Siritz : Vous êtes en train de tourner. C’est un film dont le tournage avait été arrêté ou qui a débuté ?
Rémi Chevrin : C’est un film qui était en tournage, depuis mi-février. « On est fait pour s’entendre », une comédie romantique réalisée par Pascal Elbé et produit par Jéricho Films (Eric Jehelman) et Père et Fils. On avait commencé la préparation au mois de janvier et à tourner à partir du 24 février, pour 7 semaines. Et le 16 mars, au bout de 3 semaines, on a arrêté. C’est un film qui se tourne majoritairement à Paris, avec 5 jours sur la côte normande. On avait entamé les gros décors parisiens et, quand le tournage s’est arrêté, nous venions d’entrer dans un grand appartement parisien du XVIème dans lequel on devait tourner 2 semaines. On n’en a fait qu’une.
Siritz : Combien de films ont été arrêtés ?
RC : D’après le calcul de l’AFC, 37 en tournage et 28 en préparation ont été arrêtés. Nous avons repris lundi 25 mai pour encore 4 semaines. Je pense que nous faisons partie probablement des premières reprises.
Siritz : Pourquoi avez-vous pu reprendre aussi vite ?
RC : Les raisons sont multiples : d’abord tout le matériel technique est resté dans l’appartement et nous avons maintenu le décor pré-lighté. On devait juste mette en place une nacelle avec une lumière extérieure. Il n’y a pas eu de facturation de location pendant le confinement. Nous avions une chance énorme, c’est que cet immeuble n’est pas habité. Nous occupions le premier et le deuxième étage. Mais, à la fin du déconfinement, il était important de le libérer au plus vite vis à vis des propriétaires et de profiter de la fenêtre de tir, sans trop connaître l’avenir
La deuxième raison est un impératif de disponibilité de comédien
Tourner en tenue de cosmonaute n’a pas de sens
Siritz : Il y a un Guide des règles sanitaires à respecter. Qu’est-ce que cela a changé dans votre travail et, surtout, avez-vous eu des surprises ?
RC : Non pas de surprise, mais une grosse adaptation. Ce guide est le résultat d’un long travail de toutes les associations de techniciens qui ont fourni leur fiche métier, de la CST, de la CHSCT, des ministères du travail, de la santé et de la culture. Cela a permis de définir les gestes de chacun sur un plateau et quelles barrières on pouvait mettre en place, afin de minimiser au maximum le risque de contamination.
Mais il faut être très clair : ce sont des préconisations, pas des obligations. C’est à la responsabilité individuelle et collective sur un plateau de les respecter. Cela permet de déterminer ce qui est indispensable pour réduire les risques au maximum et ce qui est trop chronophage. Et ce qui est impossible à faire dans l’exercice de nos métiers et de nos gestes. Tourner en tenue de cosmonaute n’a pas de sens
Siritz : Comment chaque membre de l’équipe a-t’il pris connaissance de ces règles ?
RC : À la reprise du travail, la production a briefé toute l’équipe. Puis, chaque chef de poste a briefé la sienne : j’ai expliqué à la mienne les règles de distanciation. J’ai insisté sur le fait que les éléments fondamentaux pour la reprise du tournage sont : ne pas être malade, porter le masque en permanence, la distanciation sociale et le lavage des mains en permanence. D’ailleurs, ce sont des gestes que l’on avait mis en place avant le confinement. Sauf le port du masque. Donc ces gestes ont été faciles à réinstaurer. Les gestes supplémentaires sont la désinfection du matériel, l’attribution d’un matériel à chacun selon son poste. Ce que l’on faisait avant, mais maintenant en beaucoup plus rigoureux.
Siritz : Mais à certain moment vous allez forcément vous croisez, par exemple avec des machinistes
Etrangement il n’y a pas d’allongement de la durée des tournages
RC : À partir du moment où l’on porte un masque on a le droit d’être à moins d’un mètre.
Siritz : Mais vous n’êtes pas obligé tout de même de limiter le nombre de personnes présentes dans l’appartement ?
RC : Pas de problème. Le matin il y a une mise en place de chacun avec le réalisateur. Tout le monde porte des masques. Sauf les acteurs pendant les répétitions ou les plans qu’on tourne. Et on s’arrange pour que les scènes de très grande proximité soient réduites ou tournées différemment. Nous avions évoqué l’idée d’utiliser notre caméra de tournage comme caméra de visionnage, pour les mises en place. Un peu comme une caméra de surveillance, avec une focale courte, afin que chacun puisse, des différents postes de retour vidéo, voir les mises en place et le travail du réalisateur. Sans être nombreux dans la pièce de tournage.
Notre caméra est ainsi reliée à un écran de télévision dans une autre pièce pour trois personnes et à un autre écran pour trois autres personnes dans une autre pièce. Ce qui fait que l’ensemble des chefs de poste peut voir une répétition. Et puis, tout le monde n’est pas nécessaire sur le plateau. Quand ils ont fini de travailler, ceux qui n’ont pas besoin d’y rester sortent du décor. Et une deuxième équipe les remplace. Il y a un roulement de travail.
Siritz : Donc, la conséquence de ces mesures, c’est que cela allonge la durée des tournages.
RC : Non. Etrangement ce n’est pas le cas. J’avais prévenu le producteur que, sur ces 5 journées de tournage en appartement, les gestes barrières fondamentaux risquaient de nous faire prendre une journée de retard. Or, non seulement on a fait le travail dans le temps initialement prévu, mais on n’a pas fait d’heures supplémentaires. Donc la rigueur du travail et le roulement des équipes fontt qu’on ne perd pas de temps. On pourrait même dire, au contraire.
Modification de plans, pas de scénario
Siritz : Ces règles sanitaires ne vous ont pas amené, avec le réalisateur, avant la reprise du tournage, à modifier les scénarios ? Par exemple Nathalie Durand dit que c’est le cas sur le téléfilm sur lequel elle travaille.
RC : Il n’y a pas eu de modification de scénario. Il y a eu des modifications de plans. Par exemple, on a une scène dans un ascenseur. On a fait un plan sur chacun des personnages, l’un sans que l’autre soit dans le champ. C’est vraiment à la marge. En outre, nous on est 30 dans deux appartements de 300 M2. Chacune des six pièces qui ne sont pas un décor sert pour un département. Personne ne va dans les pièces des autres. Enfin, pour chaque répétition, jusqu’au dernier moment, on laisse fenêtres ouvertes pour une meilleure ventilation de l’espace de travail, afin que le virus ne reste pas en aérosol.
Siritz : Qui est le référent Covid sur votre tournage ?
RC : Cela dépend des films. Notre a choisi d’avoir une infirmière en permanence sur le plateau. Elle a la possibilité de faire une prise de température volontaire, un test PCR ou un test sérologique. On peut le faire à tout moment. Moi, j’en ai fait un en début de semaine et un autre en fin de semaine. Mais c’est du volontariat.
Siritz : Il y en a qui refusent de faire ces tests ?
RC : C’est possible. Le test PCR ne permet de savoir si vous êtes malade qu’aujourd’hui à un temps T. Demain, il peut ne plus être valable. Et puis, le test sérologique de prise de sang n’est actuellement pas fiable à 100%. Ce qui compte, c’est qu’il y a partout des gels hydro-alcooliques et six postes de savons de Marseille. Le lavage des mains régulier est essentiel. Et mon machiniste désinfecte le manche de la caméra à chaque changement de plan.
Ce que j’ai compris, c’est que respecter tous ces gestes réduit les risques de 85%. Les 15% qui restent on ne peut les supprimer. On a beaucoup plus de chance d’attraper le virus ailleurs que sur un plateau, dans les transports en commun ou dans certains magasins . D’une manière générale, le risque zéro dans la vie n’existe pas.
