Siritz.com : A qui s’adresse « Évaluer un scénario » ?
Yves Lavandier : En priorité aux professionnels qui sont censés évaluer un scénario (au sens de récit) : aux producteurs, aux consultants/scripts doctors, aux diffuseurs, aux membres des commissions, aux éditeurs de bande dessinée. En fait à tous les décideurs, à tous ceux qui se prononcent sur la lecture d’un scénario. Et puis aussi aux auteurs qui cherchent une grille de relecture de leur propre projet. Le chapitre 6 leur est spécifiquement destiné.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Yves_Lavandier
Siritz.com : En France, on estime que l’auteur d’un film est essentiellement le réalisateur et que c’est lui qui doit écrire le scénario, même s’il peut se faire aider par d’autres. C’est l’inverse des pays anglo-saxons, notamment des États-Unis, où, sauf exception, tout part du scénario et où le réalisateur intervient après. Je crois que, chez nous, cela date de la Nouvelle Vague. Est-ce que c’est en train d’évoluer ?
YL : Oui. Un petit peu. Pas assez à mon goût, mais il faut être honnête, ça évolue. Il y a un cas célèbre, post-Nouvelle Vague, qui a montré la voie, c’est « Ridicule », sorti en 1996. Le scénario a été écrit par Rémi Waterhouse (avec la collaboration de Michel Fessler et Eric Vicaut) et le film réalisé par Patrice Leconte. Ce dernier a eu l’honnêteté de ne pas mettre son nom au générique comme coscénariste et de se considérer uniquement réalisateur. A l’époque, c’était une exception spectaculaire. Aujourd’hui, on commence à comprendre que c’est non seulement un type de création possible mais que cela peut mener à une œuvre d’art, comme en leur temps « Douze hommes en colère », « Miracle en Alabama » ou « Amadeus ». Ou même, chez nous en 1945, « Les enfants du paradis », avant les excès de la Nouvelle Vague.
Notre loi stipule qu’un film a plusieurs auteurs
Siritz.com : Donc la tradition évolue.
YL : Oui. Notez que cette tradition, en fait, ne date pas de la Nouvelle Vague. Elle prend racine dans les années 1920. Quand Germaine Dulac, Élie Faure, Ricciotto Canudo et d’autres ont décrété, à raison d’ailleurs, que le cinéma était un art. Et qu’en plus, à ce titre, il ne pouvait y avoir qu’un seul artiste. Car, si l’art est dilué dans la collaboration, cela cesse d’être glorieux. Non seulement cette fierté est ridicule mais elle est aussi illégale en France. Notre code de la propriété intellectuelle, qui date de 1957 (légèrement révisé en 1992) stipule très clairement qu’un film, comme une œuvre audiovisuelle, ont plusieurs auteurs. On trouve même dans la loi trois mots qui donnent des pustules aux idéologues de la politique des auteurs : « réalisée en collaboration ». Ce n’est pas « créée en collaboration » ou « conçue en collaboration », non c’est « réalisée ». C’est tellement insupportable que, dans un traité récent, un défenseur ardent de la politique des auteurs cite le texte de la loi mais en omettant ces trois mots !
Siritz.com : En France, comme dans le monde entier il y a aussi une évolution très importante, c’est le développement des séries, et certaines d’entre elles sont incontestablement des œuvres d’art. Or, pour une série, le scénario est essentiel. Au point qu’il y a souvent plusieurs réalisateurs qui se partagent les épisodes. Et, très souvent aussi, il y a plusieurs scénaristes dirigés par un showrunner, une sorte de scénariste-en-chef. Vous ne pensez pas que cela va avoir une influence sur le cinéma ?
L’impact du succès et de la qualité des séries
YL : C’est le deuxième élément, après « Ridicule », qui nous laisse à penser que l’on va enfin cesser de nier le réel. Car, affirmer que le réalisateur est le seul auteur d’un film c’est nier le réel. La claque est arrivée à la fin des années 90 avec « Friends », « Urgences » et « Ally McBeal » en prime-time. C’était la première fois que des séries américaines avaient l’honneur du prime-time. A partir de là, les Scuds n’ont pas cessé : « Les Soprano », « South Park », « Breaking bad », etc… On a compris que pour arriver à cette qualité, les Anglo-Saxons ne mettent pas uniquement le scénario mais aussi le scénariste au centre du dispositif. Ce qui implique de traiter le scénariste correctement, donc de changer les mauvaises habitudes du cinéma et de l’audiovisuel français.
Siritz.com : Donc, ça doit avoir un effet énorme en France. D’autant plus qu’il y a des séries françaises de très haut niveau comme « Le bureau des légendes » ou « Un village français ». https://siritz.com/le-carrefour/the-making-of-le-bureau-des-legendes/
YL : Quelques unes, en effet, dans lesquelles, justement, le scénariste principal est respecté. Cela dit, il y a encore beaucoup de cinéastes qui ont un très grand mépris pour tout ce qui touche à la télévision. Certains vont jusqu’à refuser de regarder des séries. Ils doivent avoir en tête cette phrase de Godard : « Quand on va au cinéma, on lève la tête ; quand on regarde la télévision, on la baisse ». Le mot est joli. Mais j’ai envie de dire à Godard : « Prenez un écran16/9 haute définition, mettez-le sur votre réfrigérateur et vous lèverez la tête ». Je pourrais aussi suggérer à Godard de regarder « Sur écoute ». C’est une œuvre d’art, avec un point de vue sur le monde, dont l’auteur principal est scénariste et se nomme David Simon. Mais bon, nul doute que la qualité des séries commence à travailler l’inconscient culturel en France, y compris celui du cinéma.
Siritz.com : Est-ce que vous êtes intervenu comme script doctor de séries ?
YL : Très peu. J’ai surtout travaillé sur des films de cinéma, court ou long, et un peu de théâtre. Cela dit, la tâche est la même. Les grands principes de la narration s’appliquent autant aux unitaires qu’aux séries. C’est juste l’échelle qui change.
Les trois étapes de l’évaluation
Siritz.com : Pour l’évaluation du scénario, vous vous servez d’une métaphore médicale afin d’identifier trois étapes : le symptôme, le diagnostic et la prescription.
YL : Oui, trois positions dont la distinction est absolument nécessaire quand on reçoit une œuvre d’art. D’ailleurs, elle peut très bien s’appliquer à d’autres domaines que le cinéma. La musique, la peinture, la gastronomie… Le symptôme représente le ressenti personnel du récepteur. Il s’exprime forcément dans une phrase qui commencer par « Je ». Je ne comprends pas, je ris, je m’ennuie, je tourne les pages, je suis surpris… Le gros intérêt du symptôme, c’est qu’il est indiscutable. Si un consultant ou un spectateur dit à un auteur « Je me suis ennuyé », l’auteur ne peut pas répondre : « Mais non, vous ne vous êtes pas ennuyé ! ».
