Siritz : Vous êtes un acteur très actif du financement de la production et de la distribution du cinéma et de l’audiovisuel . C’est un poste d’observation stratégique pour analyser les effets du confinement sur ces deux secteurs et les solutions mises en œuvre ou à envisager. Cette situation a d’abord frappé de plein fouet le cinéma puisque les salles ont fermé. Or, il y avait des films qui venaient de sortir, dont les distributeurs avaient donc lancé et financé leur campagne de promotion, un investissement qui s’ajoute souvent au minimum garanti, et dont les recettes se sont arrêtées net. La sofica
Cinémage a ainsi investi dans « La bonne épouse », qui a très bien démarré mais qui n’a engrangé que 4 jours de recettes, ce qui risque d’être une catastrophe financière.
Serge Hayat : C’est d’autant plus vrai que l’on sait que l’exploitation ultérieure d’un film sur les autres médias est dépendante de l’accueil et des résultats que le film a eu en salle, mais aussi en festival. Or il ne faut pas oublier qu’outre l’arrêt des salles tous les festivals sont arrêtés. Les ventes des films commerciaux aux télévisions sont très liées aux performances en salle. Pour les films d’auteurs l’accueil en festival conditionne beaucoup les ventes internationales.
Siritz : « La bonne épouse » est un cas typique.
Serge Hayat : Comme pour tous les films fauchés en plein vol, il y a plusieurs problèmes. Ce sont des films qui ont eu une exposition médiatique par la promo qui a été faite, qui avaient très bien démarré et dont l’exploitation s’est arrêtée nette La promotion dépensée est une perte sèche. Même si le film redémarre en salle il va falloir refaire de la promotion.
Siritz : Mais quand les salles vont rouvrir n’y a-t-il pas risque d’embouteillage ?
Serge Hayat : Oui et c’est paradoxal. D’abord parce qu’il risque d’y avoir une reprise très timide. On a bien vu quand les chinois ont rouvert leurs salles. Personne n’y a été. Et, d’après ce que j’ai compris, elles seraient de nouveau fermées, par précaution sanitaire. Donc la reprise post-confinement sera timide. D’autant plus qu’aujourd’hui personne ne sait à quoi va ressembler cette sortie confinement. On parle de stratégie en V, ou en W, avec dé-confinement, puis re-confinement. Cela ne cadre pas avec le confort d’aller passer un bon moment en salle. Les américains ne s’y sont d’ailleurs pas trompé puisque, à ma connaissance, les majors ont reporté la sortie de leurs blockbusters, qui sortaient habituellement en juillet et août, à après la deuxième quinzaine d’août.
Siritz : Donc si on arrivé à maitriser la crise sanitaire, à la rentrée il va y avoir un embouteillage de films. Comment gérer cet embouteillage ?
Serge Hayat : Effectivement. C’est une grande question. En tout cas le CNC a pris en très peu de temps des mesures formidables qui consistent à permettre la sortie en vidéo à la demande à l’acte, sans respecter les délais, pour les films dont la sortie a été stoppée et ce, sans avoir à rembourser les aides propres au cinéma, avec une ressortie ultérieure possible en salles. Le CNC a su se concerter avec les différentes organisations professionnelles pour mettre en place une mesure très intéressante en un temps record.
Ca peut être l’occasion de relancer la Vod
Siritz : Mais la Vod, en France, c’est très peu de chose. Et, si un film sort en Vod, est-ce que les salles vont accepter de le ressortir quand elles vont ré-ouvrir ?
Serge Hayat : Qu’est-ce qui fait qu’un spectateur qui est confiné chez lui et n’est pas soumis à la promotion traditionnelle, sur une émission de plateau puisqu’elles sont toutes consacrées au Covid ou par une publicité traditionnelle dans la presse ou par affichage, vont aller chercher un film sur une plate-forme de Vod ? Moi-même ne sais pas quelles sont ces plates-formes et où les trouver. J’ai compris que les gros opérateurs comme Orange avaient ou allaient commencer à profiter de cette situation pour faire de grosses promotions de leur service de Vod à l’acte. Mais il est clair qu’il y a un problème d’information du public. Comme les gens ont considérablement augmenté leur consommations de télé, et que le volume de la publicité à la télévision s’est effondré, j’imagine que leurs tarifs ont baissé et que ça peu-être occasion d’en profiter pour relancer la VoD : entre deux émissions anxiogène cette publicité pourrait être très efficace.
Siritz : Mais j’imagine que l’on n’a aucune idée des rapports coûts recettes. Pour les grandes plates-formes ce peut être une occasion de lancer à bas prix une activité dont les résultats étaient jusqu’ici très décevants.
Serge Hayat : Il faut profiter de cette période exceptionnelle pour relancer ce média. On pourrait même subventionner d’une manière ou d’une autre la promotion des films frais sur ce support.
Siritz : Mais pour un film comme « La bonne épouse » qui était un gros succès avec un bon bouche à oreille est-ce que, s’il sortait en Vod aujourd’hui, surtout avec une forte publicité par un ou plusieurs opérateurs, le risque n’est pas que les exploitants refusent de la reprendre quand ils vont rouvrir.
Serge Hayat : En tout cas le CNC fait tout pour qu’il soit possible de ressortir en salle. Il y a effectivement risque que les exploitants refusent certains films. Mais ce sera une négociation au cas par cas. D’ici mi-août il n’y aura pas de nouvelles offres importantes et les exploitants ne vont pas refuser des films forts. Après mi-août, avec l’arrivée des blockbusters américains il y aura embouteillage. Mais les salles vont avoir envie de se refaire.
L’arrêt des tournages est un casse-tête logistique incroyable
Siritz : Il a aussi des films comme « Petit pays », qui avait fait une très grosse campagne de lancement et qui n’est même pas sorti. S’il sortait directement en Vod. Il serait obligé de rembourser tous ses financements publics encadrés pour le cinéma, ce qui est impensable. Mais un autre secteur du cinéma, et de la fiction tv, est très touché, ce sont les tournages interrompus. Il y a des mesures de chômage partiel. Mais, à la fin du confinement, il aura le problème de chevauchement des contrats.
Serge Hayat : C’est un casse-tête logistique incroyable. Le tournage d’un film c’est un petit miracle. Une assemblée de talents se retrouve disponible en même temps pour créer quelque chose. C’est à chaque fois une gestion logistique énorme de s’assurer que ces talents sont disponibles en même temps. Un tournage implique que tout ou partie de ces talents doivent se retrouver ensemble au même moment dans un lieu qui est toujours disponible et avec une météo qui est la bonne. Les films qui se tournaient en Afrique pendant une saison sèche devront attendre la saison sèche de l’année suivante pour reprendre le tournage. En outre les financements sont accordés pour une période donnée. Il faut que tous les partenaires et tous les ayants-droits soient d’accord pour prolonger les contrats. Et puis qu’est-ce qu’on fait, si on prolonge les contrats pendant 6 ou 8 mois sans que les tournages aient repris, des frais financiers qui peuvent continuer à courir ?
Siritz : Les pouvoirs publics n’ont pas fixés des règles ?
Serge Hayat : Les pouvoirs publics ont décidé en peu de temps des choses incroyables. Dire que les entreprises qui ont des problèmes de trésorerie peuvent aller chercher des prêts garantis par l’Etat, dire qu’elles vont pouvoir obtenir que leurs prêts bancaires soient garantis par la BPI, que les échéances puissent être repoussées, tout ça c’est formidable. Certes, ce n’est pas encore très précis, mais c’est normal. Il faut le temps de mettre tout ça en place.
Siritz : Mais il s’agit de problèmes de trésorerie.
Serge Hayat : Effectivement cela ne concerne pas les pertes sèches. Les frais d’édition de « Petit Pays » ou de « La bonne épouse », ce sont probablement des pertes sèches.
Siritz : Et quand c’est un distributeur indépendant comme Memento, qui est un indépendant ne devant pas avoir des capitaux propres élevés, cela peut représenter beaucoup plus que ses fonds propres.
Serge Hayat : Oui, la situation des distributeurs indépendants est plus problématique que jamais. Et nous allons initier avec le CNC une discussion pour savoir comment les soficas pourraient accompagner producteurs et distributeurs indépendants. Sous quelle forme je ne sais pas encore, mais on doit se demander comment sauver ce tissu industriel. En matière de pertes sèches, ce qui serait logique, même si j’ai compris que ce serait très compliqué à mettre en place juridiquement, c’est que quand il y a un secteur touché de plein de fouet, en première ligne, c’est d’aller voir s’il n’y a pas des entreprises dans ce secteur qui ont bénéficié de la crise et comment elles peuvent contribuer à aider ou être solidaires de celles qui sont gravement frappées.