La magie absolue du développement chimique
Siritz : Vous avez tourné plusieurs films en argentique. Comme par exemple « Chambre 212 », réalisé par Christophe Honoré. Pourquoi ce choix ? Le numérique aujourd’hui ne permet-il pas d’obtenir le même résultat, avec même une palette de possibilités beaucoup plus grandes ?
RC : Il y a une différence charnelle sur le support. Il n’y a pas de différence technique, mais organique.
Siritz : Cette différence apparait sur le résultat à l’écran ?
RC : Oui et non en même temps. C’est comme le rapport de l’acteur au texte et vous êtes touchés par tous les éléments aléatoires. La magie absolue du développement chimique n’aura rien à voir avec le développement mathématique du numérique. Quand je tourne en numérique j’ai l’impression de me positionner comme un informaticien de l’image. Et l’argentique remet en place une certaine sacralisation du moteur et du coupez, comme si ce moment était unique et que chacun savait l’enjeu de la prise et du plan.
Siritz : Mais, alors pourquoi ne tournez-vous pas systématiquement en argentique ?
Il y a des réalisateurs qui adorent la liberté que donne ne numérique
RC : Certains metteurs en scènes préfèrent le numérique. D’abord parce qu’on peut tourner beaucoup plus longtemps en numérique. En argentique on tourne jusqu’à 50 minutes de rushes par jour, en numérique on peut aller jusqu’à 2 heures. Il y a des réalisateurs qui adorent ça, la liberté que cela leur donne. Cette liberté peut devenir plus important que le visuel général et la texture de l’image.
Dans la culture française du cinéma, surtout depuis la Nouvelle vague, les réalisateurs sont plus attachés au texte et à l’interprétation qu’à l’image, au visuel. Et ça n’a rien de péjoratif. Les anglo-saxons sont très intéressés par la mise en image. Un réalisateur aura donc plus de plaisir à tourner beaucoup de prises. Alors que l’argentique, est plus cher et il y a de moins en moins de labos qui savent bien le traiter. Mais, en 10 ans, j’ai fait 5 films en argentique et 10 en numérique.
Anglo-saxons et asiatiques n’utilisent pas systématiquement un directeur artistique
Siritz : Vous parliez des anglo-saxons par rapport à l’image. Là bas, sur les films il y a un directeur artistique, qui détermine l’image, le décors, les costumes. En France c’est un travail collectif entre le réalisateur, le directeur de la photo, le chef déco et le chef costumier. Certains directeurs de la photo souhaiteraient importer cette fonction. Comment vous situez-vous sur cette question ?
RC : J’ai longtemps cru que, dans le monde anglo-saxon, le directeur artistique était systématique, sur chaque film. Depuis plusieurs mois, au sein de l’AFC on a lancé une réflexion sur cette question. Or, un certains nombre de directeurs de la photo, qui travaillent de plus en plus souvent sur des films anglo-saxons et asiatiques (Eric Gautier, Benoit Delhomme, Denis Lenoir, …), nous disent que ça n’est pas systématique.
Siritz : Mais quand il n’y a pas de directeur artistique ça fonctionne comme chez nous ?
RC : Non cette direction artistique elle est prise en charge non seulement par le directeur de la photo et le chef déco, mais avant tout par le réalisateur. C’est ce qui fait l’énorme différence avec notre cinéma. Aux Etats-Unis le réalisateur a déjà une vision globale de son film et elle va être nourrie par les trois ou quatre chefs de poste. On peut y ajouter le monteur. Parfois il y a un directeur artistique qui ramène toujours le travail de chacun aux fondamentaux du film afin de ne pas s’éloigner du projet initial et qui a une idée globale du film. Je crois que les grands réalisateurs sont ceux qui ont une vision artistique de leur film et, notamment, de son image.
il serait temps que les réalisateurs s’intéressent à autre chose que le texte et l’acteur.
Siritz : Mais est-ce que vous pensez qu’il serait souhaitable, en France, de créer le poste de directeur artistique.
RC : Je dirai qu’en France il serait temps que les réalisateurs s’intéressent à autre chose que le texte et l’acteur. La direction visuelle d’un film n’est pas suffisamment partagée par le metteur en scène. Ce n’est pas le cas de tous les metteurs en scène français. Mais c’est un constat général. Un des handicaps du cinéma français, c’est que beaucoup trouvent qu’il manque d’ambition visuelle. Le cinéma c’est un point de vue, une intention.
La direction artistique des films de Kubrick c’est Kubrick, la direction artistique des films de Paul Thomas Anderson c’est Paul Thomas Anderson. Sur les films de Christophe Honoré, c’est Christophe qui donne le la et les grands intentions fortes du film, qui sont nourries ensuite par les chefs de poste artistiques. Idem pour Yvan Attal qui s’appuie beaucoup sur le cinéma qui l’a influencé et ses références sont fondamentales pour que nous puissions avancer et lui proposer plus encore.
Dans la tradition française le metteur en scène confie la direction artistique au directeur photo et au chef déco. C’est dommage parce qu’ être cinéaste c’est savoir s’entourer, mais aussi avoir des convictions visuelles.
Siritz : Ca date de la Nouvelle vague.
RC : Oui. On est beaucoup à le penser. La Nouvelle vague a réinventé le cinéma. Elle a imposé aussi la notion de l’auteur réalisateur scénariste en privilégiant le texte et la direction d’acteurs, mais en oubliant un peu le visuel. Or un réalisateur ça n’est pas uniquement un scénariste. Chez les grands cinéastes asiatiques et anglo-saxons le visuel compte beaucoup.
Siritz : Mais pourquoi cette faiblesse continue. La Nouvelle vague est loin.
RC : J’ai essayé de me poser la question. Peut-être parce qu’en France on fait beaucoup de comédies et que les réalisateurs se disent qu’une comédie n’a pas besoin d’ambition visuelle. C’est faux. Quand je fais « Mon chien stupide » ou « Ma femme est une actrice » j’ai une ambition visuelle. Je ne me contente pas de gros plans sur les acteurs qui disent leur texte.
Voir aussi Le Carrefour d’une autre directrice de la photo, Nathalie Durand : heval-entre-lartistique-et-le-technique/
Voir la carrière de Rémy Chevrin :
https://www.afcinema.com/_Remy-Chevrin_.html
Et, notamment son interview sur « Chambre 212 », réalisé par Christophe Honoré :
https://www.afcinema.com/Ou-Remy-Chevrin-AFC-parle-de-son-travail-sur-Chambre-212-de-Christophe-Honore.html
La rémunération d’Olivier Marchal pour « Carbone »
CinéscoopLa 8eme de celle des réalisateurs de films français sortis en 2017
France 2 a diffusé pour la première fois, dimanche 7 juin, « Carbone ». Ce film est la 5ème long métrage de cinéma réalisé par Olivier Marchal, spécialiste de films policiers. Cinéfinances.info* fournit les éléments pour analyser une partie du budget et, notamment, la rémunération du réalisateur. Voir : https://siritz.com/cinescoop/carbone-le-producteur-tres-beneficiaire-avant-le-sortie-s/?preview=true&_thumbnail_id=2024
L’idée part d’une escroquerie à la TVA sur les quotas européens de CO2. Elle a été fournie par Ali Hajdi. Et le scénario a été co-écrit par Emmanuel Naccache. L’ensemble a été rémunéré 300 000 €.
Pour 46 jours de tournage, Olivier Marchal a reçu une rémunération de 600 000 €, répartie à part égale entre à-valoir sur droits d’auteur et salaire de technicien réalisateur.