Siritz.com : Puis il y a le diagnostic.
YL : C’est l’explication technique du symptôme. Par exemple, si je m’ennuie cela peut être dû au fait qu’il n’y a pas assez de conflit dynamique, ou pas d’enjeu, ou pas de protagoniste clairement identifié, etc… Une fois qu’on a fait le diagnostic, on peut passer aux prescriptions. C’est-à-dire expliquer aux auteurs ou au producteur ce qu’à notre avis, il faudrait faire pour améliorer le récit : mettre un incident déclencheur, raccourcir le troisième acte, intervertir protagoniste et antagoniste, exploiter une information en ironie dramatique plutôt qu’en mystère, etc. Au-delà de ces généralités, la prescription peut aller jusqu’à fournir des idées concrètes et spécifiques, adaptées au projet. Cela devient une forme de réécriture.
Siritz.com : Vous dîtes que la prescription doit fournir la piste, mais que c’est à l’auteur de la mettre en œuvre.
YL : Oui. D’abord parce que ce n’est pas le travail du consultant d’écrire à la place des auteurs. Ensuite, parce que les prescriptions peuvent être à côté de la plaque. Sur ce point il y a une expérience fascinante. Si vous allez dans un atelier de réécriture, comme on en trouve à Sundance ou à Plume & Pellicule, vous êtes souvent lu par une demi-douzaine de consultants. Systématiquement, vous constaterez qu’ils s’accordent sur le symptôme, un peu moins sur le diagnostic et très rarement sur les prescriptions. Pourquoi s’accordent-ils sur le symptôme ? Parce que le ressenti, même s’il est personnel, n’est pas uniquement subjectif. Une partie du ressenti est objective. On reçoit une œuvre d’art avec des critères qui sont universels, intemporels et communs à tous, en même temps que des critères personnels qui dépendent de notre éducation, de nos goûts et de nos névroses. Donc, sans s’en rendre compte, on mélange ressenti objectif et ressenti subjectif.
Siritz.com : C’est pourquoi tous s’accordent plus ou moins sur le symptôme. Mais le diagnostic ?
YL : S’ils sont tous pros, à partir du même texte et du même symptôme, ils vont faire le même diagnostic. Prescrire, c’est autre chose, c’est commencer à réécrire. Or les gens réécrivent en fonction de leur inconscient et de leur point de vue sur le monde. Quand on réécrit, on met du sens. Et celui du consultant n’est pas forcément celui de l’auteur. Donc les prescriptions doivent donner de grandes lignes, mais c’est à l’auteur de réécrire, quand il a compris quel est le problème et dans quelle direction chercher.
Les prescriptions ne doivent pas réécrire
Siritz.com : Et, de votre expérience, ces trois phases sont différenciées par les producteurs, consultants, diffuseurs ou comédiens ?
YL : Par les consultants professionnels, majoritairement oui. Mais pas du tout par les décideurs. Le travers classique et récurrent consiste même à entrer tout de suite dans la prescription sans passer par le symptôme. Ils vont dire à l’auteur, de but en blanc : « Pourquoi tu ne démarrerais pas après l’accident ? », « Et si la protagoniste était plutôt informaticienne ? », « Le café devrait être empoisonné »… Cela ne sert jamais à rien à l’auteur. Jamais ! L’auteur comprend que son lecteur a eu un problème, mais qu’il n’a pas été capable de l’identifier, encore moins de le diagnostiquer et qu’il est passé directement à la réécriture à la place de l’auteur. Dans ces cas-là, quand je suis scénariste (car je fais beaucoup appel à des script doctors pour mes propres projets), je demande systématiquement au lecteur de commencer par me parler de son symptôme. Pour la solution, je verrai plus tard.
Un auteur a besoin que l’on apporte de l’eau à son moulin
Siritz.com : Quelles sont les qualités à avoir pour être un bon consultant ?
YL : Il y en a beaucoup. D’abord, la bienveillance et l’humilité. Un consultant n’est pas là pour avoir raison ou pour imposer ses goûts personnels mais pour aider l’auteur à améliorer son récit et à transmettre sa pensée. Ensuite, la positivité. Que l’on soit consultant ou décideur, quand on a l’auteur en face de soi, on doit commencer par la partie pleine du verre. J’ai une formule à ce sujet : « Avant qu’on lui donne du grain à moudre, un auteur a besoin qu’on apporte de l’eau à son moulin. » Ce n’est pas une question d’ego à satisfaire. C’est une question d’énergie à entretenir. Malheureusement, cela donne l’air tellement plus intelligent de critiquer que de faire des compliments. L’authenticité, aussi, est importante. C’est même une valeur cardinale. Si vous lisez un scénario avec des a priori, une posture, en attendant l’auteur au tournant (que ce soit en bien ou en mal), vous ne lisez pas correctement. Vous êtes même le plus mal placé pour donner un avis.
Siritz.com : Votre livre a eu deux éditions successives après la première en 2011. C’est sans doute à partir de votre expérience de consultant que vous avez rajouté des éléments.
YL : Oui, bien sûr. Mon expérience professionnelle nourrit mes livres. Dans la première édition de 2011, j’ai développé une des annexes de « La dramaturgie » qui s’appelait « Lire une pièce ou un scénario » et qui occupait 5 pages. Cela faisait plusieurs années que je voyais à quel point l’évaluation du scénario est handicapée en France. D’ailleurs, nous avons déjà eu l’occasion d’en parler à la fin des années 90, quand j’écrivais des articles dans Écran Total. Vous m’aviez dit une phrase très juste, dont je me souviens encore : « Le scénario, c’est le goulot d’étranglement du cinéma ». Curieusement, ce sujet n’est traité par personne, même en anglais. J’ai donc développé mon petit chapitre et suis passé de 5 à 100 pages, au fil des rééditions.
Siritz.com : Est-ce qu’il y a des défauts courants dans les scénarios qu’on vous confie ?
YL : Oui. Les humains doivent avoir tendance à faire les mêmes erreurs. Je me compte volontiers dans le tas, quand je porte ma casquette de scénariste. C’est tellement difficile de réussir une création aussi riche et exigeante qu’un récit. Il n’est d’ailleurs pas nécessaire de lire des scénarios pour s’en rendre compte, il suffit d’aller au cinéma. Ou de lire des romans. Parmi les défauts les plus courants : manque de clarté et manque de conflit dynamique. Trop de sujets d’identification possibles. Point de vue pas développé ou pas assumé. Absence de résolution. Manque de structure. Pas d’enjeu. Ce dernier point est tragique, car il est très difficile de s’identifier quand il n’y a pas d’enjeu. Dans « Évaluer un scénario », je liste et détaille une douzaine de travers récurrents.
