Le cinéma est-il un service culturel de première nécessité ?

La fréquentation de la semaine qui s’ouvre ce lundi fournira des indications essentielles sur la place du cinéma dans la vie quotidienne des français. En outre, il déterminera le choix des distributeurs sur les dates de sortie de leurs films dans les semaines et les mois à venir.

En effet, après  trois mois de confinement, la question est de savoir si les français vont hésiter à retourner dans les salles alors que le Coronavirius rôde encore. Ou vont-ils tout simplement reprendre le cours de leurs habitudes. A moins qu’ils ne se précipitent dans les salles obscures pour compenser ce long sevrage d’un service de première nécessité. Or, un  sondage de Médiamétrie la semaine dernière, pointe nettement vers  cette dernière hypothèse. Il prévoit en effet que 18,7 millions de français affirment avoir l’intention d’aller au cinéma dans les 4 semaines qui viennent.

https://www.mediametrie.fr/fr/j-5-avant-le-retour-en-salles-quelles-intentions-pour-les-4-prochaines-semaines

A comparer avec 2018 et 2019

Ces 18,7 millions d’entrées sont à comparer avec les entrées de juin et de juillet des deux années précédentes. En 2019, qui a été une année de forte fréquentation, avec plus de 213 millions d’entrées, il y avait eu 12,47 millions d’entrées en juin et 18,23 millions  en juillet. En 2018, qui, avec 201,2 millions d’entrées, avait été plus représentative des 10 dernières années, il y en  avait eu 10 millions  en juin et 13,94 millions en juillet. En outre, ce qui est également encourageant, c’est que le pourcentage a augmentė de 4% par rapport au sondage de la semaine dernière.

Ces résultats sont à priori logiques, parce que la fréquentation dépend avant tout de l’offre. Or, trois locomotives françaises reprennent leur exploitation stoppée par le confinement. Alors que le mois de juin n’est pas habituellement celui de ces locomotives. «La bonne épouse», distribué par Mémento films, avait, en 4 jours d’exploitation en mars, et alors que l’on parlait d’un confinement imminent, rassemblé 171 000 spectateurs. «De Gaulle», distribué par SND, avait rassemblé 512 000 spectateurs la semaine précédente, et 83 000 au cours de sa deuxième semaine de 4 jours. Ces deux films bénéficiaient en outre de bonnes critiques et d’un excellent bouche à oreille.

Enfin, la franchise « Ducobu 3 », distribuée par UGC, qui vise principalement les jeunes,  a été arrêtée en 5ème semaine. Elle avait déjà atteint 1,466 millions d’entrées, dont 69 000 les 4 derniers jours.

Des chiffres élevés. Mais qui sait ?

D’ailleurs, le sondage de Médiamétrie indique que « De Gaulle » sera vu en priorité par 13% des français qui retourneront au cinéma, «Ducobu 3 »par 8% et » La bonne épouse » par 6%. Si on appliquait mécaniquement ces chiffres, cela donnerait 2,3 millions de spectateurs supplémentaires pour « De Gaulle », 1,4 millions pour  « Ducobu 3 » et un million pour « La bonne épouse ». Des chiffres qui, si on les ajoute à ceux dėjà enregistrés, apparaissent très élevés. Mais qui sait ?

Normalement, les entrées d’un film à succès chutent de 35 ã 40%  la seconde semaine. Une évolution qui n’est qu’apparente, car les chiffres de la  première semaine sont gonflés par de nombreuses  avant-premières les semaines précédentes. C’est pourquoi le pourcentage de baisse se ralentit les semaines suivantes.

Il est vrai que ces trois films ont un handicap : le gros de leur promotion a eu lieu il y a plus de trois mois. Mais il se peut qu’assidus et réguliers aient conservé le souvenir de ce qu’ils  avaient l’intention de voir.

Quoi qu’il en soit, particulièrement significative sera, dès les premiers jours, la fréquentation de « De Gaulle » et de « La bonne épouse ». Prenons « De Gaulle », par rapport aux quelques 300 000/350 000 entrées de ce qu’aurait été une deuxième  semaine normale. En tenant compte du fait que celle-ci aura 9 jours et que, 83 000 entrées ont déjà ėtė engrangées en  deuxième semaine. Ce qui complique un peu le calcul.

Des craintes

Certains font remarquer que, la capacité des salles étant  rėduite, cela va réduire la fréquentation. Mais la FNCF a évité la réduction de 50% de la jauge. Et, à part certains soirs, notamment le week-end, ou le dimanche après-midi, les salles sont rarement pleines. En outre, à ce stade, les salles ne ploient pas sous le nombre de films. Un écran pourra donc être rajoutė sans trop de difficulté pour un film véritablement porteur. Par ailleurs, les mesures de nettoiement sanitaire vont rėduire le nombre de séances. Il y aura sans doute une séance à 19h30 plutōt qu’une ã 20h et une autre à 22 h. Mais les spectateurs qui veulent voir un film sauront s’adapter à ces conditions. Et, si nécessaire, le  film pourra, là encore,  bénéficier de deux ėcrans avec des horaires dėcalės.

