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L'édito de Serge
Serge Siritzki

DISTINGUER CRISE SANITAIRE ET ÉVOLUTION

Par Serge Siritzky

Diversité des réactions à court terme et nouveau modèle économique à bâtir

Chaque semaine l’industrie du cinéma est secouée par une nouvelle explosion volcanique. https://siritz.com/editorial/la-derive-des-continents-de-laudiovisuel/ Il y a deux semaines,  AMC, le premier exploitant des Etats-Unis et d’Europe, avait effectué un virage ã 180° par rapport à ce qui était, jusque là, un dogme pour lui, comme pour tout exploitant américain : une fenêtre d’exclusivité de 3 mois pour la diffusion des films de cinéma. Il a en effet accepté, pour certains films, de la réduire à 17 jours par rapport ã la VoD Premium, en échange d’une participation au produit de cette dernière.

La semaine dernière,  c’est Disney, le premier premier producteur et distributeur mondial de cinéma, qui a effectué, à son tour, un virage à 180°. Le studio a sans doute estimé que les 200 millions $ de budget de  son blockbuster «Mulan » ne pourraient jamais être amortis par une sortie dans un parc de salle dont personne ne sait combien de temps  encore il sera  largement amputé.  Il a donc décidé de proposer ce film  en VoD Premium aux abonnés Disney +,  son tout nouveau  service de S-VoD.  Une formule qui ne permettra peut-être pas non plus d’amortir le film, mais qui vise aussi à accélérer les abonnements ã Disney +. 

Pour comprendre le choc que cette décision provoque chez les exploitants il faut se rappeler  que «Mulan » est le remake live, donc avec la dimension spectaculaire en plus d’un film d’animation qui était sorti en 1998. Une  année où la fréquentation n’était en France que de 170 millions d’entrées. Il avait alors rassemblé plus de 5,8 millions de spectateurs.

https://www.konbini.com/fr/cinema/video-excede-un-exploitant-detruit-une-publicite-de-mulan-apres-lannonce-de-disney/?fbclid=IwAR1m_hOqljMzEC8RR9YDemh2Sc_5OqnY_yJpkNAoeE_-M1GfziE758Plbnk

En revanche, Warner, pour son blockbuster «Tenet », a fait un choix contraire à celui de Disney : renoncer au dogme de la sortie mondiale et ne le sortir que dans les territoires où la plupart des salles sont ouvertes. Donc, pas aux Etats-Unis. Et, autre révolution, la major va inaugurer en France la promotion du film par la diffusion d’un spot publicitaire à la télévision. Une opportunité qui, jusqu’à ce jour, était interdite aux films de cinéma.

En France, il  y a trois semaines, deux distributeurs français  importants, Gaumont et Le Studio Orange,  ont vendus des films très attendus par les exploitants à des plates-formes de S-VoD. Ils ne sortiront donc pas en salle.eux phénomènes

Deux phénomènes

Mais il faut distinguer deux phénomènes. D’une part, les effets de la crise sanitaire qui oblige un grand nombre de salles dans le monde, particulièrement aux Etats-Unis, à rester fermer et déprime la fréquentation de celles qui sont ouvertes. 

D’autre part, l’irruption de nouveaux acteurs extrêmement puissants, les plates-formes de S-VoD, qui sont intéressées par la diffusion de films importants et ont les moyens de les acquérir. En outre, dans les  pays, où il n’y a pas, comme en France de chaîne à péage diffusant les films de cinéma 8 mois après leur sortie en salle, la vidéo physique ou la VAD ont une part de marché sensiblement plus importante que chez nous. De surcroit, dans certains territoires, il y la VAD Premium, à un prix double de celui de la place de cinéma. Comme 70% de la recette nette de la VoD est attribuée au distributeur ou au producteur, cela leur laisse une marge très importante.

A court terme, la  crise sanitaire oblige producteurs et distributeurs à faire des choix inattendus pour sauver les meubles. A long terme, l’arrivée  et le développement des nouveaux modes d’exploitation des films, comme de tous les contenus audiovisuels, oblige à une réflexion sur les nouveaux modèles économiques du secteur. C’est un peu comme passer d’un univers à deux dimensions à un univers à «n » dimensions. Il est peu probable  qu’un décret continuer puisse à y détailler   le trajet de chacun.

Le modèle économique sur lequel reposait notre cinéma nous avait permis d’avoir le meilleur parc de salles et d’être le premier  producteur de films d’Europe. Mais, aujourd’hui, les plates-formes mondiales de S-Vod sont un acteur incontournable du cinéma, comme de l’ensemble de l’audiovisuel. Partout dans le monde, y compris en France. L’hexagone  ne peut imaginer être une île à l’abri de cette évolution. 

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