Siritz.com : Est-ce qu’en Europe il y a des pays où les salles n’ont pas fermé depuis un an ?
Eric Marti : Il y a des pays où les salles n’ont pas fermé. En Scandinavie, en Suède ou en Russie où elles ont fermé très peu de temps. En Russie elles n’ont fermé que quelques semaines au printemps dernier. Ensuite, il y a des situations très différentes entre la première et la deuxième vague. Aujourd’hui aux Pays-Bas, en Allemagne et en Autriche les salles sont fermées. Mais au Luxembourg elles ont fermé fin octobre et ré-ouvert depuis la mi-janvier alors qu’elles restent fermées en Belgique et en France. A partir du printemps dernier, l’Espagne à ré-ouvert dans certaines régions. Alors que le Portugal vient de refermer.
Siritz.com : Et le Royaume-Uni ?
EM : Ils sont complétement fermés depuis Noël et le sont restés. Ils annoncent leur réouverture pour le 17 mai.
Siritz.Com : Mais les majors américaines ont repoussé la date de sortie de la plupart de leurs films parce qu’ils font des sorties mondiales. Dans les pays qui sont restés ouverts, sans les films américains, quelle a été la fréquentation ?
Les succès sont venus des films locaux
EM : La fréquentation dépend de la capacité de la production locale à attirer le public. Il y a eu tout de même quelques blockbusters comme « Dr Dolittle » de Universal en Russie. Et puis il y a eu « Tenet » de Warner , notamment en France, « Scooby ! » chez Warner et « Les Trolls 2 : Tournée Mondiale» chez Universal ou encore « Wonder Woman 84 », également de Warner, dans certains territoires en début d’année. Mais les succès sont venus des films locaux.
Siritz.com : Par exemple.

68% de part de marché
EM : Et bien, quand l’Espagne a ré-ouvert, est sorti « Padre No Hay Mas Que Uno – 2 », la suite d’un film qui avait eu beaucoup de succès l’année d’avant, et que les producteurs ont décidé de sortir l’été, malgré la réticence du distributeur, Sony. Il a eu un succès exceptionnel, réalisant 68% de part de marché la semaine de son démarrage. Les Pays-Bas ont ré-ouvert en même temps que la France, l’été dernier, mais ont beaucoup mieux marché que nous parce qu’ils ont eu trois films locaux qui ont immédiatement été de gros succès. Deux comédies et « Bigfoot Family », film d’animation Belgo-français, qui est sorti trois semaines avant la France et qui a très bien marché. Et en France on a eu « Les Blagues de Toto », « 30 Jours Max », « Tout Simplement Noir » et « Antoinette dans les Cévennes » qui ont relancé la fréquentation, même si on n’a pas retrouvé les niveaux d’avant.
Siritz.com : Mais il y a peu de succès locaux.
EM : Quand il n’y a pas ces succès on est à moins 88/90% ! A noter qu’en Russie ils sont à moins 33% sur les premières semaines de l’année 2021 parce qu’ils ont eu deux très beaux succès locaux en février : un film d’action et une comédie.
Siritz.com : Et en Chine. Ils ont fermé ?
EM : Ce qui est caractéristique en Chine, c’est le nouvel an chinois qui dure 10 jours début février, avec une gigantesque circulation de population puisque les familles se réunissent. En 2019, le pays a connu un record avec un box-office de 892 millions $ pendant ces fêtes En 2020, les cinémas étaient fermés, donc zéro. En 2021, les salles étaient ouvertes et le box-office de janvier a été seulement 1% inférieur à celui de 2019. Les professionnels se sont dit : on devrait pouvoir faire 75% à 90% de la période du nouvel an de 2019. Or le marché a fait un bond de +30%, pour atteindre 1,2 milliards $.
Siritz.com : Il y avait des limitations de jauge ?
EM : A 75% sur tout le pays et à 50% sur certaines provinces du nord, dont Pékin, du fait d’une résurgence de Covid. Mais il y avait une très forte limitation sur les voyages et les familles ne pouvaient se retrouver. Les gens ont dû rester chez eux et le premier loisir était le cinéma. En outre il y a eu une augmentation moyenne du prix du ticket de 12%.
Siritz.com : Et des pays comme la Corée, l’Australie et la Nouvelle-Zélande qui ont très bien contenu la Covid ?
EM : La Corée a eu un confinement et des fermetures sur des périodes très courtes. Quelques semaines. Puis cette année, une semaine. Et l’Australie et la Nouvelle-Zélande n’ont fermé que quelques jours. Mais il y a une différence très forte entre les trois pays, c’est la dépendance au film américain. Sans film américain, les marchés d’Australie et de Nouvelle Zélande s’effondrent. La Corée programme des films coréens, japonais et chinois. C’est comme la France en Europe : ils sont très ouverts. Donc, sans films américains, ils s’en sont plutôt bien sortis. Mais, depuis le début de l’année, ils sont à moins 85% par rapport à l’année dernière alors que l’Australie et la Nouvelle-Zélande sont à – 55 et -50%.
Siritz.com : Comment ça s’explique ?
EM : « Wonder Woman 1984 », « The Croods : A new Age » et un film australien « The Dry », ont dynamisé le box-office en Australie comme en Nouvelle-Zélande, qui en outre n’ont pratiquement pas fermé, alors que la Corée a fermé une semaine et a imposé des limitations de jauge très strictes.
Siritz.com : L’Inde est, en quantité, le principal pays producteur. Comment ça s’est passé chez eux.
EM : Ils ont tout fermé. Et, début janvier ils ont tout ré-ouvert avec une jauge à 50%. Dans certaines villes la jauge a été levée immédiatement. Aujourd’hui la limitation de jauge est une exception.
En France ce sont les multiplexes de 10 écrans et plus qui ont le plus soufferts
Siritz.com : A partir de ces chiffres qu’est-ce qu’on peut dire sur la dépendance au film américain. Parce que, sauf exceptions, les studios ont décidé de retarder la sortie de leurs films, voire de les diffuser directement sur leurs plateformes de S-Vod. En France, en période normale de film américain c’est 50 à 55% de la fréquentation, le film français de 35 à 40%. Quelle a été la situation en Europe ?
EM : Il y a un pays où la production nationale a une part de marché de 55%, c’est la Turquie. Ils ré-ouvrent leurs salles le 1er avril. En France, le marché normal est à 200 millions d’entrées ou plus. Si les studios américains mettent une partie de leurs films directement sur leurs plateformes, on risque de tomber à 150/170 millions d’entrées. Quand les salles ont ré-ouvert en France on a vu que ce sont surtout les gros établissements, les multiplexes de 10 écrans et plus, qui ont le plus souffert.
Siritz.com : Parce qu’ils sont tirés par les blockbusters américains.
EM : Mais même la semaine de « Tenet », ils étaient en léger retrait. https://siritz.com/editorial/les-salles-de-cinema-en-grand-peril/
Siritz.com : Parce qu’il n’y avait pas la continuation d’autres blockbusters.
EM : Donc, première conséquence d’une diminution de films américains, le marché baisse un peu. Les professionnels allemands ont observé la même chose. Les exploitants qui faisaient de l’art et essai populaire en centre-ville ont bien marché.
Siritz.com : Mais la baisse des multiplexes de périphérie avait déjà commencé. Le cinéma est de plus en plus un loisir de proximité.
« Detective China town 3 » plus gros démarrage sur un seul pays, battant « Avengers-Endgame »
EM : En Europe oui. Moins dans les pays du Golfe et en Amérique Latine. En Europe cela risque de s’accélérer s’il y a moins de films américains. Mais le changement le plus marquant s’est produit en Chine : « Detective Chinatown 3 » a réalisé le plus gros démarrage pour un premier jour et un premier week-end sur un seul pays, battant le record de « Avengers – Endgame » aux États-Unis. Cela devrait amener les studios américains à réfléchir. D’abord parce que le premier marché mondial c’est la Chine. Et les producteurs chinois ont appris à faire des films qui marchent aussi bien, et même mieux que les films américains. https://www.ecranlarge.com/films/news/1366888-detective-chinatown-3-plus-fort-quavengers-endgame-au-box-office

Record historique d’un démarrage dans un territoire
Siritz.com : Quel était la part de marché des américains ?
EM : Elle était de 50%. Aujourd’hui les observateurs estiment que le maximum sur lequel ils pourront compter c’est 40%. Cela veut dire que, dans la négociation des trois fondamentaux que sont la date de sortie, la combinaison et le taux de location, le rapport de force ne va plus être le même. Si les studios américains perdent des parts de marché ils ne seront plus dans la même position vis-à-vis des exploitants et de leurs concurrents distributeurs.
Siritz.com : Quelle est votre analyse de ce que sera la politique des grands studios si et quand les salles seront revenues à une ouverture normale, disons l’année 2022 ?
EM : Mon impression c’est qu’il y a un choix qui a été fait par trois des principaux studios, Disney, Warner et Universal. Les trois ont changé de patron et ont décidé de mettre l’accent sur les plateformes. Universal appartient à Comcast. Bob Chapek, chez Disney, veut être le champion de l’ère digitale et mise sur Disney+. Warner appartient à ATT et l’objectif est de relancer HBO Max. https://siritz.com/editorial/s-vod-quelle-riposte-des-exploitants/ Le patron de Sony les a mis en garde : on ne sait pas rentabiliser un film de 200 millions € sur une plateforme. La MGM et Broccoli ont cherché par tous les moyens à vendre à 600 millions $ le nouveau James Bond. Ils n’ont pas trouvé d’acheteurs.
Siritz.com : Donc il y aura moins de films américains.
Les studios voudront privilégier leurs plateformes
EM : C’est probable, pendant quelques années les studios voudront privilégier leurs plateformes. Surtout si le day and date reste interdit dans certains pays comme la France.
Siritz.com : Mais sortir sur une plateforme en même temps que la salle c’est la mort des salles. C’est comme si on vendait le livre de poche en même temps que l’édition broché. Le chiffre d’affaire des éditeurs et des libraires s’effondrerait.