Certains distributeurs indépendants craignent justement de voir le nombre  séances de leur film réduites et confinées aux mauvais horaires.  Mais, compte tenu des films actuellement programmés on en est loin. Pour l’instant  la prėoccupation des exploitants est plutôt de ne pas manquer de films.  D’ailleurs, n’oublions pas que, cet été, le nombre de « blockbusters » américains, sortant sur beaucoup d’écrans, sera réduit. Il semble qu’il n’y en aura que deux. Mais si, compte tenu d’une fréquentation élevée et du soutien automatique renforcé, plusieurs films français porteurs étaient finalement avancés, les grands exploitants seraient alors tenus de respecter leurs engament å l’égard de la distribution indépendante.

En tout cas, si le sondage de Médiamétrie se révélait exacte, cela voudrait dire que le cinéma, c’est à dire un film dans une salle, est bien un service culturel de première nécessité pour les français. Après la catastrophe qui a frappé le secteur  ce serait une nouvelle particulièrement réconfortante.

« I’m just a gigolo », un échec après plusieurs gros succès

Dimanche soir Canal+ a diffusé « I’m just a Gigolo ». Sorti en 2019, c’est le 10ème film réalisé par Olivier Baroux. Le budget du film, produit par Eskwad  (Richard Grandpierre) et Chapter 2 (Dimitri Rassam), était de 10,3 millions €.

Cinéfinances.info*  a fourni les données financières de cet article

Il s’agit d’une adaptation de la comédie américaine « How to be a latin lover », jamais sortie en France. Les droits on été acquis pour 520  000  €. Le scénario a été co-écrit par Olivier Baroux et Kad Mérad, le principal interprète, pour 400 000€.

Pour 41 jours de tournage, la rémunération d’Olivier Baroux réalisateur est de 709 000 €, dont 350 000 € en à-valoir sur droits d’auteur et 359 000 € en salaire.  C’est très au-dessus de la rémunération moyenne des réalisateurs français en 2019. https://siritz.com/les-barometres-de-la-distribution/la-remuneration-des-realisateurs-des-films-francais-sortis-en-2019/ Mais Olivier Baroux est un habitué des grands succès.

Mais ce film a été un gros échec puisque, sorti sur 412 copies, il n’a rassemblé que 282 000 entrées.

Un échec après plusieurs gros succès

Le  précédent film du réalisateur était « Les Tuche 3-Liberté, égalité, fraternituche », sorti en 2018, et dont le budget était de 13 millions €. Il était produit par Eskwad et Pathé Films. Il  avait rassemblé 5,587 millions de spectateurs. Sa rémunération avait été de 800 000 €, répartie en part égal entre à-valoir sur droits d’auteur et salaire de réalisateur.

Le budget de  « Les Tuche 2-Le rêve américain », sorti en 2016, était de 15,2 millions . La rémunération d’Olivier Baroux pour 51 jours de tournage était de 650 000 €, dont 350 000 € d’à-valoir sur droits d’auteur et 300 000 € de salaire. Le film avait rassemblé 4,6 millions de spectateurs.

Voir aussi :

https://fr.wikipedia.org/wiki/Olivier_Baroux

*www.Cinefinances.info est un site, accessible par abonnement,  destiné aux professionnels du cinéma.  Il publie le budget, le plan de financement et la répartition des recettes de tous les films français qui sortent (hors les films « sauvages » qui ne déposent pas leurs contrats au registre public et ne demandent donc pas l’agrément qui leur permettrait d’accéder à l’aide du CNC). Il dispose d’un puissant moteur de recherche multicritères et de 10 ans d’archives.

L’adaptation contemporaine de cette pièce à succès, avec un fort casting, n’a pas rassemblé le public attendu

Canal+ diffuse vendredi 19 juin, pour la première fois, « Le Dindon ».  Cinéfinances.info*  a fourni les données financières de cet article. Voir aussi : https://siritz.com/cinescoop/la-remuneration-de-jalil-lespert/

Ce sont Cinéfrance Studios (Etienne Mallet et Julien Deris) et Pathé Films qui ont produit cette adaptation de la pièce de Feydeau, en la situant à la période contemporaine. Et ce,  pour  un budget de 14 millions €. Il s’agit d’une coproduction franco-belge. La part française est de 83%. 

