LE CiNEY18 VA EN ÊTRE UNE SPECTACULAIRE DÉMONSTRATION PERMANENTE

Les entreprises et tous les professionnels du secteur culturel ne doivent cesser de faire savoir que l’exception culturelle se justifie parce que la culture est un facteur essentiel d’intégration sociale. Or, ces entreprises et ces professionnels vont prochainement disposer d’un outil pour le démontrer de manière spectaculaire à ceux qui en doutent. Ils ont tout intérêt à observer sa mise en œuvre et à le soutenir.

UN ARRONDISSEMENT TRÈS SOUS DÉVELOPPÉ EN CINÉMAS

Le CiNey se situera porte de Clignancourt, au nord du XVIII-ème arrondissement de Paris. Pour comprendre l’enjeu sachez qu’avec 192 000 habitants cet arrondissement n’a que deux établissements cinématographiques et 13 cinémas, situés à son extrémité sud. Avec 10 fois plus d’habitants l’ensemble de la capitale possède 30 fois plus de cinémas.

Or, tout au nord de cet arrondissement, entre le boulevard Ney et le périphérique,  on trouve une zone de 15 000 habitants. Il existe environ 450 zones de ce type en France et ils rassemblent 3 millions d’habitants. Ces zones sont ce que l’État qualifie de « quartiers prioritaires de la ville ». Il y a ici principalement la plus vieille cité HBM (habitations à mon marché) de Paris, occupée par des familles issues du monde entier, mais également des HLM traditionnels et deux nouveaux  îlots de logements destinés aux populations plus aisées. Les 6 000 étudiants qui vont chaque jour à l’Université de Clignancourt-Sorbonne ne s’attardent pas dans le quartier. Malgré tous les efforts il n’y a donc pas intégration de ces différentes populations.

33% DES JEUNES DE 16 À 25 ANS NE SONT « NI EN ÉTUDE NI EN EMPLOI »

Autre caractéristique du quartier que nous venons de citer : 33% des jeunes de 16 à 25 ans « ne sont ni en étude ni en emploi. » Le moins que l’on puisse dire est qu’ils n’ont aucune raison de se sentir intégrés à la société et que c’est un problème pour l’ensemble du pays.

Mais, dans ce XVIII-ème nord, il se trouve que les choses sont en train de changer. Tout d’abord parce qu’ il y a 15 ans, un groupe de cinéastes, de musiciens et de photographes, a pris conscience du problème et a estimé que la pratique culturelle était un moyen de renverser le cours des choses.

Ensemble, ils ont créé une association, LA SIERRA PROD qui, en lien avec les établissements scolaires du quartier, a amené 10 000 personnes, jeunes en scolarité et moins jeunes, à réaliser 50 clips musicaux, 40 courts-métrages (fiction, reportages, documentaires), 7 long-métrages documentaires sur le renouvellement urbain de leur quartier. Elle organise chaque année des projections, des concerts, des expo photo accueillant le plus vaste public. Donc elle permet de s’exprimer, en travaillant collectivement, et à fournir, souvent avec humour, un regard sur la société et ses problèmes.

Les jeunes créent de spectacles musicaux

Les jeunes et les moins jeunes réalisent qu’ils ont quelque chose à dire sur le monde qui les entoure, donc qu’ils en font partie. Prenant confiance en eux, ils prennent conscience que la culture est leur affaire.

Et voici qu’un beau jour le Bricorama du boulevard Ney ferme ses portes. Que vont devenir ces       1 600 m2 ? L’équipe de LA SIERRA PROD  imagine alors d’y créer un lieu très particulier qui va faire accéder le quartier au sens large à toutes les formes de pratiques culturelles. Et elle réussit à convaincre la ville de Paris, différentes  collectivités publiques et administrations, dont celles en charge des quartiers prioritaires, ainsi que le CNC de financer son projet.

Les locaux du Bricorama

UN CENTRE CULTUREL EXCEPTIONNEL

Le centre comportera deux cinémas (qui ambitionnent d’être de véritables salles Art et Essai), une salle polyvalente transformable en salle de spectacle, une salle de montage, un studio de prise de vue et d’enregistrement, un café bar, une librairie. Dans ce quartier où l’on ne trouve que des fast-food, ce sera aussi un endroit pour le mieux manger, avec un restaurant, une épicerie et une cuisine. La fondation de l’Armée du Salut, partenaire du lieu, va en prendre la gestion pour qu’il soit accessible à toutes les bourses. Et, pour lutter contre le chômage des jeunes , la Mission locale de Paris, l’autre partenaire du lieu,  va proposer aux 16/ 25 ans des parcours d’insertion liées à l’entreprenariat culturel.

Le budget total de l’équipement est de 2,2 millions € et près des trois quarts ont déjà été trouvés auprès d’organismes publics, car tous estiment qu’il s’agit sans doute d’un équipement qui sera fréquenté par tous les ceux qui vivent dans le quartier ou ses alentours comme par ceux qui le traversent. Et, donc, qui sera un puissant outil pour contribuer à résoudre certains des problèmes d’intégration de notre société. Le solde est en bonne voie.

Le projet CINEY18

Mais le CiNey a aussi pour ambition d’être un partenaire et nullement un concurrent des entreprises privées du cinéma, de l’audiovisuel et de la musique. Son but est d’être un facteur d’ascension sociale et que ses utilisateurs deviennent des citoyens qui vont au cinéma et au concert. Ainsi la programmation de ses salles sera très différente des salles commerciales traditionnelles avec qui elle souhaiterait passer des accords.

LA SIERRA PROD, qui est une association à but non lucratif est le seul actionnaire du CiNey. Elle peut bénéficier de mécénat, avec déduction d’impôt. Or, elle va en permanence pouvoir être utilisée par les entreprises du secteur culturel comme démonstration vivante de leur rôle irremplaçable dans l’intégration sociale, un des grands défis auquel est confronté notre pays.