Siritz : Une solution serait une taxe de solidarité sur les grandes plates-formes dont j’ai parlé dans mon édito de la semaine dernière, mais pour cela il faut que le Parlement vote une loi et il a peut-être d’autres priorités.
Je ne suis par sûr que les plates-formes diraient non à une taxe de solidarité
Serge Hayat : En tout cas ce serait logique et ne suis pas sûr que les plates-formes diraient non. Après tout Netflix a débloqué un fonds pour aider les tournages en difficulté et leurs producteurs. C’est un petit fonds, mais ils l’ont créé spontanément. Et c’est leur intérêt de protéger le tissu industriel mais aussi de communiquer sur le fait qu’ils sont des amis de la profession, des partenaires et pas des vautours. Bien entendu une loi c’est compliqué. Mais on a la chance d’être sur un tout petit secteur. Les films sur lesquels ils y a des frais d’édition qui venaient d’être engagés et sont perdus, on peut les identifier et les chiffrer un par un. Les films dont les tournages sont reportés, on sait les regarder un par un et chiffrer ce que cela va coûter. On peut faire une commission qui va être capable d’évaluer quel va être le coût de ces frais d’éditions et des reports, voire d’annulation de tournage. On peut s’entendre avec les assureurs de la profession pour à la fois les aider et voir ce qu’ils peuvent faire.
Siritz : Et on a le CNC qui peut réunir tout le monde et qui est compétent.
Serge Hayat : Le CNC est très compétent et il a montré ces dernières semaines une réactivité assez incroyable, très pragmatique et très entrepreneuriale. Je suis curieux de voir quels sont les fillms qui vont demander à bénéficier des dispositions dérogatoires sur les chronologie des médias.
Siritz : Avant même l’arrêt des salles de cinéma, depuis le début de l’année, on avait noté une baisse très importante de la fréquentation en général et des films français en particulier, de l’ordre de 20 à 30%. Comme investisseur du cinéma ne vous êtes vous pas demandé s’il ne s’agit pas d’une évolution structurelle, due par exemple au boom de la consommation des séries ?
Serge Hayat : Non, je ne crois pas, parce que le dernier trimestre de l’année dernière était très bon, même depuis septembre. Un tel retournement de situation ne peut s’expliquer que par l’offre. C’est toujours le cas. Depuis 4 ou 5 ans, on note qu’il y a une forte hausse de la consommation des séries tv. Le marché de la fiction tv a explosé alors celui des films en salle de cinéma est resté stable, avec des hauts et des bas que j’attribue plutôt principalement à l’attractivité de l’offre.
Chaque fois que cette idée est mise sur la table les organisations du cinéma ferment la porte et elles ont bien raison
Siritz : Le rapport Boutonnat, avant que son auteur ne devienne président du CNC, constatait que le chiffre d’affaires des chaînes baissait, et donc leurs investissements dans le cinéma, alors que l’audience des films à la télévision baissait aussi, au profit des séries. France télévisions diffuse une partie de ces films la nuit, uniquement pour générer du soutien financier, sans viser la moindre audience. Cela paraît du gaspillage. Une première réaction serait de réduire le pourcentage de leur chiffre d’affaires que les chaînes investissent dans le cinéma pour le transférer à ce qu’elles doivent investir dans les œuvres télévisuelles.
Serge Hayat : Chaque fois que cette idée est mise sur la table les organisations du cinéma ferment la porte. Et elles ont bien raison de fermer la porte, parce que le jour où une telle mesure serait prise, les investissements des chaînes dans le cinéma s’effondreraient, la production de films indépendants s’effondrerait et ce serait très vite la fin de la diversité du cinéma français. Il faut faire très attention à la manière de passer d’un constat qui est juste aux conséquences qu’on en tire. Se priver du pré-financement du cinéma par les chaînes de télévision sans avoir mis en place un mécanisme de remplacement qui a fait ses preuves serait catastrophique. Cela pourrait conduire à la disparition totale de la diversité du cinéma en France.
Siritz : Le rapport Boutonnat suggère le recours à des investissements privés. Mais on a un exemple, celui des soficas, qui, pour exister, bénéficient d’avantages fiscaux très importants. Comment imaginer que des investisseurs ne bénéficiant pas de ces déductions fiscales investissent dans les films, en co-production ?
Serge Hayat : Mais les avantages fiscaux dont bénéficient les actionnaires de soficas ont pour contrepartie l’encadrement des investissements des soficas. Elles sont un outil de politique publique dont la cible des investissements et les modalités de retour sur investissement sont fléchés et encadrés. Ainsi elles ne bénéficient pas du soutien financier, ne peuvent investir que dans la production, pas la distribution, plutôt dans les premiers et deuxièmes films, les films à petit budget. Le nombre de films à plus de 8 millions € de budget est limité. Et, une fois qu’elles ont recouvré leur investissement leur part sur les recettes chute fortement. Donc, cela limite leur profit en cas de gros succès. Enfin, chaque sofica, chaque année prend des engagements d’investissements qui conditionnent son autorisation d’investissement. C’est en tout cas un outil formidable de financement du cinéma puisqu’il y a un effet de levier de un à deux. Pour chaque euro de défiscalisation, il y a deux euros investis.
Des investisseurs privés dans la production cinéma doivent choisir les bons partenaires et mettre en oeuvre une bonne ingénierie
Siritz : Mais alors comment attirer des financements privés dans le cinéma ?
Serge Hayat : Il faut des recettes et de la rentabilité. Pour y arriver il faut activer deux logiques simultanément. La première c’est d’investir dans des films qui seront rentables. Il n’y en a pas beaucoup et bien sûr on ne le sait pas à l’avance même si on peut l’estimer au regard du budget et des espérances de recettes. La deuxième logique c’est d’avoir un bon deal, dans lequel la quote-part d’investissement que l’on injecte dans le film va être mieux traitée que les autres investissements, privilégiée. Et ça, l’actif cinéma le permet, puisque c’est une activité de préventes, et donc les fonds propres investis dans un film sont relativement faibles par rapport à l’investissement total. Ce qui compte c’est donc de choisir les bons partenaires et de mettre en œuvre une bonne ingénierie financière. Les deux sont indispensables pour attirer des investisseurs privés. Certains ont réussi à le faire, soit pour des financements film par film, soit pour des financements de « saltes » de films.
Siritz : Pourquoi ça c’est si peu développé ?
Serge Hayat : Parce que l’investisseur doit arbitrer entre limiter ses risques au détriment de sa part des éventuelles bénéfices ou vice versa. Or la rentabilité globale du cinéma, à de rares exceptions près, ne permet pas de jouer le jackpot. Sur une start up qui réussit on peut faire 60 fois la mise. Sur un film cela n’arrive presque jamais.
Siritz : Le secteur des séries de fiction est en plein boom. Son modèle économique est très différent de celui de la production de cinéma. Notamment les risques sont moins grands et les bénéfices potentiels aussi. Or, on constate que de plus en plus de producteurs de cinéma se lancent dans ce secteur, sans doute pour mutualiser les risques de la production cinéma avec la production plus facilement couverte de la fiction.
L’économie des séries est très différentes de celle du film de cinéma
Serge Hayat : L’économie du cinéma est plus risquée que l’économie des séries parce que, au départ, le producteur doit prendre seul le risque financier du développement complet du projet : financer le scénario complet, puis passer du temps à trouver le casting. Et quand tout est monté il va chercher des pré-financeurs. Lui, il pense que ça va plaire au public et doit convaincre les pré-financeurs que ce sera le cas. C’est une économie B to C, c’est à dire de l’entrepreneur au consommateur. Jusqu’à ce qu’il ait trouvé un distributeur et monté le financement du film le producteur finance tout.
En fiction, c’est tout à fait différent. Le producteur a une idée, fait écrire un synopsis de quelques pages, ce qui coûte beaucoup moins cher qu’un scénario. Puis il doit trouver une chaîne que cela intéresse et qui va lui commander un développement. C’est un marché B to B, d’entrepreneur à entrepreneur. Si la chaîne dit non, le producteur met son projet sur une étagère parce qu’il est possible que dans 2 ans une chaîne soit intéressée, parce que les modes changent. Donc c’est un investissement de quelques milliers d’euros. Si la chaîne dit oui, c’est elle qui va payer une partie de ce développement, ce qui limite encore le risque du producteur. Puis, si la chaîne décide de commander la production, le producteur peut éventuellement aller chercher un ou deux autres diffuseurs et des aides publiques : il a alors financé au moins 80% de son projet. Pour le solde le producteur peut trouver un investisseur privé ou un distributeur qui apporte un minimum garanti, en échange des autres recettes monde. Le risque est faible : Je le vois chez Fédération Entertainment, il n’y a quasiment aucun projet sur lequel le minimum garanti n’a pas été couvert. Et la société investit beaucoup. Quant au producteur, il a déjà pris une marge sur la production. C’est donc un investissement peu risqué avec une rentabilité qui n’est jamais très élevée.