Son précédent film était « Les Lyonnais ». Il avait nécessité 60 jours de tournage et son budget était de 18,6 millions €. Olivier Marchal avait reçu une rémunération de 700 000 €, dont 400 000 € en à-valoir sur droits d’auteur et 300 000 € en salaire de technicien. Le film avait atteint 1,3 millions d’entrées.
Olivier Marchal, a débuté comme policier. Puis il a eu une longue carrière de comédien, écrit de nombreux scénarios et dirigé des téléfilms et des épisodes de séries. C’est, notamment, le créateur de la série « Braquo » :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Olivier_Marchal
* www.Cinefinances.info est un site, accessible par abonnement, destiné aux professionnels du cinéma. Il publie le budget, le plan de financement et la répartition des recettes de tous les films français qui sortent (hors les films « sauvages » qui ne déposent pas leurs contrats au registre public et ne demandent donc pas l’agrément qui leur permettrait d’accéder à l’aide du CNC). Il dispose d’un puissant moteur de recherche multicritères et de 10 ans d’archives.
Plutôt mieux que prévu
ÉditorialMais tout est entravé par la pusillanimité et la bureaucratie
Ça reprend. Et plutôt mieux que prévu. Les tournages de fictions et de longs métrages ont repris à la mi-mai. Les exploitants pensaient ouvrir leurs cinéma la première semaine de juillet et ce sera le 22 juin. Avec la jauge maximale de 50% espérée et sans port du masque obligatoire une fois assis. Au point que les distributeurs de films sont un peu pris de court, car un lancement ne s’improvise pas.
Bien entendu, certains distributeurs se demandent s’il n’est pas préférable d’attendre, craignant que les spectateurs ne se précipitent pas dans les salles obscures. Mais les français se sont précipités aux terrasses des restaurants et cafés, même les jours de pluie quand ces terrasses étaient couvertes. Cela indique qu’ils souhaitent reprendre leur « vie d’avant » et même, « rattraper le temps perdu ».
Pour les tournages, Le Carrefour de Rémy Chevrin, publié la semaine dernière, est capital : contrairement à ce qu’on pouvait craindre, les mesures de protections sanitaires ne semblent pas rallonger les tournages : https://siritz.com/le-carrefour/remy-chevrin-notre-cinema-manque-dambition-visuelle/
Les spécialistes de l’assurance estiment ce risque insoutenable
En tout cas, après l’arrêt total, on va assister à un inévitable embouteillage. On ne peut évidemment s’en plaindre. En fait, beaucoup va dépendre de l’évolution du virus. S’il disparait quasiment, tout laisse à penser que la consommation va repartir fortement et qu’il en sera de même de l’économie, donc du cinéma et de l’audiovisuel. Si, à la rentrée, il continue à roder et fait désormais partie de notre vie, ce sera une autre histoire.
En attendant, tout est loin d’être rose. Ainsi, l’assurance des tournages contre les risques de pandémie a été mise en place, grâce au fond d’indemnisation de 50 millions €, doté par le seul Trésor. Car, contrairement à ce qui était logiquement attendu, pour l’instant, la Fédération des Assurances n’y participe pas. Même symboliquement. Ce qui signifie que les spécialistes de l’assurance estiment ce risque insoutenable. Le moins que l’on puisse dire c’est qu’ils ne contribuent en rien à la relance de l’activité. En fait, seules les petites mutuelles semblent étudier leur participation au fonds, alors que les très grosses assurances refusent. Ce qui est un comble.
En outre, le remboursement est plafonné à un 1,2 € par film. Donc, prenons le cas d’un film de 10 ou 20 millions €. A deux semaines de la fin du tournage, un des comédiens principaux tombe malade. Et le tournage doit être annulé parce que les autres comédiens enchaînent sur d’autres films ou que l’acteur décède. Donc la plus grande partie du budget est à la charge du producteur. Si le Coronavirus continue d’être une menace sérieuse quel producteur peut prendre un tel risque ?
Il est vrai que, si les tournages savent intégrer cette menace et s’organiser en conséquence, comme l’indique Remy Chevrin, le risque peut être très limité. Mais alors, pourquoi les assurances ne veulent en rien participer au fonds ?
Le refus des banques
Autre problème. L’Etat prend à sa charge 84% du chômage partiel, ce qui est particulièrement généreux et va lourdement peser sur les finances publiques. Mais de nombreuses entreprises ont des coûts fixes, et tout particulièrement des loyers qui ont continué à courir pendant le confinement. Là encore, pour leur permettre de passer ce cap difficile, elles peuvent demander à leur banquier un prêt garanti à 90 % par l’Etat. Mais très souvent, les banques refusent d’accorder ce prêt, car elles ne veulent pas prendre de risque sur les 10% restant. Chez les prestataires il semble que les refus dépassent les 50%. Or, si l’activité de la France plonge de plus de 10%, comme le prévoit le gouvernement et ne retrouve pas, au plus vite, son niveau d’avant, les banques, comme les assurances d’ailleurs, en seront forcément victimes.
De même, la Banque Publique d’Investissement a été créée à grande pompe pour permettre aux entreprises françaises d’innover et d’investir dans les secteurs porteurs. En leur apportant des fonds propres ou des prêts à longs termes. Mais, là encore, c’est la même pusillanimité. Ainsi, les studios de tournage sont un secteur incontestablement porteur et créateur d’emploi, comme démontré dans une étude très étayée. C’est pourquoi leur restructuration est indispensable.
https://www.cnc.fr/professionnels/actualites/le-cnc-lance-un–plan-studios–pour-moderniser-les-plateaux-de-tournage-francais_1111847
Or, pour son projet de grands studios dans l’Essonne, alors que la région Île de France en manque singulièrement, TSF ne s’est vu accorder par la BPI que le tiers de sa demande. Les studios de Bry-sur-Marne, qui sont un remarquable outil de travail, reconnu par toute la profession, doivent impérativement racheter leur immobilier. Et aussi se développer pour satisfaire une demande croissante. Ils ont immédiatement obtenu le soutien de la région Ile de France, il y a plus d’un an. Mais celle du CNC, qui doit le compléter et dont le principe semble acquis, tarde à venir.
En fait, on l’a vu en ce qui concerne notre politique de santé, à l’occasion de la crise du Coronavirus : même quand il y met les moyens, la politique de notre Etat est entravée pour la lourdeur de sa bureaucratie et par une accumulation de grains de sable. Au point de frôler la catastrophe.
La rémunération de Cabello Reyes pour « Beaux-Parents »
CinéscoopForte chute par rapport à son premier film, mais sa côte remonte
C’est Hector Cabello Reyes qui a réalisé « Beaux-parents », diffusé samedi soir par Canal+. C’est son deuxième film en tant que réalisateur. Il a coécrit le scénario de cette comédie avec Benabar. C’est sont septième scénario et il a également été interprète dans cinq films. Le film est sorti en 2019. Voir aussi https://siritz.com/cinescoop/beaux-parents-un-succes-pour-ugc-distribution/
Cinéfinances.info* a fourni les informations financières pour analyser le budget de ce film. Pour un tournage de 29 jours, Hector Cabello Reyes a reçu un à-valoir de 30 000 € sur droits d’auteur et un salaire de technicien de 50 000 €. Donc, la rémunération d’Hector Cabello Reyes pour « Beaux-Parents » est de 80 000 €. Ce qui est la médiane de celle des réalisateurs français de films sortis en 2020 : https://siritz.com/les-barometres-de-la-distribution/remuneration-des-realisateurs-de-films-francais-de-fiction/
Un à-valoir de 170 000 € a été attribué au scénario, qu’il a co-écrit avec Bénabar . En outre, le sujet du film a été acheté 100 000 €.