Les deux producteurs délégués français ont investi 2 millions € en numéraire. Ils ont également mis en participation 356 000 € de salaire producteur sur 580 000 € et 259 000 € de frais généraux sur 784 000 €. Plus rare ils ont investi en participation 260 000 € sur 1,1 millions d’imprévus. France 2 est coproducteur pour 750 000 € de numéraire. En revanche, le crédit d’impôt, qui doit être de l’ordre de l’investissement en numéraire, n’a pas été pris en compte.

La région Ile de France a accordé une subvention de 480 000 € et les placements de produits ont été estimés devoir rapporter 100 000 €.

Canal+ a pré-acheté le film pour 1,883 millions € et Multithématiques pour 334 000 €.

France 2 a pré-acheté 2 passages du film : un premier pour 750 000 € et un second pour 600 000€. Ce qui laisse à penser que la télévision publique y croyait beaucoup.

Pathé Films est distributeur, avec tous les mandats. A ce titre, la société a donné un minimum garanti de 3,5 millions €. « Le Dindon » est sorti le 25 septembre 2019 sur 693 copies. Il n’a rassemblé que 256 000 spectateurs. C’est évidemment un échec très important pour ce distributeur. Il entre dans la catégorie des « fausses martingales » que sont souvent  les comédies à fort casting : https://siritz.com/les-barometres-de-la-distribution/la-fausse-martingale-pour-le-succes-dun-film/

Le  Belgique  est coproductrice pour 2,4 millions € (17%), par le producteur Artémis (Patrick Quinet), qui a généré 2,27 millions € de Tax shelter.

*www.Cinefinances.info est un site, accessible par abonnement,  destiné aux professionnels du cinéma.  Il publie le budget, le plan de financement et la répartition des recettes de tous les films français qui sortent (hors les films « sauvages » qui ne déposent pas leurs contrats au registre public et ne demandent donc pas l’agrément qui leur permettrait d’accéder à l’aide du CNC). Il dispose d’un puissant moteur de recherche multicritères et de 10 ans d’archives.

La rémunération de Jalil Lespert

« Le Dindon », que Canal + diffuse le vendredi 19 juin, a été réalisé par Jalil Lespert. C’est le 5ème long métrage de celui-ci, qui a eu une longue carrière de comédien. Il est produit Pathé et Cinéfrance. Il est distribué par Pathé Film. Son budget est de 14 millions €.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Jalil_Lespert

Cinéfinances.info*  a fourni les données financières de cet article.

Pour ce film (voir aussi https://siritz.com/financine/le-dindon-un-couteux-echec/) dont la durée de tournage a été 35 jours et dont le budget était de 14 millions €, sa rémunération a été de 445 5000, répartie à part égal entre à-valoir sur droits d’auteur et salaire de technicien réalisateur. Il a participé à l’écriture de l’adaptation de la pièce de Feydeau avec Guillaume Gallienne qui est l’un des principaux interprètes du film. Cette adaptation a été rémunérée 300 000 €.

Le précédent film réalisé par Jalil Jaspert était « Iris »,  produit par Wy Production (Wassimi Beji). Il était sorti en 2016. Sont le budget était de 8 millions €. Pour 35 jours de tournage sa rémunération avait été de 200 000 €, répartie à part égale entre à-valoir sur droits d’auteur et salaire de technicien réalisateur. Il avait co-écrit le scénario avec trois autres scénaristes et ce scénario avait été rémunéré 160 000 €.

Le film « reconnu » par Pierre Berger sur le grand couturier

« Yves Saint-Laurent », sorti en 2014, avait également été produit par Wy Productions. Son budget était de 12 millions €. Pour 41 jours de tournage la rémunération de Jalil Lespert était de 220 000 €. Là encore, il avait co-écrit le scénario qui avait été rémunéré 240 000 € . Pour le  sujet, sur les relations amoureuses du couturier et de Pierre Bergé, qu’il a apporté  et qui a reçu le soutien de ce dernier, il a touché 90 000 €. Le film avait rassemblé 376 000 spectateurs.

*www.Cinefinances.info est un site, accessible par abonnement,  destiné aux professionnels du cinéma.  Il publie le budget, le plan de financement et la répartition des recettes de tous les films français qui sortent (hors les films « sauvages » qui ne déposent pas leurs contrats au registre public et ne demandent donc pas l’agrément qui leur permettrait d’accéder à l’aide du CNC). Il dispose d’un puissant moteur de recherche multicritères et de 10 ans d’archives.

OCS avant Canal+

Jeudi 18 juin, Canal+ rediffuse, sur Canal+ décalé, « Sauver ou périr », réalisé par Frédéric Tellier. Le film était sorti en salle en novembre 2018. Fait assez rare, il s’agit d’un deuxième passage sur la télévision payante, OCS ayant pris le premier passage. Voir aussi : https://siritz.com/cinescoop/la-remuneration-du-realisateur-frederic-tellier/

Les données financières de cet article ont été fournies par le site Cinéfinances.info*

C’est Single Man Productions (Julien Madon) qui a produit le film, pour un budget de 6,5 millions €. Cette société a investi 1,088 millions € en numéraire et 52 000 € en soutien financier.  Mais elle a aussi mis en participation 350 000  des 371 000  de frais généraux.