Siritz : Mais donc, est-ce que l’évolution de la production cinéma n’est pas logiquement une diversification vers la production de séries tv. C’est un peu le même métier. Gaumont, UGC, Quad, Mandarin, Moana font déjà les deux.
Serge Hayat : Oui, mais pas avec les mêmes personnes. Car c’est très différent en réalité. Dans le cinéma, le producteur accompagne son auteur / réalisateur pour faire l’oeuvre qui correspond le plus à celle que celui-ci veut faire. Et ensuite c’est le marché qui décide. A la télévision, c’est très différent. Les commanditaires accompagnent le projet depuis le jour un et c’est un collectif d’auteur qui le crée, parfois sous la direction d’un script éditeur ou show runner. Qui travaillent ensuite avec le ou les réalisateurs. Donc les métiers sont très différents. Les producteurs de cinéma ont en général préféré confier ce secteur à d’autres personnes.
* Serge Hayat est dirigeant de la Sofica Cinémage, actionnaire du producteur et distributeur de fiction tv Fédération Entertainment et d’une nouvelle société de production Echo Studio, producteur et distributeur de documentaires et de fictions pour inspirer le changement sur les grands enjeux de la Planète, associé avec Bonne Pioche et dont Jean-François Camilieri, ex-PDG de Walt Disney France est associé et PDG.
Jean Stock* « LUXE-TV est une chaîne sur-consommée par les jeunes »
Le CarrefourLe fondateur, dirigeant et actionnaire à 50% de cette chaîne thématique européenne ayant une diffusion mondiale en présente la singularité et analyse aussi l’impact qu’aura la période de confinement mondial sur la télévision
Siritz : Quel est plus précisément le positionnement de Luxe.TV ?
Jean Stock : C’est celui de l’art de vivre. La chaîne est diffusée en anglais et en français, dans 120 pays. Elle touche 320 millions de spectateurs.
Siritz : Quel est son modèle économique ?
Jean Stock : Il est double. D’une part un financement par les opérateurs qui diffusent la chaîne et qui la revende dans des bouquets avec d’autres chaînes. D’autre part la publicité, au besoin par décrochage, en utilisant la technique de décrochage des Networks aux Etats-Unis , où , sur un marché donné, on introduit des publicités spécifiques à ce marché. Nos principaux annonceurs au niveau mondial sont dans le secteur des voyages. La chaîne dispose des droits mondiaux pour ses programmes. Donc elle peut aller partout, sans limitation de durée ni du nombre de diffusions.
Siritz : Est-ce que les différents opérateurs payent à peu près le même prix ?
Jean Stock : Ils payent un prix adapté à la capacité de financement de leurs abonnés. Mais la fourchette de prix est relativement resserrée. Il y a différents types de contrats : il y en a à l’abonné, d’autres à l’abonné avec minimum garanti et des contrats au forfait. Cela dépend des pratiques commerciales sur chaque territoire. En moyenne un opérateur acquiert la chaîne pour 5 000 € par mois.
Siritz : Quel est le profil des spectateurs ?
Jean Stock : C’est l’opposé du profil des téléspectateurs habituels de la télévision. Nous sommes surconsommés par les jeunes, et notamment les étudiants qui regardent la chaîne pour rêver, principalement de 23 heures à 2 heures du matin. Et nous sommes regardés par les gens aisés, qui sous-consomment la télévision comme les jeunes. Ces CSP+ apprécient LUXE.TV le week-end, le matin.
Siritz : Comment est structurée la grille de programmes ?
Jean Stock : Du lundi au jeudi la chaîne se positionne comme une chaîne d’information relative à l’art de vivre et au luxe et, ensuite, pendant le week-end, elle rediffuse sa programmation de semaine sous le titre LUXE.ThisWeek alors qu’en semaine c’est sous le titre LUXE.Today. Le bloc en semaine, du lundi au jeudi, est constitué de programmes d’une heure, adaptés à l’actualité de l’art de vivre ; le bloc du week-end est sur un format de 8 heures. Notre week-end commence dès le vendredi matin, du fait des congés dans le monde arabe et des horaires asiatiques où la chaîne est très bien consommée. En semaine la grille est construite en 24 formats d’une heure, donc on épouse tous les fuseaux horaires.
Siritz : Il y a 12 thèmes ?
Jean Stock : Du lundi au vendredi ils sont activés en fonction de l’actualité dans l’offre d’une heure rotative et pendant le week-end les sujets sont regroupés par thèmes.
Siritz : C’est quoi votre actualité ?
Jean Stock : Selon les semaines, nous donnons la priorités aux défilés dfe mode, aux sorties des nouveaux modèles d’automobiles à l’occasion des salons, aux nouvelles montres … A chaque fois, nous produisons un sujet qui est traité sur le plan éditorial.
Siritz : Est-ce que certains programmes sont cofinancés par l’activité ou le fabriquant dont on parle ?
Jean Stock : La règle européenne impose la séparation entre l’éditorial et la publicité. Donc les séquences relatives à l’art de vivre et au luxe sont des séquences sans préfinancement des marques. Par contre, nous faisons des coproductions avec les marques quand elles souhaitent utiliser nos images. Depuis deux ans nos images sont toutes aux normes 4 K. La chaîne utilise ces images pour réaliser un produit éditorial dont elle a le « Final Cut ».
Siritz : Qui fabrique les programmes ?
Jean Stock : Nous avons des partenaires dans le monde entier. Par exemple, Gaël Caron, le reporter d’images de France 2 qui a été confiné 77 jours à Wuhan alors qu’il venait d’arriver avec son collègue journaliste dans la première ville chinoise touchée par le coronavirus, quand il ne travaille pas pour France 2, tourne, depuis 15 ans, des programmes pour LUXE.TV. Nous avons ainsi des sociétés de production qui travaillent pour nous aux Etats-Unis, au Luxembourg, à Paris, sur la Côte d’Azur, à Rome, à Milan et en Asie.
Siritz Qui décide des sujets ?
Jean Stock : Les choix sont toujours faits en fonction de l’actualité définie par nous. Pour les illustrations nous utilisons les propositions des agences, comme l’Agence Paris-mode pour tous les défilés de mode, ou de l’Agence France-Presse pour les salons automobiles, etc… Les sujets courts viennent assez souvent des agences, ils ont une durée de vie courte et ne peuvent être diffusés que pendant une semaine. Les sujets plus longs sont produits par la chaîne et rentrent dans notre bibliothèque, pour laquelle nous avons tous les droits, sans limitation de durée, de territoires et du nombre de diffusions.
Siritz : Quelle est la durée des programmes de semaine ?
Jean Stock : 2 fois 24 minutes. On produit une heure originale par jour. De cette façon, avec une programmation par ordinateur, on arrive à cumuler les audiences des 24 fuseaux horaires.
Siritz : Est-ce que je peux regarder la chaîne directement sur mon ordinateur ?
Jean Stock : Il y a un « Best of » des meilleurs sujets de LUXE.TV sur notre site WEB. De plus, l’application « LUXE.TV Player » propose, une version spécifique de nos programmes pour pour l’ iPhone, l’ iPad, et l’Apple TV. Nous proposons 10 sujets par jour et cette forme de consommation non linéaire est complémentaire de la consommation linéaire 24×7. Est est gratuite dans le contexte du Coronavirius.
https://apps.apple.com/fr/app/luxe-tv-player/id599577691
Siritz : Comment fonctionnez-vous en période de confinement ?
Jean Stock : On a fait évoluer notre grille éditoriale, nous souhaitons opposer le présent dramatique au passé récent du même lieu, tout en proposant aux confinés de s’évader par l’image. Exemple, la place d’Espagne à Rome. La comparaison est spectaculaire. Et on peut s’appuyer sur 15 ans de nos archives.
Jean Stock : Votre audience a dû augmenter pendant le confinement.
Jean Stock : Oui. Fortement. Donc de nombreux nouveaux téléspectateurs découvrent notre chaîne.
Siritz : J’imagine que, comme pour toutes les chaînes, votre audience a augmenté mais pas vos annonceurs.
Jean Stock : En effet, mais nous devons à nos spectateurs et aux opérateurs qui nous relayent, une programmation originale, diversifiée géographiquement et riche en images de qualité.
Siritz : Où est fabriquée la chaîne ?
