Siritz.com : Comment êtes-vous venu au cinéma, vous n’avez même pas votre certificat d’études et, d’après ce que vous m’avez dit, vos parents étaient analphabètes ? https://fr.wikipedia.org/wiki/Abdel_Raouf_Dafri
Abdel Raouf Dafri : Je n’ai pas fait d’études parce que je ne supportais pas la discipline de l’école, mais j’ai beaucoup lu.
Siritz.com : Mais comment êtes vous devenu scénariste de cinéma ? Et d’emblée l’un des plus grands.
ARD : En fait, ça s’est fait par le plus grand des hasards. J’habitais à Lille, une ville très socialiste, et, en 1981, les militants socialistes faisaient du porte-à-porte dans les cités. Et puis, ils faisaient des réunions où il y avait des jeunes, du café chaud. Sans adhérer j’y allais. Et c’est là que j’ai appris que, si Mitterrand était élu, il créerait les radios libres. Et les radios libres se sont ouvertes. On venait avec ses disques que l’on passait et on disait ce que l’on voulait dans le micro. Je suis devenu animateur radio et disc-jockey en boîte de nuit. J’ai fait ce métier pendant 10 ans, même à la télé. Et quand la radio est devenue professionnelle, il fallait synthétiser ses 25 secondes de présentation d’un disque, donc l’écrire. J’ai découvert aussi ce que c’était de faire l’interview et le montage d’un reportage. Et, un jour, je me suis rendu compte que j’aimais beaucoup le cinéma. Surtout le cinéma américain. J’adorais les gens comme Richard Brooks.
Siritz.com : Vous vouliez alors faire du cinéma ?
ARD : Non. Mais je lisais beaucoup de livres sur le cinéma. Je m’intéressais au « process ». Et je me suis intéressé naturellement à des scénaristes. Pour moi, au sommet il y avait Oliver Stone. Et je m’intéressais plus à un cinéma de genre qu’à un cinéma dit d’auteur. Même s’il y a des choses que j’aime chez Jean-Luc Godard. Truffaut m’a parlé avec « Les 400 coups » et « L’enfant sauvage ». Après il ne m’a pas dit grand-chose. En fait, je ressentais profondément le cinéma américain. En tout cas, à 27 ans je me suis demandé ce que j’allais faire. Je n’avais plus envie d’être animateur. Et j’ai découvert, dans un livre de Patrick Brion, que Richard Brooks avait démarré comme scénariste. L’écriture m’a semblé un job formidable.
A cette époque, en France, personne ne voulait être scénariste
Siritz.com : C’était quand ?
ARD : En 1993. A cette époque, en France, personne ne voulait être scénariste. Tout le monde voulait être réalisateur. Et je voulais être scénariste de série télé. J’avais vécu avec « Belphégor », « La 4ème dimension », « Les incorruptibles ». Je trouvais que le feuilletonnant permettait de creuser les personnages. Et HBO, la chaîne américaine du cinéma, a commencé à se lancer à son tout dans les séries.
Siritz.com : Et vous avez commencé à écrire des séries ?
ARD : Il y a deux personnes qui ont cru en moi très vite. D’abord, Martin Brossolet, de la boite de production Protécréa. Et il y a un autre monsieur qui m’a appelé, c’est Nicolas Boukhrief, qui dirigeait Canal+ écriture dans les années 90, avec Richard Grandpierre, qui deviendra producteur par la suite.
Siritz.com : Vous avez travaillé pour Protécréa ?
ARD : Moi, je pouvais écrire un épisode du « Commissaire Moulin » parce qu’il se comporte comme un vrai flic. Pour lui la fin justifie les moyens et il peut se comporter comme un fasciste. Je ne pouvais écrire un épisode de « Navarro » ou des « Cordier » parce que ça n’est pas réaliste. Dans les années 90 j’ai écrit donc le synopsis, puis le scénario d’un épisode de Moulin. Mais, avant qu’il ne soit tourné, ce que j’avais écrit s’est passé exactement de la même façon dans la réalité. A tel point qu’on ne pouvait le tourner.
Siritz.com : Vous avez écrit d’autres choses ?
ARD :Je leur avais envoyé autre chose, qui était plutôt dans le genre du romancier américain Elmore Léonard. https://fr.wikipedia.org/wiki/Elmore_Leonard Parce que Tarantino a tout pris à Léonard. On ne le dit jamais assez. J’avais écrit une histoire de 10 truands par équipe de deux qui doivent retrouver Leila, la maitresse d’un mafieux, à qui elle a volé tout son pognon et des papiers compromettant. Mais, parmi les 10, l’un est l’amant de Leila. Donc, il participe à la poursuite pour essayer de la sauver. Et chaque binôme est assez antinomique et les dialogues sont assez drôles. Ça s’appelait « GangBang ». Mais Boukhrief m’a dit que ça n’était pas le moment pour monter un film de genre.
Siritz.com : Donc deux impasses.
ARD : Oui. Alors je suis revenu dans le nord et je suis retourné à la communication d’entreprise. J’ai écrit un court métrage. Un ami l’a réalisé et ça été produit par une boîte lilloise. C’est un huis clos sur un tueur en série. Il y avait déjà de bonnes bases, mais trop de dialogue. On s’est bien marré. Et puis après j’ai continué à écrire.
Siritz.com : Mais comment avez-vous vraiment démarré ?
ARD : J’ai écrit le projet d’une série. Elle se passait dans un quartier : deux amis d’enfance, des maghrébins d’origine, dirigent deux camps opposés. L’un, les truands, l’autre, les religieux.
Un projet de série refusé par plusieurs producteurs et quatre fois par Canal+
Siritz.com : Tout à fait d’actualité.
ARD : Mais pas à l’époque. Il a été refusé par plusieurs producteurs. Et, même, quatre fois par Canal+. Ils trouvaient que c’était un sujet dur, violent. Et puis en 2001 Martin Brossolet m’a envoyé une carte de vœux pour le nouvel an et m’a dit d’appeler le nouveau responsable de Canal+ écriture, François Cognard. Il venait de Starfix et moi je lis Starfix. Je le rencontre. Mais lui il veut orienter les films de Canal vers le dialogue, du film de genre à l’italienne. Ça n’était pas ma came. Je suis trop américain. Les grands polars américains disent tous des choses sur leur société à travers une fiction totale. John Ford a été le premier réalisateur américain à parler du racisme à travers « Le Sergent Noir ». Dans « La prisonnière du désert » John Wayne est un personnage épouvantable vis-à-vis des indiens. Mais, grâce à Canal+ j’ai rencontré Marco Cherqui, le producteur de La Compagnie des Phares et Balises. Et il m’a dit qu’il voulait faire du cinéma de genre et que, si je lui amenai une super histoire, il signait. Et un jour je lui amène « Un prophète ». A cette époque j’étais au RMI.
Siritz.com : Mais comment avez-vous écrit cette histoire ?
Un de mes films fondateurs a été « Dans la chaleur de la nuit »
ARD : Je lis énormément de livres, j’adore m’instruire. Je suis d’origine algérienne, né en France. Mais vous m’entendez, je n’ai pas d’accent. A la télé quand j’entends parler des français d’origine maghrébine ils ont l’accent d’émigrés arrivés récemment en France. Une caricature qui n’a rien de vrai. Les maghrébins d’origine, nés en France, parlent comme les français des endroits où ils habitent. Cette représentation des maghrébins nés en France me mettait la rage. Même chose pour les noirs nés en France. A cette époque, je regardais beaucoup la télé et un de mes films fondateurs a été « Dans la chaleur de la nuit », de Norman Jewinson, avec Sidney Poitier. Et j’en avais marre de voir des films avec des arabes dominés par les blancs qui leur montrent la direction. Mais je ne voulais pas faire un film communautariste, parce que je ne suis pas communautariste. Je voulais faire un film dans lequel l’arabe ne se voit pas comme arabe, mais tous les autres, les arabes comme les corses, le voient comme tel. Et l’acte fondateur c’est qu’il est un arabe au service des corses. Et là il a la paix. Relative, puisqu’il est esclave.
Siritz.com : Mais il évolue.
ARD : Oui parce qu’il lit et il commence à comprendre quelle est sa place. Et son cerveau évolue, mais les autres ne le voit pas. Et lui il sait qu’ils ne le voient pas. Il va donc pouvoir commencer à monter son propre plan. Il encaisse, encaisse. Et, le moment venu, il prend le pouvoir.
Siritz.com : Vous avez enquêté sur le monde la prison, sur les truands ? C’est si réaliste.
ARD : Tous mes potes dans le nord ont fait de la prison. Je connais parce qu’ils racontent.
Pas un producteur ne signe pas avec un scénariste ans avoir un réalisateur
Siritz.com : Par quelles étapes êtes-vous passé ?
ARD : D’abord j’ai travaillé pendant trois ans sur le scénario. Puis je raconte l’histoire pendant trois heures à Marco Cherqui, le producteur de Phares et Balises. Il me dit que ça sort beaucoup des clous. Mais j’ai une chance inouïe c’est que Canal+ veut le faire. J’écris donc un traitement de 40 pages, comme une grosse nouvelle à l’américaine. Marco Cherqui le lit et me dit qu’on va entrer en développement. Et, à cette époque il n’y a pas un producteur qui signe avec un scénariste sans avoir un réalisateur. C’est le problème en France. On fait tellement confiance au réalisateur que le scénario peut être pourri, on monte le film quand même. Aux États-Unis c’est le scénario qui prime. Et, en France, ils ne savent pas lire.
Siritz.com : Pas tous.
ARD : Je vais vous donner un exemple très concret qui m’a été raconté par Nicolas Boukhrief. Un américain était venu le voir quand il était à Canal, avec un scénario. Il l’a lu et en est tombé amoureux. Il a dit : il faut absolument le faire en France, ça va être énorme. Il l’a envoyé à tous les plus gros producteurs de la place de Paris. Ils l’ont fait passer en comité de lecture. Les notes de lecture sont remontées à Nicolas. Et elles disaient toutes « on ne comprend rien, on ne sait pas qui fait quoi, qui est qui ». Un des lecteurs a même dit « il faudrait mettre les scènes dans l’ordre ». Boukhrief a rappelé le scénariste et lui a rendu compte des remarques. Le scénariste est parti proposer son scénario aux États-Unis. C’est « The Usual Suspects » ! Cette histoire m’a marqué. Voilà comment les scénarios sont lus dans nos principales boîtes de production.
Siritz.com : Donc revenons à « Un prophète ». Vous en êtes au traitement.
ARD : Oui. A cette époque j’étais très en colère et la colère n’est pas bonne conseillère. Et j’avais fait connaissance, grâce à Canal, de Nicolas Pefailly. Lui, il allait canaliser mon jeu. On a travaillé en binôme : j’écrivais 30 pages, je lui envoyais, il réagissait pendant que je continuais à avancer. On se faisait une réunion sur les 30 pages et ainsi de suite.
Jacques Audiard veut réaliser « Un Prophète »
A l’époque, la femme de Marco déjeune avec Jacques Audiard. Elle lui parle de mon traitement et Jacques demande à lire. Il propose d’être conseiller. Nous on avait déjà lancé l’écriture de la V1. Puis Jacques lit la V1. Puis on lui envoie la V2. Et là il dit : « Je veux réaliser ce projet ». On se rencontre. Et lui il n’a jamais vu d’arabe : c’est le fils de Michel Audiard. Il était surpris de la violence. Je lui dis que c’est comme ça en prison. Et qu’il devait prendre pour les rôles de vrais arabes, avec des gueules d’arabe. Et les trois quarts des mecs qu’on a pris ont un casier judiciaire. Les acteurs du film ont vécu ce que leurs personnages qu’ils interprètes ont vécu. Et ils ont conseillé Jacques. Le seul qui n’est pas de ce monde, c’est le premier rôle, Tahar Rahim, qui n’a jamais fait de prison. Il avait été remarqué dans ma série « La Commune ».