POUR  « LA NUIT DU VERRE D’EAU » RÉALISÉ PAR CARLOS CHAHINE

Ce drame tourné en arabe au Liban est le premier long métrage de ce Libanais qui est un acteur et un metteur en scène de théâtre. Il est sorti la semaine dernière.

https://carloschahine.com/fr/

Cinéfinances.info* a fourni les données financières de cet article.

Il s’agit d’une coproduction entre la France (86%) et le Liban (14%) pour un budget prévisionnel de 1,1 millions €. C’est le tiers du budget prévisionnel médian des films Français de fiction sortis depuis le début de l’année.https://siritz.com/financine/pathe-et-boon-explosent-les-barometres/

Pour la préparation, 35 jours de tournage et la post-production la rémunération du réalisateur est de 40 000 €, dont 10 000 € d’à valoir sur droits d’auteur et 30 000 € de salaire de technicien. C’est la moitié de la rémunération médiane des réalisateurs de ces films. Il a écrit le scénario pour 45 000 €. C’est la moitié du budget médian des scénarios de ces films. Les rôles principaux ont reçu 36 000 €. C’est la moitié de ce leur rémunération médiane pour ces films.

Le producteur Français est Autres Rivages (Sandra Lamal). 13 Productions (Joseph Perez) est coproducteur. Il a bénéficié du Fonds Doha, du soutien de la Procirep/Angoa et de l’aide de la Région Sud (écriture, développement, production). JHR & Jour2fêtes ont le mandat de distribution en salle sans minimum garanti. Le coproducteur Libanais est Orjouane Productions (Sabine Sidawi Hamdam).

www.Cinefinances.info est un site, accessible par abonnement, destiné aux professionnels du cinéma.  Il publie budget, le plan de financement et la répartition des recettes prévisionnels de tous les films français qui sortent (hors les films « sauvages » qui ne déposent pas leurs contrats au registre public et ne demandent donc pas l’agrément qui leur permettrait d’accéder à l’aide du CNC). Il s’agit des chiffres de l’agrément d’investissement sur la base duquel le producteur a monté son financement. Il dispose d’archives des films sortis depuis 2010 et d’un puissant moteur de recherche, avec de multiples critères.

POUR LA RÉALISATION DE « 38°5 QUAI DES ORFÈVRES »

Cette comédie est son premier long métrage.

Cinéfinances.info* a fourni les données financières de cet article.

Il est produit par Chabraque Productions (Clémentine Dabadie) et Carré Long Productions (Jérôme Anger) pour un budget prévisionnel de 2,7 millions €. https://fr.wikipedia.org/wiki/38°5_quai_des_Orfèvres C’est 52% du budget moyen des films français de fiction sortis depuis le début de l’année. https://siritz.com/financine/pathe-et-boon-explosent-les-barometres/

Pour la préparation, 32 jours de tournage et la post-production la rémunération du réalisateur est de 50 000 €, répartie en part égale entre à valoir sur droits d’auteur et salaire de technicien. C’est 20% de plus que la rémunération médiane des réalisateurs de ces films. Benjamin Lerher a écrit le scénario pour 50 000 €. C’est 55% du budget médian des scénarios de ces films. Les rôles principaux ont reçu pour ces films.

DBProductions (Didier Bourdon) et TF1 sont coproducteurs. La Région Ile-de-France a accordé une aide remboursable.

Canal+, Ciné+ et TF1 l’ont préacheté. KMBO a donné un minimum garanti pour le mandat de distribution.

Le précédent film distribué par KMBO était Disco Boy, sorti en salle le 3 mai dernier. https://siritz.com/cinescoop/la-remuneration-de-giacomo-abbruzze/

Il était réalisé par Giacomo Abbruzze. Cette coproduction entre la France (70%) et l’Italie, la Belgique, la Pologne (chacun 10%) avait un budget prévisionnel de 3,35 millions €.

KMBO avait donné un minimum garanti. Le film avait rassemblé 35 000 spectateurs.

www.Cinefinances.info est un site, accessible par abonnement, destiné aux professionnels du cinéma.  Il publie budget, le plan de financement et la répartition des recettes prévisionnels de tous les films français qui sortent (hors les films « sauvages » qui ne déposent pas leurs contrats au registre public et ne demandent donc pas l’agrément qui leur permettrait d’accéder à l’aide du CNC). Il s’agit des chiffres de l’agrément d’investissement sur la base duquel le producteur a monté son financement. Il dispose d’archives des films sortis depuis 2010 et d’un puissant moteur de recherche, avec de multiples critères.

POUR LA RÉALISATION DE « MAGNIFICAT »

Cette dramatique policière est le premier long métrage pour le cinéma de celle qui a réalisée de nombreuses fictions. https://fr.wikipedia.org/wiki/Virginie_Sauveur

Cinéfinances.info* a fourni les données financières de cet article.

Il est produit par Move Movie (Bruno Levy), Terence films (Stephan Meunier et Bertrand Cohen) pour un budget prévisionnel de 2,8 millions €. C’est un peu plus de 50% du budget prévisionnel moyen des films français de fictions sortis depuis le début de l’année.

Pour la préparation, 27 jours de tournage et la post-production la rémunération de la réalisatrice est de 72 000 €, dont 40 000 € d’à valoir sur droits d’auteur et 42 000 € de salaire de technicien. C’est 10% de moins que la rémunération médiane des réalisateurs de ces films.

Il s’agit d’une adaptation du roman d’Anne-Élisabeth Lacassagne , « Des femmes en noir », dont les droits ont été acquis 69 000 €. Virginie Sauveur a écrit le scénario avec Nicolas Sihol et ils se sont partagés 70 000 €. Le budget de ce scénario est 60% du budget moyen des scénarios de ces films. Les rôles principaux ont reçu 138 000 €. C’est également 60% de ce qu’ont reçu en moyenne les rôles principaux de ces films.