LA REMUNERATION DE LIONEL STEKETEE
CinéscoopPour la réalisation des « Nouvelles aventures de Cendrillon ».
Mardi 22 décembre, TF1 un diffusé pour la première fois sur une chaîne en clair la comédie « Les nouvelles aventures de Cendrillon ». Le film est sorti en salle le 18 août 2017.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Les_Nouvelles_Aventures_de_Cendrillon
Il a été réalisé par Lionel Steketee
https://fr.wikipedia.org/wiki/Lionel_Steketee
Cinéfinances.info* a fourni les données financières de cet article.
Il est produit par 74 Films (Daniel Tordjman) et Pathé films pour 11,1 millions €. Pathé en est également distributeur avec tous les mandats. Pour la préparation, 41 jours de tournage et la post-production, la rémunération de Lionel Steketee est de 225 000 €, répartie en part égale entre à valoir sur droits d’auteur et salaire de technicien. C’est sensiblement plus que la rémunération moyenne de réalisateurs de films français sortis en 2020. https://siritz.com/financine/le-barometre-des-realisateurs-fin-octobre/
Le scénariste du film est David Cohen. Il a partagé avec le réalisateur 211 000 €.
Sorti sur 411 copies le film a rassemblé 816 entrées
Lionel Steketee a réalisé une autre comédie du même genre (conte revisité) « Alad’2 », qui est sorti en 2018. Il a eu les mêmes producteurs et le même distributeur, mais c’est la chaîne M6 qui l’a coproduit et préacheté. Son budget est de 18,9 millions €.
Pour la préparation, 52 jours de tournage et la post-production la rémunération du réalisateur est de 397 000 €, réparti entre 234 5000 d’à valoir sur droits d’auteur et 162 500 de salaire de technicien. Le scénariste est également David Cohen qui a reçu 61 000 €. Ils se sont en outre partagé 450 000 €.
Le film a rassemblé 2,350 millions de spectateurs.
*www.Cinefinances.info est un site, accessible par abonnement, destiné aux professionnels du cinéma. Il publie le budget, le plan de financement et la répartition des recettes de tous les films français qui sortent (hors les films « sauvages » qui ne déposent pas leurs contrats au registre public et ne demandent donc pas l’agrément qui leur permettrait d’accéder à l’aide du CNC). Il dispose d’un puissant moteur de recherche multicritères et de 10 ans d’archives.
LA REMUNERATION DU REALISATEUR ALAIN CHABAT
CinéscoopPour « Santa & Cie » diffusé sur France 2
C’est dimanche 20, sur France 2, que « Santa & Cie », la comédie fantastique, a été diffué pour la première fois sur une chaîne en clair. Le film était sorti en salle le 6 décembre 2017.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Santa_et_Cie
Il a été réalisé par Alain Chabat qui en est son interprète principal et a écrit le scénario.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Alain_Chabat
Cinéfinances.info* a fourni les données financières de cet article.
Produit par Légende (Alain Goldmannn) pour un budget de 28,3 millions €, il a été coproduit par Alain Chabat, coproduit et distribué par Gaumont qui a tous les mandats. Il est également coproduit par la Belgique (Nexus Factory). Le film avait rassemblé en salle 2,015 millions de spectateurs. Sur France 2 il a rassemblé 3,9 millions de spectateurs et se trouve en seconde position des chaînes derrière TF1.
Il a été préacheté et diffusé par Canal+ et OCS. France 2 l’a préacheté et en est coproducteur. Il y a 140 000 € de financement par des placements de produit.
Pour la préparation, 80 jours de tournage et la post-production, la rémunération d’Alain Chabat a été de 680 000 €, dont 397 500 € en à valoir sur droits d’auteur et 282 500 € de salaire de technicien. C’est le triple de la rémunération moyenne des réalisateurs de films français sortis en 2020. https://siritz.com/financine/le-barometre-des-realisateurs-fin-octobre/ . S’y ajoute 495 000 € de rémunérations complémentaires et 59 000 € pour le scénario qu’il a écrit seul. Donc, sa rémunération fixe totale est 1,234 millions €. En revanche Alain Chabat n’a pas de rémunération en tant qu’interprète.
*www.Cinefinances.info est un site, accessible par abonnement, destiné aux professionnels du cinéma. Il publie le budget, le plan de financement et la répartition des recettes de tous les films français qui sortent (hors les films « sauvages » qui ne déposent pas leurs contrats au registre public et ne demandent donc pas l’agrément qui leur permettrait d’accéder à l’aide du CNC). Il dispose d’un puissant moteur de recherche multicritères et de 10 ans d’archives.
LE DEFI EUROPEEN DE L’ORDONNANCE SMA
ÉditorialLe caractère international des plateformes change tout
L’ordonnance SMA, qui va inclure les plateformes de S-VoD dans l’écosystème français du cinéma et de l’audiovisuel, sera publié à la fin du l’année. Mais pas le décret qui précise ses modalités d’application, comme prévu initialement. Ce décret doit en effet encore être soumis au Conseil d’Etat, au CSA et â l’Union européenne. Il ne sera donc sans doute publié que vers la fin du premier trimestre 2021. Mais ce sera une avancée majeure pour cet écosystème.
A priori les plateformes devront investir, environ 25% de leur chiffre d’affaires hors taxe en France dans les oeuvres. Ce sont des pourcentages proches de ceux imposés â Canal + et OCS. En revanche les plateformes ne consacreront que 20% de cet investissement au cinéma contre 80% aux œuvre audiovisuelles. Pour les chaînes à péage française la répartition est 50/50. Les plateformes devront respecter la chronologie des médias pour les films de cinéma.
Et, en France, un film de cinéma est considéré comme tel s’il sort d’abord en salle et respecte la chronologie des médias. Est-ce que les plateformes imposeront une exclusivité de diffusion qui ne rendra pas possible une coproduction des chaînes en clair ? Cela risque de rendre difficile pour elles le respect de leurs obligations d’investissement dans les films de cinéma. Il risque d’en être de même pour Canal+ et OCS car le nombre de films intéressant les chaînes à péage est limité par le goulot d’étranglement du marché des salles. C’est lui qui a entrainé l’absorption de TPS par Canal+.