Grand prix du jury à Cannes, Prix Delluc, 9 Césars, 1,35 millions d’entrées
Puis Jacques a travaillé avec un scénariste, Thomas Bidegain, pour l’adapter le scénario à son style. Parce qu’il a une forte personnalité et veut à tout prix que ce soit du Jacques Audiard. Mais là, il est face à un scénario original. Un bouquin, on peut le violer. Kubrick l’a fait plusieurs fois. Mais sur un scénario original, c’est plus compliqué parce que j’ai une écriture très verrouillée. Par exemple, il était très embêté par la scène où le type sort une lame de rasoir de sa bouche pour en égorger un autre. Je lui ai dit : s’il n’y a pas cette scène, on trouvera un autre réalisateur. Et si on ne s’était pas entendu là-dessus mon plan B c’était Michael Cimino. Il aurait sans doute dit oui parce qu’il n’arrivait plus à tourner à Hollywood. https://fr.wikipedia.org/wiki/Un_prophète
Siritz.com : Mais « Un Prophète » n’est pas du tout le premier de vos scénarios qui a été tourné. Il y a d’abord eu votre série « La Commune ».
ARD : Les choses se sont débloquées avec la rencontre d’Emmanuel Daucé et de Jean-François Boyer, de Tetra Média Ils étaient emballés et voulaient absolument la faire. Et puis, le bruit a commencé à courir que l’inconnu qui avait écrit ce scénario en avait écrit un autre, un long métrage qui allait être tourné par Jacques Audiard. Ça changeait tout. Et Canal a appelé Emmanuel Daucé et lui a dit qu’ils aimaient mon projet de série et qu’ils en avaient une autre qui était retardée. Ils lui ont demandé si j’étais capable d’écrire tous les épisodes de la mienne dans un délai très court pour être à l’antenne en remplacement. Emmanuel m’a demandé si je m’en sentais capable. Je lui ai dit que je n’avais pas le choix. Et le projet s’est monté très vite. Fabrice de la Patellière, le responsable de la fiction de Canal+, a été formidable. Parce que, personnellement, il avait de gros problèmes avec la violence. C’est pourquoi il privilégie des sujets psychologiques, comme « Le bureau des légendes ». Mais, à partir du moment où Canal dit oui, ils suivent. Le développement s’est bien passé. Donc Canal a diffusé les 8 épisodes de « La Commune ». https://fr.wikipedia.org/wiki/La_Commune_(série_télévisée)

Siritz.com : Comment cela a marché ?
ARD : Pas bien. Et, moi j’ai la conception américaine : on ne continue que si ça marche.
Siritz.com : Donc, « La Commune » a été votre premier scénario à être produit et diffusé. Mais, cela a été possible parce que vous aviez écrit le scénario d’un long métrage, « Un Prophète » que Jacques Audiard allait réaliser. Et, avant que « Un Prophète » ne soit réalisé, vous avez écrit le scénario de deux autres longs métrages à succès.
ARD : Cherqui distribuait le scénario de « Un Prophète » comme des petits pains. Tout le monde le lisait parce qu’ils voyaient Jacques Audiard en couverture. Or, un jour, je lis dans un article qu’un agent important, Samuelson, s’est fait casser la gueule par un producteur, Thomas Langmann. Ma réaction ça été de me dire que ce producteur était un passionné et j’ai demandé à Cherqui de me le présenter. Et il me dit que ça tombait bien, parce que lui aussi voulait me rencontrer, après avoir lu « Un prophète ».
Siritz.com : Vous le rencontrez et il vous propose « Mesrine » ?
Moi je voyais Mesrine comme un salon, pas un héros
ARD : Oui. Mais moi je cherche à caser mes propres histoires. Mesrine cela ne me tentait pas trop. Et puis il me parle de l’acteur auquel il pensait. Et je lui dis « non, je ne travaille pas avec ce monsieur. Je n’ai rien contre lui, mais je ne vais pas voir ses films. Alors je ne vais pas faire un film avec lui. » Et il me demande pour qui j’aimerais écrire ? Je réponds : Vincent Cassel. Ça ne lui allait pas. En plus il m’avait fait lire les scénarios qui avaient été écrits jusque-là. Ils étaient très mauvais et je lui ai dit que j’avais peut-être une vision différente de la sienne.
Siritz.com : Mais s’il venait vous voir c’est que lui aussi les trouvait mauvais.
ARD : En tout cas, je lui explique que moi je voyais Mesrine comme un salop qui s’est fabriqué un personnage, mais qui allait jusqu’u bout de sa folie et qui était un mec très dangereux. Lui, le voyait comme un héros. Je lui réponds : non. Moi je vois Nelson Mandela comme un héros, ou Martin Luther King ou Ghandi. Pas Mesrine. J’ai lu son livre « L’instinct de mort ». Il n’aime pas les arabes qu’il traite de bougnoules. Si je traite de Mesrine, je parle de l’homme, je ne fais pas de la Mesrinemanie. Thomas était embêté, mais il tenait à son projet. Et, au fonds de lui, il pensait encore me faire changer d’avis.
Siritz.com : Et qu’est-ce qui a fait avancer ce projet ?
ARD : Un jour il me dit que, pour la réalisation, il pensait à Jean-François Richet. Je lui ai dit : super, on est au moins d’accord sur un point ! Et Richet avait le même point de vue que moi sur le personnage. Puis, on a été voir Vincent Cassel et j’ai exposé ma vision. Et Cassel a dit génial. Tous les trois on a été voir Thomas qu’on a convaincu et je suis parti en écriture. Et j’ai lu deux tonnes de documentation. J’ai interviewé la première compagne de Mesrine jouée par Cécile de France. Et j’ai vu Charlie Bauer un militant d’extrême gauche, ami de Mesrine, qui a fait 25 ans de prison.
Richet c’est la méthode américaine : il n’écrit pas le scénario, il réalise
Siritz.com : Vous avez écrit avec Richet ?
ARD : Non. Lui c’est la méthode américaine. On était d’accord sur le fond et il m’a laissé écrire. Lui s’occupait de la mise en scène. Après il a fallu faire des ajustements, car chacun des deux films sur Mesrine a coûté 20 millions d’euros et il fallait s’adapter au financement disponible. Et 20 millions pour un polar sur Mesrine le métier n’y croyait pas.

https://fr.wikipedia.org/wiki/L%27Instinct_de_mort_(film)

https://fr.wikipedia.org/wiki/L%27Ennemi_public_nº_1_(film,_2008)
2 500 000 d’entrées et de nombreux prix
Siritz.com : Mais pour le deuxième film il n’y avait plus de livre d’où partir.
ARD : Il n’y avait que les faits d’armes relatés par la presse et il fallait écrire une vraie histoire. Et là j’ai compris qui était Mesrine, surtout parce que Charlie Bauer m’aidait sur cette partie de sa vie. Et j’avais la possibilité de faire ce que font les américains : mettre de la politique dans un film de genre. L’échange entre Georges Wilson et Vincent Cassel, sur la négociation de la rançon, a bien eu lieu. Et Richet avait une confiance absolue dans mon travail de scénariste.
Siritz.com : Votre scénario a été tourné tel quel.
ARD : Non. Il y avait une scène de braquage de bijouterie à Genève. Quatre minutes de silence absolu, une semaine de tournage. On n’a pas eu le budget. Ça m’a brisé le cœur. Il y a eu une deuxième scène que l’on n’a pu tourner, faute de moyens. Moi, je ne signe rien avant de voir le producteur et que nous sommes d’accord sur ce que je veux faire. On passe un accord à ce moment. Mais quand c’est pour des raisons budgétaires, on s’adapte.
Siritz.com : Et le scénario de « Gibraltar » ?
ARD : C’est une arnaque. Dimitri Rassam est, comme Thomas Langmann, le fils d’un très grand producteur. Ils ont tous les deux hérités d’une fortune. Mais Thomas est un homme formidable, un grand producteur et Dimitri n’a aucun talent et je n’ai aucun respect pour lui. Sur ce film je me suis fait avoir. Et le film n’a pas marché.
Siritz.com : Vous ne voulez qu’être scénariste et pourtant vous avez réalisé un film. Sur la guerre d’Algérie. «Qu’un sang impur », sorti en 2020.
Les français, contrairement aux américains, ont du mal à regarder leur propre merde
ARD : Ça été très compliqué. Moi je ne veux qu’être scénariste. Comme David Mamet ou David Chase. En France, le paysage est pauvre en réalisateurs de qualité. J’ai eu de la chance. J’ai eu Audiard et Richet. J’avais proposé mon film sur la guerre d’Algérie à Jean-François Richet. Mais il voulait travailler sur Lafayette. Et il me suggère de le réaliser moi-même. Moi, j’avoue, la perspective de me lever à 6 heures du matin, de me coucher à minuit, ne m’excite pas. J’en ai parlé au producteur Marc Missonnier qui adhérait au projet tout de suite. Je voulais utiliser le contexte de la guerre d’Algérie pour raconter des choses politiques à travers une fiction totale.
Siritz.com : Vous avez donc découvert la réalisation.
ARD : Oui, en tant que scénariste, je suis un des rares très bien payé, qui peut vire de sa plume. Mais en tant que réalisateur j’ai découvert ce que c’est qu’une équipe technique. Par ailleurs, mon film montre la complexité de cette guerre. Il n’y a pas d’un côté le bon FLN et de l’autre les méchants colons. Mais les journalistes n’ont pas voulu comprendre ce que je disais.
Siritz.com : Et le succès n’a pas été au rendez-vous.
ARD : Les français, contrairement aux américains, ont du mal à regarder leur propre merde. Les américains ont fait des films sur le massacre des indiens, la guerre du Viet-Nam, sur la corruption de leur politique. Nous, en France, on a de vrais problèmes avec ça. Dans « Dans la chaleur de la nuit », Sidney Poitier veut attribuer le meurtre au colon raciste et n’est donc pas si différent des blancs qui veulent faire porter le meurtre à un noir, sans preuve. C’est à partir de ce film que j’ai commencé à m’intéresser à ceux qui écrivent le cinéma, pas à ceux qui le mettent en image. Et que j’ai du mal à accepter le mythe du réalisateur scénariste.
Siritz.com : Mais vous avez découvert la réalisation. Et on n’a eu que 42 salles et pas d’affichage sur Paris. Mon producteur a appelé de grands exploitants pour qu’ils élargissent la sortie et ils lui ont dit que ce film allait attirer une clientèle qu’ils ne voulaient pas voir dans leur salles…
Je travaille sur « Un Prophète », la série
ARD : Oui. « Un Prophète », la série. 10 épisodes de 45 à 50 minutes. L’équipe originelle est de retour : Marco Cherqui, Nicolas Peufaillit. On a récupéré tous les droits. Je tiens à souligner que Phares et Balise sont des producteurs qui respectent les scénaristes
Siritz.com : Vous avez déjà une chaîne ?
ARD : Non. Nous sommes financés par Media Musketeers Studio » dirigée par Sébastien Janin. En fait il est financé par un groupe américain. Nous avons de gros moyens. Ce sera du 2 millions € l’épisode. J’ai écrit l’arche narrative, la bible et les deux premiers épisodes.
Siritz.com : C’est un arabe qui est le héros ?
ARD : Avant « Un Prophète » les arabes n’existent pas dans le cinéma français. Après « Un Prophète » ils ont fait carrière. On voit avec le Covid qu’il y a des tas de toubibs arabes. Donc un arabe ne peut plus passer inaperçu. Il faut prendre une ethnie qu’on ne voit pas. J’ai choisi un africain, un comorien.
Siritz.com : C’est tout ?
Je vais écrire aussi la série « Madame Claude »
ARD : Non. J’ai signé un projet avec Fabio Conversi (Babe film) et Malika Abdelaoui (Marathon Studio). « Madame Claude ».