Le film a reçu 550 000 € d’avance sur recettes. Orange studio est coproducteur.  Deux soficas, dont une adossée, y ont investi. La région Ile de France lui a apporté son aide. OCS a les mandats salle, vidéo, vod, s-vod, TV et étranger. C’est Alba Film qui est le distributeur physique.

Le précédent film produit par Move Movie était « Le Torrent », réalisé par Anne Le Ny. Sorti en salle de 30 novembre 2022 le film avait rassemblé 301 000 spectateurs. https://siritz.com/cinescoop/la-remuneration-de-anne-le-ny/

www.Cinefinances.info est un site, accessible par abonnement, destiné aux professionnels du cinéma.  Il publie budget, le plan de financement et la répartition des recettes prévisionnels de tous les films français qui sortent (hors les films « sauvages » qui ne déposent pas leurs contrats au registre public et ne demandent donc pas l’agrément qui leur permettrait d’accéder à l’aide du CNC). Il s’agit des chiffres de l’agrément d’investissement sur la base duquel le producteur a monté son financement. Il dispose d’archives des films sortis depuis 2010 et d’un puissant moteur de recherche, avec de multiples critères.

POUR LA RÉALISATION DE « LE PROCESSUS DE LA PAIX »

C’est son 3ème long métrage de fiction. Son premier «Le ciel étoilé au-dessus de ma tête » était sorti le 25 mai 2018 et avait rassemblé 16 000 spectateurs. https://fr.wikipedia.org/wiki/Ilan_Klipper

Cinéfinances.info* a fourni les données financières de cet article.

Il est produit par Cinéfrance studios (Julien Deris et David Gauquié) pour un budget de 3,1 millions €. C’est 60% du budget moyen des films français de fiction sorti depuis le début de l’année. https://siritz.com/financine/pathe-et-boon-explosent-les-barometres/

Pour la préparation, 30 jours de tournage et la post-production la rémunération du réalisateur est de 100 000 €, répartie en part égale entre à valoir sur droits d’auteur et salaire de technicien. C’est 25% de plus que la rémunération médiane des réalisateurs de ces films. Il a écrit le scénario avec Camille Chamoux pour 165 000 €. C’est 45% du budget moyen des scénarios de ces films. Les rôles principaux ont reçu 102 000 €. C’est un tiers de plus que leur rémunération médiane dans ces films.

Le Pacte et France 2 sont coproducteurs. Canal+, Ciné+ et France 2 l’ont préacheté. Le Pacte a donné un minimum garanti pour les mandats salle, vidéo, vod et svod. Le film est au 4ème rang des nouvelles sorties avec 6 000 entrées sur 252 salles le premier jour.

Le précédent film produit par Cinéfrance studios était « Le bonheur des uns », réalisé par Daniel Cohen. https://siritz.com/cinescoop/la-remuneration-de-daniel-cohen/

Distribué par SND il était sorti le 9 septembre 2 000 et avait rassemblé 293 000 spectateurs.

Le Pacte vient de distribuer « Jeanne du Barry », réalisé par Maïwen Le Besco, qui a fait l’ouverture du Festival de Cannes et a réalisé 734 000 entrées à dimanche soir et devrait dépasser les 750 000 entrées. https://siritz.com/cinescoop/la-remuneration-de-maiwenn-le-besco/ Il est également le distributeur de la Palme d’or du Festival de Cannes qui sortira en salle fin août. https://siritz.com/cinescoop/la-remuneration-de-julie-triet/

www.Cinefinances.info est un site, accessible par abonnement, destiné aux professionnels du cinéma.  Il publie budget, le plan de financement et la répartition des recettes prévisionnels de tous les films français qui sortent (hors les films « sauvages » qui ne déposent pas leurs contrats au registre public et ne demandent donc pas l’agrément qui leur permettrait d’accéder à l’aide du CNC). Il s’agit des chiffres de l’agrément d’investissement sur la base duquel le producteur a monté son financement. Il dispose d’archives des films sortis depuis 2010 et d’un puissant moteur de recherche, avec de multiples critères.

Si, contrairement à ce qu’affirmait Justine Triet le gouvernement n’a aucune intention de modifier en quoi que ce soit l’éco-système du cinéma français qui marche si bien https://siritz.com/editorial/cinema-une-exception-culturelle-pperformante/, au sein de la profession on entend constamment la complainte : « il y a trop de films ».

Car, effectivement, il y a 750 films qui sortent par an, dont 35% de français. Soit 15 par semaine, dont environ 5 de Français.  Mais il y a des semaines à moins de 10 films et d’autres à plus de 20.

A titre d’exemple, cette semaine, le mois de juin étant une période creuse, viennent de sortir 10 films dont 6 français. La semaine prochaine sortiront 13 films dont 4 français.

QUEL DÉCHET

Dans le meilleur des cas trois ou quatre d’entre eux réussissent à attirer l’attention du public ou d’une partie de celui-ci. Les médias (critiques de la presse écrite et les radio, émissions de plateau) ont une place limitée à leur consacrer. Et quand il leur consacre ce n’est pas toujours dans un sens favorable. Le public français  peut aussi être attiré par une bande-annonce ou une affiche. Les réseaux sociaux doivent jouer un rôle croissant. Mais, en tout état de cause, seuls trois ou quatre films vont percer et réaliser un nombre d’entrées conséquent.

Quel déchet ! Mais c’est la même chose pour le livre : à la rentrée prochaine vont sortir 700 livres et la très grande majorité rencontreront l’échec. C’est également la même chose avec le théâtre et de la musique.