Sa rémunération sur « 7 jours pas plus »
A noter que le premier film d’Hector Cabello Reyes en tant que réalisateur était la comédie dramatique « 7 jours pas plus », sortie en 2016. Sa rémunération en tant que réalisateur avait été de 150 000 €, répartie à part égale entre à-valoir sur droits d’auteur et salaire de technicien. Le scénario avait été écrit par Sébastien Borensztein, dont la rémunération était de 75 000 €. Ce film n’a atteint que 50 000 entrées, ce qui explique sans doute la forte diminution de la rémunération du réalisateur pour son deuxième film.
Voir la carrière d’Hector Cabello Reyes :
http://www.artmedia.fr/fiche.cfm/231717-hector-cabello_reyes.html
* www.Cinefinances.info est un site, accessible par abonnement, destiné aux professionnels du cinéma. Il publie le budget, le plan de financement et la répartition des recettes de tous les films français qui sortent (hors les films « sauvages » qui ne déposent pas leurs contrats au registre public et ne demandent donc pas l’agrément qui leur permettrait d’accéder à l’aide du CNC). Il dispose d’un puissant moteur de recherche multicritères et de 10 ans d’archives.
« Beaux-parents », un succès pour UGC distribution
FinanCinéLe producteur a véritablement investi du numéraire pour financer le film
« Beaux-parents », que Canal+ a diffusé samedi soir, a un budget de 5,4 millions €. Il était sorti en salle le 16 juin 2019. Cinéfinances.info* fournit les données pour analyser son montage financier.
Le film, réalisé par Hector Cabello-Reyes https://siritz.com/cinescoop/la-remuneration-de-cabello-reyes-pour-beaux-parents/, a été produit par Kabo films (Christian Baumard). Le producteur délégué a investi 851 000 € en numéraire et 90 000 € en soutien financier. Il inclut dans ses sources de financement 847 000 € de crédit d’impôt prévisionnel. Il a également mis en participation 223 000 € sur 256 000 € et la totalité des 312 000 € de frais généraux. A noter que les imprévus sont de 446 000 €. Si le producteur ne les a pas dépensés son investissement de départ en a été réduit de moitié. Mais, en tout cas, le film ne fait pas parti de ceux où le producteur délégué dégage une marge avant la sortie du film.
Orange Studio est coproducteur et a investi 400 000 €.
Pré-achat de 5 chaînes
Par ailleurs, le film a été pré-acheté 1,05 million € par Canal+ et 171 000 € par Multithématiques. Il a par ailleurs été pré-acheté par 3 chaînes en clair. Le premier passage par M6 pour 450 000 €. Puis, dans l’ordre des passages, par W9 pour 150 000 €, et C8 pour 200 000 €.
Enfin, UGC Distribution a pris le film en distribution sans minimum garanti, avec, en plus du mandat salle, celui de la vidéo. La sortie s’est faite sur 391 copies. Le film a atteint 506 000 entrées. C’est donc une bonne affaire pour le distributeur. Il a probablement versé une toute petite recette nette aux producteurs qui, en outre, ont touché du soutien financier.
Voir plus d’informations sur le film :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Beaux-parents_(film
* www.Cinefinances.info est un site, accessible par abonnement, destiné aux professionnels du cinéma. Il publie le budget, le plan de financement et la répartition des recettes de tous les films français qui sortent (hors les films « sauvages » qui ne déposent pas leurs contrats au registre public et ne demandent donc pas l’agrément qui leur permettrait d’accéder à l’aide du CNC). Il dispose d’un puissant moteur de recherche multicritères et de 10 ans d’archives.
Remy Chevrin : « Notre cinéma manque d’ambition visuelle »
Le CarrefourSiritz : Vous êtes en train de tourner. C’est un film dont le tournage avait été arrêté ou qui a débuté ?
Rémi Chevrin : C’est un film qui était en tournage, depuis mi-février. « On est fait pour s’entendre », une comédie romantique réalisée par Pascal Elbé et produit par Jéricho Films (Eric Jehelman) et Père et Fils. On avait commencé la préparation au mois de janvier et à tourner à partir du 24 février, pour 7 semaines. Et le 16 mars, au bout de 3 semaines, on a arrêté. C’est un film qui se tourne majoritairement à Paris, avec 5 jours sur la côte normande. On avait entamé les gros décors parisiens et, quand le tournage s’est arrêté, nous venions d’entrer dans un grand appartement parisien du XVIème dans lequel on devait tourner 2 semaines. On n’en a fait qu’une.
Siritz : Combien de films ont été arrêtés ?
RC : D’après le calcul de l’AFC, 37 en tournage et 28 en préparation ont été arrêtés. Nous avons repris lundi 25 mai pour encore 4 semaines. Je pense que nous faisons partie probablement des premières reprises.
Siritz : Pourquoi avez-vous pu reprendre aussi vite ?
RC : Les raisons sont multiples : d’abord tout le matériel technique est resté dans l’appartement et nous avons maintenu le décor pré-lighté. On devait juste mette en place une nacelle avec une lumière extérieure. Il n’y a pas eu de facturation de location pendant le confinement. Nous avions une chance énorme, c’est que cet immeuble n’est pas habité. Nous occupions le premier et le deuxième étage. Mais, à la fin du déconfinement, il était important de le libérer au plus vite vis à vis des propriétaires et de profiter de la fenêtre de tir, sans trop connaître l’avenir
La deuxième raison est un impératif de disponibilité de comédien
Tourner en tenue de cosmonaute n’a pas de sens
Siritz : Il y a un Guide des règles sanitaires à respecter. Qu’est-ce que cela a changé dans votre travail et, surtout, avez-vous eu des surprises ?
RC : Non pas de surprise, mais une grosse adaptation. Ce guide est le résultat d’un long travail de toutes les associations de techniciens qui ont fourni leur fiche métier, de la CST, de la CHSCT, des ministères du travail, de la santé et de la culture. Cela a permis de définir les gestes de chacun sur un plateau et quelles barrières on pouvait mettre en place, afin de minimiser au maximum le risque de contamination.
Mais il faut être très clair : ce sont des préconisations, pas des obligations. C’est à la responsabilité individuelle et collective sur un plateau de les respecter. Cela permet de déterminer ce qui est indispensable pour réduire les risques au maximum et ce qui est trop chronophage. Et ce qui est impossible à faire dans l’exercice de nos métiers et de nos gestes. Tourner en tenue de cosmonaute n’a pas de sens
Siritz : Comment chaque membre de l’équipe a-t’il pris connaissance de ces règles ?
RC : À la reprise du travail, la production a briefé toute l’équipe. Puis, chaque chef de poste a briefé la sienne : j’ai expliqué à la mienne les règles de distanciation. J’ai insisté sur le fait que les éléments fondamentaux pour la reprise du tournage sont : ne pas être malade, porter le masque en permanence, la distanciation sociale et le lavage des mains en permanence. D’ailleurs, ce sont des gestes que l’on avait mis en place avant le confinement. Sauf le port du masque. Donc ces gestes ont été faciles à réinstaurer. Les gestes supplémentaires sont la désinfection du matériel, l’attribution d’un matériel à chacun selon son poste. Ce que l’on faisait avant, mais maintenant en beaucoup plus rigoureux.
Siritz : Mais à certain moment vous allez forcément vous croisez, par exemple avec des machinistes
Etrangement il n’y a pas d’allongement de la durée des tournages
RC : À partir du moment où l’on porte un masque on a le droit d’être à moins d’un mètre.
Siritz : Mais vous n’êtes pas obligé tout de même de limiter le nombre de personnes présentes dans l’appartement ?