Siritz.com : Dans les années 70 il y a déjà eu deux longs métrages sur le sujet.
ARD : Oui. Là c’est une série et il y aura beaucoup de révélations sur la France de l’époque. C’est un personnage extraordinaire. Ce projet intéresse déjà beaucoup les américains.
Siritz.com : Vous travaillez à la fois pour le cinéma et les séries. Comment voyez-vous l’avenir du cinéma ?
ARD : Les plateformes vont avoir des moyens considérables et elles, elles vont privilégier le scénario. Pour que j’aille au cinéma il faudra me proposer James Bond, Top Gun ou Matrix 4. Ce qu’on ne veut pas voir sur un grand écran de télé. Il y a Dune aussi. Mais Warner a promis de le diffuser en même temps sur HBO Max et en salle. Et HBO Max sera France en 2022.
https://siritz.com/le-carrefour/un-scenariste-met-les-pieds-dans-le-plat/
ARD, UN PROPHÈTE DU SCÉNARIO
Le CarrefourSiritz.com : Comment êtes-vous venu au cinéma, vous n’avez même pas votre certificat d’études et, d’après ce que vous m’avez dit, vos parents étaient analphabètes ? https://fr.wikipedia.org/wiki/Abdel_Raouf_Dafri
Abdel Raouf Dafri : Je n’ai pas fait d’études parce que je ne supportais pas la discipline de l’école, mais j’ai beaucoup lu.
Siritz.com : Mais comment êtes vous devenu scénariste de cinéma ? Et d’emblée l’un des plus grands.
ARD : En fait, ça s’est fait par le plus grand des hasards. J’habitais à Lille, une ville très socialiste, et, en 1981, les militants socialistes faisaient du porte-à-porte dans les cités. Et puis, ils faisaient des réunions où il y avait des jeunes, du café chaud. Sans adhérer j’y allais. Et c’est là que j’ai appris que, si Mitterrand était élu, il créerait les radios libres. Et les radios libres se sont ouvertes. On venait avec ses disques que l’on passait et on disait ce que l’on voulait dans le micro. Je suis devenu animateur radio et disc-jockey en boîte de nuit. J’ai fait ce métier pendant 10 ans, même à la télé. Et quand la radio est devenue professionnelle, il fallait synthétiser ses 25 secondes de présentation d’un disque, donc l’écrire. J’ai découvert aussi ce que c’était de faire l’interview et le montage d’un reportage. Et, un jour, je me suis rendu compte que j’aimais beaucoup le cinéma. Surtout le cinéma américain. J’adorais les gens comme Richard Brooks.
Siritz.com : Vous vouliez alors faire du cinéma ?
ARD : Non. Mais je lisais beaucoup de livres sur le cinéma. Je m’intéressais au « process ». Et je me suis intéressé naturellement à des scénaristes. Pour moi, au sommet il y avait Oliver Stone. Et je m’intéressais plus à un cinéma de genre qu’à un cinéma dit d’auteur. Même s’il y a des choses que j’aime chez Jean-Luc Godard. Truffaut m’a parlé avec « Les 400 coups » et « L’enfant sauvage ». Après il ne m’a pas dit grand-chose. En fait, je ressentais profondément le cinéma américain. En tout cas, à 27 ans je me suis demandé ce que j’allais faire. Je n’avais plus envie d’être animateur. Et j’ai découvert, dans un livre de Patrick Brion, que Richard Brooks avait démarré comme scénariste. L’écriture m’a semblé un job formidable.
A cette époque, en France, personne ne voulait être scénariste
Siritz.com : C’était quand ?
ARD : En 1993. A cette époque, en France, personne ne voulait être scénariste. Tout le monde voulait être réalisateur. Et je voulais être scénariste de série télé. J’avais vécu avec « Belphégor », « La 4ème dimension », « Les incorruptibles ». Je trouvais que le feuilletonnant permettait de creuser les personnages. Et HBO, la chaîne américaine du cinéma, a commencé à se lancer à son tout dans les séries.
Siritz.com : Et vous avez commencé à écrire des séries ?
ARD : Il y a deux personnes qui ont cru en moi très vite. D’abord, Martin Brossolet, de la boite de production Protécréa. Et il y a un autre monsieur qui m’a appelé, c’est Nicolas Boukhrief, qui dirigeait Canal+ écriture dans les années 90, avec Richard Grandpierre, qui deviendra producteur par la suite.
Siritz.com : Vous avez travaillé pour Protécréa ?
ARD : Moi, je pouvais écrire un épisode du « Commissaire Moulin » parce qu’il se comporte comme un vrai flic. Pour lui la fin justifie les moyens et il peut se comporter comme un fasciste. Je ne pouvais écrire un épisode de « Navarro » ou des « Cordier » parce que ça n’est pas réaliste. Dans les années 90 j’ai écrit donc le synopsis, puis le scénario d’un épisode de Moulin. Mais, avant qu’il ne soit tourné, ce que j’avais écrit s’est passé exactement de la même façon dans la réalité. A tel point qu’on ne pouvait le tourner.
Siritz.com : Vous avez écrit d’autres choses ?
ARD :Je leur avais envoyé autre chose, qui était plutôt dans le genre du romancier américain Elmore Léonard. https://fr.wikipedia.org/wiki/Elmore_Leonard Parce que Tarantino a tout pris à Léonard. On ne le dit jamais assez. J’avais écrit une histoire de 10 truands par équipe de deux qui doivent retrouver Leila, la maitresse d’un mafieux, à qui elle a volé tout son pognon et des papiers compromettant. Mais, parmi les 10, l’un est l’amant de Leila. Donc, il participe à la poursuite pour essayer de la sauver. Et chaque binôme est assez antinomique et les dialogues sont assez drôles. Ça s’appelait « GangBang ». Mais Boukhrief m’a dit que ça n’était pas le moment pour monter un film de genre.
Siritz.com : Donc deux impasses.
ARD : Oui. Alors je suis revenu dans le nord et je suis retourné à la communication d’entreprise. J’ai écrit un court métrage. Un ami l’a réalisé et ça été produit par une boîte lilloise. C’est un huis clos sur un tueur en série. Il y avait déjà de bonnes bases, mais trop de dialogue. On s’est bien marré. Et puis après j’ai continué à écrire.
Siritz.com : Mais comment avez-vous vraiment démarré ?
ARD : J’ai écrit le projet d’une série. Elle se passait dans un quartier : deux amis d’enfance, des maghrébins d’origine, dirigent deux camps opposés. L’un, les truands, l’autre, les religieux.
Un projet de série refusé par plusieurs producteurs et quatre fois par Canal+
Siritz.com : Tout à fait d’actualité.
ARD : Mais pas à l’époque. Il a été refusé par plusieurs producteurs. Et, même, quatre fois par Canal+. Ils trouvaient que c’était un sujet dur, violent. Et puis en 2001 Martin Brossolet m’a envoyé une carte de vœux pour le nouvel an et m’a dit d’appeler le nouveau responsable de Canal+ écriture, François Cognard. Il venait de Starfix et moi je lis Starfix. Je le rencontre. Mais lui il veut orienter les films de Canal vers le dialogue, du film de genre à l’italienne. Ça n’était pas ma came. Je suis trop américain. Les grands polars américains disent tous des choses sur leur société à travers une fiction totale. John Ford a été le premier réalisateur américain à parler du racisme à travers « Le Sergent Noir ». Dans « La prisonnière du désert » John Wayne est un personnage épouvantable vis-à-vis des indiens. Mais, grâce à Canal+ j’ai rencontré Marco Cherqui, le producteur de La Compagnie des Phares et Balises. Et il m’a dit qu’il voulait faire du cinéma de genre et que, si je lui amenai une super histoire, il signait. Et un jour je lui amène « Un prophète ». A cette époque j’étais au RMI.
Siritz.com : Mais comment avez-vous écrit cette histoire ?
Un de mes films fondateurs a été « Dans la chaleur de la nuit »
ARD : Je lis énormément de livres, j’adore m’instruire. Je suis d’origine algérienne, né en France. Mais vous m’entendez, je n’ai pas d’accent. A la télé quand j’entends parler des français d’origine maghrébine ils ont l’accent d’émigrés arrivés récemment en France. Une caricature qui n’a rien de vrai. Les maghrébins d’origine, nés en France, parlent comme les français des endroits où ils habitent. Cette représentation des maghrébins nés en France me mettait la rage. Même chose pour les noirs nés en France. A cette époque, je regardais beaucoup la télé et un de mes films fondateurs a été « Dans la chaleur de la nuit », de Norman Jewinson, avec Sidney Poitier. Et j’en avais marre de voir des films avec des arabes dominés par les blancs qui leur montrent la direction. Mais je ne voulais pas faire un film communautariste, parce que je ne suis pas communautariste. Je voulais faire un film dans lequel l’arabe ne se voit pas comme arabe, mais tous les autres, les arabes comme les corses, le voient comme tel. Et l’acte fondateur c’est qu’il est un arabe au service des corses. Et là il a la paix. Relative, puisqu’il est esclave.
Siritz.com : Mais il évolue.
ARD : Oui parce qu’il lit et il commence à comprendre quelle est sa place. Et son cerveau évolue, mais les autres ne le voit pas. Et lui il sait qu’ils ne le voient pas. Il va donc pouvoir commencer à monter son propre plan. Il encaisse, encaisse. Et, le moment venu, il prend le pouvoir.
Siritz.com : Vous avez enquêté sur le monde la prison, sur les truands ? C’est si réaliste.
ARD : Tous mes potes dans le nord ont fait de la prison. Je connais parce qu’ils racontent.
Pas un producteur ne signe pas avec un scénariste ans avoir un réalisateur
Siritz.com : Par quelles étapes êtes-vous passé ?
ARD : D’abord j’ai travaillé pendant trois ans sur le scénario. Puis je raconte l’histoire pendant trois heures à Marco Cherqui, le producteur de Phares et Balises. Il me dit que ça sort beaucoup des clous. Mais j’ai une chance inouïe c’est que Canal+ veut le faire. J’écris donc un traitement de 40 pages, comme une grosse nouvelle à l’américaine. Marco Cherqui le lit et me dit qu’on va entrer en développement. Et, à cette époque il n’y a pas un producteur qui signe avec un scénariste sans avoir un réalisateur. C’est le problème en France. On fait tellement confiance au réalisateur que le scénario peut être pourri, on monte le film quand même. Aux États-Unis c’est le scénario qui prime. Et, en France, ils ne savent pas lire.
Siritz.com : Pas tous.
ARD : Je vais vous donner un exemple très concret qui m’a été raconté par Nicolas Boukhrief. Un américain était venu le voir quand il était à Canal, avec un scénario. Il l’a lu et en est tombé amoureux. Il a dit : il faut absolument le faire en France, ça va être énorme. Il l’a envoyé à tous les plus gros producteurs de la place de Paris. Ils l’ont fait passer en comité de lecture. Les notes de lecture sont remontées à Nicolas. Et elles disaient toutes « on ne comprend rien, on ne sait pas qui fait quoi, qui est qui ». Un des lecteurs a même dit « il faudrait mettre les scènes dans l’ordre ». Boukhrief a rappelé le scénariste et lui a rendu compte des remarques. Le scénariste est parti proposer son scénario aux États-Unis. C’est « The Usual Suspects » ! Cette histoire m’a marqué. Voilà comment les scénarios sont lus dans nos principales boîtes de production.
Siritz.com : Donc revenons à « Un prophète ». Vous en êtes au traitement.
ARD : Oui. A cette époque j’étais très en colère et la colère n’est pas bonne conseillère. Et j’avais fait connaissance, grâce à Canal, de Nicolas Pefailly. Lui, il allait canaliser mon jeu. On a travaillé en binôme : j’écrivais 30 pages, je lui envoyais, il réagissait pendant que je continuais à avancer. On se faisait une réunion sur les 30 pages et ainsi de suite.