Mais c’est la nature de ces industries culturelles d’être des industries de prototypes. En matière de recherche aussi il y a, par nature, beaucoup de déchets. C’est d’ailleurs en partie parce qu’elle y investit et, donc, y « gâche », un pourcentage plus faible de son PIB (2% au lieu de 3 à 5% pour ses principaux concurrents) que la France s’est sous-industrialisée.

Le nombre de films, comme tout notre écosystème, permet une diversité de l’offre et des acteurs,  ainsi que leur constant renouvellement.

FAIRE ENTRER UN PIED 40 DANS UNE CHAUSSURE 38

En outre, notre écosystème vise à ce que tous les films qui ont été produits aient leurs chances en empêchant les établissements de consacrer plus d’un certain nombre d’écrans à un même film, aussi porteur soit-il,  pour les obliger â élargir leur offre. Mais cela n’empêche pas deux multiplexes côte â côte à diffuser le même film. Et les salles Art et Essai qui ont un soutien spécial, parce que leur vocation est de soutenir la diversité et la recherche, on le droit, parce qu’on ne peut les condamner à ne présenter que des films refusés ailleurs, de proposer aussi des films dont tout exploitant sait avant qu’ils ne sortent qu’ils vont être des succès commerciaux. Et, comme ces règles reviennent souvent à faire entrer un pied 40 dans une chaussure 38, a été mis en place une irremplaçable organisation de médiation. Mais, par nature, elle n’a pas de pouvoir.

Donc aucune mesure ne sera prise pour réduire le nombre de films, la diversité et le renouvellement de l’offre, ni l’accès, du moins potentiellement,  de cette diversité et de ce renouvellement au public le plus large.

A noter que l’on commence aussi à parler d’un surnombre de salles. En effet, le nombre d’établissements et d’écrans ne cesse de croître fortement, alors que la fréquentation reviendra sans doute à son niveau d’avant Covid, mais certainement pas très au-delà. Donc, plus de salles vont se partager la même recette. Mais il faut dire que le compte de soutien automatique du CNC est une épargne forcée qui condamne à l’investissement. Et c’est là son génie. Tandis que le compte de soutien sélectif doit permettre de couvrir le territoire en profondeur. Peut-être que l’on pourrait s’en inspirer pour les déserts médicaux.

POUR LA RÉALISATION DE « STARS AT NOON »

C’est le 16ème long métrage de cette réalisatrice française. https://fr.wikipedia.org/wiki/Claire_Denis . Il a remporté les Grand Prix du festival de Cannes 2022.

Cinéfinances.info* a fourni les données financières de cet article.

Il est produit par Curiosa films pour un budget prévisionnel de 6,2 millions €. C’est 20% de plus que le budget prévisionnel moyen des films français de fiction sortis depuis le début de l’année. https://siritz.com/financine/pathe-et-boon-explosent-les-barometres/ Pour la préparation, 40 jours de tournage et la post-production la rémunération de la réalisatrice est de 136 000 €, répartie en part égale entre à valoir sur droits d’auteur et salaire de technicien. C’est 60% de la rémunération moyenne des réalisateurs de ces films.

C’est une adaptation du roman de Denis Johnson, « Des étoiles à midi », dont les droits ont été acquis pour 140 000 €. Elle a écrit le scénario avec Andrew Litvack et Léa Mysisus pour 138 000 €.  C’est 25% de plus que le budget moyen des scénarios de ces films.

Les rôles principaux ont reçu 200 000 €. C’est 10% de moins que ce qu’ont reçu en moyenne les rôles principaux de ces films.

Hypathia Films, Barnstormer et Arte sont coproducteurs. Canal+, Ciné + et Arte l’ont préacheté. Ad Vitam a donné un minimum  garanti pour les mandats salle, vidéo et vod. Wild Bunch a donné un minimum garanti pour le mandat international.

Le précédent film qu’elle a réalisé est “Avec Amour et Acharnement”, est sorti le 31 août 2022. Il était produit par Curiosa Films pour un budget de 2,6 millions €. C’était une adaptation du roman « Un tournant de la vie » de Christine Angot dont les droits avaient été acquis 85 000 €. Elle avait écrit le scénario pour 10 000 €. Les rôles principaux avaient reçu 87 000 €.

Deux soficas y avaient investi. Canal+ et Ciné +  l’avaient l’ont préacheté. Ad Vitam avait donné un minimum garanti pour les mandts salle, vidéo et vod. Wild Bunch avait donné un minimum garanti pour le mandat international.

Le film avait rassemblé 157 000 spectateurs.

www.Cinefinances.info est un site, accessible par abonnement, destiné aux professionnels du cinéma.  Il publie budget, le plan de financement et la répartition des recettes prévisionnels de tous les films français qui sortent (hors les films « sauvages » qui ne déposent pas leurs contrats au registre public et ne demandent donc pas l’agrément qui leur permettrait d’accéder à l’aide du CNC). Il s’agit des chiffres de l’agrément d’investissement sur la base duquel le producteur a monté son financement. Il dispose d’archives des films sortis depuis 2010 et d’un puissant moteur de recherche, avec de multiples critères.

POUR LA RÉALISATION DE « SÉXIGÉNAIRES »

Cette comédie est son deuxième long métrage de cinéma. https://www.unifrance.org/annuaires/personne/318325/robin-sykes

Cinéfinances.info* a fourni les données financières de cet article.