Mais le principal enjeu est celui de la répartition entre oeuvres européennes et oeuvres d’expression originale française. Cette dernière obligation est acceptée par l’Union européenne car elle est incluse dans l’obligation d’investir dans des œuvres européennes et qu’elle repose sur l’exception culturelle, que la France a réussi à faire reconnaitre comme un des principes de l’Union Européenne. En apparence ces doubles obligations sont les mêmes que pour les chaînes. Mais, pour les chaînes, les oeuvres européennes autres que les oeuvres d’expression originales françaises sont des productions étrangères dans lesquelles le producteur français est minoritaire. Et la partie étrangère de la production est en grande partie pré-financée par un ou plusieurs diffuseurs étrangers.
Mais les plateformes de S-VoD, à la différence des chaînes, sont internationales et commandent déjà beaucoup de série en Europe. Bien entendu, du fait du Brexit, les séries britanniques comme « The crown » ne seront plus prises en compte. Mais les séries comme l’espagnole « La casa de papel », qui vise aussi toute l’Amérique du Sud et les latinos des Etats-Unis, le seront. De même les séries portugaises qui visent aussi le Brésil. Où enfin, la dernière année de la série danoise «Borgen», dont Netflix aura l’exclusivité et dont les trois premières livraisons ont été des succès mondiaux
En fait, ces obligations d’investissements dans des œuvres européenne ne seraient nullement une contrainte pour les plateformes qui les respectent peut-être déjà. Certes, tous les États de l’Union européennes vont appliquer la directive européenne. Dans ces conditions une même œuvre ne devrait pouvoir servir pour le respect de l’obligation d’une plate-forme dans plusieurs États à la fois. Concrètement, « La casa del papel » constituerait, en Espagne, un investissement de Netflix dans une œuvre d’expression originale espagnole. Si, en France, cet investissement était considéré comme un investissement dans une œuvre européenne, cette obligation n’en serait pas une. A moins que Netflix exige de son producteur espagnol d’avoir un coproducteur français.
Un film français inédit sur la chaîne W9
Cinéscoop« Deux sœurs », a été réalisé par Saphia Azzedine et François-Régis Jeannes
Il est assez rare de voir un film français inédit sur la chaîne W9. Jeudi 17 décembre la filiale du groupe M6 a diffusé, pour la première fois à la télévision en clair, la comédie «Demi-sœurs », un film qui était sorti en salle le 30 mai 2018.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Demi-sœurs_(film)
Il a été coréalisé par la romancière Saphia Azzedine, dont c’est le deuxième long métrage, et le réalisateur de documentaires François-Régis Jeanne qui avait fait plusieurs portraits de grands réalisateurs.
https://fr.wikipedia.org/, 2éme LMwiki/Saphia_Azzeddine
Cinéfinances.info* a fourni les données financières de cet article.
Le film a été produit par SND et Capture Film Flag (Raphaël Rocher) pour 3,55 millions €., en coproduction avec Mandarin cinéma (Eric et Nicolas Altmayer). Il a été distribué par SND qui n’a pas accordé de minimum garanti pour les mandats salle., vidéo et international. Sorti sur 253 copies il a rassemblé 229 000 spectateurs. Il avait été pré-acheté par OCS. Pour un film inédit français sur la chaîne W9 celle-ci l’a pré-acheté 500 000 €, mais ne l’a pas co-produit, à la différence de ce que font les 3 grandes chaînes en clair privées. « Baby phone », diffusé mercredi soir sur C8 avait été coproduit et préacheté par le chaîne. https://siritz.com/cinescoop/la-remuneration-dolivier-casas/
Pour la préparation 28 jours de tournage et la post-production les réalisateurs se sont partagé une rémunération de 143 000 €, dont 45 000 d’à valoir sur droits d’auteur et 98 000 de salaire de technicien. C’est sensiblement plus que la rémunération médiane des réalisateurs de films français sortis en salle cette année. https://siritz.com/cinescoop/la-remuneration-dolivier-casas/. En outre, ils avaient touché en outre une rémunération complémentaire de 70 000 € et s’étaient partagé 45 000 € pour l’écriture du scénario.
Saphia Azzedine avait réalisé un film sorti en 2011, « Mon père est femme de ménage », tiré de son roman éponyme. Il était produit par Thomas Langmann, Laurent Pétin, Michèle Halberstadt et Nathalie Reims. ARP sélection l’avait distribué. Il avait rassemblé 300 000 spectateurs.
*www.Cinefinances.info est un site, accessible par abonnement, destiné aux professionnels du cinéma. Il publie le budget, le plan de financement et la répartition des recettes de tous les films français qui sortent (hors les films « sauvages » qui ne déposent pas leurs contrats au registre public et ne demandent donc pas l’agrément qui leur permettrait d’accéder à l’aide du CNC). Il dispose d’un puissant moteur de recherche multicritères et de 10 ans d’archives.
LA REMUNERATION D’OLIVIER CASAS
CinéscoopPour la réalisation de son premier film, « Baby phone »
Mercredi 16 décembre C8 , la chaîne gratuite du groupe Canal+, a diffusé «Baby phone». Cette comédie, sortie en salle en mars 2017 avait été préachetée par Canal+. La chaîne en clair C8 l’avait coproduit et préacheté.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Baby_Phone
Le film est réalisé par Olivier Casas dont c’est le premier long métrage. Mais c’est un remake d’un court métrage qu’il avait réalisé en 2004.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Olivier_Casas
Cinéfinances.info* a fourni les données financières de cet article.
C’est une coproduction entre la France (53%), la Belgique (35%) et le Royaume-Uni 12%. Le coproducteur belge est Nexus factory et le britannique Affection London.
Le producteur délégué français est Baby phone cinéma (Najib Kerbouche et Olivier Casa). Le distributeur est Le Belle Company qui n’a pas donné de minimum garanti et l’a sorti sur 265 copies. Le film a rassemblé 92 000 spectateurs.
La rémunération d’Olivier Casas pour 31 jours de tournage a été de 60 000 €, répartie à part égal entre à valoir sur droits d’auteur et salaire de technicien. C’est beaucoup moins que la rémunération médiane des réalisateurs de films français sorti en 2020. https://siritz.com/financine/le-barometre-des-realisateurs-fin-octobre/
Il a par ailleurs coécrit le scénario avec Audrey Lanj et Serge Labadie. Ils se sont partagés 60 000 €.
Le film, dont Michel Jonasz est l’un des interprètes a reçu une subvention de la Sacem. Il a en outre reçu 80 000 € de placement de produits.