Jacques Audiard veut réaliser « Un Prophète »
A l’époque, la femme de Marco déjeune avec Jacques Audiard. Elle lui parle de mon traitement et Jacques demande à lire. Il propose d’être conseiller. Nous on avait déjà lancé l’écriture de la V1. Puis Jacques lit la V1. Puis on lui envoie la V2. Et là il dit : « Je veux réaliser ce projet ». On se rencontre. Et lui il n’a jamais vu d’arabe : c’est le fils de Michel Audiard. Il était surpris de la violence. Je lui dis que c’est comme ça en prison. Et qu’il devait prendre pour les rôles de vrais arabes, avec des gueules d’arabe. Et les trois quarts des mecs qu’on a pris ont un casier judiciaire. Les acteurs du film ont vécu ce que leurs personnages qu’ils interprètes ont vécu. Et ils ont conseillé Jacques. Le seul qui n’est pas de ce monde, c’est le premier rôle, Tahar Rahim, qui n’a jamais fait de prison. Il avait été remarqué dans ma série « La Commune ».
Grand prix du jury à Cannes, Prix Delluc, 9 Césars, 1,35 millions d’entrées
Puis Jacques a travaillé avec un scénariste, Thomas Bidegain, pour l’adapter le scénario à son style. Parce qu’il a une forte personnalité et veut à tout prix que ce soit du Jacques Audiard. Mais là, il est face à un scénario original. Un bouquin, on peut le violer. Kubrick l’a fait plusieurs fois. Mais sur un scénario original, c’est plus compliqué parce que j’ai une écriture très verrouillée. Par exemple, il était très embêté par la scène où le type sort une lame de rasoir de sa bouche pour en égorger un autre. Je lui ai dit : s’il n’y a pas cette scène, on trouvera un autre réalisateur. Et si on ne s’était pas entendu là-dessus mon plan B c’était Michael Cimino. Il aurait sans doute dit oui parce qu’il n’arrivait plus à tourner à Hollywood. https://fr.wikipedia.org/wiki/Un_prophète
Siritz.com : Mais « Un Prophète » n’est pas du tout le premier de vos scénarios qui a été tourné. Il y a d’abord eu votre série « La Commune ».
ARD : Les choses se sont débloquées avec la rencontre d’Emmanuel Daucé et de Jean-François Boyer, de Tetra Média Ils étaient emballés et voulaient absolument la faire. Et puis, le bruit a commencé à courir que l’inconnu qui avait écrit ce scénario en avait écrit un autre, un long métrage qui allait être tourné par Jacques Audiard. Ça changeait tout. Et Canal a appelé Emmanuel Daucé et lui a dit qu’ils aimaient mon projet de série et qu’ils en avaient une autre qui était retardée. Ils lui ont demandé si j’étais capable d’écrire tous les épisodes de la mienne dans un délai très court pour être à l’antenne en remplacement. Emmanuel m’a demandé si je m’en sentais capable. Je lui ai dit que je n’avais pas le choix. Et le projet s’est monté très vite. Fabrice de la Patellière, le responsable de la fiction de Canal+, a été formidable. Parce que, personnellement, il avait de gros problèmes avec la violence. C’est pourquoi il privilégie des sujets psychologiques, comme « Le bureau des légendes ». Mais, à partir du moment où Canal dit oui, ils suivent. Le développement s’est bien passé. Donc Canal a diffusé les 8 épisodes de « La Commune ». https://fr.wikipedia.org/wiki/La_Commune_(série_télévisée)
Siritz.com : Comment cela a marché ?
ARD : Pas bien. Et, moi j’ai la conception américaine : on ne continue que si ça marche.
Siritz.com : Donc, « La Commune » a été votre premier scénario à être produit et diffusé. Mais, cela a été possible parce que vous aviez écrit le scénario d’un long métrage, « Un Prophète » que Jacques Audiard allait réaliser. Et, avant que « Un Prophète » ne soit réalisé, vous avez écrit le scénario de deux autres longs métrages à succès.
ARD : Cherqui distribuait le scénario de « Un Prophète » comme des petits pains. Tout le monde le lisait parce qu’ils voyaient Jacques Audiard en couverture. Or, un jour, je lis dans un article qu’un agent important, Samuelson, s’est fait casser la gueule par un producteur, Thomas Langmann. Ma réaction ça été de me dire que ce producteur était un passionné et j’ai demandé à Cherqui de me le présenter. Et il me dit que ça tombait bien, parce que lui aussi voulait me rencontrer, après avoir lu « Un prophète ».
Siritz.com : Vous le rencontrez et il vous propose « Mesrine » ?
Moi je voyais Mesrine comme un salon, pas un héros
ARD : Oui. Mais moi je cherche à caser mes propres histoires. Mesrine cela ne me tentait pas trop. Et puis il me parle de l’acteur auquel il pensait. Et je lui dis « non, je ne travaille pas avec ce monsieur. Je n’ai rien contre lui, mais je ne vais pas voir ses films. Alors je ne vais pas faire un film avec lui. » Et il me demande pour qui j’aimerais écrire ? Je réponds : Vincent Cassel. Ça ne lui allait pas. En plus il m’avait fait lire les scénarios qui avaient été écrits jusque-là. Ils étaient très mauvais et je lui ai dit que j’avais peut-être une vision différente de la sienne.
Siritz.com : Mais s’il venait vous voir c’est que lui aussi les trouvait mauvais.
ARD : En tout cas, je lui explique que moi je voyais Mesrine comme un salop qui s’est fabriqué un personnage, mais qui allait jusqu’u bout de sa folie et qui était un mec très dangereux. Lui, le voyait comme un héros. Je lui réponds : non. Moi je vois Nelson Mandela comme un héros, ou Martin Luther King ou Ghandi. Pas Mesrine. J’ai lu son livre « L’instinct de mort ». Il n’aime pas les arabes qu’il traite de bougnoules. Si je traite de Mesrine, je parle de l’homme, je ne fais pas de la Mesrinemanie. Thomas était embêté, mais il tenait à son projet. Et, au fonds de lui, il pensait encore me faire changer d’avis.
Siritz.com : Et qu’est-ce qui a fait avancer ce projet ?
ARD : Un jour il me dit que, pour la réalisation, il pensait à Jean-François Richet. Je lui ai dit : super, on est au moins d’accord sur un point ! Et Richet avait le même point de vue que moi sur le personnage. Puis, on a été voir Vincent Cassel et j’ai exposé ma vision. Et Cassel a dit génial. Tous les trois on a été voir Thomas qu’on a convaincu et je suis parti en écriture. Et j’ai lu deux tonnes de documentation. J’ai interviewé la première compagne de Mesrine jouée par Cécile de France. Et j’ai vu Charlie Bauer un militant d’extrême gauche, ami de Mesrine, qui a fait 25 ans de prison.
Richet c’est la méthode américaine : il n’écrit pas le scénario, il réalise
Siritz.com : Vous avez écrit avec Richet ?
ARD : Non. Lui c’est la méthode américaine. On était d’accord sur le fond et il m’a laissé écrire. Lui s’occupait de la mise en scène. Après il a fallu faire des ajustements, car chacun des deux films sur Mesrine a coûté 20 millions d’euros et il fallait s’adapter au financement disponible. Et 20 millions pour un polar sur Mesrine le métier n’y croyait pas.
https://fr.wikipedia.org/wiki/L%27Instinct_de_mort_(film)
https://fr.wikipedia.org/wiki/L%27Ennemi_public_nº_1_(film,_2008)
2 500 000 d’entrées et de nombreux prix
Siritz.com : Mais pour le deuxième film il n’y avait plus de livre d’où partir.
ARD : Il n’y avait que les faits d’armes relatés par la presse et il fallait écrire une vraie histoire. Et là j’ai compris qui était Mesrine, surtout parce que Charlie Bauer m’aidait sur cette partie de sa vie. Et j’avais la possibilité de faire ce que font les américains : mettre de la politique dans un film de genre. L’échange entre Georges Wilson et Vincent Cassel, sur la négociation de la rançon, a bien eu lieu. Et Richet avait une confiance absolue dans mon travail de scénariste.
Siritz.com : Votre scénario a été tourné tel quel.
ARD : Non. Il y avait une scène de braquage de bijouterie à Genève. Quatre minutes de silence absolu, une semaine de tournage. On n’a pas eu le budget. Ça m’a brisé le cœur. Il y a eu une deuxième scène que l’on n’a pu tourner, faute de moyens. Moi, je ne signe rien avant de voir le producteur et que nous sommes d’accord sur ce que je veux faire. On passe un accord à ce moment. Mais quand c’est pour des raisons budgétaires, on s’adapte.
Siritz.com : Et le scénario de « Gibraltar » ?
ARD : C’est une arnaque. Dimitri Rassam est, comme Thomas Langmann, le fils d’un très grand producteur. Ils ont tous les deux hérités d’une fortune. Mais Thomas est un homme formidable, un grand producteur et Dimitri n’a aucun talent et je n’ai aucun respect pour lui. Sur ce film je me suis fait avoir. Et le film n’a pas marché.
Siritz.com : Vous ne voulez qu’être scénariste et pourtant vous avez réalisé un film. Sur la guerre d’Algérie. «Qu’un sang impur », sorti en 2020.
Les français, contrairement aux américains, ont du mal à regarder leur propre merde
ARD : Ça été très compliqué. Moi je ne veux qu’être scénariste. Comme David Mamet ou David Chase. En France, le paysage est pauvre en réalisateurs de qualité. J’ai eu de la chance. J’ai eu Audiard et Richet. J’avais proposé mon film sur la guerre d’Algérie à Jean-François Richet. Mais il voulait travailler sur Lafayette. Et il me suggère de le réaliser moi-même. Moi, j’avoue, la perspective de me lever à 6 heures du matin, de me coucher à minuit, ne m’excite pas. J’en ai parlé au producteur Marc Missonnier qui adhérait au projet tout de suite. Je voulais utiliser le contexte de la guerre d’Algérie pour raconter des choses politiques à travers une fiction totale.
Siritz.com : Vous avez donc découvert la réalisation.
ARD : Oui, en tant que scénariste, je suis un des rares très bien payé, qui peut vire de sa plume. Mais en tant que réalisateur j’ai découvert ce que c’est qu’une équipe technique. Par ailleurs, mon film montre la complexité de cette guerre. Il n’y a pas d’un côté le bon FLN et de l’autre les méchants colons. Mais les journalistes n’ont pas voulu comprendre ce que je disais.
Siritz.com : Et le succès n’a pas été au rendez-vous.
ARD : Les français, contrairement aux américains, ont du mal à regarder leur propre merde. Les américains ont fait des films sur le massacre des indiens, la guerre du Viet-Nam, sur la corruption de leur politique. Nous, en France, on a de vrais problèmes avec ça. Dans « Dans la chaleur de la nuit », Sidney Poitier veut attribuer le meurtre au colon raciste et n’est donc pas si différent des blancs qui veulent faire porter le meurtre à un noir, sans preuve. C’est à partir de ce film que j’ai commencé à m’intéresser à ceux qui écrivent le cinéma, pas à ceux qui le mettent en image. Et que j’ai du mal à accepter le mythe du réalisateur scénariste.
Siritz.com : Mais vous avez découvert la réalisation. Et on n’a eu que 42 salles et pas d’affichage sur Paris. Mon producteur a appelé de grands exploitants pour qu’ils élargissent la sortie et ils lui ont dit que ce film allait attirer une clientèle qu’ils ne voulaient pas voir dans leur salles…
Je travaille sur « Un Prophète », la série
ARD : Oui. « Un Prophète », la série. 10 épisodes de 45 à 50 minutes. L’équipe originelle est de retour : Marco Cherqui, Nicolas Peufaillit. On a récupéré tous les droits. Je tiens à souligner que Phares et Balise sont des producteurs qui respectent les scénaristes
Siritz.com : Vous avez déjà une chaîne ?
