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L'édito de Serge
Serge Siritzki

LE DEBAT SUR L’AVENIR DE LA SALLE DE CINEMA

Par Serge Siritzky

ELLES SONT FACE A UN PROBLEME NOUVEAU POUR ELLES

Ce sera donc le 16 décembre que l’ensemble des  salles de cinéma françaises vont ré-ouvrir. Et les conditions sanitaires imposées lors du premier dé-confinement ne seront pas renforcées. Au contraire, pendant la période de couvre feu, il y aura un léger assouplissement pour le démarrage de la dernière séance avec le billet horodaté. Mais ce sera un assouplissement, pas une occasion de séance supplémentaire. Juste une plus grande souplesse dans la fixation de l’horaire de démarrage de la dernière séance.

Et, cerise sur le gâteau, dès l’ouverture des salles il y aura à l’affiche, le blockbuster américain « Wonder Woman 84. 

https://fr.wikipedia.org/wiki/Wonder_Woman_1984

Cela veut dire que les films annonce des films qui vont démarrer le 23 décembre, et il y en a plusieurs très prometteurs, vont être vus par un large public. Par ailleurs, après « Tenet », c’est une nouvelle fois Warner qui prend le risque de sortir en salle partout où c’est possible, alors que la moitié des salles américaines sont fermées. Il est vrai qu’aux Etats-Unis, Warner a décidé de sortir le film le 25 décembre à la fois dans les salles ouvertes et sur sa plate-forme de S-VoD HBO Max. De nombreux professionnels américains estiment que le studio a ainsi franchi le rubicond alors que d’autres pensent qu’il a n’a fait que s’adapter momentanément à une situation momentanément exceptionnelle, puisque 50% des salles de cinéma américaines sont fermées.

Cette situation ouvre donc à nouveau le débat sur l’avenir des salles de cinéma face aux plateformes de S-VoD.  

Certains pensent qu’une grande partie du public a pris l’habitude de regarder des films chez eux, d’autres qu’ils vont absolument saisir la moindre occasion de sortir. On retrouve le vieux débat sur l’avenir de la salle de cinéma face à tous les nouveaux médias. L’avènement de la télévision, de la cassette ou du CD avaient fait naitre les mêmes craintes et, à chaque fois, la salle de cinéma s’est adaptée et a su parfaitement résister. 

Voir la finale de la Coupe du monde de foot-ball à la télévision ou dans le stade

Car, fondamentalement, voir un film dans une salle de cinéma n’a rien à voir avec le voir sur un écran chez soi, même un grand écran de télévision. Pour prendre un exemple, il est clair que l’on voit mieux  la finale de la Coupe  du monde de foot-ball  sur son téléviseur que dans le stade. Ne serait-ce que parce que la  télévision propose des gros plans ou des replays. Mais une grande partie des spectateurs préféreraient y assister dans le stade.

La plupart des gros blockbusters américains sortiront au plus tôt l’été prochain. Et il y en aura moitié moins que les années précédentes. En revanche, il y a énormément de films français en attente et ils bénéficieront d’une large exposition. Jusqu’à la fin des restrictions sanitaires et le retour massif des films américains les exploitants ne retrouveront pas leurs entrées passées. Mais les distributeurs français bénéficieront d’expositions favorables. Même si les professionnels savent que le succès d’un film donne au public l’envie de retourner au cinéma. 

Les plateformes ont les moyens d’accaparer tous les talents

Avec tout de même la question de savoir combien de temps encore et avec quelles sources de financement le CNC pourra accorder un soutien automatique renforcé alors que, économiquement, le soutien automatique habituel est en grande partie financé par les recettes des films américains.

A long terme néanmoins les plateformes de S-VoD soulèvent  un problème auquel le cinéma n’a jamais été confronté et que souligne très clairement Philippe Reynaert dans son Carrefour de la semaine dernière. https://siritz.com/le-carrefour/les-facettes-de-netflix-selon-reynaert/

En effet, les plateformes ont des moyens considérables, sans commune mesure avec ceux du cinéma, même des grandes majors américaines. Elles vont se battre pour acquérir les productions des talents et des stars. Ainsi, le prochain Dany Boon sera un téléfilm dont Netflix aura l’exclusivité mondiale. Et, ces plateformes vont se livrer une guerre féroce pour accaparer ces talents puisqu’en 2022 leurs besoins pourraient dépasser la capacité mondiale de production. Ce qui veut dire qu’il ne resterait aucune capacité et aucun talent pour le  cinéma mais aussi la télévision. Evidemment, ce n’est qu’une  prévision fondée sur le cumul de leurs investissements prévisionnels. Comme l’équation est impossible, il est probable qu’ils reverront leurs investissements et adapteront leur stratégie.

Ce qui est probable

Mais ce n’est pas parce que les plateformes acquièrent des films de cinéma en étant capable de payer des prix très interessants pour leurs producteurs qu’elles vont faire de même pour tous les films. Ce qui est probable, c’est qu’elles vont continuer à privilégier les séries tout en se diversifiant dans tous les autres types de programmes, comme les fictions et les documentaires unitaires mais aussi le flux et le sport. Et aussi, sans doute, que le monde va devoir augmenter sensiblement ses capacités de production et ses talents. Mais qui peut s’en plaindre ?

Par ailleurs, du point de vue des majors, les blockbusters à 200 millions $ de budgets visent de 1 à 3 milliards $ de chiffre d’affaires salle dans le monde. Ce sont donc des affaires risquées, mais potentiellement très rentables. C’est pourquoi les majors les privilégient et continuent à les produire. Or les plateformes n’ont aucun intérêt à investir 200 millions $ pour 2 heures de programme alors qu’elles peuvent avoir 12 heures d’une série exceptionnelle  qui va fidéliser leurs abonnés en investissant de 40 à 50 millions €. Disney a certes fait diffusé « Mulan » par sa plate-forme Disney + plutôt que de le sortir en salle. Mais il ne l’a pas inclus dans les programmes de Disney +. Il a offert à ses 70 millions d’abonnés de l’acheter en vos pour 30 €. Donc, si 10% de ses abonnés répondaient favorablement à cette offre le film qui a coûté de l’ordre de 200 millions $ serait amorti. Et ce serait une promotion pour la plateforme puisque, pour pouvoir acheter ce film il faut être abonné à Disney+ Mais, pour le groupe, ça ne génère aucunement les profits qu’une sortie salle mondiale aurait générée.

Pour ceux qui parlent anglais lire ce très intéressant article du New-York Times sur ces questions vues de Hollywood.

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