Jean Stock : Depuis sa création il y a 15 ans, au Luxembourg. Nous appliquons la législation européenne et pouvons citer les marques.
Siritz : Quel est le budget de la chaîne ?
Jean Stock : De l’ordre de 2 millions € par an et, en régime de croisière hors période de coronavirus, elle est légèrement bénéficiaire.
Siritz : D’après-vous est-ce que le confinement aura un impact à long terme sur la consommation de télévision ?
Jean Stock : Tout d’abord, les téléspectateurs confinés multiplient la consommation non linéaire, par ailleurs ils « zappent » beaucoup, et, donc, découvrent des chaînes qu’ils ne connaissaient pas ou n’avaient pas l’habitude de regarder. Il y donc aussi un développement du linéaire. Mais au lendemain de la pandémie, les chaînes thématiques vont avoir de plus en plus de mal à s‘amortir sur un seul territoire. Donc il faut s’attendre à une mondialisation des chaînes thématiques, peut-être à travers des consolidations. Pour ce faire nous avons un peu d’avance puisque depuis nos débuts nous avons fait le choix d’avoir un positionnement mondial, afin d’être diffusés partout, sans limitation de droits.
Siriz : Le luxe est un thème très fort.
Jean Stock : Et il est renforcé par la situation actuelle parce qu’il apparaît que la santé est un luxe. Nous allons d’ailleurs ajouter, dès la fin du confinement, ce treizième thème à notre grille. Il s’appellera « La santé est un luxe ». On donnera aux gens des informations sur les développement récents en terme de santé mais aussi sur les destinations les moins polluéees.
Siritz : Le luxe est une secteur porteur car dès que les gens accèdent à la classe moyenne supérieure, ou tout simplement à la classe moyenne, ils veulent s’affirmer en consommant du luxe.
Jean Stock : Tout à fait. Cela explique pourquoi nous avons une forte demande de nos images en Chine et depuis peu en Inde. Les nouvelles classes moyennes de ces pays, avant même d’acheter veulent rêver ; c’est d’abord le cas des jeunes adultes. En fait, ce positionnement auquel nous avons pensé il y a 15 ans s’applique plus que jamais au présent et au futur proche. Mon expérience de président de TV5 monde et de secrétaire générale de l’Union européenne de radio télévision m’a été précieuse. A l’époque, je me suis demandé quel est le format de télévision thématique pourrait circuler dans le monde entier, sans contrainte, en correspondant à une attente forte. Je n’ai trouvé que deux formats : le sport où tout avait été fait et où les prix étaient très élevés, et l’art de vivre associé au luxe où pratiquement rien n’avait été fait.
Siritz : Quelle est l’équipe de LUXE.TV?
Jean Stock : 8 personnes localisées à Luxembourg dans le cadre de RTL City qui est notre opérateur technique pour mettre en oeuvre la diffusion de la chaîne. La directrice générale des programmes Marie-Hélène Crochet, travaille avec deux rédacteurs, trois éditeurs/monteurs et deux personnes en charge de la mise en forme de l’offre des programmes sur les différents réseaux.
*Jean Stock a effectué la première partie de sa carrière comme journaliste au sein du groupe RTL radio, puis RTL télévision De 984 à 1987 il a conduit le développement de RTL Télévision en Belgique francophone et en France, en qualité de directeur des programmes et de l’information.
Il a contribué à la création de M6 en tant que directeur général adjoint chargé des programmes et de l’information de 1987 à 1989. Il est aussi le créateur du journal télévisé de la chaîne qui dès l’automne 1987 est devenu le 6 Minutes, puis le Six , un journal tout en images d’une durée moyenne de 8 minutes.De 1989 à 1994 comme directeur délégué pour l’ensemble des activités télévisuelles du Groupe RTL, il a notamment participé au lancement de RTL4 aux Pays-Bas et au développement de RTL Télévision en Allemagne. En 1994 il a créé à Los Angeles la filiale américaine du groupe RTL qu’il a présidée jusqu’en 1996.
Il a assumé ensuite, de 1997 à 1998, les fonctions de directeur de l’audiovisuel du groupe Havas. De 1998 à 2001 il est de PDG de TV5 Monde et de Canal France International De 2001 à 2004 il a été secrétaire général de l’UER, l’Union européenne de radio-télévision.
Il a participé en 2006 il a participé à la création de la chaîne Luxe.TV, une des premières chaînes HD en Europe, au Moyen-Orient et en Asie.
Le groupe Canal+ a préacheté Chamboultout pour plus de 1,5 millions €
CinéscoopCanal+ a diffusé le samedi 11 avril, « Chamboultout » réalisé par Eric Lavaine, avec Alexandra Lamy, Joël Garcia et Michaël Youn. IDistribué par Gaumont, il était sorti le 3 avril 2019 et avait réalisé 715 000 entrées.
Selon le site Cinéfinances.info*, le film, a un budget initial de 9,3 millions €. Il est produit par Same player (Vincent Roget et Gala Vara Eiritz).
Canal + l’a préacheté 1 262 000 € et Multithématiques 261 000 €. TF1 l’a acheté 1,8 millions € pour 2 passages et TMC 300 000 € pour 2 passages. TF1 est également coproducteur pour 600 000 €, Gaumont étant coproducteur et distributeur avec tous mandats pour 2,1 millions €.
Le rémunération de Gaumont est de :
Après récupération par Gaumont de son apport global et par TF1 films production de son apport la rémunération de Gaumont est de :
30% des RNPP salle, vod, video, étranger
40% des RNPP tv
50% du soutien financier après franchise au profit du producteur délégué
*Les chiffres financiers de cet article proviennent de Cinéfinances.info www.Cinefinances.info* est un site, accessible par abonnement, destiné aux professionnels du cinéma. Il publie le budget, le plan de financement et la répartition des recettes de tous les films français qui sortent (hors les films « sauvages » qui ne déposent pas leurs contrats au registre public et ne demandent donc pas l’agrément qui leur permettrait d’accéder à l’aide du CNC). Il dispose d’un puissant moteur de recherche multicritères et de 10 ans d’archives.
La fermeture des salles bouleverse la chronologie des médias
ÉditorialCertains distributeurs et producteurs ont décidé de sortir directement en VoD ou en S-Vod
Face à la fermeture des salles de cinéma pour une durée indéterminée les distributeurs, grâce aux possibilités ouvertes par le CNC, ont rėagi avec promptitude. La semaine dernière ils ont immédiatement demandé 43 dėrogations ã ce dernier pour sortir en VoD sans respecter la chronologies des médias.C’était un choix logique puisque puisque la plupart étaient en fin de carrière ou l’avait terminé (voir Cinescoop)
Certes, la VoD est un tout petit marché, même s’il semble que le confinement l’ait fait progresser de près de 90%. Il était en effet tombé à nettement moins de 200 millions € de chiffre d’affaires en 2019. En outre il se concentre sur la location dont le tarif public TTC est de 4 ou 5 €. A comparer à un chiffre d’affaires de plus de 1, 3 milliard € des salles de cinéma et un prix moyen public de 6,7 €. Surtout, comme le montrent les baromètres de Siritz, le soutien financier à la distribution en salle est essentiel à l’équilibre de la distribution. Mais pour les distributeurs qui ont fait ce choix, ce sera tout de même une recette additionnelle, sans investissement.
En tout cas, à cette occasion, comme l’a montré la table ronde numérique organisée par Le Film français et Comscore, il est intéressant de voir que la VoD est, pour certains exploitants art et essai, un complėment de la sortie en salle et un outil relationnel avec leur public fidèle. Ainsi, Shellac a dėcidė de sortir le documentaire de Richard Copans, « Monsieur Deligny, vagabond solitaire » (voir Cinescoop), sur les autistes, immédiatement en VoD, puis de dėbuter une exploitation en salle quand les cinémas rouvriront. Mais c’est un film à exploitation longue, avec des séances uniques, suivies d’un dėbat et les exploitants art et essai ne s’estiment pas gênés par la diffusion en VoD.
Le grand évènement est le choix de Quad (Nicolas Duval), et de son partenaire coproducteur et distributeur TF1 DA, de ne pas sortir en salle «Forte », la comėdie réalisée par Katia Lewkowicz, (voir Cinescoop) qui devait sortir le 18 mars et dont le distributeur, TF1 DA, avait donc dépensé tous ses frais d’édition. Grande première, pour un film commercial, il sortira donc directement en S-vod sur Amazon Prime. Quad est un des plus grands producteurs français, habitué aux succès avec des comédies de qualité (intouchable, Le sens de la fėte, Hors norme, etc…). Il s’est récemment lancé dans les séries avec le spectaculaire et palpitant « Bazar de la charité », diffusé avec grand succès sur TF1, mais vendu pour le reste du monde à Netflix. Cette vente ėtait une innovation majeure puisque, ã la différence des autres sėries françaises vendues ã Netflix, la série a ėtė diffusée en France sur une chaīne en clair et pas sur Netflix. Preuve que la plate-forme estime qu’il plaira dans le monde entier.