ARD : Non. Nous sommes financés par Media Musketeers Studio » dirigée par Sébastien Janin. En fait il est financé par un groupe américain. Nous avons de gros moyens. Ce sera du 2 millions € l’épisode. J’ai écrit l’arche narrative, la bible et les deux premiers épisodes.
Siritz.com : C’est un arabe qui est le héros ?
ARD : Avant « Un Prophète » les arabes n’existent pas dans le cinéma français. Après « Un Prophète » ils ont fait carrière. On voit avec le Covid qu’il y a des tas de toubibs arabes. Donc un arabe ne peut plus passer inaperçu. Il faut prendre une ethnie qu’on ne voit pas. J’ai choisi un africain, un comorien.
Siritz.com : C’est tout ?
Je vais écrire aussi la série « Madame Claude »
ARD : Non. J’ai signé un projet avec Fabio Conversi (Babe film) et Malika Abdelaoui (Marathon Studio). « Madame Claude ».
Siritz.com : Dans les années 70 il y a déjà eu deux longs métrages sur le sujet.
ARD : Oui. Là c’est une série et il y aura beaucoup de révélations sur la France de l’époque. C’est un personnage extraordinaire. Ce projet intéresse déjà beaucoup les américains.
Siritz.com : Vous travaillez à la fois pour le cinéma et les séries. Comment voyez-vous l’avenir du cinéma ?
ARD : Les plateformes vont avoir des moyens considérables et elles, elles vont privilégier le scénario. Pour que j’aille au cinéma il faudra me proposer James Bond, Top Gun ou Matrix 4. Ce qu’on ne veut pas voir sur un grand écran de télé. Il y a Dune aussi. Mais Warner a promis de le diffuser en même temps sur HBO Max et en salle. Et HBO Max sera France en 2022.
https://siritz.com/le-carrefour/un-scenariste-met-les-pieds-dans-le-plat/
LA RÉMUNÉRATION D’ÉRIC LAVAINE
CinéscoopPOUR LA RÉALISATION DE « L’EMBARRAS DU CHOIX »
Dimanche 14 février France 2 a diffusé en prime-time « L’embarras du choix », une comédie romantique sortie en salle le 15 mars 2016 https://fr.wikipedia.org/wiki/L%27Embarras_du_choix.
Il a été réalisé par Eric Lavaine dont c’est le 7ème long métrage et qui a mené aussi une carrière de scénariste. https://fr.wikipedia.org/wiki/Éric_Lavaine
Cinéfinances.info* a fourni les données financières de cet article.
Le film a comme producteurs délégués à 50/50 Alain Benguigui (Sombrero Films), Thomas Verhaeghe (Atelier de production). Son budget initial est de 8 millions € et il est distribué par Pathé.
Pour la préparation, 41 jours de tournage et la post-production, la rémunération du réalisateur est de 93 000 €, répartie entre 45 000 € d’à valoir sur droits d’auteur et 48 000 € de salaire de technicien. C’est beaucoup moins que la rémunération médiane des réalisateurs de films français sortis en 2020. https://siritz.com/financine/le-barometre-des-realisateurs-fin-octobre/Néanmoins, le scénario a été co-écrit avec Laurent Turner, Laure Hennequart et ils se sont partagés 359 000 €.
Le film a rassemblé 445 000 entrées.
Le film suivant d’Eric Lavaine est la comédie »Chamboultout », sorti en salle le 3 avril 2019. Il était produit par Vincent Roger (Same Player) pour un budget de 9,3 millions € et distribué par Gaumont.
Pour la préparation, 40 jours de tournage et la post-production la rémunération du réalisateur est de 250 000 €, répartie à part égale entre à valoir sur droits d’auteur et salaire de technicien. Le scénario a été co-écrit avec Bruno Lavaine et Barbara Halary-Lafond et ils se sont partagés 150 000 €. Les rémunérations supplémentaires de la création sont en outre de 440 000 €.
Le film a rassemblé 715 000 spectateurs.
Le prochain film d’Eric Lavaine, « Un tour chez ma fille », n’est pas encore sorti.
*www.Cinefinances.info est un site, accessible par abonnement, destiné aux professionnels du cinéma. Il publie le budget, le plan de financement et la répartition des recettes de tous les films français qui sortent (hors les films « sauvages » qui ne déposent pas leurs contrats au registre public et ne demandent donc pas l’agrément qui leur permettrait d’accéder à l’aide du CNC). Il dispose d’un puissant moteur de recherche multicritères et de 10 ans d’archives.
LA REMUNERATION DE FRÉDÉRIC FORESTIER
CinéscoopPOUR LA RÉALISATION DE « MON POUSSIN »
Dimanche 7 février TF1 a diffusé en prime-time la comédie française, « Mon poussin », sortie en salle le 28 juin 2017. https://fr.wikipedia.org/wiki/Mon_poussin
Le film a été réalisé par Frédéric Forestier dont c’est le 7ème long métrage et qui a aujourd’hui 51 ans. https://fr.wikipedia.org/wiki/Frédéric_Forestier
Cinéfinances.info* a fourni les données financières de cet article.
Le film a été produit par Brigitte Maccioni (Les Films du 24, filiale d’UGC) et distribué par UGC. TF1 est la chaîne en clair qui l’a coproduit et préacheté. Elle l’avait déjà diffusé.
Pour la préparation, 42 jours de tournage et la post-production la rémunération du réalisateur a été de 200 000 €, répartie, en part égale, entre à valoir sur droits d’auteur et salaire de technicien.
C’est légèrement plus que la rémunération moyenne des réalisateurs de films français sortis en 2020. https://siritz.com/financine/le-barometre-des-realisateurs-fin-octobre/https://siritz.com/financine/le-barometre-des-realisateurs-fin-octobre/.
Le film a rassemblé 332 000 spectateurs en salle.
C’est le groupe Canal+ qui avait été, de loin, la principale source de financement de la chaîne avec un préachat de 2 072 000 € de Canal+, de 256 000 € de Multithématiques et de 200 000 € de C8. Soit 28% du budget initial.
Le précédent long métrage réalisé par Frédéric Forestier était « Colt 45 », coréalisé avec Fabrice du Weiz. C’était un thriller.
Il était produit par Thomas Langmann (La Petite Reine), pour un budget de 12,8 millions €. Warner l’a distribué en salle et en vidéo en France.
Pour la préparation, 38 jours de tournage et la post-production la rémunération des réalisateurs n’avait été que de 90 000 €, dont 40 000 € d’à valoir sur droits d’auteur et 50 000 € de salaires de technicien.
*www.Cinefinances.info est un site, accessible par abonnement, destiné aux professionnels du cinéma. Il publie le budget, le plan de financement et la répartition des recettes de tous les films français qui sortent (hors les films « sauvages » qui ne déposent pas leurs contrats au registre public et ne demandent donc pas l’agrément qui leur permettrait d’accéder à l’aide du CNC). Il dispose d’un puissant moteur de recherche multicritères et de 10 ans d’archives.
FAIRE EVOLUER L’ECOSYSTEME DE NOTRE CINÉMA
ÉditorialPRODUIRE DES OEUVRES POUR LE PUBLIC EN FRANCE ET DANS LE MONDE
Le Carrefour, « Un scénariste met les pieds dans le plat » a suscité un record de réactions, toutes laudatives, sur les réseaux sociaux ou par mail. https://siritz.com/le-carrefour/un-scenariste-met-les-pieds-dans-le-plat/
Tout d’abord parce que cette analyse est très juste et nous allons revenir là-dessus. Mais aussi parce que, en France, l’avènement de la série a été aussi celui de l’avènement des scénaristes. Comme on le sait, dans notre pays, depuis la Nouvelle vague, le dogme est qu’un un film c’est essentiellement un réalisateur. Bien que les plus grands réalisateurs de la Nouvelle vague (Truffaut, Resnais, etc…) ont souvent créé leurs films avec de non moins grands scénaristes (Grunberg, Semprun, etc..). Comme nos grands réalisateurs d’avant la Nouvelle vague (Renoir, Carné, Duvivier, etc…) dont ils disaient se démarquer.
Mais, ainsi que le remarque notre scénariste, les plateformes et les chaînes ont besoin que leurs séries soient vues et appréciés pour justifier des renouvellements d’abonnement et en susciter de nouveaux. Or, pour y parvenir, il faut commencer par un bon scénario. Bien entendu, une série, encore plus qu’un film, c’est une œuvre collective. Et les bons scénaristes, comme les bons réalisateurs, ne se ramassent pas à la pelle. Donc, désormais, les scénaristes sont écoutés. D’où, le succès de cet article, comme de Paroles de scénaristes sur Facebook.
Notre écosystème pousse nos producteur à être essentiellement des monteurs d’affaires
Et ce que ce scénariste a dit de plus marquant c’est que « beaucoup de films ne sont pas fait pour être vus mais tour être financés ». En fait, tout l’écosystème de notre cinéma pousse les producteurs à être essentiellement des monteurs d’affaires. Ils ont besoin de savoir où trouver des financements, pas forcément de savoir lire un scénario ou constituer une équipe de tournage compétente. Dans notre site Cinéfinances.info on trouve régulièrement des films pour lesquels le producteur a dû trouver une vingtaine de sources de financement et d’autres où il est clairement bénéficiaire avant que le film ne sorte. https://www.cinefinances.info
Parmi les réactions que le Carrefour de vendredi a suscité celle du scénariste-réalisateur Bruno François-Boucher
https://fr.wikipedia.org/wiki/Bruno_François-Boucher qui a notamment fait des documentaires sur de grands réalisateurs et de grands films, est particulièrement intéressante :
Évidemment c’est très intéressant. Je trouve que l’un des exemples qui convient le mieux au cinéma, quel que soit le pays et le budget qu’on a, c’est celui de Spielberg (n’oublions pas qu’il a commencé avec des films en Super 8.) Il dit qu’il a toujours essayé de mettre le double à l’écran de ce qu’il avait à sa disposition, que ce soit moins d’1 million (Duel) ou 100 millions. À partir de ce constat cela veut dire qu’il faut d’abord trouver des gens plus que motivés, prêts à faire des sacrifices, s’organiser pour tourner très vite et faire preuve d’une imagination débordante pour donner cette illusion du plus. En fait il prend le problème à l’envers.
Dans un autre genre, Satyajit Ray avait toujours rêvé de faire un film d’aventures de corsaires, mais il n’a jamais eu que de très petits budgets pour faire des films intimistes. Il a adapté son outil, ce qui ne l’a pas empêché d’être l’un des cinéastes les plus reconnus dans le monde. Comme Éric Rohmer dans son genre. Le tout, entre ces trois, c’est de trouver la bonne solution. Facile à dire, pas toujours à faire. Très dur même. Mais le cinéma est comme ça. »
Le rapport Bonnell sur le financement de la production et de la distribution française
Le défaut de notre système a déjà été dénoncé par René Bonnell du point de vue d’un économiste mais d’aussi d’un professionnel qui a dirigé le cinéma à Canal+, puis à France télévisions. Il avait rendu en 2014 un « rapport sur le financement de la production et de la distribution française à l’heure du numérique. » nombre de ses propositions ont été reprises, mais pas toutes. Et, depuis, la situation a beaucoup évolué. Nous l’avions interrogé l’année dernière sur le même sujet et il avait fait des suggestions supplémentaires.
En tout cas, comme nous ne cessons de le rappeler, l’arrivée des grandes plateformes internationales va tout changer. Les producteurs français se battent pour qu’elles consacrent 20% de leur chiffre d’affaires dans l’investissement dans des œuvres françaises dont 20% dans les films de cinéma et qu’elles respectent, pour ces films, la chronologie des médias. Mais les questions essentielles, c’est-à-dire de survie, ne sont pas abordées : comment faire en sorte que le chiffre d’affaire de notre exportation de films ne soit que de 10% par ce que notre production est fondée sur l’autarcie ? Surtout, alors que les films français ne représentent que 35 à 40% du marché des salles en France, comment compenser la probable très forte réduction de films américains qui, jusqu’ici représentent 50% de ce marché. Car il est probable qu’en plus de Netflix, les majors américaines du cinéma, à commencer par Disney et Warner, vont réserver leurs plus importantes productions ainsi que leurs principaux talents et stars, à leurs propres plateformes qui représentent un marché potentiel dix fois plus important que celui de leurs films de cinéma.