RC : Pas de problème. Le matin il y a une mise en place de chacun avec le réalisateur. Tout le monde porte des masques. Sauf les acteurs pendant les répétitions ou les plans qu’on tourne. Et on s’arrange pour que les scènes de très grande proximité soient réduites ou tournées différemment. Nous avions évoqué l’idée d’utiliser notre caméra de tournage comme caméra de visionnage, pour les mises en place. Un peu comme une caméra de surveillance, avec une focale courte, afin que chacun puisse, des différents postes de retour vidéo, voir les mises en place et le travail du réalisateur. Sans être nombreux dans la pièce de tournage.
Notre caméra est ainsi reliée à un écran de télévision dans une autre pièce pour trois personnes et à un autre écran pour trois autres personnes dans une autre pièce. Ce qui fait que l’ensemble des chefs de poste peut voir une répétition. Et puis, tout le monde n’est pas nécessaire sur le plateau. Quand ils ont fini de travailler, ceux qui n’ont pas besoin d’y rester sortent du décor. Et une deuxième équipe les remplace. Il y a un roulement de travail.
Siritz : Donc, la conséquence de ces mesures, c’est que cela allonge la durée des tournages.
RC : Non. Etrangement ce n’est pas le cas. J’avais prévenu le producteur que, sur ces 5 journées de tournage en appartement, les gestes barrières fondamentaux risquaient de nous faire prendre une journée de retard. Or, non seulement on a fait le travail dans le temps initialement prévu, mais on n’a pas fait d’heures supplémentaires. Donc la rigueur du travail et le roulement des équipes fontt qu’on ne perd pas de temps. On pourrait même dire, au contraire.
Modification de plans, pas de scénario
Siritz : Ces règles sanitaires ne vous ont pas amené, avec le réalisateur, avant la reprise du tournage, à modifier les scénarios ? Par exemple Nathalie Durand dit que c’est le cas sur le téléfilm sur lequel elle travaille.
RC : Il n’y a pas eu de modification de scénario. Il y a eu des modifications de plans. Par exemple, on a une scène dans un ascenseur. On a fait un plan sur chacun des personnages, l’un sans que l’autre soit dans le champ. C’est vraiment à la marge. En outre, nous on est 30 dans deux appartements de 300 M2. Chacune des six pièces qui ne sont pas un décor sert pour un département. Personne ne va dans les pièces des autres. Enfin, pour chaque répétition, jusqu’au dernier moment, on laisse fenêtres ouvertes pour une meilleure ventilation de l’espace de travail, afin que le virus ne reste pas en aérosol.
Siritz : Qui est le référent Covid sur votre tournage ?
RC : Cela dépend des films. Notre a choisi d’avoir une infirmière en permanence sur le plateau. Elle a la possibilité de faire une prise de température volontaire, un test PCR ou un test sérologique. On peut le faire à tout moment. Moi, j’en ai fait un en début de semaine et un autre en fin de semaine. Mais c’est du volontariat.
Siritz : Il y en a qui refusent de faire ces tests ?
RC : C’est possible. Le test PCR ne permet de savoir si vous êtes malade qu’aujourd’hui à un temps T. Demain, il peut ne plus être valable. Et puis, le test sérologique de prise de sang n’est actuellement pas fiable à 100%. Ce qui compte, c’est qu’il y a partout des gels hydro-alcooliques et six postes de savons de Marseille. Le lavage des mains régulier est essentiel. Et mon machiniste désinfecte le manche de la caméra à chaque changement de plan.
Ce que j’ai compris, c’est que respecter tous ces gestes réduit les risques de 85%. Les 15% qui restent on ne peut les supprimer. On a beaucoup plus de chance d’attraper le virus ailleurs que sur un plateau, dans les transports en commun ou dans certains magasins . D’une manière générale, le risque zéro dans la vie n’existe pas.
La magie absolue du développement chimique
Siritz : Vous avez tourné plusieurs films en argentique. Comme par exemple « Chambre 212 », réalisé par Christophe Honoré. Pourquoi ce choix ? Le numérique aujourd’hui ne permet-il pas d’obtenir le même résultat, avec même une palette de possibilités beaucoup plus grandes ?
RC : Il y a une différence charnelle sur le support. Il n’y a pas de différence technique, mais organique.
Siritz : Cette différence apparait sur le résultat à l’écran ?
RC : Oui et non en même temps. C’est comme le rapport de l’acteur au texte et vous êtes touchés par tous les éléments aléatoires. La magie absolue du développement chimique n’aura rien à voir avec le développement mathématique du numérique. Quand je tourne en numérique j’ai l’impression de me positionner comme un informaticien de l’image. Et l’argentique remet en place une certaine sacralisation du moteur et du coupez, comme si ce moment était unique et que chacun savait l’enjeu de la prise et du plan.
Siritz : Mais, alors pourquoi ne tournez-vous pas systématiquement en argentique ?
Il y a des réalisateurs qui adorent la liberté que donne ne numérique
RC : Certains metteurs en scènes préfèrent le numérique. D’abord parce qu’on peut tourner beaucoup plus longtemps en numérique. En argentique on tourne jusqu’à 50 minutes de rushes par jour, en numérique on peut aller jusqu’à 2 heures. Il y a des réalisateurs qui adorent ça, la liberté que cela leur donne. Cette liberté peut devenir plus important que le visuel général et la texture de l’image.
Dans la culture française du cinéma, surtout depuis la Nouvelle vague, les réalisateurs sont plus attachés au texte et à l’interprétation qu’à l’image, au visuel. Et ça n’a rien de péjoratif. Les anglo-saxons sont très intéressés par la mise en image. Un réalisateur aura donc plus de plaisir à tourner beaucoup de prises. Alors que l’argentique, est plus cher et il y a de moins en moins de labos qui savent bien le traiter. Mais, en 10 ans, j’ai fait 5 films en argentique et 10 en numérique.
Anglo-saxons et asiatiques n’utilisent pas systématiquement un directeur artistique
Siritz : Vous parliez des anglo-saxons par rapport à l’image. Là bas, sur les films il y a un directeur artistique, qui détermine l’image, le décors, les costumes. En France c’est un travail collectif entre le réalisateur, le directeur de la photo, le chef déco et le chef costumier. Certains directeurs de la photo souhaiteraient importer cette fonction. Comment vous situez-vous sur cette question ?
RC : J’ai longtemps cru que, dans le monde anglo-saxon, le directeur artistique était systématique, sur chaque film. Depuis plusieurs mois, au sein de l’AFC on a lancé une réflexion sur cette question. Or, un certains nombre de directeurs de la photo, qui travaillent de plus en plus souvent sur des films anglo-saxons et asiatiques (Eric Gautier, Benoit Delhomme, Denis Lenoir, …), nous disent que ça n’est pas systématique.
Siritz : Mais quand il n’y a pas de directeur artistique ça fonctionne comme chez nous ?
RC : Non cette direction artistique elle est prise en charge non seulement par le directeur de la photo et le chef déco, mais avant tout par le réalisateur. C’est ce qui fait l’énorme différence avec notre cinéma. Aux Etats-Unis le réalisateur a déjà une vision globale de son film et elle va être nourrie par les trois ou quatre chefs de poste. On peut y ajouter le monteur. Parfois il y a un directeur artistique qui ramène toujours le travail de chacun aux fondamentaux du film afin de ne pas s’éloigner du projet initial et qui a une idée globale du film. Je crois que les grands réalisateurs sont ceux qui ont une vision artistique de leur film et, notamment, de son image.
il serait temps que les réalisateurs s’intéressent à autre chose que le texte et l’acteur.