Dans le cas de Forte la vente à Amazon Prime peut-être un pis aller puisque la sortie en salle, sans doute dans plusieurs mois, aurait nécessité une nouvelle campagne de promotion rendant très problématique l’amortissement du film pour TF1 DA. Mais rien ne dit qu’elle n’a pas permis à Quad et TF1 DA de transformer une perte probable en un bénéfice, même léger (voir Cinescoop).
Il sera intéressant de voir si Amazon fera la publicité de cette offre, notamment sur TF1, à des tarifs sans doute très réduits du fait de la disparition des annonceurs, et même préférentiels puisque c’est une recette qui, pour TF1 compense en partie son minimum garanti et ses frais d’édition. Pour la plate-forme ce serait une occasion de gagner de nouveaux abonnés en annonçant sur le premier média d’Europe. Etpour les producteurs un argument pour obtenir un bon prix.
Certains films sont dans une situation intermédiaire mais tout aussi dramatique : c’est le cas de « De Gaulle », distribué par SND, et de « La bonne épouse », distribué par Memento Films, qui avaient bien démarré et qui étaient promis à des très bons résultats en salle. Mais nul ne sait quand la réouverture des salles aura lieu et si le public ne craindra pas de s’y enfermer. En outre, cette reprise nécessitera une nouvelle promotion. Il est donc possible que ces deux distributeurs, qui ont les droits S-Vod, discutent avec Netflix et Amazon Prime d’une sortie immédiate sur leur plate-forme.
C’est encore en clair que Canal+ a diffusé « Rebelles »
CinéscoopMardi 31 mars Canal+ a diffusé son dernier film sans respecter la chronologie des médias. Il s’agit de « Rebelles, le 13 mars on enlève le haut », réalisé par Allan Mauduit et interprété par Cécile de France, Yolande Moreau et Audrey Lamy. Produit par Albertine productions (Mathieu Tarot et Arnaud Jalbert) sont budget est de 4,5 millions €. Sorti le 13 mars 2019, il avait réalisé 925 000 entrées.
Canal+ avait préacheté le premier passage, en crypté, pour 787 000 €, puis Multithématique pour 126 000 €. Canal+ Afrique avait pré-acheté pour 3 000 €. France 3 était co-producteur pour 350 000 € et avait pré-acheté la première fenêtre claire pour le même montant.
Le distributeur était Le Pacte, avec un minimum garanti de 900 000 € et les mandats salle, vidéo et international.
Les chiffres de cet article proviennent de Cinéfinances.info www.Cinefinances.info* est un site, accessible par abonnement, destiné aux professionnels du cinéma. Il publie le budget, le plan de financement et la répartition des recettes de tous les films français qui sortent (hors les films « sauvages » qui ne déposent pas leurs contrats au registre public et ne demandent donc pas l’agrément qui leur permettrait d’accéder à l’aide du CNC). Il dispose d’un puissant moteur de recherche multicritères et de 10 ans d’archives.
6 avril 2020
Canal+ a repris sa diffusion de films en crypté avec « Beaux-parents »
CinéscoopCanal+ a diffusé le mercredi 1 avril « Beaux-parents », réalisé par Hector Cabello-Reyes, avec Josiane Balasko, Didier Bourdon, Benabar, Charlie Bruno et Bruno Salome. D’un budget de 5,44 millions €, il est produit par Kabo Films (Christian Baumard).
Canal+ a pré-acheté la télévision payante pour 1 044 000 €. Canal+ Afrique pour 3 000 € et Multithématiques pour 172 000 €.
Puis M6 a acquis la télévision en clair pour 450 000 € et le premier passage TNT pour W9 pour 150 000 €, tandis que C8 avait le deuxième passage TNT pour 200 000 €.
Sorti le 19 juin 1919, le film a réalisé 506 000 entrées.
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6 avril 2020
Diffusé par Canal Vendredi 3 avril « Continuer » n’avait pas été pré-acheté par un chaîne en clair française
CinéscoopRéalisé par Joachim Lafosse, avec Virginie Effira, Kacey Mottet Klein, « Continuer » a été diffusé en crypté par Canal+ Cinéma vendredi 3 avril. Il était sorti en salle le 23 janvier 2019, distribué par Le Pacte, il avait réalisé 44 000 entrées. Produit par Les Films du Worso (Sylvie Pialat) et Versus Production (Jacques-Henri et Olivier Brockaert) , son budget est de 5,8 millions €. C’était une coproduction entre la France (49,9%) et la Belgique (51,1%)
Canal+ l’avait préfinancé pour 685 000 € (dont catch up) sur la France et 228 000 € sur la Belgique, Canal+ Afrique pour 3 000 € et Multithématiques (dont catch up) pour 145 000 € sur la France et 36 000 € sur la Belgique. Aucune chaîne française en claire ne l’avait préfinancé, mais la RTBF l’avait pré-acheté pour 40 000 €. Le film bénéficiait d’une avance sur recettes de 670 000 €. Deux soficas avaient investi chacune 50 000 €.
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6 avril 2020
Serge Hayat* « Dans les salles de cinéma la reprise sera très timide, puis il y aura embouteillage »
Le CarrefourSiritz : Vous êtes un acteur très actif du financement de la production et de la distribution du cinéma et de l’audiovisuel . C’est un poste d’observation stratégique pour analyser les effets du confinement sur ces deux secteurs et les solutions mises en œuvre ou à envisager. Cette situation a d’abord frappé de plein fouet le cinéma puisque les salles ont fermé. Or, il y avait des films qui venaient de sortir, dont les distributeurs avaient donc lancé et financé leur campagne de promotion, un investissement qui s’ajoute souvent au minimum garanti, et dont les recettes se sont arrêtées net. La sofica
Cinémage a ainsi investi dans « La bonne épouse », qui a très bien démarré mais qui n’a engrangé que 4 jours de recettes, ce qui risque d’être une catastrophe financière.
Serge Hayat : C’est d’autant plus vrai que l’on sait que l’exploitation ultérieure d’un film sur les autres médias est dépendante de l’accueil et des résultats que le film a eu en salle, mais aussi en festival. Or il ne faut pas oublier qu’outre l’arrêt des salles tous les festivals sont arrêtés. Les ventes des films commerciaux aux télévisions sont très liées aux performances en salle. Pour les films d’auteurs l’accueil en festival conditionne beaucoup les ventes internationales.
Siritz : « La bonne épouse » est un cas typique.
Serge Hayat : Comme pour tous les films fauchés en plein vol, il y a plusieurs problèmes. Ce sont des films qui ont eu une exposition médiatique par la promo qui a été faite, qui avaient très bien démarré et dont l’exploitation s’est arrêtée nette La promotion dépensée est une perte sèche. Même si le film redémarre en salle il va falloir refaire de la promotion.
Siritz : Mais quand les salles vont rouvrir n’y a-t-il pas risque d’embouteillage ?
Serge Hayat : Oui et c’est paradoxal. D’abord parce qu’il risque d’y avoir une reprise très timide. On a bien vu quand les chinois ont rouvert leurs salles. Personne n’y a été. Et, d’après ce que j’ai compris, elles seraient de nouveau fermées, par précaution sanitaire. Donc la reprise post-confinement sera timide. D’autant plus qu’aujourd’hui personne ne sait à quoi va ressembler cette sortie confinement. On parle de stratégie en V, ou en W, avec dé-confinement, puis re-confinement. Cela ne cadre pas avec le confort d’aller passer un bon moment en salle. Les américains ne s’y sont d’ailleurs pas trompé puisque, à ma connaissance, les majors ont reporté la sortie de leurs blockbusters, qui sortaient habituellement en juillet et août, à après la deuxième quinzaine d’août.
Siritz : Donc si on arrivé à maitriser la crise sanitaire, à la rentrée il va y avoir un embouteillage de films. Comment gérer cet embouteillage ?
Serge Hayat : Effectivement. C’est une grande question. En tout cas le CNC a pris en très peu de temps des mesures formidables qui consistent à permettre la sortie en vidéo à la demande à l’acte, sans respecter les délais, pour les films dont la sortie a été stoppée et ce, sans avoir à rembourser les aides propres au cinéma, avec une ressortie ultérieure possible en salles. Le CNC a su se concerter avec les différentes organisations professionnelles pour mettre en place une mesure très intéressante en un temps record.