Les plateformes vont tout bouleverser
La priorité du cinéma français est de se préparer à ce bouleversement. https://siritz.com/editorial/s-vod-quelle-riposte-des-exploitants/
La nécessite de moderniser profondément notre système de soutien à la création est d’ailleurs reconnue par la tribune commune qu’ont signé, dans Le Monde, Jérôme Seydoux le PDG de Pathé et Pascal Rogard, le directeur général de la SACD. https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/02/13/cinema-apres-le-covid-19-le-retour-a-la-vie-devra-s-accompagner-d-une-profonde-modernisation-de-notre-systeme-de-soutien-a-la-creation_6069873_3232.html
LE PRÉ-FINANCEMENT PUBLIC DE « JUMBO »
FinanCinéLA COPRODUCTION EUROPÉNNE D’UN PREMIER FILM
Ce mercredi OCS diffuse « Jumbo », le premier film de la réalisatrice belge Zoé Wittock. En France il est sorti en salle le 1er juillet 2020. C’est une coproduction entre la France (30%), le Luxembourg (37%) et la Belgique (33%) dont le budget initial total est de 2,77 millions €.
Siritz.com a déjà consacré un article à la rémunération de la réalisatrice lors de sa sortie en salle. https://siritz.com/cinescoop/la-remuneration-de-zoe-wittock-pour-jumbo/. Mais le financement de ce premier film est également très intéressant.
Cinéfinances.info* a fourni les données financières de cet article.
Tout d’abord, notons que, dans le plan de financement initial, le producteur délégué français, Insolence productions (Anaïs Bertrand, Pascaline Saillat, Amélie Mallard) a investi en numéraire 63 000 €, le luxembourgeois les Films Fauves (Gilles Chanial) 63 000 € et le belge Kwassa Films (Anabelle Nezri) 67 000 €. Au total, donc, 166 000 €. Or, dans le budget sont inscrit 226 000 € de salaire producteur et 195 000 € de frais généraux.
Bien entendu, ces dépenses se justifient par le fait que le ou les producteurs mettent des mois, voire des années avant de monter un film et que leur métier consiste à travailler sur plusieurs films à la fois dont seule une minorité aboutissent.
Autre caractéristique, les aides publiques nationales sont importantes : en France, 470 000 € d’avance sur recettes plus 15 000 € d’aide à la musique du CNC ; au Luxembourg 910 000 € d’Aide Financière Sélective ; en Belgique 600 000 € de tax shelter, 100 000 € de la Fédération Wallonie Bruxelles, 75 000 € de Wallimages. Soit au total 2 170 000 €, c’est à dire 78% du budget du film. Certes, certaines de ces aides ne sont que des avances, comme l’Avance sur recettes, mais elles ne sont à rembourser que quand le film commence à être bénéficiaire. En outre s’ajoute les avances du fonds Eurimages, soutien aux coproductions européennes, qui s’élève à 250 000 €. Donc les financements publics représentent en tout 87% du financement du film !
En France Rezo Films a accordé un minimum garanti de 50 000 € et le film n’a rassemblé que 6 000 spectateurs et WT Film Export a accordé un minimum garanti de 80 000 € pour le mandat export. Cela rappelle à quel point les distributeurs sont ceux qui prennent le plus de risques dans le cinéma alors qu’ils sont le maillon essentiel puisque, sans une sortie salle, le montage financier ne se boucle pas.
En Belgique la chaîne Be tv a acheté le film 15 000€.
*www.Cinefinances.info est un site, accessible par abonnement, destiné aux professionnels du cinéma. Il publie le budget, le plan de financement et la répartition des recettes de tous les films français qui sortent (hors les films « sauvages » qui ne déposent pas leurs contrats au registre public et ne demandent donc pas l’agrément qui leur permettrait d’accéder à l’aide du CNC). Il dispose d’un puissant moteur de recherche multicritères et de 10 ans d’archives.
UN SCENARISTE MET LES PIEDS DANS LE PLAT
Le CarrefourIL DENONCE L’ÉCOSYSÈME DE NOTRE CINÉMA ET AUDIOVISUEL
Alan Smithie*, scénariste hollywoodien mythique, plutôt que de suggérer des pansements couteux et des traitements dispendieux en rajout à un système déjà sous perfusion, a étudié la question avec un regard aussi persan qu’un touriste de Montesquieu.* https://fr.wikipedia.org/wiki/Alan_Smithee
Comme Uzbek ou Riga, il a tenu à ce qu’on se pose toutes les vraies questions. Qu’on regarde d’où vient et où va l’argent qui nous manque.
Des comparaisons internationales accablantes
Comparaison avec Israël et les pays scandinaves
Voici les quelques pistes qu’il a dégagé :
– l’audiovisuel français génère 10 fois plus de recettes sur son marché intérieur qu’à l’étranger. Israël ou les pays scandinaves font exactement l’inverse. Mathématique de la démographie ? Certes. Mais dans leurs marchés intérieurs, numériquement faibles, les fictions sont vues par les 2/3 de la population. Et elles récoltent infiniment plus de prix et génèrent plus de remakes ou d’adaptations de leurs formats au-delà de leurs frontières. Le business model les pousse vers l’excellence, là où le nôtre réserve cette exigence à des exceptions qui confirment la règle. Pourtant, n’avons-nous pas les mêmes neurones en France qu’ailleurs ? Sommes-nous à ce point plus médiocres que nos voisins ? La réponse est évidement dans le système productif et éditorial que le monde entier nous envie.
– Ce système loué, révéré, défendu bec et ongles permet en effet de faire des centaines de films par an, là où des pays à bassin de population comparables se limitent à des dizaines, ou moins encore. Cocorico ? Podium ? En quantité, sûrement. En qualité, c’est autre chose. Combien de ces centaines de films sont primés internationalement ? Combien ont une sortie technique, et ne résultent que d’obligations des chaînes d’aligner sur leur étagère des produits qui n’ont même pas été des prototypes, c’est à dire bénéficié de recherche et de vision, et modélisé l’excellence (ce qu’un prototype industriel se doit de faire, et le cinéma, qu’on le veuille ou non reste une industrie) ? Combien de films sortis en salles ne passeraient même pas le test du visionnage pour être diffusés comme téléfilm ? Combien de scénarios ne passent pas une check-list basique de cohérence, d’empathie ou d’addiction ? (un indice: beaucoup – parce qu’on ne leur demande pas d’être bons mais de noircir des pages! Et que ceux qui devraient leur demander n’ont pas la formation nécessaire pour le faire. Comment faire réécrire si on n’a pas appris à lire ?)
On vante une industrie de prototypes (qui n’en sont même pas, en fait) contre les odieuses usines à rêves. Pourtant, de Sophocle à Eugène Sue ou David Fincher, la drogue de synthèse des créateurs est la même : l’émotion, et le but le même : en fourguer au plus grand nombre. Hugo n’avait aucune envie de rester confidentiel, et la plupart d’entre nous non plus. Ce n’est donc pas l’objectif de l’auteur, son travail, mais son organisation, le mode de fabrication, les intermédiaires, les flux d’argent et de décision, et l’architecture financière de son capital qui sont en cause. Aurions-nous donc privilégié le nombre de personnes rémunérés sur la bête plus que la bête elle-même ? En bref, l’emploi primerait-il sur la création ?
Beaucoup de films ne sont pas faits pour être vus mais pour être financés
– nous approchons là d’un vilain secret : beaucoup de films, n’en déplaise à leurs auteurs ou interprètes qui n’en sont pas tous conscients, ne sont pas des films (merci Magritte), mais de simples pompes à pognon. Ben oui. Ils ne sont pas fait pour être vus et appréciés mais pour être financés. Point barre. Le public que nous (les auteurs) visons n’a rien à faire dans cette équation-là. Dur à admettre, mais tellement vrai. Nous ne sommes que les plombiers méprisés de ce syphon rutilant. De simples machines à générer du financement. Et de l’emploi. Et des heures d’intermittence. Le scénario n’a alors rien d’une partition à exécuter, c’est un simple générateur (hélas indispensable, quelle misère !) d’aide, de crédit, un prétexte à Soficas, tax shelter, crédit d’impôt, aides en tous genres (ville, département, région, nation, etc.). Et les plus puissants de nos bailleurs de fonds l’ont compris. Et c’est ainsi que beaucoup de scénaristes victimes sont complices, souvent à l’insu de leur plein gré : ils pérennisent la pompe à fric qui fait des films jetables et des collaborateurs jetés.
– vous vous souvenez de Bowfinger? Dans ce film, le personnage créé par Steve Martin, un producteur aussi génial que désillusionné, explique qu’aucun blockbuster au monde ne coute plus de 2, 184 dollars à produire : tout le reste n’est que combines, publicité et sur-financement. Derrière la galéjade, une vérité au-delà de l’Atlantique comme en deçà. Le ras-le-bol de Maraval sur la sur-inflation des salaires de stars en 2012 ne disait pas toutefois (par pudeur, sans doute) que sa propre marge de producteur (outré comme il se devait de l’être) était indexée sur le budget total du film. Un téléfilm a deux millions ne génère pas beaucoup de bénéfices. Avec la même quantité de travail à peu de chose près au cinéma, le même scénario avec des stars multiplie le budget par 10, et les 15% de marge commencent à en valoir la peine. On commence à comprendre. La qualité n’a pas à être au rendez-vous. Pourquoi écrire pour le public quand ce sont les banques qui vous font vivre ?
C’est là que notre génie national entre en jeu
– Quelle marge si le film n’est pas un succès, me direz-vous ? Comment faire rentrer l’argent quand on ne rentre même pas dans ses frais ! C’est là que notre génie national entre en jeu. La magie de notre exception culturelle ? Celle du budget, automatique. Mais pas que. Certains directeurs de production (qualifiés de magiciens, eux aussi, dont on se repasse les coordonnées comme celles d’une voyante ou d’une maison close) sont de vrais faiseurs de miracles. Avec eux, la marge, c’est le gras du film. On l’enlève ? Surtout pas ! On se la mange ! Ces number crunchers ont d’ailleurs dans leur contrat des pourcentages sur les économies réalisées. Qui sont autant de bénéfices si on ne change pas le budget et le plan de financement du film, ainsi bénéficiaire AVANT son premier tout de manivelle. On budgétise à 100, on finance à 100 ou idéalement plus, on tourne à 75, pour simplifier. Le gras, c’est du bénèf ! Le meilleur scénario se voit alors amputé de scènes de nuit, de véhicules, de figurants, d’enfants, de décors, de costumes, de renforts maquillage/coiffure, de montage, de musique, d’effets spéciaux, de place à la cantine, de caravanes et de voitures ventouses, d’animaux, de cascades ou de musique, bref d’une bonne partie des notes de sa partition : sans ligne de flute, pas besoin de flutiste, le pipo suffit.
Un prestataire de plateaux repas dans le transport aérien m’expliquait qu’une olive pouvait facilement coûter
100 000 euros sur un ravier en plastique (du temps où on prenait l’avion, vous vous souvenez? ), si on la ramenait aux centaines de millions de plateau servis. Une belle scène ? Pour quoi faire si elle est chère, alors qu’un trait de plume ou une touche delete ramène bien plus de sous ? A condition qu’on l’écrive et qu’on la budgétise avant de l’effacer, bien sûr. La création ? Elle est toute entière dans la comptabilité. Reconnue outre-Atlantique qui la pratique aussi. C’est à ce prix que la saga Harry Potter est toujours déficitaire. Mais au moins a-t-elle trouvé son public : le creative accounting de nos voisins vise à en capter les bénéfices en aval, pas à anémier en amont la production value, considérée, elle, comme un produit d’appel dans la plupart des pays étrangers.