EM : Oui, mais sans l’édition brochée, il n’y a pas de livre de poche. De toute façon il faudrait savoir comment Disney sur « Soul » ou Warner sur « Wonder Woman 1984 » peuvent récupérer leur investissement avec les abonnés de leurs plateformes. Rapporté à un film, ce sont quelques centimes que l’on récupère sur chaque abonnement.
Siritz.com : Universal n’a pas choisi la S-VoD, mais la Vod Premium à 20 ou 30$. « Trolls : World Tour » aurait réalisé 100 millions $. Mais en France la P-VoD c’est tout à fait marginal.
EM : Les 100 millions $ ont été annoncés par l’actionnaire Comcast, sans mesure indépendante. Cela reste donc un résultat à valider. En outre, cela n’a concerné que l’exploitation aux États-Unis. En France, le film est sorti en salles, avec succès d’ailleurs.
Siritz.com : Mais Netflix va diffuser 71 films en 2021, dont certains à 150 millions € de budget.
Dans certains marchés les studios auront du mal à récupérer leur part de marché
EM : Certes, mais il faudra bien qu’à un moment ils s’assurent que cette politique dégage une réelle rentabilité. Et, entre temps, les industries locales fortes, comme la Chine, seront capables de rivaliser avec Hollywood en termes de « production value ». Et dans les territoires où ça sera le cas les américains auront du mal à récupérer leurs parts de marché. Si un jour ils considèrent qu’ils ont absolument besoin de la salle pour amortir leurs films, ils ne retrouveront pas nécessairement les mêmes capacités d’amortissement.
Siritz.com : Et en France ?
EM : Il y a deux marchés qui se côtoient. Le marché des blockbusters américains et des très gros films français, qui drainent un public important vers les multiplexes. Et le marché des films indépendants, qui sont exposés mais qui ne suffisent pas à remplir les multiplexes.
Siritz.com : Mais, à partir de cette analyse, que faut-il faire ?
EM : Il serait peut-être opportun de soutenir nos champions nationaux, Pathé, UGC, Gaumont, CGR, Studio Canal, Metropolitan, SND, etc… Il faut être capable de faire des « blockbusters » à la française et prendre la place des absents. On devra aussi certainement s’interroger sur la limitation pour un exploitant de rajouter des écrans pour un film qui marche très bien. Dans les multiplexes on limite à 2 écrans par film. En France il y a 10 000 films programmés chaque semaine sur 5 000 écrans. En proportion, en Chine c’est l’inverse. https://www.ecranlarge.com/films/news/1366888-detective-chinatown-3-plus-fort-quavengers-endgame-au-box-office
En tout cas pour les studios, priorité à leurs plateformes
EM : Au niveau des Studios on est effectivement dans une grande phase de recrutement d’abonnés pour les plateformes. Et il y a aussi Apple, Amazon Prime, Paramount en plus de Warner, Disney et Netflix. Ça fait beaucoup. Ils sont tous en train de recruter pour avoir la base la plus forte. Or, on sait que le coût de recrutement est forcément élevé. Quand il y en aura trois dominants et que le marché sera stabilisé, ils pourront proposer à leurs abonnés, de manière exceptionnelle, de la P-Vod.
Siritz.Com : Ce que Disney+ a fait avec « Mulan » et ça a été un échec retentissant.
EM : Oui, parce qu’ils étaient en train de recruter des abonnés et leur demandait soudain un supplément. Pour « Soul », ils l’ont inclus directement dans l’offre Disney+ sans surcoût. Amazon pourrait parfaitement proposer un événement particulier, par exemple un match de boxe, en direct et en P-VOD, puis en replay quelques jours après pour les abonnés. Donc, les différents modèles peuvent se combiner sur une même plateforme. Mais l’enjeu est d’avoir la plus forte base d’abonnés possible.
Siritz.com : Aux États-Unis, Universal et l’exploitant AMC ont passé un accord novateur : 17 jours d’exclusivité pour les salles, puis en Vod sur laquelle AMC a un pourcentage.
EM : C’est très intéressant parce que cela permet beaucoup de souplesse. AMC dès le premier jour sait combien le film va faire et les 17 jours peuvent être rallongés. Ou bien ils peuvent décider de partager les revenus de la VoD sur un film. Ils se donnent la possibilité de voir au cas par cas. C’est une vraie innovation.
Siritz.com : Mais pourquoi est-ce que la VoD est tellement plus importante aux États-Unis ?
EM : Parce que la couverture du territoire par le réseau de salles n’est pas aussi dense qu’en France. Et ils ont travaillé surtout les jeunes adultes, les 15-30 ans et délaissé le très jeune public de 4 à 13 ans et le public plus mûr. Maintenant ils se rattrapent pour ce public, mais dans certaines villes moyennes il n’y a pas de salles.
Siritz.com : Peut-on tirer d’autres leçons de ces expériences ?
EM : Ce qui est frappant c’est que quand ils ont ré-ouvert, les pays où la fréquentation a le mieux repris sont ceux qui ont ouvert sur tout le territoire, comme la France ou les Pays-Bas. Pour les autres, comme l’Espagne, l’Allemagne ou le Royaume-Uni, cela a été beaucoup plus difficile.
Siritz.com : Oui, parce que les distributeurs veulent des sorties nationales. Aux États-Unis 60% des salles étaient fermés.
EM : Oui, surtout des marché directeurs comme New-York et Los Angeles.
Ceux qui ont les reins assez solides pour attendre tireront leur épingle du jeu
Siritz.com : Mon site Cinéfinances.info qui publie le budget, le plan de financement et la répartition de recettes de tous les films français parle chaque semaine de plusieurs nouveaux films dont la production est achevée. C’est incroyable l’embouteillage qu’il y aura quand les salles vont ré-ouvrir. Plusieurs centaines de films.
EM : Il faut avoir un banquier compréhensif.
Siritz.Com : Mais il va falloir que les distributeurs optimisent les sorties pour que des films se ressemblant ne sortent pas la même semaine.
EM : Malheureusement, je crains que cela soit difficile. Seuls les distributeurs ayant un film très fort pourront attendre pour sortir sur une date à fort potentiel. « Detective Chinatown 3 » devait sortir au nouvel an 2020 et ses distributeurs ont pu attendre le nouvel an 2021. Donc, la capacité à ne pas se précipiter va être essentielle. Ceux qui ont les reins assez solides pour attendre tireront leur épingle du jeu. N’oublions pas qu’en France, ce sont les plus gros succès qui payent en partie, par les aides sélectives, les frais d’édition de plus petits films.
Siritz.com : C’est ce que remarquait un scénariste anonyme dans ce blog. https://siritz.com/le-carrefour/un-scenariste-met-les-pieds-dans-le-plat/
EM : Mais beaucoup de ces distributeurs indépendants font un travail remarquable. Seulement la diversité vit mieux à l’abri d’un marché fort. S’il y a moins de films américains, il sera moins fort et le soutien à la diversité risque de diminuer. Et puis, le cinéma français a une aura au niveau international. Avec le retrait potentiel du film américain il va y avoir une place à prendre, avec des films et des talents porteurs.
Siritz.com : Aujourd’hui les professionnels de notre cinéma se battent pour que les plateformes de S-VoD respectent nos règles du jeu et participent au financement de l’audiovisuel et du cinéma français, ce qui est tout à fait normal.
EM : Mais cela risque de transférer en partie le pouvoir de décision à Hollywood.
REPENSER LA LOI DE 1957
CinéscoopBENGANA KARIM D’ACCORD AVEC DENIS GOULETTE
« Les 3 Mousquetaires de l’audiovisuel » sont l’occasion pour ces mousquetaires de s’exprimer et de dialoguer sur Siritz.com.
BENGANA KARIM (réalisateur, scénariste et producteur).
https://www.unifrance.org/annuaires/personne/304318/karim-bengana
Tout à fait d’accord avec Denis Goulette. https://siritz.com/cinescoop/confusion-entre-vision-et-contribution-a/ Pour ma part, je pense qu’il faut repenser la loi de 1957 (modifié en 85 si je me souviens bien) pour les œuvres audiovisuelles.Dans les faits, l’existence d’un droit moral inaliénable et incessible reconnu aux auteurs, ne marche pas. Ils ont des droits patrimoniaux et les décisions artistiques sur les œuvres relèvent du rapport de force. Au vu des sommes engagées pour la création d’une œuvre audiovisuelle, l’auteur est-il en mesure de toujours faire valoir ses droits ? En effet, le danger est de mettre les œuvres au service de l’égo et non l’inverse.
Distinguer auteur de premier rang et auteur de second rang
J’ai toujours pensé que le principal auteur de l’œuvre audiovisuelle c’est l’œuvre audiovisuelle en elle-même qui dès lors qu’elle est en état de mise en production est soumise à des limitations induites par de multiples variables qui dépassent les exigences des personnes qui, dans le droit, sont désignés comme auteurs. Comment dès lors trancher entre les divers auteurs ?
Peut-être faudrait-il distinguer l’auteur de premier rang qui a une vision globale de l’œuvre et ceux qui l’accompagnent en vue de finaliser la conceptualisation globale du projet – auteur de second rang – mais qui deviendrait auteur de premier rang – si une unanimité de voix des auteurs de premier rang se faisait pour admettre les suggestions émises par ces personnes et ainsi permettre à l’oeuvre de prendre une nouvelle direction.
DENIS GOULETTE : L’ERREUR DE LA LOI DE 1957
Peu d’auteurs le savent, mais leur droit moral est paralysé de par la loi de 1957 tout le long de la production de l’œuvre. Seul le contrat peut protéger l’intégrité de leurs apports. Pas le droit moral. Le droit moral ne naît qu’une fois l’œuvre achevée. C’est d’ailleurs très intéressant de voir que, depuis 1957, il existe cette disposition, et pourtant la résistance qu’elle suscite. D’où la piste anthropologique de l’auteur unique pour tenter d’expliquer cette problématique. L’erreur de la loi de 57 a en revanche été de ne donner le final cut qu’au réalisateur et au producteur. En ce sens, elle n’est pas allée au bout de l’intention du législateur de paralyser le droit moral, et a contribué à entretenir le mythe de l’auteur unique.