Siritz : Mais la Vod, en France, c’est très peu de chose. Et, si un film sort en Vod, est-ce que les salles vont accepter de le ressortir quand elles vont ré-ouvrir ?
Serge Hayat : Qu’est-ce qui fait qu’un spectateur qui est confiné chez lui et n’est pas soumis à la promotion traditionnelle, sur une émission de plateau puisqu’elles sont toutes consacrées au Covid ou par une publicité traditionnelle dans la presse ou par affichage, vont aller chercher un film sur une plate-forme de Vod ? Moi-même ne sais pas quelles sont ces plates-formes et où les trouver. J’ai compris que les gros opérateurs comme Orange avaient ou allaient commencer à profiter de cette situation pour faire de grosses promotions de leur service de Vod à l’acte. Mais il est clair qu’il y a un problème d’information du public. Comme les gens ont considérablement augmenté leur consommations de télé, et que le volume de la publicité à la télévision s’est effondré, j’imagine que leurs tarifs ont baissé et que ça peu-être occasion d’en profiter pour relancer la VoD : entre deux émissions anxiogène cette publicité pourrait être très efficace.
Siritz : Mais j’imagine que l’on n’a aucune idée des rapports coûts recettes. Pour les grandes plates-formes ce peut être une occasion de lancer à bas prix une activité dont les résultats étaient jusqu’ici très décevants.
Serge Hayat : Il faut profiter de cette période exceptionnelle pour relancer ce média. On pourrait même subventionner d’une manière ou d’une autre la promotion des films frais sur ce support.
Siritz : Mais pour un film comme « La bonne épouse » qui était un gros succès avec un bon bouche à oreille est-ce que, s’il sortait en Vod aujourd’hui, surtout avec une forte publicité par un ou plusieurs opérateurs, le risque n’est pas que les exploitants refusent de la reprendre quand ils vont rouvrir.
Serge Hayat : En tout cas le CNC fait tout pour qu’il soit possible de ressortir en salle. Il y a effectivement risque que les exploitants refusent certains films. Mais ce sera une négociation au cas par cas. D’ici mi-août il n’y aura pas de nouvelles offres importantes et les exploitants ne vont pas refuser des films forts. Après mi-août, avec l’arrivée des blockbusters américains il y aura embouteillage. Mais les salles vont avoir envie de se refaire.
Siritz : Il a aussi des films comme « Petit pays », qui avait fait une très grosse campagne de lancement et qui n’est même pas sorti. S’il sortait directement en Vod. Il serait obligé de rembourser tous ses financements publics encadrés pour le cinéma, ce qui est impensable. Mais un autre secteur du cinéma, et de la fiction tv, est très touché, ce sont les tournages interrompus. Il y a des mesures de chômage partiel. Mais, à la fin du confinement, il aura le problème de chevauchement des contrats.
Serge Hayat : C’est un casse-tête logistique incroyable. Le tournage d’un film c’est un petit miracle. Une assemblée de talents se retrouve disponible en même temps pour créer quelque chose. C’est à chaque fois une gestion logistique énorme de s’assurer que ces talents sont disponibles en même temps. Un tournage implique que tout ou partie de ces talents doivent se retrouver ensemble au même moment dans un lieu qui est toujours disponible et avec une météo qui est la bonne. Les films qui se tournaient en Afrique pendant une saison sèche devront attendre la saison sèche de l’année suivante pour reprendre le tournage. En outre les financements sont accordés pour une période donnée. Il faut que tous les partenaires et tous les ayants-droits soient d’accord pour prolonger les contrats. Et puis qu’est-ce qu’on fait, si on prolonge les contrats pendant 6 ou 8 mois sans que les tournages aient repris, des frais financiers qui peuvent continuer à courir ?
Siritz : Les pouvoirs publics n’ont pas fixés des règles ?
Serge Hayat : Les pouvoirs publics ont décidé en peu de temps des choses incroyables. Dire que les entreprises qui ont des problèmes de trésorerie peuvent aller chercher des prêts garantis par l’Etat, dire qu’elles vont pouvoir obtenir que leurs prêts bancaires soient garantis par la BPI, que les échéances puissent être repoussées, tout ça c’est formidable. Certes, ce n’est pas encore très précis, mais c’est normal. Il faut le temps de mettre tout ça en place.
Siritz : Mais il s’agit de problèmes de trésorerie.
Serge Hayat : Effectivement cela ne concerne pas les pertes sèches. Les frais d’édition de « Petit Pays » ou de « La bonne épouse », ce sont probablement des pertes sèches.
Siritz : Et quand c’est un distributeur indépendant comme Memento, qui est un indépendant ne devant pas avoir des capitaux propres élevés, cela peut représenter beaucoup plus que ses fonds propres.
Serge Hayat : Oui, la situation des distributeurs indépendants est plus problématique que jamais. Et nous allons initier avec le CNC une discussion pour savoir comment les soficas pourraient accompagner producteurs et distributeurs indépendants. Sous quelle forme je ne sais pas encore, mais on doit se demander comment sauver ce tissu industriel. En matière de pertes sèches, ce qui serait logique, même si j’ai compris que ce serait très compliqué à mettre en place juridiquement, c’est que quand il y a un secteur touché de plein de fouet, en première ligne, c’est d’aller voir s’il n’y a pas des entreprises dans ce secteur qui ont bénéficié de la crise et comment elles peuvent contribuer à aider ou être solidaires de celles qui sont gravement frappées.
Siritz : Une solution serait une taxe de solidarité sur les grandes plates-formes dont j’ai parlé dans mon édito de la semaine dernière, mais pour cela il faut que le Parlement vote une loi et il a peut-être d’autres priorités.
Serge Hayat : En tout cas ce serait logique et ne suis pas sûr que les plates-formes diraient non. Après tout Netflix a débloqué un fonds pour aider les tournages en difficulté et leurs producteurs. C’est un petit fonds, mais ils l’ont créé spontanément. Et c’est leur intérêt de protéger le tissu industriel mais aussi de communiquer sur le fait qu’ils sont des amis de la profession, des partenaires et pas des vautours. Bien entendu une loi c’est compliqué. Mais on a la chance d’être sur un tout petit secteur. Les films sur lesquels ils y a des frais d’édition qui venaient d’être engagés et sont perdus, on peut les identifier et les chiffrer un par un. Les films dont les tournages sont reportés, on sait les regarder un par un et chiffrer ce que cela va coûter. On peut faire une commission qui va être capable d’évaluer quel va être le coût de ces frais d’éditions et des reports, voire d’annulation de tournage. On peut s’entendre avec les assureurs de la profession pour à la fois les aider et voir ce qu’ils peuvent faire.
Siritz : Et on a le CNC qui peut réunir tout le monde et qui est compétent.
Serge Hayat : Le CNC est très compétent et il a montré ces dernières semaines une réactivité assez incroyable, très pragmatique et très entrepreneuriale. Je suis curieux de voir quels sont les fillms qui vont demander à bénéficier des dispositions dérogatoires sur les chronologie des médias.
Siritz : Avant même l’arrêt des salles de cinéma, depuis le début de l’année, on avait noté une baisse très importante de la fréquentation en général et des films français en particulier, de l’ordre de 20 à 30%. Comme investisseur du cinéma ne vous êtes vous pas demandé s’il ne s’agit pas d’une évolution structurelle, due par exemple au boom de la consommation des séries ?
Serge Hayat : Non, je ne crois pas, parce que le dernier trimestre de l’année dernière était très bon, même depuis septembre. Un tel retournement de situation ne peut s’expliquer que par l’offre. C’est toujours le cas. Depuis 4 ou 5 ans, on note qu’il y a une forte hausse de la consommation des séries tv. Le marché de la fiction tv a explosé alors celui des films en salle de cinéma est resté stable, avec des hauts et des bas que j’attribue plutôt principalement à l’attractivité de l’offre.
Siritz : Le rapport Boutonnat, avant que son auteur ne devienne président du CNC, constatait que le chiffre d’affaires des chaînes baissait, et donc leurs investissements dans le cinéma, alors que l’audience des films à la télévision baissait aussi, au profit des séries. France télévisions diffuse une partie de ces films la nuit, uniquement pour générer du soutien financier, sans viser la moindre audience. Cela paraît du gaspillage. Une première réaction serait de réduire le pourcentage de leur chiffre d’affaires que les chaînes investissent dans le cinéma pour le transférer à ce qu’elles doivent investir dans les œuvres télévisuelles.