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LA 2EME SOURCE DE FINANCEMENT DE NOS FILMS
FinanCinéEn montant et en % par rapport au devis
La semaine dernière nous avons établi le baromètre des minima garantis accordés par des distributeurs indépendants aux films français sortis en 2020. https://siritz.com/financine/le-barometre-des-mg-des-independants-au-15-12-2020/
Cinéfinances.info* a fourni les données financières de cet article.
Aujourd’hui nous publions et analysons le baromètre des « majors ». C’est-à-dire des distributeurs intégrés à un groupe. Pathé, UGC, Gaumont et Apollo appartiennent à un circuit d’exploitant national (A partir de 2021 Gaumont, ayant vendu toutes ses salles à pathé, sortira de cette catégorie). Egalement les filiales de groupes de télévision (TF1 DA, SND, Studio Canal et Orange Studio). Enfin les majors américaines prennent aussi des films français en distribution : Warner, Universal, Sony.
Souvent les Majors françaises sont également producteurs délégués des films qu’elles distribuent. Dans ce cas elles ne s’accordent pas de minimum garanti et investissent tout en tant que producteur.
(Animation)
Distributeur
(en million €)
du
devis
StudioCanal
/Pathé
Gaumont
TF1 DA
S,V,VoD,S-VoD,I
StudioCanal
SND
SND
StudioCanal
SND
Gaumont
Warner
UGC
SND
Orange Studio
TF1 DA
StudioCanal
Apollo
SND
StudioCanal
UGC
S,V,VoD, S-VoD
Orange Studio
TM
TF1 DA
S,V,VoD, S-VoD,I
SND
SND
Apollo
S,V,VoD, S-VoD,I
Apollo
S,TV
StudioCanal
S,V,VoD, S-VoD
Apollo
Pathé
S,V,VoD,S-VoD
Apollo
TM
Orange Studio
On voit que les minima garantis des majors sont, en général, beaucoup plus importants que ceux des indépendants. En effet, le minimum garanti le plus élevé accordé par un indépendant était un million € accordé par Le Pacte pour « La Daronne ».
En ce qui concerne les majors, le plus élevé est 6 millions € pour « Le prince oublié », accordé par un partenariat à 50/50 Pathé Studio Canal. Et les majors ont accordé 12 minima garantis supérieurs à un million €.
Pour les indépendants les minima garantis vont de 2 à 19% du devis, la moyenne étant de 8%. Pour les Majors elle va de 3 à 30%, la moyenne étant de 16%. Mais, les 39% accordé par Gaumont pour « #Jesuislà » s’explique par le fait que Gaumont est coproducteur délégué avec Rectangle Productions. Néanmoins, cette moyenne de 16% fait des « Majors » de la distribution la seconde source de financement des films français, derrière le préachat en commun de Canal+ et Muthitématiques. https://siritz.com/les-barometres-de-la-distribution/combien-canal-et-multithematiques-achetent-conjointement-les-films-cinefinances-info-fournit-achats-en-pourcentage-du-devis/
Bien entendu, ces minima garantis élevés s’expliquent aussi par l’étendu des mandats qu’ils recouvrent. Pour la moitié des 30 films le distributeur a tous les mandats (TM, y compris les mandats TV ultérieurs.
*www.Cinefinances.info est un site, accessible par abonnement, destiné aux professionnels du cinéma. Il publie le budget, le plan de financement et la répartition des recettes de tous les films français qui sortent (hors les films « sauvages » qui ne déposent pas leurs contrats au registre public et ne demandent donc pas l’agrément qui leur permettrait d’accéder à l’aide du CNC). Il dispose d’un puissant moteur de recherche multicritères et de 10 ans d’archives.
« Evaluer un scénario » par Yves Lavandier
Le CarrefourSiritz.com : A qui s’adresse « Évaluer un scénario » ?
Yves Lavandier : En priorité aux professionnels qui sont censés évaluer un scénario (au sens de récit) : aux producteurs, aux consultants/scripts doctors, aux diffuseurs, aux membres des commissions, aux éditeurs de bande dessinée. En fait à tous les décideurs, à tous ceux qui se prononcent sur la lecture d’un scénario. Et puis aussi aux auteurs qui cherchent une grille de relecture de leur propre projet. Le chapitre 6 leur est spécifiquement destiné.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Yves_Lavandier
Siritz.com : En France, on estime que l’auteur d’un film est essentiellement le réalisateur et que c’est lui qui doit écrire le scénario, même s’il peut se faire aider par d’autres. C’est l’inverse des pays anglo-saxons, notamment des États-Unis, où, sauf exception, tout part du scénario et où le réalisateur intervient après. Je crois que, chez nous, cela date de la Nouvelle Vague. Est-ce que c’est en train d’évoluer ?
YL : Oui. Un petit peu. Pas assez à mon goût, mais il faut être honnête, ça évolue. Il y a un cas célèbre, post-Nouvelle Vague, qui a montré la voie, c’est « Ridicule », sorti en 1996. Le scénario a été écrit par Rémi Waterhouse (avec la collaboration de Michel Fessler et Eric Vicaut) et le film réalisé par Patrice Leconte. Ce dernier a eu l’honnêteté de ne pas mettre son nom au générique comme coscénariste et de se considérer uniquement réalisateur. A l’époque, c’était une exception spectaculaire. Aujourd’hui, on commence à comprendre que c’est non seulement un type de création possible mais que cela peut mener à une œuvre d’art, comme en leur temps « Douze hommes en colère », « Miracle en Alabama » ou « Amadeus ». Ou même, chez nous en 1945, « Les enfants du paradis », avant les excès de la Nouvelle Vague.
Notre loi stipule qu’un film a plusieurs auteurs
Siritz.com : Donc la tradition évolue.
YL : Oui. Notez que cette tradition, en fait, ne date pas de la Nouvelle Vague. Elle prend racine dans les années 1920. Quand Germaine Dulac, Élie Faure, Ricciotto Canudo et d’autres ont décrété, à raison d’ailleurs, que le cinéma était un art. Et qu’en plus, à ce titre, il ne pouvait y avoir qu’un seul artiste. Car, si l’art est dilué dans la collaboration, cela cesse d’être glorieux. Non seulement cette fierté est ridicule mais elle est aussi illégale en France. Notre code de la propriété intellectuelle, qui date de 1957 (légèrement révisé en 1992) stipule très clairement qu’un film, comme une œuvre audiovisuelle, ont plusieurs auteurs. On trouve même dans la loi trois mots qui donnent des pustules aux idéologues de la politique des auteurs : « réalisée en collaboration ». Ce n’est pas « créée en collaboration » ou « conçue en collaboration », non c’est « réalisée ». C’est tellement insupportable que, dans un traité récent, un défenseur ardent de la politique des auteurs cite le texte de la loi mais en omettant ces trois mots !