BENGANA KARIM : LE FINAL CUT LAISSE DE CÔTÉ LE SCÉNARISTE DE L’OEUVRE
J’en ai conscience, car j’ai rédigé – il y a longtemps – un mémoire de DEA sur le droit moral des auteurs d’oeuvres audiovisuelles. Et j’ai effectivement constaté que ce fameux final cut – ou accord sur la version finale de l’oeuvre – laissait de côté le scénariste pourtant auteur de l’oeuvre. Sans doute est-ce dû à l’opiniâtreté d’un scénariste débutant, mais pourtant héros de la résistance – le père Bruckberger – qui s’opposa au premier film du grand cinéaste Robert Bresson. Dès lors, ce mythe de l’auteur unique – entretenu par la Nouvelle vague – ne serait-elle pas affaire de circonstance ?
DENIS GOULETTE : LA DIATRIBE DE BESSON
Distinguer auteur de premier rang et auteur de second rang
Pour aller plus loin et préciser l’origine (peu mise en valeur) de l’ostracisation du scénariste dans le processus de création, cette diatribe de Bresson devant les étudiants de l’Idhec en 55 – » Qu’est-ce que vous voulez faire ? Est-ce que vous voulez prendre la suite de vos aînés et faire des films avec des vedettes, des acteurs, des histoires écrites par les scénaristes ? » Il proclame dans ses Notes : « Il faut être beaucoup pour faire un film, mais un seul qui fait, défait, refait ses images et ses sons en revenant à chaque seconde à l’impression ou à la sensation initiale, incompréhensible aux autres, qui les a faits naître… » Le mal est fait !
BEGANA KARIM
Denis Goulette – l’acte fondateur d’un courant de pensée réduisant l’auteur à une personne… Et sans doute celle de la loi de 1957
DENIS GOULETTE
La réflexion doit se faire à la fois sur un terrain très pratique (paroles de scénaristes), mais aussi sur un terrain plus théorique. Car je vois très bien comment le droit d’auteur est enseigné en France. Et c’est aussi une des raisons à l’arrivée de juristes en boîtes de production qui n’ont absolument pas compris le processus en jeu lors de l’élaboration des contrats…
LA RÉMUNÉRATION D’ÉRIC BESNARD
CinéscoopPOUR LA RÉALISATION DE « L’ÉSPRIT DE FAMILLE »
Canal+ cinéma a diffusé dimanche 7 mars le 6ème film de Éric Besnard. Il avait déjà été diffusé par Canal+. https://fr.wikipedia.org/wiki/Éric_Besnard_(réalisateur)
C’est une comédie sortie en salle le 29 janvier 2020. https://fr.wikipedia.org/wiki/L%27Esprit_de_famille_(film,_2020)
Cinéfinances.info* a fourni les données financières de cet article.
Elle était produite par Pierre Forette et Thierry Wong (Ciné Nomine) et Vincent Roger (Same Player) pour un budget de 5,2 millions € et distribuée par Apollo Films.
Pour la préparation, 34 jours de tournage et la post-production la rémunération du réalisateur a été de 150 000 €, répartie en part égale entre salaire de technicien et à valoir sur droits d’auteur. C’est sensiblement plus que la moyenne des rémunérations de réalisateurs pour les films français sortis en 2020. https://siritz.com/financine/le-barometre-des-realisateurs-fin-octobre/
Il a, en outre, reçu 150 000 € pour le scénario. Le film a rassemblé 240 000 spectateurs.
Son précédent film était la comédie romantique « Le goût des merveilles », sorti en salle le 16 décembre 2015. https://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Goût_des_merveilles
Le film avait été produit par Patrice Ledoux (Pulsar Productions) pour 4,2 millions € et distribué par TF1DA/UGC.
Pour la préparation, 35 jours de tournage e et la post-production la rémunération du réalisateur a été de 242 000 €, dont 100 000 € de salaire de technicien et 142 000 € d’à valoir sur droits d’auteur et pour le scénario.
Le film avait rassemblé 258 000 spectateurs.
*www.Cinefinances.info est un site, accessible par abonnement, destiné aux professionnels du cinéma. Il publie le budget, le plan de financement et la répartition des recettes de tous les films français qui sortent (hors les films « sauvages » qui ne déposent pas leurs contrats au registre public et ne demandent donc pas l’agrément qui leur permettrait d’accéder à l’aide du CNC). Il dispose d’un puissant moteur de recherche multicritères et de 10 ans d’archives.
RÉMUNÉRATION DES RÉALISATEURS EN % DU BUDGET
FinanCinéBAROMÈTRE DES FILMS FRANÇAIS DE 2021
Hier a été publié le baromètre de des rémunérations fixes (salaire+ à valoir sur droits d’auteur) des réalisateurs de films français de fiction qui étaient datés pour sortir en janvier et février 2021.https://siritz.com/financine/les-remunerations-des-realisateurs-en-2021/
Le présent article concerne les rémunérations en pourcentage du budget initial du film.
Cinéfinances.info* a fourni les données financières de cet article.
Ces pourcentages vont de 0,9% à 5,3% de ce budget initial.
Les 0,9% sont ceuxde la comédie dramatique « Villa caprice », réalisée par Bernard Stora. https://fr.wikipedia.org/wiki/Villa_Caprice. Il correspondent à la préparation, 32 jours de tournage et la post-production. Le film est produit par Jean-Pierre Guérin (JPG) pour un budget de 3,2 millions € et distribué par (Bac Films).
Le pourcentage le plus élevé est de 5,3%. C’est la rémunération de Michèle Laroque pour la comédie « Chacun chez soi ».
Elle correspond à la préparation, 32 jours de tournage et la post-production. La réalisatrice en est aussi l’’interprète principale. Le film est produit par Alain Terzian (Alter Films) pour un budget de 6,7 millions € et distribué par Studio Canal. https://fr.wikipedia.org/wiki/Chacun_chez_soi_(film).
La rémunération moyenne est de 2,7% du budget initial. Il se trouve que c’est celle de la comédie « L’origine du monde » réalisée par Laurent Lafitte, adaptation de la pièce de théâtre du même titre de Sébastien Thierry. Elle correspond à la préparation, 40 jours de tournage et la post-production. Le film est produit par Alain Attal (Les Films du Trésor) pour un budget de 6,8 millions €. Il est distribué par StudioCanal.
La rémunération médiane est de 2%. C’est notamment celle de Baptise Drapeau pour « Messe basse ».https://www.unifrance.org/film/49306/messe-basse . Elle correspond à la préparation, 29 jours de tournage et la post-production. Le film est produit par Fabrice Lounas (Capricci films) pour 522 000 et distribué par Playtime Distribution.
*www.Cinefinances.info est un site, accessible par abonnement, destiné aux professionnels du cinéma. Il publie le budget, le plan de financement et la répartition des recettes de tous les films français qui sortent (hors les films « sauvages » qui ne déposent pas leurs contrats au registre public et ne demandent donc pas l’agrément qui leur permettrait d’accéder à l’aide du CNC). Il dispose d’un puissant moteur de recherche multicritères et de 10 ans d’archives.
CONFUSION ENTRE « VISION » ET « CONTRIBUTION À »
CinéscoopL’HYPOTHÈSE DE DENIS GOULETTE
Pour poursuivre l’analyse de Dominique Baron sur les rapports entre « Les mousquetaires de l’audiovisuel » Denis Goulette apporte la contribution d’un autre professionnel expérimenté. https://siritz.com/cinescoop/les-mousquetaires-de-laudiovisuel/
Il a en effet obtenu son master de propriété intellectuelle, puis travaillé 15 ans pour deux grands groupes audiovisuels en France (Telfrance et Tetra Media studio) https://siritz.com/le-carrefour/emmanuel-dauce-producteur-de-series/, les aidant à devenir des acteurs majeurs du secteur dans tous les genres (fiction, animation, documentaire, magazine, performance live). Pendant la même période et pendant 10 ans, il a été impliqué dans les questions syndicales en tant que secrétaire général de l’Association pour la promotion de l’audiovisuel.
Denis Goulette a été directeur général de la Writers Guild of France de janvier 2017 à octobre 2020. https://fr.wikipedia.org/wiki/Guilde_française_des_scénaristes
A propos de la notion de showrunner j’en profite pour émettre une hypothèse :
Et si les problématiques de coopération entre les différents intervenants à la production d’une œuvre audiovisuelle ou cinématographique venaient du référentiel et du mythe de l’auteur unique ?
Pourrait-on dire que l’arrivée du cinéma a conduit à une rupture anthropologique majeure dans l’art de raconter des histoires, rupture anthropologique qui comme telle doit mettre un certain temps pour pouvoir être surmontée ?
De la manière de raconter des histoires via la vision d’un auteur unique, faire un film est devenu l’art de raconter une histoire via la contribution singulière de nombreux intervenants à une vision commune, qui elle devrait être unique.
Et si, plutôt que des querelles de territoires, ce n’était pas plutôt l’absence de cadre à une concertation destinée à permettre de faire émerger et/ou partager une vision commune qui était à incriminer.
Mon sentiment est qu’il y a une confusion entre les notions de « vision » et celle de « contributions » à cette vision.
Je pense qu’il n’y a aucun souci pour que la « vision » puisse être portée à l’origine par l’un ou l’autre des intervenants, qu’il soit scénariste ou réalisateur ou même, pourquoi pas, producteur.
En revanche, toute la question est d’arriver à créer un consensus initial autour de cette vision, qui va ensuite permettre aux contributions individuelles des scénaristes, du réalisateur et même des comédiens via leur interprétation, de donner à cette vision une consistance unique.
Repenser le cadre de la collaboration de chacun des intervenants
Pour surmonter cette équation, il faut repenser le cadre de la collaboration de chacun des intervenants. Il n’est plus possible de faire intervenir le réalisateur aussi tard dans le processus d’écriture en télévision, tout comme il n’est pas possible d’exclure le scénariste du processus de production une fois le financement réuni. Le premier doit intervenir bien en amont, et le second doit pouvoir intervenir et être consulté jusqu’au montage. Les comédiens doivent pouvoir bénéficier de lectures réunissant scénaristes et réalisateur, permettant d’ajuster au mieux les scènes et dialogues à venir en fonction de leur jeu/je, sans que cela ne donne lieu par la suite à des querelles de paternité.