Serge Hayat : Chaque fois que cette idée est mise sur la table les organisations du cinéma ferment la porte. Et elles ont bien raison de fermer la porte, parce que le jour où une telle mesure serait prise, les investissements des chaînes dans le cinéma s’effondreraient, la production de films indépendants s’effondrerait et ce serait très vite la fin de la diversité du cinéma français. Il faut faire très attention à la manière de passer d’un constat qui est juste aux conséquences qu’on en tire. Se priver du pré-financement du cinéma par les chaînes de télévision sans avoir mis en place un mécanisme de remplacement qui a fait ses preuves serait catastrophique. Cela pourrait conduire à la disparition totale de la diversité du cinéma en France.
Siritz : Le rapport Boutonnat suggère le recours à des investissements privés. Mais on a un exemple, celui des soficas, qui, pour exister, bénéficient d’avantages fiscaux très importants. Comment imaginer que des investisseurs ne bénéficiant pas de ces déductions fiscales investissent dans les films, en co-production ?
Serge Hayat : Mais les avantages fiscaux dont bénéficient les actionnaires de soficas ont pour contrepartie l’encadrement des investissements des soficas. Elles sont un outil de politique publique dont la cible des investissements et les modalités de retour sur investissement sont fléchés et encadrés. Ainsi elles ne bénéficient pas du soutien financier, ne peuvent investir que dans la production, pas la distribution, plutôt dans les premiers et deuxièmes films, les films à petit budget. Le nombre de films à plus de 8 millions € de budget est limité. Et, une fois qu’elles ont recouvré leur investissement leur part sur les recettes chute fortement. Donc, cela limite leur profit en cas de gros succès. Enfin, chaque sofica, chaque année prend des engagements d’investissements qui conditionnent son autorisation d’investissement. C’est en tout cas un outil formidable de financement du cinéma puisqu’il y a un effet de levier de un à deux. Pour chaque euro de défiscalisation, il y a deux euros investis.
Siritz : Mais alors comment attirer des financements privés dans le cinéma ?
Serge Hayat : Il faut des recettes et de la rentabilité. Pour y arriver il faut activer deux logiques simultanément. La première c’est d’investir dans des films qui seront rentables. Il n’y en a pas beaucoup et bien sûr on ne le sait pas à l’avance même si on peut l’estimer au regard du budget et des espérances de recettes. La deuxième logique c’est d’avoir un bon deal, dans lequel la quote-part d’investissement que l’on injecte dans le film va être mieux traitée que les autres investissements, privilégiée. Et ça, l’actif cinéma le permet, puisque c’est une activité de préventes, et donc les fonds propres investis dans un film sont relativement faibles par rapport à l’investissement total. Ce qui compte c’est donc de choisir les bons partenaires et de mettre en œuvre une bonne ingénierie financière. Les deux sont indispensables pour attirer des investisseurs privés. Certains ont réussi à le faire, soit pour des financements film par film, soit pour des financements de « saltes » de films.
Siritz : Pourquoi ça c’est si peu développé ?
Serge Hayat : Parce que l’investisseur doit arbitrer entre limiter ses risques au détriment de sa part des éventuelles bénéfices ou vice versa. Or la rentabilité globale du cinéma, à de rares exceptions près, ne permet pas de jouer le jackpot. Sur une start up qui réussit on peut faire 60 fois la mise. Sur un film cela n’arrive presque jamais.
Siritz : Le secteur des séries de fiction est en plein boom. Son modèle économique est très différent de celui de la production de cinéma. Notamment les risques sont moins grands et les bénéfices potentiels aussi. Or, on constate que de plus en plus de producteurs de cinéma se lancent dans ce secteur, sans doute pour mutualiser les risques de la production cinéma avec la production plus facilement couverte de la fiction.
Serge Hayat : L’économie du cinéma est plus risquée que l’économie des séries parce que, au départ, le producteur doit prendre seul le risque financier du développement complet du projet : financer le scénario complet, puis passer du temps à trouver le casting. Et quand tout est monté il va chercher des pré-financeurs. Lui, il pense que ça va plaire au public et doit convaincre les pré-financeurs que ce sera le cas. C’est une économie B to C, c’est à dire de l’entrepreneur au consommateur. Jusqu’à ce qu’il ait trouvé un distributeur et monté le financement du film le producteur finance tout.
En fiction, c’est tout à fait différent. Le producteur a une idée, fait écrire un synopsis de quelques pages, ce qui coûte beaucoup moins cher qu’un scénario. Puis il doit trouver une chaîne que cela intéresse et qui va lui commander un développement. C’est un marché B to B, d’entrepreneur à entrepreneur. Si la chaîne dit non, le producteur met son projet sur une étagère parce qu’il est possible que dans 2 ans une chaîne soit intéressée, parce que les modes changent. Donc c’est un investissement de quelques milliers d’euros. Si la chaîne dit oui, c’est elle qui va payer une partie de ce développement, ce qui limite encore le risque du producteur. Puis, si la chaîne décide de commander la production, le producteur peut éventuellement aller chercher un ou deux autres diffuseurs et des aides publiques : il a alors financé au moins 80% de son projet. Pour le solde le producteur peut trouver un investisseur privé ou un distributeur qui apporte un minimum garanti, en échange des autres recettes monde. Le risque est faible : Je le vois chez Fédération Entertainment, il n’y a quasiment aucun projet sur lequel le minimum garanti n’a pas été couvert. Et la société investit beaucoup. Quant au producteur, il a déjà pris une marge sur la production. C’est donc un investissement peu risqué avec une rentabilité qui n’est jamais très élevée.
Siritz : Mais donc, est-ce que l’évolution de la production cinéma n’est pas logiquement une diversification vers la production de séries tv. C’est un peu le même métier. Gaumont, UGC, Quad, Mandarin, Moana font déjà les deux.
Serge Hayat : Oui, mais pas avec les mêmes personnes. Car c’est très différent en réalité. Dans le cinéma, le producteur accompagne son auteur / réalisateur pour faire l’oeuvre qui correspond le plus à celle que celui-ci veut faire. Et ensuite c’est le marché qui décide. A la télévision, c’est très différent. Les commanditaires accompagnent le projet depuis le jour un et c’est un collectif d’auteur qui le crée, parfois sous la direction d’un script éditeur ou show runner. Qui travaillent ensuite avec le ou les réalisateurs. Donc les métiers sont très différents. Les producteurs de cinéma ont en général préféré confier ce secteur à d’autres personnes.
* Serge Hayat est dirigeant de la Sofica Cinémage, actionnaire du producteur et distributeur de fiction tv Fédération Entertainment et d’une nouvelle société de production Echo Studio, producteur et distributeur de documentaires et de fictions pour inspirer le changement sur les grands enjeux de la Planète, associé avec Bonne Pioche et dont Jean-François Camilieri, ex-PDG de Walt Disney France est associé et PDG.
Opportunités
ÉditorialLe cinéma pourrait tirer parti du confinement pour en tirer deux avantages, l’un temporaire, l’autre à plus long terme
Ma proposition, dans l’éditorial de la semaine dernière, de créer une taxe de solidarité provisoire sur les plates-formes de S-vod pour compenser certaines pertes, ponctuelles, mais très lourdes, du cinéma, a, en général, reçu l’approbation de nombreux professionnels. Mais, Pascal Rogard, le directeur général de la Sacd a manifesté son hostilité puisque les auteurs, que la Sacd représente, sont rémunérés sur la recette hors taxe de ces plates-formes et que, donc, la mesure proposée réduirait l’assiette de leur rémunération. C’est exacte, mais ma proposition part du principe-ã vérifier- que la progression des abonnés à ces plates-formes, et tout particulièrement à Netflix, est beaucoup plus élevée que te taux du prélèvement supplémentaire auquel elles seraient soumises. On parle en effet, mais c’est à vérifier, d’une progression des abonnements de 20 ã 30%. C’est d’ailleurs l’augmentation du chiffre d’affaires annoncé par différentes plates-formes de Vod. Dans ce cas, je propose une augmentation de la TSA de 5,5 ã 15,5%, donc, bien inférieure.
Pascal Rogard confirme son refus de cette mesure car l’augmentation de la rémunération des auteurs par les plate-formes ne serait qu’une compensation partielle de la baisse des recettes provenant de la télévision en clair dont le chiffre d’affaires a plongé. C’est vrai, mais cette baisse là est le lot de la grande majorité des français : pendant cette crise sanitaire notre PNB, et donc le revenu de la majorité de français, va baisser. Peu d’entre eux ont la possibilité de se rattraper par ailleurs. Les auteurs bénéficieraient de la part des plates-formes d’une compensation réduite.