Par ailleurs, une seconde société de production de Julien Madon, Labirynthe films, a investi 150 000 € en coproduction. De même, le distributeur Mars films (Stéphane Célérier), a investi 100 000 € en fonds de soutien. France 3 Cinéma est coproducteur pour 400 000 €, dont 250 000 € en numéraire et 150 000 € en soutien financier. Deux soficas adossées ont  investi 450 000 € et un pool de soficas 550 000 €. Enfin, les recettes provenant de placements de produits sont évaluées à 80 000 €.

OCS a acquis le premier passage de télévision payante pour 1,6 millions €. (27% du budget). Et Canal+ le second pour  313 000 €. Enfin Multithématiques a pré-acheté les passages suivants pour 70 000 €.  Donc, l’apport totale des chaînes à péages représente de 33% du budget. Ce cumule des trois sociétés est élevé si on le compare au cumul habituel de Canal+ et de Multithématiques : https://siritz.com/les-barometres-de-la-distribution/combien-canal-et-multithematiques-achetent-conjointement-les-films-cinefinances-info-fournit-achats-en-pourcentage-du-devis/. Enfin, France 3 cinéma a pré-acheté le passage télévision gratuite 500 000 €.

Mars Films était le distributeur du film et avait un mandat pour les salles, la vidéo et l’international. Le minimum garanti était de 450 000 € et le film était sorti dans 340 salles. Ce fut un gros succès pour le distributeur, puisqu’il a rassemblé 1,014 millions de spectateurs.

A noter que la Belgique est coproducteur à 4% et a apporté 276 000 €.

Voir aussi :

https://fr.wikipedia.org/wiki/Sauver_ou_périr_(film)

 www.Cinefinances.info est un site, accessible par abonnement,  destiné aux professionnels du cinéma.  Il publie le budget, le plan de financement et la répartition des recettes de tous les films français qui sortent (hors les films « sauvages » qui ne déposent pas leurs contrats au registre public et ne demandent donc pas l’agrément qui leur permettrait d’accéder à l’aide du CNC). Il dispose d’un puissant moteur de recherche multicritères et de 10 ans d’archives.

Son deuxième film pour le cinéma a été un succès

«Sauver ou périr », que Canal+ décalé présente ce soir (voir aussi https://siritz.com/financine/le-montage-financier-de-sauver-ou-perir/?preview=true&_thumbnail_id=2231), est le deuxième film réalisé par Frédéric Tellier pour la cinéma. 

Cinéfinances.info* fournit les données qui permettent une analyse financière de la rémunération de ce dernier.

Le film est sorti en 2018. Il avait, depuis 2003, réalisé plusieurs films et séries pour la télévision.   « Sauver ou périr » avait un budget de 6,5 millions €. Pour 41 jours de tournage, la rémunération de Frédéric Tellier a été de 122 000 €, répartie en 62 000 € d’à-valoir sur droits d’auteur et 60 000 € de salaire de technicien. Il a participé à l’écriture du scénario qui a été rémunéré 53 000 €.

Le film a été un succès et a rassemblé plus d’un million de spectateurs.

6 ans d’enquête et 3 ans pour écrire le scénario

Le premier long métrage de cinéma du réalisateur, « L’Affaire SK1 » était sorti en 2015. Il avait été produit par Labyrinthe films (Julien Madon). Le tournage avait pris 8 semaines. La rémunération de Frédéric Tellier avait été de 100 000 €, répartie à part égal entre à-valoir sur droits d’auteur et salaire de technicien.

Le film traitait de l’affaire du tueur en série Guy Georges. Frédéric Tellier a fait une enquête de 6 ans sur le sujet. Puis  il a co-écrit le scénario avec deux autres auteurs. L‘ensemble de ce travail est rémunéré 120 000 €.

« L’Affaire SK1 » avait rassemblé près de 400 000 spectateurs.

Voir aussi : 

https://fr.wikipedia.org/wiki/Frédéric_Tellier

www.Cinefinances.info est un site, accessible par abonnement,  destiné aux professionnels du cinéma.  Il publie le budget, le plan de financement et la répartition des recettes de tous les films français qui sortent (hors les films « sauvages » qui ne déposent pas leurs contrats au registre public et ne demandent donc pas l’agrément qui leur permettrait d’accéder à l’aide du CNC). Il dispose d’un puissant moteur de recherche multicritères et de 10 ans d’archives.