Le CNC a un rôle fondamental à jouer. Car si les producteurs ne sont pas incités financièrement à repenser le cadre de la collaboration de chacun, ces questions resteront de belles spéculations intellectuelles, d’intervenants martyrisés par le système.
Un film est une grossesse collective, et il serait temps de supprimer de notre loi le terme de « droit de paternité », pour lui préférer celle de « droit d’attribution » déjà adoptée par certains pays.
Enfin, il serait opportun de choisir un autre porte étendard que Beaumarchais, qui a certes fait des merveilles en son temps, mais conduit malheureusement aujourd’hui à perpétuer ce mythe de l’auteur unique et les querelles autour de l’attribution et du partage des droits.
DENIS GOULETTE
LES SÉRIE EN SÉRIES DE MARIE BARRACO
Le CarrefourSiritz.com : Série Séries, créé en 2012, est un Festival sans prix. C’est original.
Marie Barraco : En fait cette manifestation a été conçue avec les producteurs et les auteurs pour remplir un besoin, celui de disposer d’un lieu de rencontre et d’échanges autour de la création sérielle. Nous avons donc collectivement imaginé ce rendez-vous qui dure 3 jours et qui a lieu à Fontainebleau. https://www.serieseries.fr
Siritz.com : Elle vise le marché européen. Y-a-t-il eut dès le début tout le monde ?
MB : Dès le départ il y avait cette volonté de stimuler les créations et collaborations sur la zone Europe. Petit à petit il y a eu des pays que l’on avait peu identifiés qui nous ont rejoint. Notamment les pays de l’Est que l’on voit émerger de façon de plus en plus intéressante. Bien entendu, les britanniques ont toujours été très forts. Les nordiques n’ont cessé d’être actifs et créatifs.
Siritz.com : Dans les pays de l’Est lesquels sont en pointe ?
MB : La Croatie, la Bulgarie, la République Tchèque et récemment nous avons reçu plusieurs projets ukrainiens intéressants.
Siritz.com : La Russie fait partie de l’Europe ?
MB : Oui. On a eu quelques projets Russes.
Siritz.com : Et ils sont à quel niveau ?
MB : Plutôt ceux des pays de l’Est.
Siritz.com : Il y a un pays qui est à la frontière de l’Europe et qui est un grand producteur de cinéma : la Turquie. Est-ce la même chose pour les séries ?
MB : Dès la deuxième année on a fait un focus sur la Turquie. On avait déjà noté l’envol de la production en termes de quantité, de qualité, d’exportation et d’impact culturel dans toute la zone Moyen-Orient. Cela reste une production très dynamique, mais moins connectée à la création européenne que les autres. Néanmoins elle reste toujours très intéressante et on y jette un œil en permanence.
Siritz.com : Et Israël, qui n’est pas en Europe, mais qui a une production de très grande qualité, qui s’exporte partout et qui inspire la création dans tout l’occident ?
MB : Oui, on a fréquemment eu des projets israéliens et pas plus tard que l’année dernière. C’est un pays qui inspire beaucoup et qui a une manière de fonctionner passionnante. En Israël la création et le développement, l’attention portée à l’écriture sont fondamentaux et cela reste un exemple passionnant à mettre en avant et décrypter pour les européens.
Siritz.com : Quelles ont été les évolutions majeures de cette manifestation ?
Série séries est un évènement centré sur la création et consacré aux auteurs
MB : La manifestation en elle-même a peu évolué. Elle reste un endroit de rencontres et de réflexion qui reste à taille humaine et qui répond à une vraie demande du secteur. Donc son ADN est resté le même. Ce qui a évolué ce sont les événements autour. Il y a beaucoup plus de gros marchés, de festivals, de gros événements. Série séries s’en distingue parce que c’est un événement centré sur la création et consacré aux créateurs qui s’attache à représenter une source d’inspiration, de réflexion et de rencontres susceptibles de générer des collaborations créatives. Nous avons maintenu la taille de l’évènement pour préserver la qualité des échanges et de la convivialité, pour maintenir une facilité dans les interactions et les rencontres.
Siritz.com : Mais vous avez créé des manifestations autour.
MD : On a effectivement organisé des événement hors les murs. Notamment des événements bilatéraux en Europe, entre la France et un autre pays européen, qui ont un grand succès parce qu’ils sont très efficaces. Ça a marché très bien et tout de suite. On en a fait avec le Danemark, la Suède, la Grande-Bretagne, la Hollande, la Norvège. En 2018 par exemple on a vu la Norvège à Série Séries émerger nettement, se renouveler, se diversifier comme peu de pays de la zone, il était donc passionnant de s’y attarder. On a pu étudier comment ils avaient réussi à la faire évoluer à ce point et créer un point de rencontre privilégié entre les professionnels français et norvégiens. Série Séries à Fontainebleau représente toute la diversité de la création. Sur 3 jours il est complexe de vraiment creuser une tendance, les «Hors les murs » permettent de décrypter en profondeur et de renforcer les relations artistiques et commerciales entre les créateurs et les opérateurs de deux pays
Siritz.com : Combien de temps cela dure-t-il ?
MB : En général chacun dure 48 heures. Le principe est d’inviter les professionnels du pays choisi à venir présenter leurs œuvres à Paris, puis en retour de déplacer les français dans le pays en question, proposant une découverte mutuelle. L’année dernière on devait faire un événement en Bulgarie mais la Covid nous en a empêché. En tout cas cela évite de surcharger Série Séries, pour permettre aux professionnels d’avoir le temps de se rencontrer et d’approfondir certains sujets.
Siritz.com : Vous avez aussi créé Série Séries Kids.
MB : Oui, il y a 3 ans. C’est une émanation de Série Séries qui tourne autour des séries d’animation françaises. Mais l’ambition n’est pas d’être un point de contact entre professionnels, mais de proposer un temps d’échanges privilégié avec le public. Les équipes de création rencontrent le public dans des salles. Ça marche très bien. D’année en année on double la capacité d’accueil parce que nous jouons tous les ans à guichets fermés !
Siritz.com : Cela a lieu quand et où ?
On a créé un Série séries sur le marché africain
MB : Pendant Série Séries à Fontainebleau. Par ailleurs, on a créé Série Séries sur le continent africain. En 2018 on a organisé une première manifestation à Ouagadougou. Cela permet d’observer le succès de la production africaine, en partant de l’Afrique francophone. Ce sont des professionnels africains qui étaient venus à Fontainebleau qui ont décidé de décliner le modèle sur leur continent. La deuxième édition devait avoir lieu à Abidjan en 2020. On a été obligé de la reporter. Mais on annonce une édition de Série Séries Afrique en ligne dans 15 jours.
Siritz.com : Vous allez utiliser Zoom ?
MB : Non, on a un prestataire. On l’a déjà utilisé par Série Séries fin juin/début juillet 2020 On a développé une plateforme digitale, serieseries.tv. C’est une plateforme sur laquelle ont lieu les sessions. A date plus de 70h de contenus exclusifs produits par Série Séries y sont proposés et la mise en ligne de sessions tournées vers la création africaine va nous permettre de faire un pont Europe/Afrique et de créer du lien.
Siritz.com : Comment se fait le financement de la manifestation ?
MB : Les partenaires sont les mêmes depuis 10 ans. La région Ile de France en premier lieu, les collectivités locales, les sociétés d’auteur (SACD, Sacem, Procirep), France Télévisions. Des prestataires comme Transpalux. Des banques. Il y a en tout 35 partenaires. Et les professionnels eux-mêmes puisque les accréditations sont payantes.
Siritz.com : Pas le CNC ?
MB : Le CNC soutient Séries Stories, une initiative précise et identifiée en direction des auteurs au sein de Série Séries. Sur le budget global de l’événement cela représente moins de 5% du budget. Le CNC a fait le choix de concentrer son soutien sur la manifestation Séries Mania qui se tient dans les Hauts-de-France.
Siritz.com : Série Séries est un très bon point d’observation du marché. Quelles sont des grandes tendances de son évolution depuis 2012 ? D’abord, est-ce que le nombre de participants a augmenté ?
MB : On le limite volontairement. On a commencé avec 500 et aujourd’hui on est autour de 700. Il faut laisser une place centrale aux auteurs pour que la manifestation ne soit pas trop absorbée par la partie business. Il y a 35% de français et 65% d’européens.
Siritz.com : Et les évolutions des programmes ?
Valoriser les productions locales qui ont une ambition internationale
MB : La principale évolution, c’est le nombre des séries produites. En 10 ans, sur le continent européen, la croissance a été exponentielle. Et il y a des succès de plus en plus importants pour certaines. Par ailleurs, nous nous attachons à valoriser beaucoup les productions locales mais qui ont une ambition internationale. La diversité est de plus en plus grande, ce qui nous permet de faire un choix. Ainsi, on a présenté « Skam » au moment même de sa diffusion en Norvège, avant qu’elle ne devienne un phénomène. https://fr.wikipedia.org/wiki/Skam_(série_télévisée)
Cette série norvégienne visant les jeunes adultes a été adaptée en série franco-belge
On remarque aussi le développement de fiction en direction d’un public plus jeune, le développement de plus séries de genre. Et puis, avec la multiplication des productions, on note la volonté de cibler, c’est-à-dire de s’adresser à des publics différents.
Siritz.com : Auparavant on estimait qu’au-delà d’un certain budget il fallait monter des coproductions, pour partager ce budget entre plusieurs diffuseurs. Ce qui supposait de prendre des comédiens de ces différents pays, de multiplier les lieux de tournage. Est-ce que ce que vous venez de dire sur le fait que les fictions nationales de grande qualité, même chères, ont un véritable potentiel international change la donne ?
MB : Clairement, il y a une vraie prise de conscience de l’intérêt des productions locales pour toucher un public identifié, l’intérêt des plateformes internationales pour les productions locales est d’ailleurs très fort. Mais cela n’empêche pas les alliances et les coproductions. Les pays nordiques le font entre eux depuis longtemps et continuent. Même chose pour l’alliance entre France télévisions, ZDF et la RAI. Mais ce n’est pas parce qu’une production est typiquement locale qu’elle ne peut pas avoir un succès international.