Siritz.com : En France, comme dans le monde entier il y a aussi une évolution très importante, c’est le développement des séries, et certaines d’entre elles sont incontestablement des œuvres d’art. Or, pour une série, le scénario est essentiel. Au point qu’il y a souvent plusieurs réalisateurs qui se partagent les épisodes. Et, très souvent aussi, il y a plusieurs scénaristes dirigés par un showrunner, une sorte de scénariste-en-chef. Vous ne pensez pas que cela va avoir une influence sur le cinéma ?
L’impact du succès et de la qualité des séries
YL : C’est le deuxième élément, après « Ridicule », qui nous laisse à penser que l’on va enfin cesser de nier le réel. Car, affirmer que le réalisateur est le seul auteur d’un film c’est nier le réel. La claque est arrivée à la fin des années 90 avec « Friends », « Urgences » et « Ally McBeal » en prime-time. C’était la première fois que des séries américaines avaient l’honneur du prime-time. A partir de là, les Scuds n’ont pas cessé : « Les Soprano », « South Park », « Breaking bad », etc… On a compris que pour arriver à cette qualité, les Anglo-Saxons ne mettent pas uniquement le scénario mais aussi le scénariste au centre du dispositif. Ce qui implique de traiter le scénariste correctement, donc de changer les mauvaises habitudes du cinéma et de l’audiovisuel français.
Siritz.com : Donc, ça doit avoir un effet énorme en France. D’autant plus qu’il y a des séries françaises de très haut niveau comme « Le bureau des légendes » ou « Un village français ». https://siritz.com/le-carrefour/the-making-of-le-bureau-des-legendes/
YL : Quelques unes, en effet, dans lesquelles, justement, le scénariste principal est respecté. Cela dit, il y a encore beaucoup de cinéastes qui ont un très grand mépris pour tout ce qui touche à la télévision. Certains vont jusqu’à refuser de regarder des séries. Ils doivent avoir en tête cette phrase de Godard : « Quand on va au cinéma, on lève la tête ; quand on regarde la télévision, on la baisse ». Le mot est joli. Mais j’ai envie de dire à Godard : « Prenez un écran16/9 haute définition, mettez-le sur votre réfrigérateur et vous lèverez la tête ». Je pourrais aussi suggérer à Godard de regarder « Sur écoute ». C’est une œuvre d’art, avec un point de vue sur le monde, dont l’auteur principal est scénariste et se nomme David Simon. Mais bon, nul doute que la qualité des séries commence à travailler l’inconscient culturel en France, y compris celui du cinéma.
Siritz.com : Est-ce que vous êtes intervenu comme script doctor de séries ?
YL : Très peu. J’ai surtout travaillé sur des films de cinéma, court ou long, et un peu de théâtre. Cela dit, la tâche est la même. Les grands principes de la narration s’appliquent autant aux unitaires qu’aux séries. C’est juste l’échelle qui change.
Les trois étapes de l’évaluation
Siritz.com : Pour l’évaluation du scénario, vous vous servez d’une métaphore médicale afin d’identifier trois étapes : le symptôme, le diagnostic et la prescription.
YL : Oui, trois positions dont la distinction est absolument nécessaire quand on reçoit une œuvre d’art. D’ailleurs, elle peut très bien s’appliquer à d’autres domaines que le cinéma. La musique, la peinture, la gastronomie… Le symptôme représente le ressenti personnel du récepteur. Il s’exprime forcément dans une phrase qui commencer par « Je ». Je ne comprends pas, je ris, je m’ennuie, je tourne les pages, je suis surpris… Le gros intérêt du symptôme, c’est qu’il est indiscutable. Si un consultant ou un spectateur dit à un auteur « Je me suis ennuyé », l’auteur ne peut pas répondre : « Mais non, vous ne vous êtes pas ennuyé ! ».
Siritz.com : Puis il y a le diagnostic.
YL : C’est l’explication technique du symptôme. Par exemple, si je m’ennuie cela peut être dû au fait qu’il n’y a pas assez de conflit dynamique, ou pas d’enjeu, ou pas de protagoniste clairement identifié, etc… Une fois qu’on a fait le diagnostic, on peut passer aux prescriptions. C’est-à-dire expliquer aux auteurs ou au producteur ce qu’à notre avis, il faudrait faire pour améliorer le récit : mettre un incident déclencheur, raccourcir le troisième acte, intervertir protagoniste et antagoniste, exploiter une information en ironie dramatique plutôt qu’en mystère, etc. Au-delà de ces généralités, la prescription peut aller jusqu’à fournir des idées concrètes et spécifiques, adaptées au projet. Cela devient une forme de réécriture.
Siritz.com : Vous dîtes que la prescription doit fournir la piste, mais que c’est à l’auteur de la mettre en œuvre.
YL : Oui. D’abord parce que ce n’est pas le travail du consultant d’écrire à la place des auteurs. Ensuite, parce que les prescriptions peuvent être à côté de la plaque. Sur ce point il y a une expérience fascinante. Si vous allez dans un atelier de réécriture, comme on en trouve à Sundance ou à Plume & Pellicule, vous êtes souvent lu par une demi-douzaine de consultants. Systématiquement, vous constaterez qu’ils s’accordent sur le symptôme, un peu moins sur le diagnostic et très rarement sur les prescriptions. Pourquoi s’accordent-ils sur le symptôme ? Parce que le ressenti, même s’il est personnel, n’est pas uniquement subjectif. Une partie du ressenti est objective. On reçoit une œuvre d’art avec des critères qui sont universels, intemporels et communs à tous, en même temps que des critères personnels qui dépendent de notre éducation, de nos goûts et de nos névroses. Donc, sans s’en rendre compte, on mélange ressenti objectif et ressenti subjectif.
Siritz.com : C’est pourquoi tous s’accordent plus ou moins sur le symptôme. Mais le diagnostic ?
YL : S’ils sont tous pros, à partir du même texte et du même symptôme, ils vont faire le même diagnostic. Prescrire, c’est autre chose, c’est commencer à réécrire. Or les gens réécrivent en fonction de leur inconscient et de leur point de vue sur le monde. Quand on réécrit, on met du sens. Et celui du consultant n’est pas forcément celui de l’auteur. Donc les prescriptions doivent donner de grandes lignes, mais c’est à l’auteur de réécrire, quand il a compris quel est le problème et dans quelle direction chercher.