Comme l’avait préconisé notre Editorial du 30 mars

Le CNC, a décidé d’augmenter le soutien automatique à la production, la distribution et l’exploitation. Dès le 22 juin et jusqu’au 30 août.Or, c’est ce que l’Editorial de Siritz.com du 30 mars préconisait. https://siritz.com/editorial/pour-faire-redemarrer-les-salles-de-cinema/

Mais il suggérait de faire financer cette mesure par une taxe exceptionnelle de solidarité sur le chiffre d’affaires de la S-Vod. En effet, selon l’Hadopi, le nombre d’abonnés  de la S-VoD avait augmenté de plus de 30% en un an, notamment  du fait du confinement.  https://siritz.com/les-barometres-de-la-distribution/boom-de-la-s-vod-en-un-an/

Cette activité a donc particulièrement bénéficié de la crise sanitaire, à la différence de toutes les autres activités culturelles et, notamment, du cinéma.

Mais, en tout état de cause, cette taxe aurait supposé le vote d’une loi par le Parlement et l’ordre du jour de celui-ci était déjà suffisamment encombré. En outre, le gouvernement préfère sans doute traiter du cas de la S-VoD à l’occasion de la transposition de la directive SMA. C’est donc le Trésor qui va fournir cette ressource au CNC.

Certes, la taxe que nous suggérions aurait procuré une recette de plus d’une vingtaine de millions € par mois, permettant de financer une augmentation de 50% du soutien automatique. Ce n’est pas le cas de celle financée par le Trésor qui ne concerne que les premières tranches du soutien.

Néanmoins, ce supplément sera tout de même une incitation des distributeurs à sortir leurs films au plus vite, pour bénéficier de cette recette supplémentaire. Car, si la fréquentation était inférieure à ce qu’elle serait en temps normal, la recette par place de cinéma sera augmentée. Et, rien ne dit que les spectateurs assidus et, aussi, les réguliers, ne vont pas se précipiter au cinéma dont ils ont été sevrés depuis 3 mois.

Voir le détail de la mesure :

https://www.lesechos.fr/tech-medias/medias/cinema-des-mesures-pour-inciter-les-films-a-sortir-en-salle-cet-ete-1215858

Un montage financier sans chaîne au départ

Mercredi OCS Max diffuse « L’incroyable histoire du facteur Cheval ». Ce film, réalisé par Nils Tavernier, était sorti en janvier 2019. Produit par Fechner films (Alexandra Fechner), sont budget était de 5 millions €.

https://fr.wikipedia.org/wiki/L%27Incroyable_Histoire_du_facteur_Cheval

Les données financières de cet article sont fournies par Cinéfinances.info.*

Voir aussi : https://siritz.com/cinescoop/la-remuneration-de-nils-tavernier-realisateur/

Le producteur délégué a investi 1,189 millions € en numéraire et 821 000 € de crédit d’impôt à venir. Il a mis en participation ses 302 000 € de frais généraux. A noter que, dans le budget, il ne s’est pas attribué de salaire producteur. 3 coproducteurs sont également intervenus en numéraire : la société niçoise EMG (Flora Giaccobi)  pour 1,2 millions €; le distributeur SND (Thierry Desmichelle) pour 500 000 € et  Rhône-Alpes cinéma  pour 300 000 €.

La région PACA a attribué une subvention de 100 000 € et le département de la Drôme de 50 000 €. Le CNC a accordé une aide aux nouvelles technologies de 120 000 €.

Le véritable facteur Cheval

Enfin, SND a pris le film en distribution pour les mandats salle, vidéo et étranger hors Bénélux. Le film a été un  succès en salle, puisque, sorti sur 382 copies, il a rassemblé 782 000 spectateurs. En outre,  la Belgique est coproductrice (par Fechner Belgique) à 5%

A noter que ce montage financier n’inclut aucune chaîne. Le passage sur OCS constitue donc un financement supplémentaire qui doit être de l’ordre du million €. Et, compte tenu de son succès en salle et de son sujet, le film sera très probablement vendu à une chaîne gratuite. 

www.Cinefinances.info est un site, accessible par abonnement,  destiné aux professionnels du cinéma.  Il publie le budget, le plan de financement et la répartition des recettes de tous les films français qui sortent (hors les films « sauvages » qui ne déposent pas leurs contrats au registre public et ne demandent donc pas l’agrément qui leur permettrait d’accéder à l’aide du CNC). Il dispose d’un puissant moteur de recherche multicritères et de 10 ans d’archives.