Siritz : Mais est-ce que vous pensez qu’il serait souhaitable, en France, de créer le poste de directeur artistique.
RC : Je dirai qu’en France il serait temps que les réalisateurs s’intéressent à autre chose que le texte et l’acteur. La direction visuelle d’un film n’est pas suffisamment partagée par le metteur en scène. Ce n’est pas le cas de tous les metteurs en scène français. Mais c’est un constat général. Un des handicaps du cinéma français, c’est que beaucoup trouvent qu’il manque d’ambition visuelle. Le cinéma c’est un point de vue, une intention.
La direction artistique des films de Kubrick c’est Kubrick, la direction artistique des films de Paul Thomas Anderson c’est Paul Thomas Anderson. Sur les films de Christophe Honoré, c’est Christophe qui donne le la et les grands intentions fortes du film, qui sont nourries ensuite par les chefs de poste artistiques. Idem pour Yvan Attal qui s’appuie beaucoup sur le cinéma qui l’a influencé et ses références sont fondamentales pour que nous puissions avancer et lui proposer plus encore.
Dans la tradition française le metteur en scène confie la direction artistique au directeur photo et au chef déco. C’est dommage parce qu’ être cinéaste c’est savoir s’entourer, mais aussi avoir des convictions visuelles.
Siritz : Ca date de la Nouvelle vague.
RC : Oui. On est beaucoup à le penser. La Nouvelle vague a réinventé le cinéma. Elle a imposé aussi la notion de l’auteur réalisateur scénariste en privilégiant le texte et la direction d’acteurs, mais en oubliant un peu le visuel. Or un réalisateur ça n’est pas uniquement un scénariste. Chez les grands cinéastes asiatiques et anglo-saxons le visuel compte beaucoup.
Siritz : Mais pourquoi cette faiblesse continue. La Nouvelle vague est loin.
RC : J’ai essayé de me poser la question. Peut-être parce qu’en France on fait beaucoup de comédies et que les réalisateurs se disent qu’une comédie n’a pas besoin d’ambition visuelle. C’est faux. Quand je fais « Mon chien stupide » ou « Ma femme est une actrice » j’ai une ambition visuelle. Je ne me contente pas de gros plans sur les acteurs qui disent leur texte.
Voir aussi Le Carrefour d’une autre directrice de la photo, Nathalie Durand : heval-entre-lartistique-et-le-technique/
Voir la carrière de Rémy Chevrin :
https://www.afcinema.com/_Remy-Chevrin_.html
Et, notamment son interview sur « Chambre 212 », réalisé par Christophe Honoré :
https://www.afcinema.com/Ou-Remy-Chevrin-AFC-parle-de-son-travail-sur-Chambre-212-de-Christophe-Honore.html
La Bérézina de la distribution des films français
BaromètresEn janvier et février une petite minorité d’entre eux ont permis à leur distributeur de couvrir son investissement
Les salles vont redémarrer le 22 juin. Est-ce que le public va s’y précipiter ou « attendre de voir » ? On ne sait. Mais, les français n’ont pas hésité à se précipiter au restaurant et au café. Il est donc probable, que, si l’offre de film est attractive, ils n’hésiteront pas à retourner au cinéma.
Lire sur cette problématique : https://siritz.com/editorial/comment-ouvrhttps://siritz.com/editorial/comment-ouvrir-les-salles-avec-une-forte-frequentation/ir-les-salles-avec-une-forte-frequentation/
Néanmoins, il faut se souvenir des deux premiers mois de l’année. Alors que personne ne pensait au Coronavirius, la fréquentation a été catastrophique. Tant la fréquentation générale que celle des seuls films français dont la part de marché est tombée bien en-dessous des 30%. Au point qu’on se demandait déjà si, en 2020, pour la première fois depuis 2013, la fréquentation ne descendrait pas en-dessous de 200 millions de spectateurs. Et, celle des seuls films français, en-dessous de 70 millions de spectateurs. En fait, comme le savent les exploitants, tout est une question d’offre.
Il est tout de même nécessaire de se souvenir qu’avant même l’arrêt de leur activité, les distributeurs de films français en janvier et février de cette année ont subis une véritable Bérézina. Siritz.com a construit trois baromètres qui permettent de s’en rendre compte. Il ont été établis à partir des données fournies par Cinéfinances.info*. Mais aussi par des algorithmes* mis au point pour évaluer les frais d’édition. Le premier baromètre, présenté dans cet article, calcule le nombre de film français pour lesquels le distributeur a amorti son investissement (minimum garanti et frais d’édition).
Ainsi, en janvier 25 films français sont sortis et en février 15. Voici le nombre de films qui, selon l’évaluation de Siritz.com, ont pu amortir l’investissement du distributeur, avec les seules recettes salle ou en y ajoutant le soutien automatique et sélectif.
7 films ont permis au distributeur d’amortir son investissement
Parmi ceux qui ont très probablement couvert l’investissement du distributeur avec les seules recettes salles on trouve : « Les vétos », distribué par UGC, « Marche avec les loups », distribué par Gebeka, « Une belle équipe » distribué par Gaumont, « Ducobu 3 », distribué par Gaumont, « La fille au bracelet », distribué par « Le Pacte », « Un divan à Tunis » , distribué par Rezzo Film et « 10 jours sans maman », distribué par Studio Canal. Mais cela ne veut pas dire que le distributeur a touché sa pleine commission ni, encore moins, versé le moindre supplément au producteur. Certes, il a le plus souvent les recettes d’autres mandats. Mais, quand le film n’est pas un succès en salle, sauf exception, ces autres recettes sont marginales.
Donc en pourcentage, le nombre des films qui ont permis au distributeur de couvrir son investissement, même en tenant compte du soutien financier, est très minoritaires.
Mais, il est vrai que, dès le moi de mars, le démarrage de deux films français, « La bonne épouse », distribué par Memento films, et « De Gaulle », distribué par SND, étaient particulièrement prometteurs. Ces films vont reprendre leur exploitation et on va voir si le très bon bouche à oreille dont ils bénéficient leur permettra d’atteindre financement les entrées espérées.
Ce baromètre est établi à partir de données fournies par le site https://cinefinances.info/ . C’est un site, accessible par abonnement, destiné aux professionnels du cinéma. Il publie le budget, le plan de financement et la répartition des recettes de tous les films français qui sortent (hors les films « sauvages » qui ne déposent pas leurs contrats au registre public et ne demandent donc pas l’agrément qui leur permettrait d’accéder à l’aide du CNC). Il dispose d’un puissant moteur de recherche multicritères et de 10 ans d’archives.
Méthodologie de calcul des baromètres
Les baromètres sont établis à partir de calculs film par film. La marge brute (est-ce que le distributeur a couvert son investissement ?) est la différence entre le chiffre d’affaires salle du distributeur et son investissement (frais d’édition et, dans la plupart des cas, minimum garanti).
Le chiffre d’affaires est établi à partir du nombre d’entrées du film à la fin de sa carrière en salle multiplié par la recette moyenne du distributeur par entrée. Cette dernière est établie chaque année par le CNC qui calcule le prix moyen de la place de cinéma et la part moyenne du distributeur sur ce prix de place.
Le soutien automatique généré par un film est lié au chiffre d’affaires en salle de celui-ci et le soutien sélectif est publié par le CNC. Le soutien sélectif aux entreprise de distribution n’est pas pris en compte car il vise à couvrir une partie des frais des structures des distributeurs qui ont un plan de sortie d’au moins 3 films dans l’année.
Le minimum garanti est fourni par Cinéfinances.info dont les informations sur chaque film proviennent des contrats qui sont déposés au registre public du CNC.