Il est produit par 24 25 films (Thibault Gast et Matthias Weber) pour un budget prévisionnel de 5 millions €. https://fr.wikipedia.org/wiki/Sexygénaires . C’est légèrement moins que le budget moyen des réalisateurs de films français de fiction sortis depuis le début de l’année. https://siritz.com/financine/pathe-et-boon-explosent-les-barometres/

Pour la préparation, 31 jours de tournage et la post-production la rémunération du réalisateur est de 110 000 €, répartie en part égale entre à valoir sur droits d’auteur et salaire de technicien. C’est 40% de plus que la rémunération médiane des réalisateurs de ces films.  Il a écrit le scénario avec Antoine Raimbault, Jean-François Halin, Haroun,Malek Oudjail et  Elise Larnicol pour 636 000 €.  C’est 2,8 fois le budget moyen des scénarios de ces films. Les rôles principaux ont reçu 300 000 €. C’est un tiers de plus de ce qu’ils ont reçu en moyenne dans ces films.

Orange studios, Apollo Films et France 3 sont coproducteurs. Le CNC  lui a donné une aide à la musique et une sofica y a investi. Canal+, Ciné+ et France 3 l’ont préacheté. Apollo a donné un minimum garanti pour les mandats de distribution salle, vidéo, vod et S-Vod.

Le premier film de Robin Sykes était « La Finale » sorti le 14 février 2018. https://fr.wikipedia.org/wiki/La_Finale

Il était déjà produit par 24 25 films et son budget prévisionnel était 4,4 millions €. Pour la préparation, 34 jours de tournage et la post-production la rémunération du réalisateur était de 60 000 €, dont 20 000 € d’à valoir sur droits d’auteur et 40 000 € de salaire de technicien. La rémunération des rôles principaux était  de 284 000 €.

France 3 était coproducteur. Le film avait bénéficié d’une aide à la musique et d’une aide  aux nouvelles technologies du CNC ainsi que du soutien de la région Ile-de-France. Une sofica y avait investi. Canal+, OCS et France 3 l’avaient préacheté. L’UGC avait donné un minimum garanti pour les mandats salle, vidéo et étranger.

Le film avait rassemblé 601 000 spectateurs.

www.Cinefinances.info est un site, accessible par abonnement, destiné aux professionnels du cinéma.  Il publie budget, le plan de financement et la répartition des recettes prévisionnels de tous les films français qui sortent (hors les films « sauvages » qui ne déposent pas leurs contrats au registre public et ne demandent donc pas l’agrément qui leur permettrait d’accéder à l’aide du CNC). Il s’agit des chiffres de l’agrément d’investissement sur la base duquel le producteur a monté son financement. Il dispose d’archives des films sortis depuis 2010 et d’un puissant moteur de recherche, avec de multiples critères.

POUR LA RÉALISATION DE « CARMEN »

Ce drame romantique est le premier film réalisé par ce danseur étoile qui a déjà été le chorégraphe de  deux films. https://fr.wikipedia.org/wiki/Benjamin_Millepied

Cinéfinances.info* a fourni les données financières de cet article.

Il s’agit d’une coproduction entre la France (57%) et l’Australie(43%) pour un budget prévisionnel de 11,8 millions €. C’est 2,3 fois le budget prévisionnel moyen des films français de fiction sortis depuis le début de l’année. https://siritz.com/financine/pathe-et-boon-explosent-les-barometres/

Pour la préparation, 32 jours de tournage en décors naturels en Australie et la post-production, la rémunération du réalisateur est de 323 000 € de salaire de technicien. C’est 25% de plus que la rémunération moyenne des réalisateurs de ces films. Le scénario est tiré de l’œuvre de George Bizet et Prosper Mérimée. Le réalisateur l’a écrit avec Loïc Barrière et Alexander Dinela. Son budget total est de 660 000 €. C’est 2,5 fois le budget moyen des scénarios de ces films. Les rôles principaux ont reçu 408 000 €. C’est un peu moins de deux fois ce qu’ils ont reçu en moyenne pour ces films.

Le producteur français est Chapter 2 (Dimitri Rassam). France 2 et TF1 droits Audiovisuels sont coproducteurs. Canal+, Ciné+ et France 2 l’ont préacheté. Pathé a donné un minimum garanti pour les mandats salle, vidéo, vod, S-Vod en France.

Les producteur australien est Goalpost Pictures (Rosemary Blight, Kylie du Fresne, Ben Grant and Cass O’Connor) qui a bénéficité du crédit d’impôt. Cutting edge est coproducteur.

Sony Pictures Classic a donné un mandat pour les mandats de distribution en Amérique Latine, au Moyen Orient, en Europe Centrale, en Scandinavie et sur les Airlines. TF1 droits audiovisuels a donné un minimum garanti pour le monde, hors l’Italie et les territoires de Sony.

www.Cinefinances.info est un site, accessible par abonnement, destiné aux professionnels du cinéma.  Il publie budget, le plan de financement et la répartition des recettes prévisionnels de tous les films français qui sortent (hors les films « sauvages » qui ne déposent pas leurs contrats au registre public et ne demandent donc pas l’agrément qui leur permettrait d’accéder à l’aide du CNC). Il s’agit des chiffres de l’agrément d’investissement sur la base duquel le producteur a monté son financement. Il dispose d’archives des films sortis depuis 2010 et d’un puissant moteur de recherche, avec de multiples critères.

Serge Siritzky : Dans votre livre vous remarquez que tout l’audiovisuel Français est organisé sur les principes d’une loi de 1986. Elle a été modifiée plus de 80 fois, mais les principes n’ont pas changé. Alors que, depuis, le monde audiovisuel a été profondément bouleversé par le numérique et internet. Et, selon vous, cela pose un véritable problème.