Les prescriptions ne doivent pas réécrire
Siritz.com : Et, de votre expérience, ces trois phases sont différenciées par les producteurs, consultants, diffuseurs ou comédiens ?
YL : Par les consultants professionnels, majoritairement oui. Mais pas du tout par les décideurs. Le travers classique et récurrent consiste même à entrer tout de suite dans la prescription sans passer par le symptôme. Ils vont dire à l’auteur, de but en blanc : « Pourquoi tu ne démarrerais pas après l’accident ? », « Et si la protagoniste était plutôt informaticienne ? », « Le café devrait être empoisonné »… Cela ne sert jamais à rien à l’auteur. Jamais ! L’auteur comprend que son lecteur a eu un problème, mais qu’il n’a pas été capable de l’identifier, encore moins de le diagnostiquer et qu’il est passé directement à la réécriture à la place de l’auteur. Dans ces cas-là, quand je suis scénariste (car je fais beaucoup appel à des script doctors pour mes propres projets), je demande systématiquement au lecteur de commencer par me parler de son symptôme. Pour la solution, je verrai plus tard.
Un auteur a besoin que l’on apporte de l’eau à son moulin
Siritz.com : Quelles sont les qualités à avoir pour être un bon consultant ?
YL : Il y en a beaucoup. D’abord, la bienveillance et l’humilité. Un consultant n’est pas là pour avoir raison ou pour imposer ses goûts personnels mais pour aider l’auteur à améliorer son récit et à transmettre sa pensée. Ensuite, la positivité. Que l’on soit consultant ou décideur, quand on a l’auteur en face de soi, on doit commencer par la partie pleine du verre. J’ai une formule à ce sujet : « Avant qu’on lui donne du grain à moudre, un auteur a besoin qu’on apporte de l’eau à son moulin. » Ce n’est pas une question d’ego à satisfaire. C’est une question d’énergie à entretenir. Malheureusement, cela donne l’air tellement plus intelligent de critiquer que de faire des compliments. L’authenticité, aussi, est importante. C’est même une valeur cardinale. Si vous lisez un scénario avec des a priori, une posture, en attendant l’auteur au tournant (que ce soit en bien ou en mal), vous ne lisez pas correctement. Vous êtes même le plus mal placé pour donner un avis.
Siritz.com : Votre livre a eu deux éditions successives après la première en 2011. C’est sans doute à partir de votre expérience de consultant que vous avez rajouté des éléments.
YL : Oui, bien sûr. Mon expérience professionnelle nourrit mes livres. Dans la première édition de 2011, j’ai développé une des annexes de « La dramaturgie » qui s’appelait « Lire une pièce ou un scénario » et qui occupait 5 pages. Cela faisait plusieurs années que je voyais à quel point l’évaluation du scénario est handicapée en France. D’ailleurs, nous avons déjà eu l’occasion d’en parler à la fin des années 90, quand j’écrivais des articles dans Écran Total. Vous m’aviez dit une phrase très juste, dont je me souviens encore : « Le scénario, c’est le goulot d’étranglement du cinéma ». Curieusement, ce sujet n’est traité par personne, même en anglais. J’ai donc développé mon petit chapitre et suis passé de 5 à 100 pages, au fil des rééditions.
Siritz.com : Est-ce qu’il y a des défauts courants dans les scénarios qu’on vous confie ?
YL : Oui. Les humains doivent avoir tendance à faire les mêmes erreurs. Je me compte volontiers dans le tas, quand je porte ma casquette de scénariste. C’est tellement difficile de réussir une création aussi riche et exigeante qu’un récit. Il n’est d’ailleurs pas nécessaire de lire des scénarios pour s’en rendre compte, il suffit d’aller au cinéma. Ou de lire des romans. Parmi les défauts les plus courants : manque de clarté et manque de conflit dynamique. Trop de sujets d’identification possibles. Point de vue pas développé ou pas assumé. Absence de résolution. Manque de structure. Pas d’enjeu. Ce dernier point est tragique, car il est très difficile de s’identifier quand il n’y a pas d’enjeu. Dans « Évaluer un scénario », je liste et détaille une douzaine de travers récurrents.
Fermeture des salles : un tournant majeur
ÉditorialProducteurs et distributeurs vont vendre aux plateformes
La prolongation de la fermeture des salles est évidemment un nouveau coup de massue pour la culture et, notamment, le cinéma. D’autant plus qu’il est clair que le gouvernement ne maitrise pas la situation puisqu’il interdit les salles où toutes les règles sanitaires sont étroitement respectées et pas les grands magasins ou les métros bondés.
Mais, en Allemagne, les salles de cinéma sont fermées au moins jusqu’en février. En Italie elles sont toujours fermées depuis le 26 octobre. Et aux Etats-Unis le nombre de salles fermées, qui était de 60%, continue à augmenter.
Reste que, en France, l’État, avec son chômage partiel et son soutien de 10 000 € par mois ou de 20% du chiffre d’affaires mensuel de l’année dernière, est le plus généreux d’Europe. Mais ces 20% sont plafonnés à 200 000 € et ne suffisent peut-être pas pour payer les loyers ou les remboursements d’emprunt des circuits nationaux de salles.
De toute façon, avec un couvre-feu que le gouvernement voulait fixer de manière stricte, à 20 heures et non à 21 heures, sans souplesse d’horodatage des tickets, l’ouverture des salles ne pouvait être rentable ni pour l’exploitant ni pour le distributeur.
Les distributeurs avaient pleinement joué le jeu de la réouverture. La programmation du 15 et du 23 était très porteuse. Il y avait même le blockbuster de Warner, « Wonder woman 1984 », dès le 15. Les distributeurs restent avec leur campagne publicitaire sur les bras : 1 million € selon Le Pacte dont 150 000 € pour la ressortie de ADN et 850 000 € pour « Le discours ». 1 millions € selon Memento Films pour « Mandibules ». Est-ce qu’ils seront remboursés de ces investissements ? A moins que les supports de promotion leur en fassent cadeau à titre de si bons clients.
Ce qui est le plus grave c’est que la brusque décision du gouvernement de fermeture des salles marque un tournant majeur. Tout d’abord, la prochaine décision d’ouverture des salles ne pourra être prise avant le 7 janvier, pour une ouverture au plus tôt le 15. Donc, dans un mois. Or, pour sortir un film un distributeur doit s’y prendre au moins trois semaines à l’avance, pour évaluer la concurrence, négocier ses sorties et engager la campagne de promotion. Or, cette fois-ci, échaudé, aucun distributeur ne prendra ce type de décision avant le 7 janvier. Sauf, éventuellement pour des films qui venaient de sortir ou étaient encore à l’affiche lors du dernier confinement. Mais cela ne suffira pas à inciter les exploitants à ouvrir leurs salles.