Une autre objection est que les plates-formes vont répercuter cette hausse sur leurs clients. Mais que les abonnés ã Netflix payent un euro ou ceux ã Prime de 50 centimes de plus par mois passerait sans doute inaperçu. Surtout, comme le note Serge Hayat dans son interview, rien ne prouve que ces plates-formes refusent cette mesure ou en répercutent le poids sur leurs clients. Ce serait en effet une opportunité de montrer qu’elles sont de vrais partenaires du cinéma et, du public, qu’elles savent être solidaires du cinéma dans les moments difficiles.
En tout cas, le confinement semble être l’occasion de relancer la VoD qui n’a jamais vraiment décollé en France. Ainsi Gaumont a décidé de bénéficier de la dérogation exceptionnelle du CNC et de sortir 4 films en Vod, dont Papi sitter qui n’avait que 10 jours d’exploitation. On va voir si les grandes plates-formes de VoD saisissent l’opportunité de relancer ce service, en proposant des films frais. Et elles devraient pouvoir négocier avec les chaînes de télévision des tarifs publicitaires réduits. Cela permettrait au grand public de découvrir ce média très commode pour voir des films qu’ils ont ratés en salle. Et cela représenterait pour les distributeurs qui ont, dans la moitié
Seule une télévision publique garantit que nous ayons une offre de programmes qui reflète notre culture et nos préoccupations
Le CarrefourSiritz : Il y a un boom de la production de séries en France et dans le monde. Il y aussi un boom de la production dans des pays en plein développement comme la Chine ou l’Inde. Est-ce que cela se ressent dans la production sur le territoire français ?
Marc Tessier : Vous avez raison de citer tous ces pays où la production de films et de séries augmente fortement. Ce sont de nouveaux marchés pour notre industrie audiovisuelle
Siritz : Mais est-ce que cela se ressent chez nous ?
Marc Tessier : Effectivement. On se rend compte que le nombre de jours de tournage l’indicateur le plus significatif, à mon sens, est à son maximum. La réforme du crédit d’impôt qui était l’un des points faibles de l’offre française par rapport aux autres pays y est pour beaucoup. Cette réforme a eu un effet très positif pour les films français à gros budget et les productions étrangères.
Siritz : le taux est passé à 30% et pour certains effets spéciaux il est passé à 40%. Mais est-ce que ce taux de 40% a été accepté par Bruxelles ?
Mar Tessier : Oui. Il reste à confirmer le taux ad hoc pour certains types d’effets spéciaux. Mais nous avons bon espoir que notre demande sera acceptée.
Siritz : Mais il y avait un autre handicap par rapport à certains pays concurrents, c’est le plafonnement du crédit d’impôt, notamment pour le casting
Marc Tessier : Le crédit d’impôt français non seulement est passé à 30%, voir à 40% dans certains cas, mais, de surcroît, son assiette a été déplafonnée. Le seul point discussion, évoqué récemment par certains professionnels est de pouvoir inclure dans l’assiette le coût des castings. Pour les castings français c’est la réforme de l’agrément qui a fixé la barre. Pour le crédit d’impôt international les dépenses de casting sont prises en compte en Angleterre, pas en France.
Siritz : Cela reste donc un gros handicap pour les films anglo-saxons.
Marc Tessier : Indiscutablement. Sur ce terrain la concurrence est très sévère.
Siritz : Vous avez été directeur général de Canal+ et Président de France télévisions. Vous assistez comme tout le monde à l’explosion de l’offre de programmes, avec la multiplication des chaînes, mais aussi la multiplication des plates-formes S-Vod mondiales. Dans ces conditions qu’est-ce qui garantit la pérennité des chaînes publiques financées par l’impôt.
Marc Tessier : Même si elles cherchent à être alimentées par des productions d’un maximum de pays ces plates-formes visent un marché mondial et ne cherchent pas à maintenir la culture nationale. Si nous voulons continuer à avoir une offre qui reflète notre culture et nos préoccupations, la seule garantie c’est une télévision publique financée par l’impôt. Car, même pour nos grands groupes de télévision, la concurrence avec des géants mondiaux va être rude. D’ailleurs, malgré la forte croissance de l’offre, dans chaque pays européen celle des services publics est encore très importante, voire dominante, ce qui prouve qu’elles répondent à un besoin.
Siritz : Mais sur le long terme, ces services publics auront-ils les moyens de lutter, ne serait-ce que pour attirer les meilleurs talents ou acheter des droits de retransmission ?
Marc Tessier : Ce n’est évidemment pas certain. Mais il va falloir que nos chaînes publiques jouent à armes égales et soient des acteurs à part entière. On ne peut, sous prétexte d’assurer la diversité, limiter voir leur interdire, d’être des producteurs importants, détenant les droits des oeuvres qu’elles financent et diffusent, alors que les plates-formes étrangères acquièrent tous les droits mondiaux et à long terme.
Siritz : La diffusion délinéarisée ne va-t-elle pas bouleverser les données ?
Marc Tessier : Je ne crois pas. Le linéaire restera incontournable pour certains événements, notamment sportifs, ou pour l’information. Mais regarder ce qu’on veut, quand on veut ou on veut va s’imposer. Et il n’y a aucune raison que le service public ne soit pas en pointe dans ce domaine.
Cinéma : un budget élevé ne garantit pas des entrées élevées
BaromètresC’est ce que montre la comparaison des résultats de janvier 2020 avec janvier 2019
Ainsi, les entrées cumulées des 29 films français sortis en janvier 2019 étaient de 11 930 000 entrées alors que celle des 25 films sortis en janvier 2020 était de 3 564 00 entrées. Soit 3,35 plus d’entrées pour les films sortis en 2019 que pour ceux sortis en 2020.
Or le budget cumulé des films français sortis en janvier 2019 était de 97,8 millions € alors que celui des films français sortis en janvier 2020 était de 102,2 millions €.
Certes, en janvier 2019 sont sortis 4 films français de plus. Mais le budget moyen est passé de 3,37 millions € à 4,258 millions €, soit une augmentation de 26%.
Ce baromètre est établi à partir des évaluations du site www.Cinefinances.info qui est un site, accessible par abonnement, destiné aux professionnels du cinéma. Il publie le budget, le plan de financement et la répartition des recettes de tous les films français qui sortent (hors les films « sauvages » qui ne déposent pas leurs contrats au registre public et ne demandent donc pas l’agrément qui leur permettrait d’accéder à l’aide du CNC). Il dispose d’un puissant moteur de recherche multicritères et de 10 ans d’archives.
Méthodologie de calcul des baromètres
Les baromètres sont établis à partir de calculs film par film. La marge brute (est-ce que le distributeur a couvert son investissement ?) est la différence entre le chiffre d’affaires salle du distributeur et son investissement (frais d’édition et, éventuellement, minimum garanti).
Le chiffre d’affaires est établi à partir du nombre d’entrées du film à la fin de la carrière en salle multiplié par la recette moyenne du distributeur par entrée. Cette dernière est établie chaque année par le CNC qui calcule le prix moyen de la place de cinéma et la part moyenne du distributeur sur ce prix de place.
Le soutien automatique généré par un film est lié au chiffre d’affaires salle de celui-ci et le soutien sélectif est publié par le CNC. Le soutien sélectif aux entreprise de distribution n’est pas pris en compte car il vise à couvrir une partie des frais des structures dse distributeurs qui ont un plan de sortie d’au moins 3 films dans l’année.
Le minimum garanti est fourni par Cinéfinances.info dont les informations sur chaque film proviennent des contrats qui sont déposés au registre public du CNC mais aussi par d’autres sources directes.
Les frais d’édition (frais techniques, frais de promotion et de publicité) sont des évaluations de Siritz. Pour chaque film cette évaluation s’appuie sur l’étude annuelle du CNC sur les coûts de distribution des films français, qui prend en compte plusieurs critères.
A partir de cette étude Siritz a établi un algorithme qui prend en compte plusieurs critères (ampleur de la sortie, budget du film, genre du film, profil du distributeur . Celui-ci est comparé aux contrats de distribution fournis par Cinéfinances.info qui indiquent les médias pour lesquels le distributeur a un mandat, les taux des commissions de distribution, le minimum garanti et le plafond des frais d’édition au-delà desquels le distributeur doit demander l’autorisation du producteur. Souvent, le contrat fixe aussi un plancher de frais d’édition. Sauf quelques rares exceptions l’algorithme donne des chiffres conformes au contrat.
Par ailleurs, en 2019 Cinéfinances.info a interrogé des producteurs sur le montant des frais d’éditions transmis par le distributeur. En général les plafonds et les planchers sont respectés. Et les évaluations se sont révélées exactes avec une faible marge d’erreur.
Enfin, sur un baromètre qui porte sur 15 à 20 films par mois, les marges d’erreur se compensent en partie..
En revanche Siritz ne peut évaluer les marges arrière dont pourraient bénéficier certains distributeurs.
30 Mars 2020