Dans « L’incroyable histoire du facteur Cheval », en progression par rapport au précédent film

Nils Tavernier est le réalisateur de « L’incroyable histoire du facteur Cheval » qu’OCS Max diffuse ce mercredi. C’est son troisième long métrage de fiction. Il a également réalisé 4 documentaires.  Comme son précédent film, « De toutes nos forces », c’est une autobiographie. Son premier long métrage de fiction « Aurore » était sorti en 2006. Avant de devenir réalisateur, comme son père, Bertrand Tavernier, Nils Tavernier avait été comédien. Voir : https://siritz.com/financine/lincroyable-histoire-du-facteur-cheval/

Voir aussi : https://fr.wikipedia.org/wiki/Nils_Tavernier

Les données financières de cet article sont fournies par Cinéfinances.info*.

Le film a un budget de 5 millions €. Et il a rassemblé 782 000 spectateurs. Son tournage a duré 36 jours. La rémunération  de Niels Tavernier a été de 121 000 €, dont 61 000 en à-valoir sur droits d’auteurs et 60 000 € de salaire de techhnicien. C’est un peu moins que la moyenne des rémunérations des réalisateurs de films français sortis en 2019. Mais supérieur à leur rémunération médiane : https://siritz.com/les-barometres-de-la-distribution/remuneration-des-realisateurs-de-films-francais-de-fiction/

90 000 € pour « De toutes nos forces »

A titre de comparaison, pour « De toutes nos forces », son précédent film, la rémunération de Nils Tavernier réalisateur avait été de 90 000 €. Elle était répartie en 60 000 € d’à-valoir sur droits d’auteur et 30 000 € de salaire de technicien. Par ailleurs, il avait co-écrit le scénario avec Laurent Bertoni. Le film, sorti en 2013, était produit par Nord-Ouest Films (Christophe Rossignon et Philip Boëffard).

Jacques Gamblin est l’interprèterez principal des deux derniers films de Nils Tavernier

*www.Cinefinances.info est un site, accessible par abonnement,  destiné aux professionnels du cinéma.  Il publie le budget, le plan de financement et la répartition des recettes de tous les films français qui sortent (hors les films « sauvages » qui ne déposent pas leurs contrats au registre public et ne demandent donc pas l’agrément qui leur permettrait d’accéder à l’aide du CNC). Il dispose d’un puissant moteur de recherche multicritères et de 10 ans d’archives.

Siritz : Dans un précédent Carrefour vous me disiez que le développement durable était un sujet important pour votre  Association de chefs décorateurs de cinéma. Mais comment cela peut-il concerner le tournage des films ? https://siritz.com/le-carrefour/lesthetique-du-film-est-reellement-partagee/

Michel Barthelemy : La transition écologique est totalement incontournable pour toute l’industrie, donc également pour le secteur de la Culture.  Donc, que l’on soit en période de préparation, en tournage ou en post-production, on doit chercher les moyens d’améliorer nos usages et fonctionnements. 

Siritz : La prise de conscience de ce problème est nouvelle ?

MB : La connaissance du problème n’est pas nouvelle. Des études en Californie, il y a déjà une quinzaine d’années, avaient mis en évidence l’impact négatif de notre industrie qui était apparue comme l’une des plus polluante de cet Etat. Depuis, la Californie et Hollywood se sont mobilisés pour infléchir la tendance. Et donc, ont mis en place des dispositifs pour le développement durable : quand une production américaine vient travailler en Europe, elle demande aux productions exécutives de s’engager dans cette voie d’éco-responsabilité. En France pour l’instant, la sensibilisation fait son chemin. Et pourtant tout reste à faire. 

Siritz : C’est à dire ?

MB : Le développement durable est évidemment un enjeu important de notre époque. Et pour l’heure, on est encore dans le discours et assez peu dans l’action. Les avancées sont timides, malgré la volonté des institutions nationales et européennes. Malgré des textes et décrets sur le sujet, il y a plus d’effet d’annonce que d’investissements réalisés et de réel engagement politique. Cependant, c’est un dossier complexe et  il faut bien réfléchir avant d’agir.

L‘an passé, on a eu droit à des incantations journalistiques communicant sur le fait que le « cinéma passe au vert », et glosant sur les gâchis impensables qui serait générés par notre secteur.

Le cinéma est un microcosme de l’industrie française

Siritz : C’est faux ?

MB : Il y a du vrai, nous sommes sans doute légèrement en retard par rapport au BTP ou même à l’événementiel. Mais, dans la réalité, nous sommes représentatifs, car le cinéma est comme un microcosme de l’industrie française, nous utilisons les mêmes circuits commerciaux et industriels. Donc,  en résumé, si nous ne sommes pas véritablement engagés sur la voie du développement durable, c’est que c’est toute notre économie et industrie qui ne le  sont pas assez. La plupart des filières sont en retard ou débordées (traitement des déchets-recyclages, par exemple). Il y a du greenwashing, et surtout très peu de budgets alloués à la désirée transition écologique. Pour Ecoprod par exemple, structure  qui est censée nous accompagner, au niveau de la Région IDF, vers des comportements plus « verts », le budget annuel est totalement famélique.