Les frais d’édition (frais techniques, frais de promotion et de publicité) sont des évaluations de Siritz. Pour chaque film cette évaluation s’appuie sur l’étude annuelle du CNC sur les coûts de distribution des films français, qui prend en compte plusieurs critères. A partir de cette étude Siritz.com a établi un algorithme qui prend en compte plusieurs critères (ampleur de la sortie, budget du film, genre du film, profil du distributeur).
Les résultats de celui-ci ont été comparés aux contrats de distribution fournis par Cinéfinances.info qui indiquent les médias pour lesquels le distributeur a un mandat, les taux des commissions de distribution, le minimum garanti et le plafond des frais d’édition au-delà desquels le distributeur doit demander l’autorisation du producteur. Souvent, le contrat fixe aussi un plancher de frais d’édition. Sauf quelques rares exceptions l’algorithme donnent des chiffres conformes au contrat.
Par ailleurs, en 2019, Cinéfinances.info a interrogé des producteurs sur le montant des frais d’éditions transmis par le distributeur. En général, les plafonds et les planchers sont respectés. Et les évaluations se sont révélées exactes avec une faible marge d’erreur.
Enfin, sur un baromètre qui porte sur 15 à 20 films par mois, les marges d’erreur dans un sens ou dans l’autre se compensent en grande partie.
En revanche Siritz.com ne peut évaluer les marges arrière dont pourraient bénéficier certains distributeurs et qu’ils ne transmettraient pas au producteur.
La rémunération de Klapisch pour « Deux moi »
CinéscoopLa moitié que pour son précédent film
Canal+ a diffusé mercredi 3 juin, pour la première fois, la comédie dramatique « Deux moi », le dernier film de Cédrick Klapisch . Il est en salle le 11 septembre 2019. C’est le 13ème film réalisé par ce dernier.
Cinéfinances.info* fournit les données qui permettent d’analyser la rémunération du réalisateur. Le tournage avait duré 44 jours et le budget du film était de 6,3 millions €. Comme les précédents films du réalisateur, il est produit par sa société Ce qui me meut, dans laquelle il est associé avec Bruno Levy (voir )
La rémunération de Klapisch pour « Deux moi » est de 140 000 €, partagée, à part égal, entre un à-valoir sur droits d’auteur et un salaire de technicien. Le scénario, que le réalisateur a écrit avec Santiago Amigorena, a été rémunéré par un à-valoir de 70 000 €, auquel il faut ajouter 220 000 € pour le sujet. En comparaison, sur son précédent film, « Ce qui nous lie », Cédrick Klapish, avait une rémunération de 270 000 € en tant que réalisateur , « Ce qui nous lie ». 90 000 € d’à-valoir avaient été consacrés au scénario, co-écrit lui aussi avec Santigo Amigora. En revanche, le sujet avait été acquis pour 170 000 €. https://siritz.com/cinescoop/ce-qui-nous-lie-un-film-dauteur-producteur/ . Mais son budget était de 7,8 millions € et il y avait 55 jours de tournage.
Pour « Casse-tête chinois », sorti en 2013, la rémunération était de 200 000 € d’à-valoir sur droits d’auteur et 166 000 € de salaire réalisateur. Mais le budget du film était de 17,3 millions €. Il avait dépassé 1,5 millions d’entrées et réalisé de bonnes ventes internationales.Voir la carrière de Cédrick Klapisch :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Cédric_Klapisch
* www.Cinefinances.info est un site, accessible par abonnement, destiné aux professionnels du cinéma. Il publie le budget, le plan de financement et la répartition des recettes de tous les films français qui sortent (hors les films « sauvages » qui ne déposent pas leurs contrats au registre public et ne demandent donc pas l’agrément qui leur permettrait d’accéder à l’aide du CNC). Il dispose d’un puissant moteur de recherche multicritères et de 10 ans d’archives.
Comment « Deux moi » a-t’il été financé ?
FinanCinéPas une mauvaise affaire pour le producteur délégué et le distributeur
« Deux-moi », la comédie dramatique que Canal+ a diffusé le 3 juin, est le dernier film réalisé par Cédric Klapisch. Voir aussi : https://siritz.com/cinescoop/la-remuneration-de-klapisch-pour-deux-moi/
Cinéfinances.info* nous fournit les données pour analyser le montage financier du film.
Son budget est de 6,3 millions €. Il est produit par « Ce qui me meut », la société dans laquelle Cédrick Klapisch est associé avec Bruno Levy. Le producteur délégué a investi 1,2 million € en numéraire. Mais il ne tient pas compte du crédit d’impôt qui doit être du même montant.
Par ailleurs, il a mis en participation 150 000 € de salaire producteur sur 272 000 €, hors charges sociales, et 364 000 € de frais généraux sur 380 000 €.
En outre, il y a trois coproducteurs : Move Movie (Bruno Levy) a investi 300 000 € de soutien financier, Studio Canal 600 000 € en numéraire et France 2 400 000 €.
France 2 a effectué un préachat de 400 000 €, Canal+ de 1,625 millions € et Multithématiques de 240 000 €. 80 000 € de préventes ont été effectuées en Belgique
Studio Canal a pris le film en distribution, mais en séparant les mandats : 500 000 € pour les salles, 100 000 € pour la vidéo et 420 000 € pour l’international.
Le film, sorti sur 361 copies, a réalisé 646 000 entrées en France. Selon Wikipedia il aurait réalisé un box-office mondial de 4,8 millions $.
D’une manière générale, on peut donc dire que le film n’est pas une mauvaise affaire pour le producteur délégué ni le distributeur.
* www.Cinefinances.info est un site, accessible par abonnement, destiné aux professionnels du cinéma. Il publie le budget, le plan de financement et la répartition des recettes de tous les films français qui sortent (hors les films « sauvages » qui ne déposent pas leurs contrats au registre public et ne demandent donc pas l’agrément qui leur permettrait d’accéder à l’aide du CNC). Il dispose d’un puissant moteur de recherche multicritères et de 10 ans d’archives.
La rémunération de Laroque réalisatrice
CinéscoopC’est le premier film de la comédienne comme réalisatrice de film
Dimanche dernier, France 2 a diffusé, pour la première fois, le film « Brillantissime », interprété et réalisé par Michèle Laroque. Cinéfinances.info* a fourni les données qui permettent d’analyser certains éléments de son budget.
Il s’agit de l’adaptation de la pièce à succès, « Mon brillant divorce » que Michèle Laroque a mise en scène et interprétée. Cette pièce est elle-même une adaptation du succès britannique « My brilliant divorce », écrite par l’irlandaise Géraldine Aron. Les droits d’adaptation de la pièce ont été achetés 395 000 €. Michèle Laroque l’avait mise en scène et interprétée à Paris sous le titre « Mon brillant divorce ». Ce fut un grand succès.
C’est Michèle Laroque qui a écrit l’adaptation de la pièce au cinéma avec Benjamin Morgaine et Lionel Dutemple (tous deux ont notamment participé à l’écriture des Guignols de l’info) pour 100 000 € d’à-valoir. Ces derniers sont également coproducteurs délégués du film à travers leur société Princesse Béli. C’est le premier film de la comédienne en tant que réalisatrice. Elle a reçu 31 000 € d’à-valoir sur droits d’auteur et autant comme salaire. Donc la rémunération de Michèle Laroque réalisatrice est de 61 000 €.