Siritz.com : Un des phénomènes marquant de ces dernières années est le développement de Netflix. Quel effet cela a-t-il eu sur votre manifestation et sur le marché ?
Les services publics doivent se poser la question de leur responsabilité
MB : Il est évident que cela a élargi le marché. Cette concurrence est stimulante, elle ouvre de nouvelles opportunités aux créateurs. Cela force chaque diffuseur à se poser la question de sa vocation et de son positionnement dans l’écosystème. Il y a notamment une vraie question que doivent se poser les services publics. Dans leur raison d’être il y a une responsabilité particulière que nous aimons évoquer à Fontainebleau.
Siritz.com : En 2020 fin juin il y avait le confinement, les rassemblements étaient interdits Comment avez-vous fait ?
MB : On a pu organiser deux séances extérieures, dans la forêt de Fontainebleau. Et, entre mars et fin juin, on a pu mettre en place des outils qui nous ont permis de nous développer de manière virtuelle. Mais on a fait le choix de ne pas présenter de séries sur nos plateformes. Parce qu’on estime qu’un festival c’est le partage et la découverte des oeuvres en salle avec leurs équipes. On a laissé la possibilité aux équipes d’envoyer des liens si elles le souhaitaient. On s’est focalisés sur la parole donnée aux créateurs, et nous sommes consacrés à la présentation de sessions didactiques du même genre que celles que l’on fait en période normale : des études de cas, des masters class de talents, des interviews de décideurs, des modules autour des décideurs.
« Série séries émission » tous les 15 jours et le réseau de décideurs The link
Siritz.com : Mais désormais vous proposez des services tout au long de l’année.
MB : On a créé un une émission sur les séries, « Série Séries émission ». Il y a une émission tous les 15 jours qui donne la parole aux créateurs et aux interprètes. Et on a développé un réseau de décideurs européens, « The link ». Les professionnels y présentent leurs projets et discutent entre eux. Sur cette plateforme on fait des sessions en live. L’avantage de tout ça est que cela pérennise la parole des créateurs et permet de toucher un nombre plus grand de professionnels. Je suis heureuse que nous puissions proposer « à la demande » de belles interviews de créateurs emblématiques comme Russell T Davies.
Siritz.com : Cette année Série Séries se tiendra fin juin/début juillet comme les autres années. Vous pariez sur le déconfinement ?
MB : On a pris le parti de travailler toutes les hypothèses. Comme on sera l’été on va faire beaucoup de chose en extérieur. Mais notre infrastructure digitale existe. Personnellement je pense qu’il est illusoire de penser que l’on sera revenu à la normale, ne serait-ce que parce que les professionnels de tous les pays ne pourront voyager. Donc on se prépare à un événement hybride, avec des gens sur place, des gens à distance. Mais tous pourront dialoguer entre eux.
Nous mettons l’accent sur l’importance du trio scénariste, réalisateur, producteur
Siritz.com : En France il y a un débat un peu chaud dont Siritz.Com se fait l’écho, que l’on retrouve sur Facebook avec « paroles de scénaristes », sur les rapports entre scénariste, réalisateur et producteur. Est-ce que l’on trouve ce débat dans d’autres pays.
https://siritz.com/cinescoop/les-mousquetaires-de-laudiovisuel/
https://siritz.com/cinescoop/y-a-t-il-encore-un-realisateur-dans-lavion/
https://siritz.com/cinescoop/mais-ou-sont-les-3-mousquetaires/
https://siritz.com/le-carrefour/un-scenariste-met-les-pieds-dans-le-plat/
MB : Ce que je peux dire c’est que je n’ai pas vu d’initiative comme « Paroles de scénaristes » à l’étranger. Donc les rapports doivent être plus tendus en France, sans doute du fait de notre histoire. Évidemment, cela fait partie des sujets dont on a envie de s’emparer pour créer le dialogue. Le principe de Série Séries c’est de faire la preuve par l’exemple. Nous, nous mettons l’accent sur l’importance du trio scénariste, réalisateur, producteur. Si le trio ne fonctionne pas la qualité de la série s’en ressent. Quand il s’entend les résultats se voient.
Siritz.com : Ce sujet va être abordé par Série Séries de cette année ?
MB : C’est indispensable.
Siritz.com : Est-ce que ce débat en France ne vient pas de l’entrée des professionnels du cinéma dans le monde des séries. Car, dans le cinéma, l’auteur c’était le réalisateur. Dans le monde de la télévision c’était plus équilibré.
MB : C’est avant tout une guerre d’égos. La série est une œuvre collective et la place de chacun est essentielle. Mais en lisant les premières interventions dans « paroles de scénaristes », je me suis rendu compte à quel point cette question restait d’une grande actualité. J’avoue que j’ai été surprise que les choses aient finalement aussi peu évolué depuis la première édition de Scénaristes en Séries en 2005 où ces mêmes manques de dialogue avaient motivé la création du festival à Aix-les-bains. J’aurais espéré que les choses évoluent mieux et plus rapidement… De notre côté en tant que festival nous pouvons à minima continuer de proposer un espace de débat et mettre en avant les pratiques vertueuses. Les événements permettant l’échange et la discussion ont encore une bonne raison d’être.
LES RÉMUNÉRATIONS DES RÉALISATEURS EN 2021
FinanCinéOLIVIER BAROUX POUR « LES TUCHE 4 » EN TÊTE
Le site Cinéfinances.info* continue de publier les données sur les nouveaux films français produits en fonction de leurs dates de sortie initiale. A partir du mois de mars, il publiera les données des films dont la production est achevée, la plupart des distributeurs ne fixant plus de date de sortie éventuelles.
Voici, pour les mois de janvier et février 2021, la rémunération des réalisateurs de films français de fiction qui auraient dû sortir.
Comme on le voit ces chiffres sont tous inférieurs à ceux de 2020 pour les films qui sont effectivement sortis.https://siritz.com/les-barometres-de-la-distribution/remuneration-des-realisateurs-de-films-francais-de-fiction/
La plus forte rémunération est celle d’Olivier Baroux pour la comédie « Les Tuche 4″, pour la préparation,42 jours de tournage et la post-production. Il est produit par Richard Grandpierre (Eskwad) et distribué par Pathé. Mais sa sortie est d’ors et déjà reportée à Noël. Il s’agit à l’évidence d’un blockbuster et son producteur comme sont distributeur ont les reins assez solide pour attendre la meilleure date.
La rémunération moyenne correspond à peu près à celle de Benjamin Euvrad pour la comédie « Attention au départ », pour la préparation, 36 jours de tournage et la post-production. Il est produit par Frédéric Japy (Easy Movies) et distribué par SND.
La rémunération médiane correspond à la rémunération de Farid Bentoumi pour le drame « Rouge », pour la préparation, 20 jours de tournage et la post-production. Il est produit par Frédéric Jouve (Les films Velvet) et distribué par Ad Vitam.
En moyenne le salaire représente 52% de la rémunération et l’à valoir sur droits d’auteur 48%.
Dans cette période il n’y a que 4 documentaires annoncés, avec des rémunérations qui vont de 17 500 € à 28 530 €.
Siritz.com publiera ce baromètre tous les mois.
*www.Cinefinances.info est un site, accessible par abonnement,destiné aux professionnels du cinéma. Il publie le budget, le plan de financement et la répartition des recettes de tous les films français qui sortent (hors les films « sauvages » qui ne déposent pas leurs contrats au registre public et ne demandent donc pas l’agrément qui leur permettrait d’accéder à l’aide du CNC). Il dispose d’un puissant moteur de recherche multicritères et de 10 ans d’archives.
CINÉMA : L’HYPOTHÈSE DES ANNÉES FOLLES
ÉditorialLES DISTRIBUTEURS DEVRONT GÉRER L’ENCOMBREMENT DES SORTIES
Selon Roselyne Bachelot, la ministre de la culture, dans l’émission de Yves Calvi sur Canal+, les cinéma pourraient réouvrir cet été. Les négociations sur les conditions de cette réouverture devraient donc s’accélérer. Elles porteront sur le niveau des restrictions, comme des jauges à 50%, voir 25%, ainsi que sur la fixation de mesures barrières. Cette ouverture suppose en tout cas la disparition du couvre-feu, avec la question de savoir si, au départ, on ne limitera pas à une seule le nombre de séances de nuit. La concomitance avec l’ouverture des restaurants et des cafés est évidemment un enjeu très important.
Les expériences étrangères de réouverture confirment que ce retour à une vie normale va se traduire par une fringale de consommation, notamment de loisirs. Comme les années folles après la première guerre mondiale et la grippe espagnole. Comme les 30 glorieuses après la première guerre mondiale.
Mais cela ne signifie pas que tout sera encore mieux qu’avant. Car le cinéma français va devoir faire face à deux problèmes. En premier lieu l’encombrement de films français qui n’ont cessé d’être produits et n’auront pu sortir depuis 9 mois. Il devrait se situer entre 150 et 180. Ils s’ajouteront aux quelques quatre ou cinq nouveaux films français qui sortent en moyenne chaque semaine. Eric Marti, qui est un fin-connaisseur en la matière est sceptique sur la capacité des distributeurs à se mettre d’accord pour étaler les sorties. https://siritz.com/le-carrefour/eric-marti-lecons-de-la-pandemie/https://siritz.com/le-carrefour/eric-marti-lecons-de-la-pandemie/
Le second problème est celui de l’approvisionnement en films américains puisque certains Studios privilégient clairement le développement de leur plateforme. Or, normalement, les films américains représentent entre 50 et 55% des entrées des salles en France. https://siritz.com/editorial/s-vod-quelle-riposte-des-exploitants/
Aux États-Unis, Disney et Warner vont sortir leurs films simultanément en salle et sur leur plateforme c’est parce que de nombreuses salles seront encore fermées ou vont réouvrir avec des jauges très limitées. Mais si les salles ré-ouvrent en France, pourquoi Warner ne sortirait pas ses films en salle alors que HBO Max ne sera pas présent chez nous avant l’année prochaine. Quant à Disney sa stratégie est fluctuante : « Mulan », même en France où les salles étaient ouvertes, a été proposé aux seuls abonnés de Disney + en VoD Prime à 30 $ ou 30 €. Visiblement cela n’a pas été un succès, puisque, ensuite, son dessin animé de Pixar, « Soul » a été offert directement aux abonnés, sans supplément à payer. Enfin, Bob Chapek, le PDG du groupe vient d’annoncer que, aux États-Unis, que Disney va expérimenter une troisième formule : son nouveau dessin animé, « Raya et le dernier dragon », sortira simultanément dans un nombre limité de salle et en VoD Prime pour les abonnés de Disney+. https://fr.wikipedia.org/wiki/Raya_et_le_Dernier_Dragon
Pour l’instant rien n’est annoncé concernant la France. Mais Bob Chapek a reconnu ne pas être certain que l’on reviendra à la fenêtre d’exclusivité des salles d’avant la pandémie.