Nathalie Sonnac : Depuis une vingtaine d’année on a effectivement une transformation par l’arrivée des nouvelles technologies de l’information et de la communication ainsi que du numérique. Et cette transformation s’est accompagnée de l’arrivée d’acteurs qui étaient totalement étrangers au monde des médias et de la culture, comme les Telcos, d’autres sont nés avec ce nouveau monde et je pense aux GAFA – Google, Facebook, Amazon ou Apple et aux plateformes numériques, comme Netflix ou Disney+. Et ces acteurs sont extrêmement puissants, à tel point que l’on peut dire qu’ils occupent une place hégémonique dans l’accès à l’information et aux contenus comme dans leur distribution. Leur puissance tient également au fait qu’ils proposent des services qui sont appréciés par le plus grand nombre. Et ils entrent en concurrence directe et indirecte avec les médias traditionnels, chaînes publiques ou privées sur tous les plans. Sur le plan de l’attention, des programmes, de l’accès aux droits, et des revenus publicitaires qu’ils siphonnent littéralement.

SS : Mais c’est de la publicité en ligne.

NS : Les annonceurs des médias historiques se sont précipités vers ce nouveau marché. Google possède la plus grande base de données mondiale de l’humanité , avec une connaissance fine de ce que nous sommes, de ce qui nous intéresse. Amazon c’est le plus grand distributeur de produits au monde. Youtube est de loin la première plateforme de vidéo pour les moins de 25 ans. Tous ces acteurs se sont positionnés dans le marché des industries culturelles et médiatiques. Et ils sont en train de faire vaciller les médias traditionnels.

SS : Vous dîtes qu’une des forces de ces nouveaux médias est leur base de données sur leurs clients qui leur permet de cibler les publicités de manière très précise et de les rendre beaucoup plus efficaces que sur les médias traditionnels qui n’ont que des données très frustres sur leurs clients.

NS : Les médias traditionnels se sont tournés vers la publicité depuis le milieu du XIXème siècle. Cela permettait notamment aux journaux de ne pas être vendus trop cher. Les données principales sur lesquelles s’appuie Médiamétrie, qui servent aux annonceurs de la radio, de la télévision ou de la presse, c’est l’âge, le sexe, la CSP, le revenu. Pour les GAFA la publicité représente entre 85 et 90% de leur chiffre d’affaires. Mais ils brassent les données par milliards, on parle de Big data. Ces données ils les organisent et les sélectionnent avec une précision inouïe, grâce à l’intelligence artificielle. Et elles sont donc beaucoup plus précises que celles relevées par Médiamétrie.

SS : Et ainsi, plusieurs personnes qui regardent le même contenu, vont recevoir des publicités différentes qui tiennent compte des critères de chacune de ces personnes.

Mon essai est une alerte aux pouvoirs publics

NS : Exactement. Par vos likes, par ce que vous avez regardé, par vos amis, toute les traces que nous laissons en naviguant en ligne font qu’ils vous connaissent mieux que vous-même. Cela leur fournit deux leviers puissants. Le premier c’est la capacité à vendre à leurs annonceurs la connaissance des internautes. Le second, c’est que leur connaissance de nous-mêmes leur permet de nous vendre des services qui sont en adéquation avec ce que nous aimons, notamment en matière de films, de documentaires, de séries. C’est là l’un des dangers : ils occupent une position de domination qui menace le modèle économique des médias traditionnels. Or, ce sont ces médias qui fabriquent aussi de l’information fiable et de qualité qui coûte cher à produire. Facebook n’a pas pour mission de fabriquer de l’information fiable et de qualité. Sa seule mission c’est de dégager le maximum de profits. Le vacillement des médias représente un danger pour la démocratie. A ce titre, mon essai est une alerte aux pouvoirs publics.

SS : Vous expliquez que la loi de 86 est fondée sur un certain nombre de principes qui, avant-même l’arrivé de ces nouveaux acteurs, pouvaient être critiqués. Le premier c’est qu’elle ne concerne que les émissions de stock, les œuvres-films, fictions, documentaires-et pas les émissions de flux. Donc pas l’information si importante pour le bon fonctionnement de notre démocratie. Mais pas non plus les formats qui sont si importants du point de vue économique. Enfin la loi vise la diversité des producteurs pas la bonne santé des diffuseurs de télévision. Ainsi, ceux-ci, à la différence des chaînes étrangères, ne peuvent que très marginalement être producteurs d’émissions de stock, donc se constituer un catalogue. C’est peut-être une des causes du fait que nos exportations de films et des programmes de stock sont faibles : les chaînes les financent fortement mais n’ont pas vraiment d’intérêt à commander des programmes qui s’exportent.

NS : Oui. En 1986 il y avait trois à cinq chaînes de télévision. Il existait une asymétrie par rapport aux producteurs notamment de petite taille. Il fallait assurer et garantir la diversité et le pluralisme des programmes avec des producteurs indépendants. C’est sur cette base que, grâce aux décrets Tasca, notre industrie audiovisuelle s’est construite. Mais le câble, la TNT, le satellite, l’ADSL et le web ont complétement changé les données : nous avons aujourd’hui accès à une multitude de chaînes. Notons que les décrets Tasca ont été efficaces :  la dernière étude publiée par l’ARCOM a monté que le nombre de producteurs n’a eu de cesse d’augmenter. Aujourd’hui on en compte près de 5 000. Cette asymétrie de 1986 n’existe plus. Par ailleurs, et c’est là le principale problème, on a un amoncellement de règles qui rendent peu lisible la loi, les intentions des pouvoirs publics et notre capacité à mesurer l’efficacité de nos mesures.

SS : Il faut remettre entièrement à plat la législation ?

NS : Oui. Il faut viser le pluralisme et la diversité. Mais il y a d’autres enjeux : il faut un cadre pour l’utilisation de la donnée et le partage de sa valeur. Il faut mieux préserver une information de qualité et indépendante. Et il faut changer le dispositif de mesures anti-concentration qui est totalement désuet.

SS : Vous faites référence à l’interdiction de la fusion de TF1 et M6, sous prétexte qu’elle aboutirait à une position dominante sur le marché de la publicité TV, alors que les annonceurs des chaînes sont siphonnés par les GAFA et que les chaînes en clair sont en concurrence avec des plateformes beaucoup plus puissantes qu’elles pour l’acquisition de contenu et l’attention des téléspectateurs.