Cependant il faut évoluer dans ce contexte, et même si les obstacles et freins sont nombreux, ça vaut vraiment le coup de promouvoir l’éco-responsabilité, qui passe par l’éco-conception, la formation, la prise en compte des conditions de travail, d’hygiène et de sécurité, et de transport.

On pourrait être un laboratoire d’expérimentation

Siritz : De quelle manière ?

MB : Nos problèmes sont ceux de l’industrie en général, mais la façon dont nous travaillons est visible, notre calendrier est court, ce qui permet de cibler assez rapidement ce qui peut clocher dans nos pratiques. On en ferait un laboratoire d’expérimentation. En tant qu’intermittent, on est déjà un laboratoire en terme de sociologie du travail, du fait de la flexibilité exemplaire de nos professions. Du point de vue écologique, on peut regarder précisément quelles sont les bonnes et les mauvaises pratiques, même si, parfois, on doit choisir entre mauvaises et moins mauvaises (les transports par exemple). Et on peut voir comment on peut changer les process, avec un raccourci saisissant, puisqu’on élabore et on construit très vite, on « consomme » (on tourne) très vite. Et après, on démonte, on démolit, et on doit gérer les déchets : tri, incinération, enfouissement. Ou alors, déconstruction et réemploi.

Siritz : Il y a des processus que l’on pourrait appliquer à tous les films ?

MB : Oui. C’est surtout une évolution de mentalité pour nous tous, nous avons conscience du problème, mais maintenant nous devons avoir des actions concrètes.

Les difficultés, c’est que nos projets sont des prototypes, et du coup, les recettes plus vertueuses ne valent pas forcément pour tous les cas de figure. D’autre part, certaines disciplines utilisent beaucoup de produits pétrochimiques pour lesquels nous n’avons pas encore d’alternatives – (sculpture-moulage-prothèses de transformations-fabrications spéciales). Enfin, il faut être conscient que notre univers, depuis l’enfance, est plastique, et pétrochimique, que notre électricité est produite à base de nucléaire, ou de charbon suivant les pays, et que « verdir » notre environnement industriel est une tâche colossale.

Il faut plusieurs vies pour nos matériaux

Siritz : Donnez un exemple de mauvaises pratiques.

Michel Barthelemy : Je vais plutôt parler de bonnes pratiques,. Exemple : dans les années 80, on a laissé tomber le réemploi de panneaux, dits « feuilles décor ». Anciennement, dans chaque studio, il y avait un stock de panneaux aux dimensions répertoriées, avec lesquels on montait la base des décors. Dans les années 80, par exemple pour le bois,  on a considéré qu’il valait mieux que l’on consomme à fond, qu’on achète du bois neuf, qui sera débité et transformé, puis jeté. Dans ces années-là, l’idée c’était qu’il fallait dynamiser les filières commerciales, arroser tous les intermédiaires qui margeaient tour à tour, ça faisait « tourner le business ». Mais, d’un point de vue écologique, c’est du gâchis, car cela présuppose des matériaux à foison, de faire fi de la déforestation, etc… Or, on sait maintenant que nos ressources s’épuisent, et que, même s’il s’agit de matériaux dits « renouvelables », et qu’il y a des filières mieux gérées et labellisées, tous les procédés de fabrication, de transformation et de transport ont une lourde empreinte carbone. Donc, il faut maintenant être plus « frugal » et promouvoir le ré-emploi, plusieurs « vies » pour nos matériaux, c’est un des axes de l’éco-conception.

Siritz : Frugal, c’est à dire ?

MB : Concevoir plus modeste. Avec des matériaux plus verts, en circuit court, planifier en amont un démontage qui permet de déconstruire et de favoriser le ré-emploi ou le tri pour recyclage, tout en restant créatifs, inventifs. Une écologie joyeuse !
Il y a beaucoup d’efforts, de progrès et d’investissements massifs à faire dans ces domaines, et nous avons besoin de réponses industrielles pour de nombreux points, ce qui rejoint ce que j’ai dit plus haut :  nous sommes à la traîne, car il faut d’une part promouvoir les produits « verts », pour que leurs coûts baissent, et d’autre part, investir massivement dans la recherche et le développement, dans les transports, le traitement des déchets et  le compostage industriel. Mais également, il faut  mettre en place des investissements significatifs dans la recherche pour des matériaux alternatifs aux produits d’origine fossile, pétrochimiques, toxiques, non recyclables. Et cela peut prendre du temps, car, dans l’évaluation des nouveau matériaux, il y a l’aspect de la  « scalabilité », c’est-à-dire le changement d’échelle entre l’étude expérimentale d’un matériau nouveau et la réalité, l’impact d’une production industrielle de ce produit.