Donc, en fait, dans cette période où une grande partie des salles dans le monde sont encore fermées, ces deux studios semblent plutôt chercher le moyen d’amortir au mieux l’énorme investissement que constituent leurs films. Et les tatonnements de Disney indiquent que ni la diffusion directe sur Disney +, ni la VoD Prime réservée aux abonnés de la plateforme ne suffit. En outre, les distributeurs américains, comme les français, devront gérer une situation d’encombrement des sorties.
Pour l’instant certains exploitants américains semblent accepter la sortie simultanée. Mais, eux aussi savent que la période est exceptionnelle et que chacun doit « faire avec ». Néanmoins l’encombrement des sorties va les mettre en situation de force par rapport aux distributeurs.
Enfin, en France, pendant la fermeture des salles, quand le cinéma français va affronter la crise de l’encombrement, le montage de nouveaux films ne sera-t-il pas rendu plus difficile ? Car, sans distributeur aucun financement n’est bouclé. Et la plupart des distributeurs vont attendre d’avoir sorti leurs films avant de s’engager sur de nouveaux.
MAIS OÙ SONT LES 3 MOUSQUETAIRES ?
CinéscoopLE MARKETING DOIT ÊTRE AU SERVICE DE LA FICTION ET NON L’INVERSE
La noblesse de Jean Aurenche en fin d’épisode 2 résumait une digne évidence pour résister aux producteurs hiérarchiques et aux monarques du “temps de cerveau disponible“, qui ne parlent que de « marques, personnages constitutifs et fédérateurs, FRDA-50, sujets non segmentants, inspirationnels, identificatoires et transgénérationnels ». Oh là, on se calme ! https://siritz.com/cinescoop/les-mousquetaires-de-laudiovisuel/ .
https://siritz.com/cinescoop/y-a-t-il-encore-un-realisateur-dans-lavion/
On est tous d’accord à 100% sur l’évidence qu’on ne peut pas faire une bonne série sans penser au public. Mais comment faire comprendre aux oligarques qu’on ne peut pas réussir une fiction si on ne pense qu’au public ?! Le marketing doit être au service de la fiction, et non l’inverse…
Portos, Athos, Aramis mais aussi d’Artagnan !
Alors, une belle fiction, c’est l’œuvre de trois mousquetaires : Porthos, un producteur créatif et battant, Athos, un scénariste d’envergure, et Aramis, un réalisateur expérimenté. J’ajoute aussi un d’Artagnan potentiel, le conseiller de programmes passionné et cultivé (il y en a) qui défendra leur projet au palais du diffuseur face aux vigiles armés du marketing d’audience. Les mousquetaires soudés génèrent une créativité collective au service d’une série ou d’un film. Mais attention : aucun d’eux ne doit se prendre pour le cardinal de Richelieu ou la Milady de Winter et s’approprier les décisions…
Le vrai bon modèle est celui d’Un Village français, avec le duo d’origine Jean-François Boyer-Emmanuel Daucé, devenu un quatuor avec Frédéric Krivine et Philippe Triboit, soudés comme des mousquetaires, d’où le titre du feuilleton. Rêvons un peu ,mais ne serait-ce pas une belle variante du showrunner version française avec un final cut collectif ? https://fr.wikipedia.org/wiki/Un_village_français
Le village français est un modèle
https://siritz.com/le-carrefour/emmanuel-dauce-producteur-de-series/
Et pour ceux qui douteraient encore de l’entente nécessaire, lisez Anne Landois, directrice d’écriture récompensée d’un Emmy Award 2015 pour Engrenages. En évoquant le développement de sa série La Promesse qui a triomphé en janvier 2021 et qu’elle a dirigée comme scénariste, showrunneuse et coproductrice, elle avait dit : « Aujourd’hui, nous avons besoin de travailler ensemble. Je prépare le tournage d’une minisérie que je produis pour TF1 et je travaille main dans la main avec la réalisatrice. Nous échangeons beaucoup en respectant la place de chacune. Nous avons besoin l’une de l’autre. »
Générique de fin. Arrêtons les duels de territoires
Coluche disait « La hiérarchie, c’est comme les étagères, plus c’est haut, plus c’est inutile ». La fiction anglaise ou scandinave ignore le bonapartisme hiérarchique à la française. Les mots d’Anne Landois et la réussite mondiale de certaines de nos séries nous prouvent que la France en est capable. Une évidence qui devrait être prioritaire dans notre fiction de la décennie qui commence.
Alors, arrêtons les guéguerres de territoires. Cessons de vouloir nous mettre les uns les autres sous bracelet électronique. Amis scénaristes, oubliez vos frustrations, résistons ensemble. Ou réalisez, certains d’entre vous le font avec joie et talent. Amis diffuseurs et producteurs ambitieux, soyez artistiques, replacez l’audace en tête de liste devant l’audience et les dividendes, et vous serez gagnants car les trois sont compatibles. Amis réalisateurs de télévision, résistez en séries. Amis du cinéma, partagez avec élégance votre talent sans négliger les scénaristes et réalisateurs de télévision.
Brisons ce mur germanopratin entre le cinéma 7ème art et la fiction de télévision qui ne serait que de la série B, un sous-genre avec des “téléastes“. Le scénariste de télévision n’est pas un ersatz, et le réalisateur de télévision qui tourne en 9 jours un épisode 52’ avec un incendie de forêt ou un film de 90’ en 20 jours dans la savane, est souvent bien plus aguerri qu’un cinéaste qui aurait 30, ou 35 jours ! Les talents sont partout. D’impressionnantes mini-séries audacieuses dépassent en écriture et mise en scène bien des films de “cinéma pop-corn“ endormis sous la couette de leurs subventions.
Enfin, partageons notre créativité avec un peu d’humour en préférant le “show-rieur“ (showrunner en québécois) au “show-râleur“ (showrunner en parisien). Et donnons surtout plus souvent les commandes aux “show-reinettes“ créatives, calmes et expérimentées.
Respectons-nous. Unissons nos associations et syndicats pour apaiser les aigreurs et surtout pour éradiquer les arnaques ou les horreurs humaines que racontent les témoignages du site Paroles de Scénaristes. Cessons de nous “désister“, il n’y a qu’une lettre à changer pour passer à “résister“.
Pour paraphraser Stéphane Hessel plus que jamais d’actualité dans le monde actuel :
« Résister ensemble, c’est créer. Créer ensemble, c’est résister ».
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PS : Pardon de cette chronique au masculin, je n’aime pas l’écriture inclusive, mais il y a beaucoup de productrices, scénaristes (mot “épicène“ mixte) et réalisatrices qui ont du courage et un grand talent !
DOMINIQUE BARON
Y-A-T-IL ENCORE UN RÉALISATEUR DANS L’AVION ?
CinéscoopLES MÉFAITS DU RAPPORT CHEVALIER
En 1960, apparition des feuilletons télé, qui passent en couleur en 1967. Le premier gros succès est Janique Aimée en 1963. Des réalisateurs éminents de télévision profitent du flux Nouvelle Vague pour prendre le pouvoir comme au cinéma. Mais quoi qu’en disent certains, cela s’éteint dans les années 2000 avec l’invasion des séries et la chute des œuvres unitaires (hors collections) aujourd’hui tombées à 12%. Car, à l’inverse du territoire du showrunner qui s’élargit logiquement, celui du réalisateur se rétrécit en télé, où il est de plus en plus menotté, sauf s’il vient du cinéma avec sa notoriété. Pourquoi ? https://siritz.com/cinescoop/les-mousquetaires-de-laudiovisuel/
La première raison est commerciale : invasion des séries et collections 52’ et 90’ qui imposent aux réalisateurs télé ce dont les scénaristes non showrunners souffrent déjà, à savoir l’interventionnisme qui génère la dépendance, et parfois une autocensure qui satisfait diffuseurs et producteurs.
Le rapport Chevalier en 2011 : pas de réalisateur parmi les auteurs
La deuxième raison est technocratique. Le rapport Chevalier de 2011, titré “Le défi de l’écriture et du développement“, censé trouver des pistes pour relancer la fiction en crise, fut rédigé sans réalisateurs. https://www.cnc.fr/documents/36995/145478/rapport+de+la+mission+Chevalier+sur+la+fiction+française.pdf/7a5e3269-8b84-cc43-b88b-c73272e219b7. Seul le scénario compterait et le développement d’une série n’aurait pas besoin du réalisateur ! Mais qui oserait faire un rapport sur la crise de l’Assistance Publique sans y associer les urgentistes ?! Le ministre 2011 Frédéric Mitterrand, ayant lui-même réalisé, s’en excusa. Mais le mal était fait. L’avis nécessaire du réalisateur de terrain en fin de l’écriture (version tournage), et son apport artistique évident dans les premiers épisodes d’une série, étaient officiellement ignorés. Tristesse…
La dignité et le talent des auteurs, scénaristes et réalisateurs
Marcel Achard aurait apprécié ce rapport qui oubliait la mise en scène avec son « tandem exclusif scénariste-producteur » (sic), rapport qui est déjà dépassé et ne défend pas plus les scénaristes. Il n’a pas su empêcher leur sous-estimation, leur sous-rémunération, ni anticiper l’importance du showrunner qui dérange des producteurs en mal d’autorité et qui négligent parfois sans élégance le “tandem“.