Le scénario est d’abord une agence pôle emploi avant d’être une histoire
– Ce secret de polichinelle est partagé jusqu’au CNC, dont les huiles connaissent parfaitement les rouages du système qu’elles lubrifient. Lors d’un séminaire de formation continue sur le financement, il y a quelques années (restons flou) le formateur était gêné d’expliqué à certains pontes de l’institution qu’il fallait apprendre à faire, non un budget, mais 6 ou bien plus pour le même film. Un peu comme pour le Zizi de Pierre Perret, il y en avait pour toutes les bourses. Le sous-gonflé à x pour cent (pour la copro), à y pour cent (pour le fisc), le sur-gonflé à 40% (pour le CNC), celui avec les fausses dépenses (région), etc., et le vrai (ultra-secret et connu d’une poignée d’initiés). Le numéro 3 du CNC d’alors avait éclaté de rire : « tu crois qu’on n’est pas au courant ? Qu’on ignore que votre coût budgétisé d’un HMI loué à la journée, multiplié par X jours au tarif catalogue Transpalux ne sera pas, dûment négocié, divisé par 10 sur la durée du tournage ? ? On le sait parfaitement ! Mais comme on est plafonné à un pourcentage de votre total pour vous aider, on vous demanderait de tricher si vous ne le faisiez pas. Sinon, l’Etat ponctionnerait cet argent non employé pour sa dette ! (ce qu’il fait, d’ailleurs).»
– un autre exemple ? Pourquoi tant de non-auteurs veulent s’approprier un scénario ? On invoquera pêle-mêle la faiblesse des dommages punitifs, la méconnaissance des tribunaux, du processus créatif et le désir refoulé d’enfantement de créateurs stériles qui adoptent de force un projet et imposent leur patronyme au forceps. Foin de cette psychanalyse : mentionne-t-on jamais qu’un scénario payable en droits d’auteur, c’est 6 à 7 fois moins de charges et d’impôts divers qu’un technicien ? Si on épluche de près les contrats des gros films, on verra que le réalisateur préfère très largement minimiser son salaire et sur-enfler le prix du scénario (qu’il l’ait écrit ou pas) de centaines de milliers d’euros : 30% de bonus sur le fisc !
– On continue ? le scénario est d’abord une agence pôle emploi avant d’être une histoire: il va donner ses 507 heures aux dizaines, cinquantaines ou centaines d’intermittents qui travailleront dessus. Il va générer ainsi non seulement le salaire de toute une équipe, mais son chômage tout le reste de l’année. Faites le calcul !
Un scénario rapporte sans jamais être tourné
– poursuivons encore. Même ceux qui ont collaboré à un scénario qui n’a en 20 ans jamais été libre plus de quelques mois, pourront vous assurer qu’un scénario rapporte sans jamais être tourné. Si, vous avez bien lu. C’est une machine à cash ! D’abord, annoncer qu’on veut le produire, contrat à l’appui, génère des lignes d’escompte de banque considérables, à 7 ou 8 chiffres pour le pris d’une option qui n’en a que 4. Avec tableau excel de financement, plan de travail et tout le toutim. Ensuite viennent les « retainer fees », ces sommes qu’une star de l’interprétariat ou de la réalisation réclame pour qu’on puisse le ou la dire attaché(e) au film, ajoutant ainsi poids, crédibilité, re-financement toujours. De quoi payer les salaires, voyages, repas et autres frais généraux d’une boite pendant des années. A perte ? Pas pour tout le monde, puisque les salaires sont versés dans ce purgatoire entre enfer de l’abandon et paradis du tournage (le scénariste, lui, patiente). Une boite tourne extrêmement bien avec 3, 5 ou 10 projets en gestation. Ce sera de les tourner qui coûterait le plus cher. Et probablement le moins rentable.
– Mais les financiers dans tout ça ? Pas de souci, puisque ce n’est que rarement leur argent : les personnes prennent leur dû, les sociétés lissent leurs pertes, en amortissement, sur 3 ans. 3 ans pendant lesquels on s’est payé sur la bête. Les loyers, l’école des enfants, les vacances à la neige ou au soleil ont toujours lieu, que le film marche ou pas. Or, pour qu’il marche, il faudrait du travail, de l’écoute, de la réécriture. Est-ce vraiment nécessaire ? Mieux vaut en prendre un autre et ne pas se casser la tête et la tirelire.
Les plateformes font films et séries pas pour les banques mais pour le public
– bon, la pandémie rebat les cartes et, clouant le public chez lui, oblige à faire des films (et surtout, désormais, des séries) pour lui. Un comble. C’est là où il faut prendre une pierre et lapider les odieuses plateformes qui menacent notre beau système. Bon, reconnaissons que question partage, elles n’ont aucun scrupule à garder tous les droits pour l’éternité, les planètes non encore découvertes, et les moyens de diffusion inconnus à ce jour. C’est, sur le pas si long terme, une terrible menace sur nos rémunérations. Mais force est de reconnaître que les films et les séries, elles ne les font pas pour les banques, pas pour le huitième étage, mais pour le public ; même s’il risque d’être réduit à un algorithme, la recette est efficace et le business model plutôt orienté contenu que contenant. C’est déjà ça. Un objectif où on peut les rejoindre, même si on risque, les contrats susnommés abritent trop souvent les auteurs des retombées financières auxquelles ils pourraient prétendre
– enfin vient la feuille de répartition des droits de diff, qui génère autant de bienfaits que d’effets pervers. Je ne militerai jamais pour sa suppression, mais force est de constater que d’un seul coup, il est aussi difficile de partager son expertise (et donc le savoir-faire global du métier) avec d’autres auteurs quand des sommes y sont attachées, et que les pique assiettes s’invitent souvent à ce festin, sortant de derrière les fagots des contrats de co-auteurs comme une super bouteille (à l’amer à boire) gardée pour la bonne occasion.
Propositions pour rendre le business model plus axé sur le contenu
Tout ça pour vous dire qu’il nous faut, après avoir montré nos cicatrices, travailler sur la prévention. Rendre le business model plus axé sur le contenu, plus vertueux, de force, puisque de gré est manifestement et résolument impensable
– les budgets, oui mais comment les rendre VRAIMENT transparents ?
– donner un intéressement annuel automatique aux créateurs SAUF si contredit par la reddition des comptes annuels, devenue de fait obligatoire
– toute recette n’est pas bénéficiaire : les scénaristes doivent être intéressé(e)s à chaque euro financé que leur contenu génère (accord de coproduction, préachat, financement d’aides publiques, etc.), puisque tout se fait sur leurs scénarios. Il faut en finir avec les RNPP fantômes dont on ne voit pas l’ombre d’un nano-iota après les pléthoriques zéros après la virgule. C’est dès la conception que le scénariste doit être rémunéré.
– repenser l’intermittence autrement ? Y intéresser les scénaristes qui la rendent possible ?
– avoir des dommages punitifs dissuasifs, pour que polluer ou tricher coûte beaucoup, beaucoup plus cher que payer. Avec une publicité conséquente ? Une interdiction d’exercer ? Une saisie sur fonds propres ? Une blacklist déposée à la SACD ? Une juridiction mieux dédiée, mieux formée que l’existante ?
– repenser la feuille de droits ?
– avoir notre MBA (enfin !) Non, pas le diplôme de manager (quoique), mais l’équivalent français du Minimum Basic Agrément, ou Agrément Basique Minimal qui soit opposable à tout contrat. Avec des rémunérations du brainstorming et des ateliers, et pour chaque étape des prix planchers, si si, puisque qu’actuellement, on voit le troisième sous-sol depuis le grenier.
– un pourcentage automatique sur TOUTE vente au premier euro collecté : les créateurs sont devenus, de fait, depuis des années les plus gros financiers de l’audiovisuel, par les millions d’heures de travail gratuit fournies sans compter ni rémunération.
– une fusion syndicat et SACD, notre société de perception ne distribuant pas les droits sur des contrats ne rentrant pas dans le MBA précité serait le meilleur bouclier pour que ses membres refusent de signer les ukases léonins devenus de fait aussi caduques qu’illégaux.
– une partition des répertoires et un cloisonnement permettant à chaque corporation créative de défendre ses intérêts propres autant que les intérêts communs lorsque l’unité est de mise.
– une variété de grades de rémunération salariée pour toute commande ou adaptation de format existant qui permette le partage des savoirs vers les plus jeunes en atelier.
– des durées d’exploitation et vente plus courtes et éphémères (30 ans, c’est beaucoup trop en ces temps d’accélération fulgurante de consommation et d’empilement croissant de contenus, 10 ou 15 suffiraient largement), des retours plus clairs aux créateurs à défaut d’exploitation, sans ces clauses scélérates qui rendent les auteurs responsables et redevables des dettes que leur producteur à grassement généré sur leur travail.
Voilà quelques pistes pour l’instant. Maladroites ? Alan Smithie volontiers. Indispensables ? Sans aucun doute.
Car notre business model n’est plus le même, plus le bon. Alors que les modes de production et de consommation changeaient, de vicié, il est devenu vicieux, fautif et pousse-au-crime. Il est plus qu’urgent de le repenser.
Qui a dit « grève » ?
M.D
PS : Sur le scénario Siritz.com a publié un Carrefour https://siritz.com/le-carrefour/evaluer-un-scenario-par-yves-lavandier/
LA REMUNERATION D’EMMANUEL MOURET
CinéscoopPOUR LA RÉALISATION DE MADEMOISELLE DE JONCQUIÈRES
Mercredi 10 février Arte diffuse « Mademoiselle de Joncquières ». Ce film était sorti en salle en 2018. https://fr.wikipedia.org/wiki/Mademoiselle_de_Joncquières
Il est réalisé par Emmanuel Mouret dont c’est le 9ème long métrage. https://fr.wikipedia.org/wiki/Emmanuel_Mouret
Cinéfinances.info* a fourni les données financières de cet article.
A noter qu’ Emmanuel Mouret a réalisé un film sorti en salle le 15 septembre 2020 et dont nous avons parlé, « Les choses qu’on dit, les choses qu’on fait », quand il était sortie en salle le 15 septembre 2020. https://siritz.com/cinescoop/la-remuneration-d-emmanuel-mouret/ Ce film vient d’obtenir le prix 2020 des auditeurs de France inter. Comme tous les films du réalisateur, depuis son deuxième, « Vous et Fleur », sorti en 2004, il est produit par Fréderic Niedermayer (Moby Dick Films) et distribué par Pyramide films, l’un et l’autres spécialisés dans le cinéma d’auteur. https://www.unifrance.org/annuaires/societe/313415/moby-dick-films C’est un remarquable exemple de continuité de collaboration.
Frédéric Niedermayer, diplômé de la Femis, département production 1998
Le budget de « Mademoiselle de Joncquières » est de 3,6 millions €. Il est tiré d’un épisode d’un roman de Denis Diderot qui avait déjà été adapté par Robert Bresson pour « Les dames du bois de Boulogne ». Mais, alors que ce dernier se passait au XXème siécle, le film d’Emmanuel Mouret se passe au XVIIIème siècle.
Pour la préparation, 37 jours de tournage et la post-production la rémunération du réalisateur est de 40 000 €, dont 15 000 € en à valoir sur droits d’auteur et 25 000 € en salaire de technicien. C’est beaucoup moins que la rémunération médiane des réalisateurs de films français sortis en 2020. https://siritz.com/financine/le-barometre-des-realisateurs-fin-octobre/
En outre il a reçu 70 000 € pour le scénario.
Le film avait atteint presque 450 000 entrées.
