascule vers le numériques, les conséquences qui allaient avec. Elles ont été très positives au départ. C’est grâce à la projection numérique que les salles peuvent projeter autant de films. Mais il faut éviter de tomber dans l’illusion que, grâce à ces formidables outils technologiques, on peut avoir besoin de moins de savoir-faire. Il faut sans doute réfléchir au système scolaire qui, à mon avis n’est pas assez basé sur l’expérience. Et le savoir être est tout aussi important que le savoir faire.
Siritz.com : Donc les élèves des écoles audiovisuelles doivent faire plus de stages ?
AC : Ils doivent être confrontés plus tôt aux difficultés du métier. Et il faut élargir leurs origines. Lad Ly, le réalisateur des « Misérables » n’a pas dû avoir une vie facile. Et ça lui a permis de faire un film si différent et de telle qualité. Il y a 40 ans la filière BTS était formidable. Maintenant elle est à revoir entièrement. Les enjeux ne sont plus dans les nouveautés technologiques. Les progrès technologiques s’installent désormais avant tout pour des raisons économiques. Mais le véritable enjeu reste le même : « Qu’est-ce qu’on raconte comme histoire ? ».
Eviter les querelles de chapelle entre le cinéma et la télévision
Siritz.com : Y-a-t’il un autre enjeu ?
AC : Je pense que la création, au sein du CNC, d’un poste de directeur du cinéma et de l’audiovisuel, est une très bonne chose. C’est acter le fait que notre économie est une économie circulaire. Tout communique avec tout. Il faut éviter les querelles de chapelle entre les gens de cinéma et les gens de télévision. Le cinéma est le rêve de tous, celui de d’atteindre une certaine forme de perfection par l’engagement total de tous ceux qui contribuent à le faire naitre. La télévision se doit de revendiquer cette même ambition.
Siritz.com : C’est ce à quoi je pensais quand j’ai créé Ecran total. Mais on peut dire que, aujourd’hui, être le showrunner d’une grande série se situe au même niveau que réalisateur de film.
AC : C’est évident pour ceux qui ambitionnent de sortir des sentiers battus de l’audimat, car cela participe de la volonté de tirer vers le haut et les programmes et les spectateurs : un film réussi c’est un film ou nous parvenons à être plus riches humainement à la sortie qu’à l’entrée !!!
LES SALLES DE CINEMA EN GRAND PERIL
ÉditorialSans doute parce qu’une grande partie des français ont peur
Les résultats du box-office Paris et France inclinent au plus grand pessimisme concernant le cinéma. Certes, la première semaine de « Tenet », avec un peu plus de 950 000 entrées, avant-premières incluses, était très encourageante. Mais malgré la sortie de ce blockbuster, la fréquentation n’a été que de 2,374 millions d’entrées, soit 14% de moins que celle de l’année dernière où ne sortait que « La vie scolaire » et ses 485 000 entrées en première semaine. https://siritz.com/editorial/semaine-decisive-pour-le-cinema/
Et la semaine suivante, celle qui est en cours, « Tenet » a fortement chuté et « Police », qui était très attendu par les exploitants et qui a été très bien accueilli par la critique, ne réalise pas, et de loin, les entrées qu’il aurait du réaliser. De ce fait, la fréquentation globale a chuté fortement, d’un tiers par rapport à la semaine précédente et de 40% par rapport à la semaine équivalente de l’année dernière. Pour la majorité, sinon la quasi totalité, des exploitants, ces résultats ne permettent pas d’équilibrer leurs comptes. Cela fait 6 mois qu’il en est ainsi.
Certes, la chute de « Tenet » s’explique sans doute parce que le bouche à oreille dit que le film est spectaculaire mais que l’on n’y comprend absolument rien. De quoi en refroidir plus d’un. Les mauvaises performances de « Police » s’expliquent peut-être par le fait que, dans le contexte économique et social actuel, les spectateurs veulent aller au cinéma pour rire. La preuve en est que « Effacer l’historique » a démarré avec 256 000 entrées, que « Les blagues de Toto » en sont à 730 000 entrées et « Divorce club » à plus de 600 000 entrées. Peut-être aussi que, maintenant que la télévision propose des séries policières de très grande qualité comme « Engrenage », le spectateur de cinéma y cherche autre chose.