On l’a vu sur une série récente très médiatisée où la production a refusé aux deux scénaristes d’origine la direction artistique et une coproduction justifiée, c’est-à-dire le showrunning. Double peine pour les deux auteurs de base déjà injustement négligés dans la promotion médiatique et qui se retrouvent interdits d’un showrunning indispensable pour la suite de la série ! Comme dit l’un d’eux meurtri à juste titre : « La production nous l’a fait miroiter et n’a pas respecté ses promesses. Nous avons notre part de responsabilité. Après 25 ans de métier, croire encore en la parole d’un producteur, il faut être idiot ! ». Heureusement, ça n’est pas universel…
Retour au sujet. Il est évident que rien ne peut naître sans scénario. Lapalissade. Mais la réalisation n’est pas anodine, même en série industrielle. Témoignage d’un jeune réalisateur mélancolique : « Je suis content de tourner mais triste d’être ubérisé comme un coursier car même dans l’épisode lambda 225, que deviendrait le scénario sans mon travail avec les acteurs, mon découpage, le choix des optiques, des mouvements de caméra, le sens de l’image ? Un regard que je suggère au comédien peut changer une scène, même sur un feuilleton express à petit budget. C’est ça, ma réalisation. »
Il est soutenu par le grand Sidney Lumet : « Sur la base fondatrice du scénario, le réalisateur maîtrise la technique, la grammaire des caméras, le temps de tournage, mais surtout l’ensemble des facteurs de beauté et d‘émotion de chaque scène : l’harmonie des personnages avec les décors et les objets, la profondeur focale, l’ombre et la lumière, l’équilibre entre technique et artistique. Un silence, un geste, l’émotion d’un regard, peuvent ennoblir une scène banale. Seul le réalisateur a cette compétence ! »
Et pour ceux qui, malgré ces dignes citations, ne saisissent toujours pas la part d’auteur du réalisateur, ajoutons Jean Aurenche, grand auteur avec qui j’ai eu la chance de débuter quand j’étais scénariste novice. Bien qu’injustement critiqué par la Nouvelle Vague, il n’a jamais basculé dans l’aigreur à la Marcel Achard et m’a dit un jour où nous parlions à l’apéro d’harmonie artistique : « Si je découvre en projection une scène que je n’ai pas écrite et dont je suis ému, j’en remercie le réalisateur »…
Jean Aurenche nous ravit par son élégance, qui est loin d’être universelle dans la guerre des égos. La passion d’écrire, qu’elle soit au clavier, à la caméra, ou les deux, ne survivra que dans l’harmonie du noble trio formé avec des producteurs créatifs et éthiques, à l’inverse de la production évoquée plus haut, qui a confisqué le showrunning aux scénaristes adaptateurs d’origine pour ménager des réalisateurs cinéma de notoriété, et peut-être économiser des séances personnelles en thérapie…
DOMINIQUE BARON
(à suivre le 6 mars , épisode 3 : Mais où sont les 3 mousquetaires ?)
ERIC MARTI : LEÇONS DE LA PANDÉMIE
Le CarrefourSiritz.com : Est-ce qu’en Europe il y a des pays où les salles n’ont pas fermé depuis un an ?
Eric Marti : Il y a des pays où les salles n’ont pas fermé. En Scandinavie, en Suède ou en Russie où elles ont fermé très peu de temps. En Russie elles n’ont fermé que quelques semaines au printemps dernier. Ensuite, il y a des situations très différentes entre la première et la deuxième vague. Aujourd’hui aux Pays-Bas, en Allemagne et en Autriche les salles sont fermées. Mais au Luxembourg elles ont fermé fin octobre et ré-ouvert depuis la mi-janvier alors qu’elles restent fermées en Belgique et en France. A partir du printemps dernier, l’Espagne à ré-ouvert dans certaines régions. Alors que le Portugal vient de refermer.
Siritz.com : Et le Royaume-Uni ?
EM : Ils sont complétement fermés depuis Noël et le sont restés. Ils annoncent leur réouverture pour le 17 mai.
Siritz.Com : Mais les majors américaines ont repoussé la date de sortie de la plupart de leurs films parce qu’ils font des sorties mondiales. Dans les pays qui sont restés ouverts, sans les films américains, quelle a été la fréquentation ?
Les succès sont venus des films locaux
EM : La fréquentation dépend de la capacité de la production locale à attirer le public. Il y a eu tout de même quelques blockbusters comme « Dr Dolittle » de Universal en Russie. Et puis il y a eu « Tenet » de Warner , notamment en France, « Scooby ! » chez Warner et « Les Trolls 2 : Tournée Mondiale» chez Universal ou encore « Wonder Woman 84 », également de Warner, dans certains territoires en début d’année. Mais les succès sont venus des films locaux.
Siritz.com : Par exemple.
68% de part de marché
EM : Et bien, quand l’Espagne a ré-ouvert, est sorti « Padre No Hay Mas Que Uno – 2 », la suite d’un film qui avait eu beaucoup de succès l’année d’avant, et que les producteurs ont décidé de sortir l’été, malgré la réticence du distributeur, Sony. Il a eu un succès exceptionnel, réalisant 68% de part de marché la semaine de son démarrage. Les Pays-Bas ont ré-ouvert en même temps que la France, l’été dernier, mais ont beaucoup mieux marché que nous parce qu’ils ont eu trois films locaux qui ont immédiatement été de gros succès. Deux comédies et « Bigfoot Family », film d’animation Belgo-français, qui est sorti trois semaines avant la France et qui a très bien marché. Et en France on a eu « Les Blagues de Toto », « 30 Jours Max », « Tout Simplement Noir » et « Antoinette dans les Cévennes » qui ont relancé la fréquentation, même si on n’a pas retrouvé les niveaux d’avant.
Siritz.com : Mais il y a peu de succès locaux.
EM : Quand il n’y a pas ces succès on est à moins 88/90% ! A noter qu’en Russie ils sont à moins 33% sur les premières semaines de l’année 2021 parce qu’ils ont eu deux très beaux succès locaux en février : un film d’action et une comédie.
Siritz.com : Et en Chine. Ils ont fermé ?
EM : Ce qui est caractéristique en Chine, c’est le nouvel an chinois qui dure 10 jours début février, avec une gigantesque circulation de population puisque les familles se réunissent. En 2019, le pays a connu un record avec un box-office de 892 millions $ pendant ces fêtes En 2020, les cinémas étaient fermés, donc zéro. En 2021, les salles étaient ouvertes et le box-office de janvier a été seulement 1% inférieur à celui de 2019. Les professionnels se sont dit : on devrait pouvoir faire 75% à 90% de la période du nouvel an de 2019. Or le marché a fait un bond de +30%, pour atteindre 1,2 milliards $.
Siritz.com : Il y avait des limitations de jauge ?
EM : A 75% sur tout le pays et à 50% sur certaines provinces du nord, dont Pékin, du fait d’une résurgence de Covid. Mais il y avait une très forte limitation sur les voyages et les familles ne pouvaient se retrouver. Les gens ont dû rester chez eux et le premier loisir était le cinéma. En outre il y a eu une augmentation moyenne du prix du ticket de 12%.
Siritz.com : Et des pays comme la Corée, l’Australie et la Nouvelle-Zélande qui ont très bien contenu la Covid ?
EM : La Corée a eu un confinement et des fermetures sur des périodes très courtes. Quelques semaines. Puis cette année, une semaine. Et l’Australie et la Nouvelle-Zélande n’ont fermé que quelques jours. Mais il y a une différence très forte entre les trois pays, c’est la dépendance au film américain. Sans film américain, les marchés d’Australie et de Nouvelle Zélande s’effondrent. La Corée programme des films coréens, japonais et chinois. C’est comme la France en Europe : ils sont très ouverts. Donc, sans films américains, ils s’en sont plutôt bien sortis. Mais, depuis le début de l’année, ils sont à moins 85% par rapport à l’année dernière alors que l’Australie et la Nouvelle-Zélande sont à – 55 et -50%.
Siritz.com : Comment ça s’explique ?
EM : « Wonder Woman 1984 », « The Croods : A new Age » et un film australien « The Dry », ont dynamisé le box-office en Australie comme en Nouvelle-Zélande, qui en outre n’ont pratiquement pas fermé, alors que la Corée a fermé une semaine et a imposé des limitations de jauge très strictes.
Siritz.com : L’Inde est, en quantité, le principal pays producteur. Comment ça s’est passé chez eux.
EM : Ils ont tout fermé. Et, début janvier ils ont tout ré-ouvert avec une jauge à 50%. Dans certaines villes la jauge a été levée immédiatement. Aujourd’hui la limitation de jauge est une exception.
En France ce sont les multiplexes de 10 écrans et plus qui ont le plus soufferts
Siritz.com : A partir de ces chiffres qu’est-ce qu’on peut dire sur la dépendance au film américain. Parce que, sauf exceptions, les studios ont décidé de retarder la sortie de leurs films, voire de les diffuser directement sur leurs plateformes de S-Vod. En France, en période normale de film américain c’est 50 à 55% de la fréquentation, le film français de 35 à 40%. Quelle a été la situation en Europe ?
EM : Il y a un pays où la production nationale a une part de marché de 55%, c’est la Turquie. Ils ré-ouvrent leurs salles le 1er avril. En France, le marché normal est à 200 millions d’entrées ou plus. Si les studios américains mettent une partie de leurs films directement sur leurs plateformes, on risque de tomber à 150/170 millions d’entrées. Quand les salles ont ré-ouvert en France on a vu que ce sont surtout les gros établissements, les multiplexes de 10 écrans et plus, qui ont le plus souffert.
Siritz.com : Parce qu’ils sont tirés par les blockbusters américains.
EM : Mais même la semaine de « Tenet », ils étaient en léger retrait. https://siritz.com/editorial/les-salles-de-cinema-en-grand-peril/
Siritz.com : Parce qu’il n’y avait pas la continuation d’autres blockbusters.
EM : Donc, première conséquence d’une diminution de films américains, le marché baisse un peu. Les professionnels allemands ont observé la même chose. Les exploitants qui faisaient de l’art et essai populaire en centre-ville ont bien marché.
Siritz.com : Mais la baisse des multiplexes de périphérie avait déjà commencé. Le cinéma est de plus en plus un loisir de proximité.