Donc, si le gouvernement estime, le 7 janvier, que les chiffres sont suffisamment bons pour ouvrir le 15 ou le 14, les salles ouvriront plutôt à la fin du mois. Et, là, le cinéma va se heurter à un problème supplémentaire : celui de l’encombrement. Certes, compte tenu de la situation aux Etats-Unis, il manquera la plupart des films américains, et, donc la moitié des écrans seront « disponibles. Mais l’offre cinématographique doit être diversifiée. Si l’on sort trois comédies françaises le même jour, il est probable qu’une ou deux, voir les trois, soient victimes de ce trop-plein.
Donc, ce stop and go du gouvernement est sans doute justifié par les chiffres alarmants qui, dans la plupart des pays, ont surpris tout le monde. Mais il change profondément les données de l’industrie. D’autant plus que l’on sait que, en 2021, l’approvisionnement en film américain sera très réduit. Surtout après ce que Warner vient de subir chez nous avec « Wonder woman 1984 ». https://siritz.com/editorial/le-simple-bon-sens-concernant-le-cinema/
Il est en tout cas plus que probable que des distributeurs et producteurs français, pour des films importants, vont cèder aux sirènes des plateformes.
Le baromètre des MG des indépendants en 2020
FinanCinéMontant et % par rapport au devis
Le distributeur joue un rôle essentiel dans l’économie du cinéma. En effet, tout montage financier est suspendu à l’accord d’un distributeur. Et ce montage financier dépend souvent du minimum garanti accordé par le distributeur. Mais l’activité de distributeur est la plus risquée de l’écosystème français du cinéma. https://siritz.com/les-barometres-de-la-distribution/distribution-cinema-les-succes-de-2020/
Les distributeurs indépendants, qui ne dépendent ni d’un grand circuit national de salles de cinéma ni d’un groupe de télévisions, jouent eux-même un rôle essentiel, notamment pour le cinéma d’auteur. https://siritz.com/les-barometres-de-la-distribution/berezina-de-la-distribution-des-films-francais/
Siritz.com a établi a un baromètre des minima garantis accordés aux films français sortis depuis le début de l’année. Il ne comprend donc pas les films qui n’ont pas bénéficiés de minimum garanti mais pour lesquels le distributeur prend tout de même le risque des frais d’édition.
Cinéfinances.info* a fourni les données financières de cet article.
Animation
Documentaire
(% du devis)
(en millier)
La Daronne- S,V,I hors Bélélux
(17%)
Les traducteurs- S, V
(9%)
Yakari, la grande aveture(A)-S,V
(7%)
Enorme-S,V
(16%)
Les choses qu’on dit, les choses qu’on fait-S,V,VoD,I
(9%)
La bonne épouse-S,V,VoD,I
(3%)
La fille au bracelet-S
(6%)
Mignonnes-S,V,VoS
(6%)
Sous les étoiles de Paris,S
(7%)
Les Parfums-S
(7%)
(8%)
(11%)
Système K(D)- S,V,VoD,TV Fr
(19%)
(3%)
L’enfant rêvé-S
(3%)
Just Kids-S,V,I hors Bénélux
(3%)
Cunningham(`D)-S,V,VoD,S-VoD
(2%)
(4%)
(6%)
(6%)
Le minimum garanti dépend en partie des mandats acquis par le distributeur. Dans ce tableau n’ont été pris en compte que les mandats crosscolatéralisés, et non les mandats acquis par un autre contrat.
On voit que le minimum garanti représente de 2 à 19% du budget initial du film.
En France, sauf pour les films d’animation pour enfant, les recettes CD et VoD sont très limitées. En fait, même pour le mandat international, beaucoup dépend du succès en salle en France.
Si l’on considère qu’une entrée représente en moyenne 2,4€ en part distributeur, on voit que des films comme « Un Divan à Tunis » ou « La bonne épouse » sont très rentables rien qu’avance les recettes salles, même en tenant compte des frais d’édition. D’autres films ne couvrent même pas leur minimum garanti.
*www.Cinefinances.info est un site, accessible par abonnement, destiné aux professionnels du cinéma. Il publie le budget, le plan de financement et la répartition des recettes de tous les films français qui sortent (hors les films « sauvages » qui ne déposent pas leurs contrats au registre public et ne demandent donc pas l’agrément qui leur permettrait d’accéder à l’aide du CNC). Il dispose d’un puissant moteur de recherche multicritères et de 10 ans d’archives.
LA REMUNERATION DE BENJAMIN PARENT
CinéscoopPour la réalisation de « Un vrai bonhomme »
Jeudi 10 Canal+ cinéma a diffusé « Un vrai bonhomme », sorti en salle le 8 janvier 2020.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Un_vrai_bonhomme
Cette comédie dramatique a été réalisée par Benjamin Parent dont c’est le 1er long métrage. Il a mené jusqu’ici une carrière de scénariste de films de cinéma et de fiction.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Benjamin_Parent
Cinéfinances.info* a fourni les données financières de cet article.
Le film a été produit par Delante productions (Carolin Adrian) pour un budget de 3 millions €. Il a été distribué par Ad vitam (Alexandra Honechberg), qui avait donné un minimum garanti de 150 000 € pour la salle, la vidéo et le VoD. Le film n’a rassemblé que 44 000 spectateurs.
Il a été préacheté par Canal+ et Mutithématiques. Et aussi préacheté et coproduit par France 2. La Belgique (Scope pictures et Tax shelter) est coproductrice à 7%. Deux Sofica ont investi et il y a un soutien de la région Ile de France.
Pour la préparation, 33 jours de tournage et la post-production la rémunération du réalisateur est de 66 000 €, répartie à part égale entre à valoir sur droits d’auteur et salaire de technicien. Il y a eu également 4 000 € de rémunération complémentaire. Mais c’est très inférieur à la rémunération médiane des réalisateurs de films français. https://siritz.com/financine/le-barometre-des-realisateurs-fin-octobre/.
Par ailleurs Benjamin Parent s’est partagé 78 000 € avec Théo Courtial pour l’écriture du scénario.
*www.Cinefinances.info est un site, accessible par abonnement, destiné aux professionnels du cinéma. Il publie le budget, le plan de financement et la répartition des recettes de tous les films français qui sortent (hors les films « sauvages » qui ne déposent pas leurs contrats au registre public et ne demandent donc pas l’agrément qui leur permettrait d’accéder à l’aide du CNC). Il dispose d’un puissant moteur de recherche multicritères et de 10 ans d’archives.