Passer à l’éco-conception demande un changement de mentalité

Siritz : Par exemple ?

MB : Exemple ? nous produisons des bio-plastiques, à base d’amidon de maïs et fibres végétales. Nous en avons d’ailleurs présenté en démonstration, avec une impression 3D, au dernier Salon « The Production Forum 2020 » au Parc Floral de Vincennes, sur un stand co-animé par Ecoprod et notre groupe de travail Ecodeco.  Mais, s’il fallait remplacer tous les plastiques d’origine pétrochimique existants par du bio-plastique de maïs, il faudrait capter toute la production mondiale de maïs. Et puis on dit que ce bio-plastique est compostable. Mais, en fait, il faut le composter industriellement, et les circuits n’existent pas encore vraiment. Ou encore, on considère comme verts des matériaux qui sont épuisables, et dont la transformation est très polluante.  Parce qu’on sait les recycler et qu’ils ont plusieurs « vies ». Mais, pour la Planète, c’est toujours beaucoup de pollution (aluminium, polystyrènes, ciments, etc…). Bref, c’est complexe.

Siritz : Alors concrètement, comment faire ?

MB : Passer à l’éco-conception demande un changement de mentalité pour les décoratrices-décorateurs, pour l’équipe du bureau de dessin, pour les responsables de la construction, et réclame également le soutien de la production. On ne part pas de zéro, car les constructeurs, parce qu’ils utilisent beaucoup le bois, sont assez au fait de ce qui est « vert » ou pas. Et que les peintres ont connaissance de produits bio, mais c’est vrai qu’il faut faire un effort collectif pour résister à la facilité, à certaines habitudes, et surtout à la pression permanente des productions pour brûler toujours plus les étapes : nous sommes, nous, dans le concret, c’est à dire qu’on se bat toujours avec des délais impossibles, avec des matériaux, des imprévus. Contrairement au bâtiment, on livre toujours en temps et en heure. Et les équipements manquent.

Il nous faut nous mobiliser pour garder nos studios, où nous préférons travailler

Sirtz : Quels équipements manquent?

MB : Il nous faut nous mobiliser pour garder nos studios, où nous préférons travailler, car il on y trouve les ateliers dédiés pour nos métiers. Mais ces établissements, qui ont du mal à survivre, notamment parce que les productions ont désinvesti les lieux, ces plateaux souffrent de sous-équipement. Notamment en ce qui concerne le traitement des eaux polluées.

Le souci écologique demande un peu plus de temps et de soin, les recherches du bon matériau, les plans qui intègrent la déconstruction, des techniques alternatives plus lentes. Exemple, le temps de séchage des peintures écologiques est plus long, car on y incorpore moins ou pas de COV- composés organiques volatiles.

Un autre axe de l’éco-responsabilité/éco-conception, c’est le besoin d’expertise, la formation, la transmission.

Pénétrer les cursus des écoles de cinéma-audiovisuel

Siritz : Qu’est-ce que cela signifie ?

MB : Qu’il faut, d’une part, investir, peut-être au niveau européen, pour initier, mettre en place les contenus de formation dans le domaine. Et puis, faire circuler informations, techniques et retours d’expérience en pénétrant les cursus des écoles de cinéma-audiovisuel, des formations et du  « coaching  » d’entreprises, sous diverses formes, de la théorie, des données, des outils digitaux, D’autre part, il faut que l’on fasse nos expérimentations, qu’on tire des leçons, des bilans, et que l’on regroupe les résultats pour qu’il y ait également l’épreuve du terrain. C’est un travail de tous les jours, une mise en pratique de l’idée du développement durable au quotidien, en gardant l’œil ouvert, et la conscience de la difficulté de la tâche : parfois, il faut choisir des solutions de compromis, car nous n’avons pas toujours la bonne réponse.

La fiction est une fenêtre sur la condition humaine, et le décor restitue l’environnement des acteurs, notre monde contemporain ou celui d’une autre époque. Et être le témoin de ce monde nous amène à le montrer avec la réalité du terrain, donc avec les usages anti-écologiques, la pollution, la pétrochimie, la voiture. Bref, notre société thermo-industrielle !

L’actuelle crise sanitaire, dont nous espérons voir la fin prochainement, nous montre certains des paradoxes que nous devons arbitrer pour évoluer vers un monde plus sain, pour tenter d’enrayer la crise écologique majeure et durable qui touche la planète dans sa globalité. Exemple :  dans les guides-protocoles de travail en temps de menace Covid19, on voit la recommandations de certaines mesures anti-écologiques. Ont-elles été réfléchies assez profondément ? Par exemple, le retour aux petites bouteilles d’eau, la sur-utilisation du jetable, la promotion des transports individuels, etc…

Voir le site de l’Association des chefs décorateur :

https://www.adcine.com