En-dessous du point mort
Mais, si les salles continuent à vivre en-dessous de leur point mort dans les mois qui viennent, l’ensemble du cinéma français est en danger, puisqu’il n’y a pas de cinéma sans salles.
Cette situation s’explique sans doute parce qu’une grande partie des français ont peur.
https://www.lejdd.fr/Societe/Sante/exclusif-coronavirus-un-francais-sur-deux-a-toujours-peur-pour-sa-sante-3988409
Ainsi, le public assidu et régulier du cinéma, a peur d’aller au cinéma. Il ira voir un film qu’il a très envie de voir, ce qui était le cas de « Tenet », mais il hésitera à aller au cinéma pour voir un film « qui semble pas mal ». Cette peur est celle qui explique l’envolée de l’épargne des français, qui est une épargne de précaution. La peur est due à la fois à la crise sanitaire et à la crise économique : montée du chômage et difficultés financières de nombreuses entreprises. Et le chômage partiel est une mécanisme très efficace mais ne rembourse de 85% du salaires.
L’exploitation doit pouvoir faire la soudure
En tout cas, l’exploitation, comme de nombreuses autres activités, doit pouvoir faire la soudure jusqu’à ce que la peur disparaisse. Soit que l’on ait trouvé un vaccin ou un médicament efficace, soit que l’on ait tous appris à vivre une vie « normale » malgré le virus qui rode. Les 100 millions € qui sont prévus pour les cinéma et l’ensemble des salles de spectacles vont dans ce sens. Il est indispensable qu’ils soient mis en place au plus vite. Et, si la crise sanitaire dure, peut-être, seront-ils insuffisants.
LA REMUNERATION DE SOPHIE LETOURNEUR
CinéscoopPOUR LA REALISATION DE « ENORME »
Mercredi 2 septembre est sorti en salle, le 4ème long métrage de Sophie Letourneur.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Sophie_Letourneur
Cinéfinances.info* a fourni les données financières de cet article.
« Enorme » est une comédie. Produit par Avenue B productions (Caroline Bonmarchand), Vito films (Isaac Cherbit), il a un budget de 3 millions €. Il est distribué par Memento Films (Alexandre Mallet-Guy) sur 350 copies.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Énorme_(film)
Pour la préparation, 27 jours de tournage et la post-production, la rémunération de la réalisatrice est 76 000 €, dont 22 000 € en à valoir sur droits d’auteur et 54 000 € de salaire de technicien. C’est légèrement en-dessous de la rémunération médiane des réalisateurs de films français sortis depuis le début de l’année. https://siritz.com/financine/barometre-des-realisateurs-de-films/
S’y ajoute en outre, inscrits à la ligne « Sujet », 50 000 €. Le scénario a été co-écrit avec Mathias Gavary pour 22 000 €.
Le précédent film de Sophie Letourneur était « Gaby Baby Doll », sorti en 2014. Produit par Ecce films (Emmanuel Chaumet), son budget était de 1,6 millions €. Il était distribué par Shellac Sud (Thomas Ordonneau).
Pour la préparation, 30 jours de tournage et la post-production la rémunération de la réalisatrice avait été de 66 000 €, dont 30 000 € d’à valoir sur droits d’auteur et 36 000 € de salaire de technicien. S’y ajoutaient 60 000 € inscrits à la ligne sujet.
Le film avait totalisé 14 000 entrées.
*www.Cinefinances.info est un site, accessible par abonnement, destiné aux professionnels du cinéma. Il publie le budget, le plan de financement et la répartition des recettes de tous les films français qui sortent (hors les films « sauvages » qui ne déposent pas leurs contrats au registre public et ne demandent donc pas l’agrément qui leur permettrait d’accéder à l’aide du CNC). Il dispose d’un puissant moteur de recherche multicritères et de 10 ans d’archives.
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