Le précédent film d’Emmanuel Mouret était « Caprice », sorti en salle le 22 avril 2015. Il avait le même producteur et le même distributeur. Son budget était de 3 millions €.
Pour la préparation, 35 jours de tournage et la post-production la rémunération du réalisateur était de 82 000 € répartie entre 40 000 € d’à valoir sur droits d’auteur et 42 000 € de salaire de technicien. Mais il avait reçu 50 000 € de rémunération complémentaire, plus 50 000 € pour l’écriture du scénario.
Le film avait rassemblé 125 000 entrées.
*www.Cinefinances.info est un site, accessible par abonnement, destiné aux professionnels du cinéma. Il publie le budget, le plan de financement et la répartition des recettes de tous les films français qui sortent (hors les films « sauvages » qui ne déposent pas leurs contrats au registre public et ne demandent donc pas l’agrément qui leur permettrait d’accéder à l’aide du CNC). Il dispose d’un puissant moteur de recherche multicritères et de 10 ans d’archives.
SUITE DE L’ÉDITORIAL SUR « EN THÉRAPIE »
ÉditorialSUR LES RÉACTIONS D’UN LECTEUR
L’éditorial intitulé « Les leçons à tirer de En thérapie », paru hier, a suscité de nombreuses réactions, notamment sur Facebook. Il parait utile d’en publier une qui reflète plusieurs d’entre elles et qui me permets de préciser mon propos. https://siritz.com/cinescoop/les-lecons-du-succes-de-en-therapie/
Elle a été envoyée par Ludo du Clary :
Papier intéressant, mais qui oublie les #auteurs des 900 pages de texte écrites en 2 ans : David Elkaïm, Vincent Poymiro, Pauline Guéna, Alexandre Manneville et Nacim Mehtar. Là est la vraie clef du succès de la série, et des séries en général. Ensuite vient la force de frappe des réals et du cast, qui est clairement exceptionnelle ici. Evidemment que l’exposition énorme dans les médias est une clef du succès aussi, grâce aux talentueux réals et producteurs de la série. Mais que les auteurs ne fassent pas partie des « leçons du succès »…..
Amis journalistes, il faut faire votre job. Vraiment.
Tout d’abord je voulais affirmer que je partage ces remarques qui sont essentielles. Mais il s’agit d’un éditorial et non d’un article sur la série. Et cet éditorial a pour objet, comme l’indique son titre, de tirer des leçons.
La première c’est que ce duo de réalisateurs à succès du cinéma français a choisi de consacrer à une série pour la télévision au moins le temps qu’ils consacre habituellement à un d’un long métrage. Cela illustre le fait que la série est désormais reconnue comme un art majeur, au même titre que le film de cinéma. Et donc qu’il est susceptible d’attirer même les « stars » de ce cinéma. Cela avait déjà été le cas pour « Le bureau des légendes » qui avait été créé pr un réalisateur à succès , Eric Rochant et interprété par un autre réalisateur et acteur à succès, Mathieu Kassovitz. Mais eux, depuis, ont quasiment basculé dans le monde des séries. A noter que le producteur du « Bureau des légendes », Fédération Entertainment, est coproducteur de de « En thérapie ».
La seconde leçon c’est qu’un des grands producteurs français du cinéma d’auteur s’est lancé dans la production d’une série pour la télévision. Il avait certes déjà produit une fiction et des documentaires pour la télévision, mais pas 35 épisodes pour un budget de 8 millions € ce qui a dû mobiliser une grande part de son énergie pendant longtemps.
DE VÉRITABLES AUTEURS ET DES CHEFS D’ORCHESTRE
Par ailleurs, quand je dis que ces deux réalisateurs sont les auteurs de la série, alors qu’il s’agit d’une adaptation de la série israélienne, je maintiens. La série israélienne a fourni le concept qui est très simple. Mais les deux réalisateurs ont apporté leur patte, que l’on retrouve dans tous leurs films : un humour subtil ; la présentation d’une société, d’un milieu et de leur problématique ; et une profonde empathie pour leurs personnages. Par ailleurs, le choix de la période des attentats comme révélateur des différentes composantes de la société française ouvre des angles très riches.
Enfin, comme dans toutes les séries longues aujourd’hui, les showrunners sont avant tout des chefs d’orchestre. Un orchestre qui comprend ici des solistes de grands talents comme les cinq scénaristes et les trois réalisateurs. Sans eux, à partir du concept de départ, il est probable que les épisodes aient vite paru répétitifs, alors que le récit va de rebondissement en rebondissement et que le spectateur est constamment maintenu en haleine.
Il semble d’ailleurs que, désormais, les scénaristes de talent et d’expérience vont être le principal goulot d’étranglement dans les secteur des séries puisque la demande des séries de qualité va exploser du fait du développement des plateformes.
Quant aux comédiens il est très probable que cette série constitue pour eux un tremplin, comme cela se produit avec les succès au box-office du cinéma.
https://www.telerama.fr/ecrans/en-therapie-un-succes-qui-fait-du-bien-6817711.php
Dernière leçon à tirer : le succès de la politique numérique d’Arte qui ose diffuser, sur Arte TV, dès le premier jour tous les épisodes de la série, avant même que la chaîne n’ai commencé à en diffuser 5. En une semaine ils ont rassemblé 5 millions de vus, sans que cela n’empêche la chaîne de battre des records. C’est un exemple remarquable de la façon dont une chaîne peut répondre aux plateformes S-VoD.
Bien entendu, toutes les remarques de professionnels sur ce véritable événement sont les bienvenues et seront relayées.
Serge Siritzky
PS : Mon compte facebook a été piraté et dans Messenger il ne faut pas ouvrir la vidéo « Cela te ressemble »qui vise à prendre votre mail et son mot de passe.
LES LEÇONS DU SUCCES DE « EN THÉRAPIE »
CinéscoopDE GRANDS TALENTS DU CINEMA FRANÇAIS S’ÉPANOUISSENT DANS UNE SÉRIE
Le succès de « En thérapie » illustre la profonde évolution du cinéma français ces dernières années. Une évolution très significative. https://fr.wikipedia.org/wiki/En_thérapie
La série est un succès parce qu’elle a eu une audience record sur Arte. TV, qui propose, avant même la chaîne, l’ensemble des épisodes sur internet. Internet est donc devenu un mode de diffusion très puissant de la télévision. Et en plus, sur la chaîne diffusée par les modes de diffusion traditionnelles, les premiers épisodes ont eu eux aussi une audience record de près de 2,1 millions de spectateurs. C’est aussi, comme chacun peut le constater, un succès critique puisque la presse est quasi-unanime à lui tresser des couronnes.
Premier fait significatif, c’est d’abord que deux des plus grands réalisateurs du cinéma français, Olivier Nakache et Eric Toledano, dont le duo enchaîne succès commerciaux après succès, mais sont également représentatifs d’un cinéma de qualité, en sont les auteurs. Certes, il s’agit de l’adaptation d’une série à succès israélienne, « Betipul », dont, comme pour beaucoup de séries israéliennes, le format a déjà été adapté, aux Etats-Unis, sous le titre « In treatment » et en Italie. Mais les deux « showrunners » français l’ont très profondément adaptée. Au point que c’est véritablement une oeuvre originale à part entière, sur laquelle apparait clairement leur patte.
Autre fait significatif, la couverture média de cette série est équivalente à celle des « blockbusters » de ce duo. Pour des auteurs du cinéma, la série est donc désormais un art majeur, au même titre que le film de cinéma. Et, pour certains, il l’est peut-être encore plus, parce qu’il leur permet de créer un univers et de multiples personnages. En y travaillant, comme un compositeur qui serait aussi chef d’orchestre, avec plusieurs auteurs, et plusieurs réalisateurs.
Le duo avais pris l’habitude de réaliser un film tous les deux ans. Or, rien que la réalisation des 35 épisodes de 26 minutes de la série ont représenté 70 jours de tournage, soit deux fois que pour un long métrage. Cela veut-il dire que cette série va prendre la place d’un film que le duo aurait pu réaliser pour le cinéma ? Il semble que oui. Pour Olivier Nakache et Eric Tolédano, mais aussi le cinéma français, c’est une aubaine, car leur film aura ainsi évité l‘incroyable embouteillage des sorties de 2021, quand les salles vont ré-ouvrir. Mais il semble qu’ils travaillent déjà à la suite, alors que toutes les salles de cinéma seront sans doute ré-ouvertes.
Le budget des 35 épisodes de 26 minutes est d’environ 8 millions €, soit celui de deux films français à budget moyen. C’est aussi 80% du budget horaire moyen d’une série française de prime-time.
Autre fait significatif, le film est produit par Les Films du Poisson, qui, depuis sa création en 1997, est synonyme de cinéma d’auteur. Il en a produit beaucoup et certains ont été couronnés par de nombreux prix, dont des Césars, une Caméra d’or , un prix Jean Vigo et même un Oscar. Elle a aussi produit une fiction et quelques documentaires pour la télévision. Cette société a été créée par deux femmes, Laetitia Gonzales et Yann Fogiel. Cette dernière est née en Israël, ce qui explique que plusieurs des œuvres à succès de la société soient inspirées par Israël, notamment son documentaire, « The Gatekeepers » sur le Shin Beth, lauréat de l’Oscar. Et, « En Thérapie » aussi.
Ces faits sont également significatifs parce qu’ils illustrent que, désormais, de nombreux producteurs et de nombreux talents du cinéma se tournent aussi vers les séries. Enfin, les performances de plusieurs des comédiens de « En thérapie » son telles, que, même pour ceux qui étaient déjà connus, en quelques jours ils sont propulsés au rang de star, comme le serait l’interprète d’un succès du box-office.
SERGE SIRITZKY
LA REMUNERATION D’ERIC LARTIGAU
CinéscoopPOUR LA RÉALISATION DE « #JE SUIS LÀ ».
Vendredi 5 février Canal+ diffuse, « #JeSuisLà », sorti en salle le 5 février 2020. https://fr.wikipedia.org/wiki/Je_suis_là
Il a été réalisé par Éric Lartigau dont c’est le 6 ème long métrage. https://fr.wikipedia.org/wiki/Éric_Lartigau
Cinéfinances.info* a fourni les données financières de cet article.
C’est une coproduction déléguée à 50/50 de Edouard Weill (Rectangle Productions) et de Gaumont. Gaumont est également distributeur. Le budget initial du film est de 11,4 millions €.
Pour la préparation, 45 jours de tournage et la post-production la rémunération du réalisateur est de 400 000 €, dont 250 000 € en à valoir sur droits d’auteur et 150 000 € de salaire de technicien. C’est plus du double de la rémunération moyenne des réalisateurs de films français sortis en 2020. . https://siritz.com/financine/le-barometre-des-realisateurs-fin-octobre/
Il a reçu, en outre, 200 000 € par des contrats annexes.
Le scénario a été écrit avec Thomas Bidegain et ils se sont partagés 300 000 €.
Le film a rassemblé 195 000 spectateurs.
Le précédent film réalisé par Éric Lartigau est « Le famille bélier », sorti en salle le 14 févier 2014. C’est un des plus grands succès du cinéma français puisqu’il a réalisé près de 7,5 millions de spectateurs.
Le film avait été produit par Philippe Rousselet (Jéricho Films) pour un budget de 11 millions € et distribué par Mars Films.
Pour la préparation, 40 jours de tournage et la post-production, la rémunération d’Eric Lartigau était de 700 000 €, dont 400 000 € d’à valoir sur droits d’auteur et 300 000 € de salaire de technicien. Il avait, en outre, reçu 100 000 € de rémunérations complémentaires.
Éric Lartigau a coécrit le scénario avec Stanislas Carré de Malberg et Vitoria Bedos qui ont reçu respectivement 25 000 € et 30 000 €. Mais, toutes ces rémunérations sont des minima garantis. Compte tenu du succès du film elles ont dû être augmentées par des pourcentages sur les recettes.
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