On ne considère pas nos entreprises de média comme des entreprises

NS : Le marché de la publicité télévision est un marché de 3 milliards € qui est en décroissance. Et les GAFA que nos chaînes affrontent ont un chiffre d’affaires pour certains, supérieur au PIB de la France. On reviendra certainement sur cette fusion dans deux ou trois ans mais nous aurons perdu du temps, au risque même que ce soit trop tard.

SS : Une des caractéristiques du système français c’est qu’on a toujours donné à notre télévision des moyens insuffisants. Vous le dénoncer fortement dans votre livre.

NS : Oui. On ne considère pas nos médias comme des entreprises. Ou plutôt, on les considère uniquement comme des entreprises entièrement à part. c’est notable avec le secteur public. Notre redevance pour financer le service public était très inférieure à celle de nos grands voisins et à la moyenne européenne. Donc le service public a été autorisé à compléter ce manque par la publicité, au détriment des chaînes privées, sans jamais considérer l’importance d’avoir un secteur public puissant économiquement parlant. On le pense et on le régule comme un centre de coûts, pas comme un vecteur de soft power, qui emploie et rapporte.

Dans les médias on a une utilité marginale croissante

Pour les chaînes privées il en est de même. De nombreux secteurs ont été interdits de publicité télévisée, son niveau aujourd’hui est du même montant que celui d’il y a 10 ans alors même que le nombre de chaînes a été multiplié. On a ouvert la TNT à 27 chaînes sans penser augmenter l’accès aux ressources de la télévision. On aurait dû autoriser en même temps les secteurs jusque-là interdits. On ne se rend pas compte que dans les médias on a une utilité marginale croissante. Plus vous allez au cinéma, plus vous allez avoir envie d’y aller. Même chose pour les livres, le théâtre ou la musique. C’est l’opposé de l’économie classique. Vous avez faim, vous allez manger une pomme, peut-être une seconde. Mais votre utilité décroit dans votre consommation.

SS : Deux parlementaires viennent de proposer de supprimer la publicité sur le service public, en la compensant par des recettes publiques. Comme cela, selon eux, il y en aura plus pour les chaînes privées, et les diffuseurs publics pourront mieux se concentrer sur leur vocation. Qu’en pensez-vous ?

NS : Deux choses. Je partage l’idée qu’il est impératif de pérenniser les ressources publiques des diffuseurs publics. La redevance est à présent remplacée par une fraction du produit de la tva. Il faut le graver dans le marbre. Ensuite, la publicité après 20 heures est déjà interdite. Ils proposent de supprimer la publicité le reste de la journée et le parrainage. Ce sera positif si on est certain que ces recettes seront intégralement compensées et que l’idée n’est pas de réduire la voilure. Car, une fois encor les chaînes publiques jouent un rôle indispensable dans le financement de la création française. C’est 500 millions d’euros chaque année qui sont investis dans la création. Qu’on les différencie un peu plus des chaînes privées n’est pas une mauvaise chose. Si on est bien certain de remplacer à l’euro près cette baisse de ressource publicitaire. Et que  cette publicité va aux chaînes privées.

SS : Mais on dit que cela va aller majoritairement aux GAFA.

NS : C’est un risque. Et en plus, je me méfie quant à la pérennisation des recettes publiques de compensation.

SS : Revenons à l’information. C’est une des fonctions des médias traditionnels. Et elle est soumise à des règles du jeu précises qui garantissent sa fiabilité. S’ils s’en écartent ils sont sanctionnés par les tribunaux. Mais ce sont les GAFA qui sont aujourd’hui la principale source d’information des gens. Et la plus grande partie de cette information est de source anonyme. Et, elle est si volumineuse que c’est quasiment impossible de la contrôler. Bien plus, les fake news, les messages de haine, les invectives, les clashs ont souvent plus d’audience que les informations rapportant des faits exacts.

Il faut une nouvelle loi qui modifie profondément la loi de 1986

NS : C’est une menace très forte pour la démocratie. C’est pourquoi il faut renforcer le marché pertinent de l’information et garantir les conditions de sa fabrication. C’est une préoccupation des européens par les règlements DSA-DMA qui vise à responsabiliser les GAFA de grande taille et à leur imposer des obligations techniques et humaines de de modérations. Mais depuis que les réseaux sociaux sont dans le champ d’intervention de l’Arcom on voit bien combien il est difficile de les contrôler. Les amendes que l’on peut appliquer à Google ou Facebook sont minuscules face à des entreprises dont la valorisation boursière est supérieure au PIB de la France. La bonne échelle de régulation c’est l’échelle européenne. Mais il ne faut pas négliger l’échelle nationale. La transposition de la directive et des deux règlements est essentielle. Mais elle doit s’accompagner d’une nouvelle loi qui modifie profondément la loi de 1986 et qui, notamment, prenne en compte les risques de circulation de fausses informations. On voit les menaces que font peser certains réseaux sociaux sur la santé mentale des jeunes, cela a été démontré pour Instagram. Il nous faut par ailleurs plus de garanties en matière de transparence de l’information pour lutter contre la défiance à l’égard des médias. Enfin il faut développer l’éducation aux médias et à l’information. Pour aller plus loin et plus vite, car il y urgence, il faut  associer l’Éducation Nationale et médias. Il faut que les élève apprennent dès leur plus jeune âge à être des citoyens numériques.

SS : Mais où trouver le temps à l’École pour cet enseignement ?

NS : On ne peut se limiter à ce type de réponse. On est dans un monde qui aujourd’hui comprend 15% de gens qui pensent que la terre est plate. Cette éducation devient une vraie urgence. Il faut trouver une heure d’éducation au numérique par semaine, et ce, à tous les stades de l’enseignement. Parce que le monde est numérique. On n’envoie plus un curriculum vitae par la Poste. La plupart des documents administratifs sont numériques. Et pourtant, ils sont 40% des Français à qui il manque une des quatre compétences de base.