Changement de film
En fait, à l’origine, ce n’est pas ce film qu’elle devait réaliser, mais un film sur le terrorisme, « Jeux dangereux ». A cette fin, 200 000 € de crowdfunding, avaient été levés auprès de plus de 2 000 personnes en 2013, les coprods pour « mon film Michèle » . Mais les attentats du Bataclan en 2015 et de Nice en 2016 obligeaient de réécrire à chaque fois le scénario en fonction de l’actualité. Finalement, en 2016, Michèle Laroque a décidé d’abonner le projet. Elle a proposé aux crowdfunders de participer à un nouveau projet, tiré de sa pièce à succès. Et la plus grande partie d’entre eux a accepté.
Le film a été tourné dans la région Paca et à Nice, en 35 jours. Il est sorti le 17 janvier 2018.
Voir la carrière de Michèle Laroque :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Michèle_Laroque
Voir aussi la rémunération d’un réalisateur qui est, par ailleurs, un comédien , Yvan Attal https://siritz.com/cinescoop/avec-le-brio-yvan-attal-fait-un-bond/
* www.Cinefinances.info est un site, accessible par abonnement, destiné aux professionnels du cinéma. Il publie le budget, le plan de financement et la répartition des recettes de tous les films français qui sortent (hors les films « sauvages » qui ne déposent pas leurs contrats au registre public et ne demandent donc pas l’agrément qui leur permettrait d’accéder à l’aide du CNC). Il dispose d’un puissant moteur de recherche multicritères et de 10 ans d’archives.
Nathalie Durand: « à cheval entre l’artistique et le technique »
Le CarrefourSiritz : Qu’est-ce que Le Guide des précautions sanitaires va changer dans votre métier ?
Nathalie Durand : Tout d’abord je voudrais dire que ces règles sont provisoires, je l’espère en tout cas et que bientôt, on n’en entendra plus parler. En ce qui concerne mon travail de directrice de la photo, c’est comme pour chacun d’entre nous : prendre des précautions, porter un masque, se laver les mains, garder des distances minima. Dans la pratique, pour nos équipes sur les tournages, cela va ralentir le travail.
Siritz : La crise concerne un film sur lequel vous étiez directrice de la photo ?
ND : Je devais faire un téléfilm de Catherine Klein, produit par Elzevir films. Il devait se tourner en avril. Le confinement nous a arrêté à deux semaines du tournage. Tout était en place. Depuis, la production est très attentive aux conditions sanitaires et veut prendre ses précautions. Sans doute un tournage en août, histoire de bénéficier des premiers retours d’expérience et pour des questions de disponibilité de décors. Certaines choses sont retravaillées dans le scénario pour que ce soit possible avec les précautions sanitaires.
Je ne crois pas que les équipes vont s’alléger
Siritz : En général, les équipes vont être plus légères ?
ND : Cela sera variable suivant les projets. Je ne crois pas que les équipes vont s’alléger. Le principe c’est qu’il y ait moins de gens en même temps sur le plateau, pour respecter les règles de distanciation. Mais il y aura besoin de techniciens à l’arrière pour rester efficace à la face.
Siritz : Et en post-production, le directeur de la photo doit être sur place pour l’étalonnage.
ND : Je sais que les monteurs sont très préoccupés par ça et s’inquiètent de ce que les mesures de télétravail mises en place pendant la pandémie deviennent pérennes. De la même manière, nous nous inquiétons de ce que l’étalonnage suive le même chemin. Nous sommes fermement attachés à être ensemble dans la salle d’étalonnage avec l’étalonneur/étalonneuse et le réalisateur/la réalisatrice. Rien ne devrait nous empêcher de travailler comme avant en gardant nos distances et en portant des maques si il le faut.
Siritz : Dans le téléfilm sur lequel vous travaillez, la scénariste réécrit le scénario. Est-ce qu’on vous demande votre avis sur des modifications que vous souhaiteriez ?
ND : Pas spécialement. Le travail de réécriture, je n’y participe pas. Je participe à l’élaboration du découpage. J’ai fait part des informations que j’avais, de mes observations à la production, à la réalisatrice et à l’assistante pour un tournage avec les mesures sanitaires. Je suis disponible pour répondre à des questions ou si il y a besoin de mon avis.
On a aussi une réflexion sur la direction artistique.
Siritz : Avant cette crise qui est évidemment au premier plan des préoccupations, est-ce qu’il y a des sujets qui étaient particulièrement débattus par les directeurs de la photo, notamment au sein de votre association, et qui restent évidemment d’actualité ?
ND : On se pose évidemment des questions sur les outils qui évoluent profondément, et qui modifient notre champ d’action. On a aussi une réflexion sur la direction artistique. Ça n’est pas ou peu pratiqué en France et plusieurs parmi nous se demandent comment englober la direction artistique à partir de notre place de directeur de la photo. Nous avons organisé une réunion-zoom à ce sujet récemment.
Siritz : C’est le système américain. Alors qu’en France la direction artistique est collégiale, partagée entre le réalisateur, le directeur de la photo et le chef décorateur. Michel Barthélémy, le président de l’Association des décorateurs est contre. A l’AFC il y a des partisans de ce fonctionnement ?
ND : Oui, certains le sont. En tout cas c’est en débat. Ça pose la question de l’identité de l’image dans le cinéma français. La caractéristique de notre profession c’est vraiment d’être à cheval entre l’artistique et le technique. C’est une position privilégiée. Mais on aimerait bien qu’elle soit reconnue comme telle.
Siriz : Vous avez le sentiment de ne pas être suffisamment reconnu ?
ND : Oui. Sur les plateaux, de plus en plus. Beaucoup de productions nous voient comme quelqu’un qui a une caméra et manipule des outils. Mais pas plus que ça. Alors que la collaboration avec le chef décorateur et le chef costumier, par exemple autour de la réalisation donne au film sa personnalité, son identité.
S : Est-ce qu’il y a de grandes différences entre travailler sur un film de cinéma et une fiction pour la télévision, notamment les séries ?
ND : Je n’ai pas fait de série en France. J’en ai fait une en Suisse. Et je fais assez peu de téléfilms. Pour moi, le travail est le même. Sauf que les rythmes sont différents. En télévision tout est très minuté. Il y a beaucoup à faire en une journée. Il n’y a pas trop le temps de la réflexion. Il faut tout bien anticiper.
Siritz : Mais quand vous travaillez pour le petit écran plutôt que pour le grand écran cela change-t’il l’approche de votre travail ?
ND : Sur le choix de la valeur des plans un peu, sur le découpage mais pas sur la lumière en elle même.
Siritz : Les conventions collectives du cinéma et de l’audiovisuel sont différentes ?
ND : oui, mais c’est minime.
Siritz : Comment êtes vous appelée à travailler avec un nouveau réalisateur ?
ND : Il n’y a pas de règle. Quand j’ai fait le film de Xavier Legrand, « Jusqu’à la garde », c’est le producteur Alexandre Gavras, que je connaissais qui m’a mis en relation avec lui. Mais ça passe aussi par un réseau de connaissance. Ou bien, des réalisateurs/réalisatrices que votre travail intéresse. Personnellement je n’ai pas d’agent mais beaucoup de mes collègues en ont et le travail peut aussi arriver par là.
Voir la carrière de Nathalie Durand :
https://www.afcinema.com/_Nathalie-Durand-8593_.html
Lire notamment le très intéressant interview auquel Nathalie Durand a répondu à l’occasion de la sortie du film « Jusqu’à la garde » de Xavier Legrand
https://www.afcinema.com/Ou-la-directrice-de-la-photographie-Nathalie-Durand-AFC-parle-de-son-travail-sur-Jusqu-a-la-garde-de-Xavier-Legrand.html
Lire aussi l’interview de Michel Barthélemy, président de l’Association des décorateurs de cinéma où il évoque la question du directeur de la création https://siritz.com/le-carrefour/lesthetique-du-film-est-reellement-partagee/