« Detective China town 3 » plus gros démarrage sur un seul pays, battant « Avengers-Endgame »
EM : En Europe oui. Moins dans les pays du Golfe et en Amérique Latine. En Europe cela risque de s’accélérer s’il y a moins de films américains. Mais le changement le plus marquant s’est produit en Chine : « Detective Chinatown 3 » a réalisé le plus gros démarrage pour un premier jour et un premier week-end sur un seul pays, battant le record de « Avengers – Endgame » aux États-Unis. Cela devrait amener les studios américains à réfléchir. D’abord parce que le premier marché mondial c’est la Chine. Et les producteurs chinois ont appris à faire des films qui marchent aussi bien, et même mieux que les films américains. https://www.ecranlarge.com/films/news/1366888-detective-chinatown-3-plus-fort-quavengers-endgame-au-box-office
Record historique d’un démarrage dans un territoire
Siritz.com : Quel était la part de marché des américains ?
EM : Elle était de 50%. Aujourd’hui les observateurs estiment que le maximum sur lequel ils pourront compter c’est 40%. Cela veut dire que, dans la négociation des trois fondamentaux que sont la date de sortie, la combinaison et le taux de location, le rapport de force ne va plus être le même. Si les studios américains perdent des parts de marché ils ne seront plus dans la même position vis-à-vis des exploitants et de leurs concurrents distributeurs.
Siritz.com : Quelle est votre analyse de ce que sera la politique des grands studios si et quand les salles seront revenues à une ouverture normale, disons l’année 2022 ?
EM : Mon impression c’est qu’il y a un choix qui a été fait par trois des principaux studios, Disney, Warner et Universal. Les trois ont changé de patron et ont décidé de mettre l’accent sur les plateformes. Universal appartient à Comcast. Bob Chapek, chez Disney, veut être le champion de l’ère digitale et mise sur Disney+. Warner appartient à ATT et l’objectif est de relancer HBO Max. https://siritz.com/editorial/s-vod-quelle-riposte-des-exploitants/ Le patron de Sony les a mis en garde : on ne sait pas rentabiliser un film de 200 millions € sur une plateforme. La MGM et Broccoli ont cherché par tous les moyens à vendre à 600 millions $ le nouveau James Bond. Ils n’ont pas trouvé d’acheteurs.
Siritz.com : Donc il y aura moins de films américains.
Les studios voudront privilégier leurs plateformes
EM : C’est probable, pendant quelques années les studios voudront privilégier leurs plateformes. Surtout si le day and date reste interdit dans certains pays comme la France.
Siritz.com : Mais sortir sur une plateforme en même temps que la salle c’est la mort des salles. C’est comme si on vendait le livre de poche en même temps que l’édition broché. Le chiffre d’affaire des éditeurs et des libraires s’effondrerait.
EM : Oui, mais sans l’édition brochée, il n’y a pas de livre de poche. De toute façon il faudrait savoir comment Disney sur « Soul » ou Warner sur « Wonder Woman 1984 » peuvent récupérer leur investissement avec les abonnés de leurs plateformes. Rapporté à un film, ce sont quelques centimes que l’on récupère sur chaque abonnement.
Siritz.com : Universal n’a pas choisi la S-VoD, mais la Vod Premium à 20 ou 30$. « Trolls : World Tour » aurait réalisé 100 millions $. Mais en France la P-VoD c’est tout à fait marginal.
EM : Les 100 millions $ ont été annoncés par l’actionnaire Comcast, sans mesure indépendante. Cela reste donc un résultat à valider. En outre, cela n’a concerné que l’exploitation aux États-Unis. En France, le film est sorti en salles, avec succès d’ailleurs.
Siritz.com : Mais Netflix va diffuser 71 films en 2021, dont certains à 150 millions € de budget.
Dans certains marchés les studios auront du mal à récupérer leur part de marché
EM : Certes, mais il faudra bien qu’à un moment ils s’assurent que cette politique dégage une réelle rentabilité. Et, entre temps, les industries locales fortes, comme la Chine, seront capables de rivaliser avec Hollywood en termes de « production value ». Et dans les territoires où ça sera le cas les américains auront du mal à récupérer leurs parts de marché. Si un jour ils considèrent qu’ils ont absolument besoin de la salle pour amortir leurs films, ils ne retrouveront pas nécessairement les mêmes capacités d’amortissement.
Siritz.com : Et en France ?
EM : Il y a deux marchés qui se côtoient. Le marché des blockbusters américains et des très gros films français, qui drainent un public important vers les multiplexes. Et le marché des films indépendants, qui sont exposés mais qui ne suffisent pas à remplir les multiplexes.
Siritz.com : Mais, à partir de cette analyse, que faut-il faire ?
EM : Il serait peut-être opportun de soutenir nos champions nationaux, Pathé, UGC, Gaumont, CGR, Studio Canal, Metropolitan, SND, etc… Il faut être capable de faire des « blockbusters » à la française et prendre la place des absents. On devra aussi certainement s’interroger sur la limitation pour un exploitant de rajouter des écrans pour un film qui marche très bien. Dans les multiplexes on limite à 2 écrans par film. En France il y a 10 000 films programmés chaque semaine sur 5 000 écrans. En proportion, en Chine c’est l’inverse. https://www.ecranlarge.com/films/news/1366888-detective-chinatown-3-plus-fort-quavengers-endgame-au-box-office
En tout cas pour les studios, priorité à leurs plateformes
EM : Au niveau des Studios on est effectivement dans une grande phase de recrutement d’abonnés pour les plateformes. Et il y a aussi Apple, Amazon Prime, Paramount en plus de Warner, Disney et Netflix. Ça fait beaucoup. Ils sont tous en train de recruter pour avoir la base la plus forte. Or, on sait que le coût de recrutement est forcément élevé. Quand il y en aura trois dominants et que le marché sera stabilisé, ils pourront proposer à leurs abonnés, de manière exceptionnelle, de la P-Vod.
Siritz.Com : Ce que Disney+ a fait avec « Mulan » et ça a été un échec retentissant.
EM : Oui, parce qu’ils étaient en train de recruter des abonnés et leur demandait soudain un supplément. Pour « Soul », ils l’ont inclus directement dans l’offre Disney+ sans surcoût. Amazon pourrait parfaitement proposer un événement particulier, par exemple un match de boxe, en direct et en P-VOD, puis en replay quelques jours après pour les abonnés. Donc, les différents modèles peuvent se combiner sur une même plateforme. Mais l’enjeu est d’avoir la plus forte base d’abonnés possible.
Siritz.com : Aux États-Unis, Universal et l’exploitant AMC ont passé un accord novateur : 17 jours d’exclusivité pour les salles, puis en Vod sur laquelle AMC a un pourcentage.
EM : C’est très intéressant parce que cela permet beaucoup de souplesse. AMC dès le premier jour sait combien le film va faire et les 17 jours peuvent être rallongés. Ou bien ils peuvent décider de partager les revenus de la VoD sur un film. Ils se donnent la possibilité de voir au cas par cas. C’est une vraie innovation.
Siritz.com : Mais pourquoi est-ce que la VoD est tellement plus importante aux États-Unis ?
EM : Parce que la couverture du territoire par le réseau de salles n’est pas aussi dense qu’en France. Et ils ont travaillé surtout les jeunes adultes, les 15-30 ans et délaissé le très jeune public de 4 à 13 ans et le public plus mûr. Maintenant ils se rattrapent pour ce public, mais dans certaines villes moyennes il n’y a pas de salles.
Siritz.com : Peut-on tirer d’autres leçons de ces expériences ?
EM : Ce qui est frappant c’est que quand ils ont ré-ouvert, les pays où la fréquentation a le mieux repris sont ceux qui ont ouvert sur tout le territoire, comme la France ou les Pays-Bas. Pour les autres, comme l’Espagne, l’Allemagne ou le Royaume-Uni, cela a été beaucoup plus difficile.
Siritz.com : Oui, parce que les distributeurs veulent des sorties nationales. Aux États-Unis 60% des salles étaient fermés.
EM : Oui, surtout des marché directeurs comme New-York et Los Angeles.
Ceux qui ont les reins assez solides pour attendre tireront leur épingle du jeu
Siritz.com : Mon site Cinéfinances.info qui publie le budget, le plan de financement et la répartition de recettes de tous les films français parle chaque semaine de plusieurs nouveaux films dont la production est achevée. C’est incroyable l’embouteillage qu’il y aura quand les salles vont ré-ouvrir. Plusieurs centaines de films.
EM : Il faut avoir un banquier compréhensif.
Siritz.Com : Mais il va falloir que les distributeurs optimisent les sorties pour que des films se ressemblant ne sortent pas la même semaine.
EM : Malheureusement, je crains que cela soit difficile. Seuls les distributeurs ayant un film très fort pourront attendre pour sortir sur une date à fort potentiel. « Detective Chinatown 3 » devait sortir au nouvel an 2020 et ses distributeurs ont pu attendre le nouvel an 2021. Donc, la capacité à ne pas se précipiter va être essentielle. Ceux qui ont les reins assez solides pour attendre tireront leur épingle du jeu. N’oublions pas qu’en France, ce sont les plus gros succès qui payent en partie, par les aides sélectives, les frais d’édition de plus petits films.
Siritz.com : C’est ce que remarquait un scénariste anonyme dans ce blog. https://siritz.com/le-carrefour/un-scenariste-met-les-pieds-dans-le-plat/
EM : Mais beaucoup de ces distributeurs indépendants font un travail remarquable. Seulement la diversité vit mieux à l’abri d’un marché fort. S’il y a moins de films américains, il sera moins fort et le soutien à la diversité risque de diminuer. Et puis, le cinéma français a une aura au niveau international. Avec le retrait potentiel du film américain il va y avoir une place à prendre, avec des films et des talents porteurs.
Siritz.com : Aujourd’hui les professionnels de notre cinéma se battent pour que les plateformes de S-VoD respectent nos règles du jeu et participent au financement de l’audiovisuel et du cinéma français, ce qui est tout à fait normal.
EM : Mais cela risque de transférer en partie le pouvoir de décision à Hollywood.