A l’ère numérique, la manipulation de l’information, la collecte de données à notre insu est une réalité. L’élection de Trump aux Etats-Unis, le vote du Brexit, l’élection de Bolsonaro au Brésil ont posé la question de la manipulation de l’information par des organismes qui ont bombardé les boites mails et autres réseaux pour infléchir les votes. Donc, trouver du temps dans les programmes scolaires à cette formation est un impératif. Aux États-Unis, un tiers des Américains n’ont plus de presse quotidienne régionale et c’est dans ces zones que la participation aux élections a le plus baisser. La perte d’information entraine une perte d’intérêt à la vie de la cité qui se traduit par un non-déplacement des citoyens vers les urnes.

Or, la participation aux élections est un élément fondamental de la démocratie.

SS : Dans un média traditionnel il y a un directeur du média qui est responsable. Il lit tous les articles qui vont paraitre dans le journal ou est au courant de ce que la chaîne ou la radio va diffuser. Mais sur un réseau social il est impossible d’être au courant des milliards d’informations diffusées. Il y a quelques semaines j’ai rencontré Gilles Babinet, le coprésident de notre Conseil national du numérique, et je lui ai dit qu’avec Chat GPT, on avait enfin un outil à qui on allait définir les règles du jeu à respecter et qui pourrait instantanément pointer et, même, bloquer les messages qui ne les respectaient pas. Il m’a répondu que Facebook utilisait depuis des années l’intelligence artificielle dans ce but et employait 60 000 personnes pour ça, et qu’il n’y arrive pas.

Le modèle américain ne respecte pas la vie privée au sens où nous l’entendons

NS : C’est un problème de fonds. En plus, quand Trump était président des États-Unis, parce qu’il avait dit sur Twitter que le Covid n’était pas dangereux et qu’un verre d’eau de Javel suffisait à le guérir, Twitter a fermé son compte, car il s’agissait d’une atteinte à la santé publique. Le nouveau propriétaire, Elon Musk l’a rétabli au nom de la liberté d’expression. Dans le même temps, il a décidé d’interdire de s’exprimer sur Twitter à des journalistes qui ne lui plaisent pas. Tout ça pose de sérieux problèmes de liberté d’expression et de respect de la vie privée. Mais on ne peut dire qu’on n’y arrivera pas. Les règlements européens DSA https://fr.wikipedia.org/wiki/Législation_sur_les_services_numériques et le DMA https://fr.wikipedia.org/wiki/Législation_sur_les_marchés_numériques  sont déjà des avancées majeures. L’Europe est le seul continent à avoir établi des normes et des règles sur l’intelligence artificielle. Le modèle américain ne respecte pas la vie privée au sens où nous l’entendons. C’est une question de culture. Nous devons pouvoir faire respecter la nôtre au même titre qu’eux qui souhaitent imposer la leur.https://fr.wikipedia.org/wiki/Règlement_général_sur_la_protection_des_données sur l’utilisation des données personnelles. Le RGPD est en ce sens une avancée majeure.

SS : En ce qui concerne les plateformes de S-Vod, nous avons transcrit la directive européenne SMA. A cette occasion vous notez qu’on les a obligés à investir dans les œuvres françaises et européennes. Or, comme c’était de l’argent en plus, et, à terme, beaucoup d’argent, pour la création, on aurait pu en profiter pour réduire les obligations des chaînes pour qu’elles aient un peu plus les moyens de résister à ces nouveaux et très puissants concurrents.  On ne l’a pas fait.

NS : C’est un nouvel exemple de la non prise en considération du modèle économique des chaînes de télévision. La directive a pour but de protéger la création, le droit d’auteur et les droits voisins. Elle a permis de faire participer les nouveaux acteurs au financement de la création, réduisant ainsi l’asymétrie entre ancien et nouveau monde. Mais les décrets d’application n’ont pas pris en compte les enjeux économiques des chaînes et la concurrence exacerbée des plateformes numériques. Canal+ finançait le cinéma à hauteur de 150 millions € par an et maintenant c’est 200 millions €. Quant aux plateformes, elles peuvent investir à hauteur de 300, 400, certains parlent même de 700 millions € dans le cinéma et l’audiovisuel. Si on avait réduit obligations des chaînes, elles auraient pu dégager plus de bénéfices et  on aurait pu par exemple les obliger à investir une partie du gain dans la fabrique de l’information.

Est-ce qu’on n’a pas fait entrer le loup dans la bergerie ?

SS : Parmi les plateformes il y en a une, Amazon Prime, pour qui le cinéma et les séries sont un produit d’appel à l’abonnement à la plateforme, qui est elle-même un produit d’appel aux achats auprès du plus grand distributeur de produits au monde. Ses investissements dans ces contenus sont une goutte d’eau pour lui. Un jour Amazon Prime peut décider d’acheter les droits de diffusion des plus grands films français et américains, à la place de Canal+ et des chaînes en clair, même si c’est pour les diffuser 17 mois après la sortie en salle. Déjà, dans Siritz.com, j’ai noté que pour « Le Grand Cirque », Amazon Prime a investi la même somme que Canal+ qui le passe à 6 mois alors qu’Amazon les passer 17 mois après leur sortie en salle. Généralement le deuxième passage payant est acheté bien moins cher que le premier. Ça devrait faire réfléchir sur ses moyens. https://siritz.com/financine/apport-essentiel-des-diffuseurs-payants/

Est-ce qu’on n’a pas fait entrer le loup dans la bergerie ?

NS : Oui. C’est une bonne expression. Amazon Prime s’est acheté une place dans la chronologie des médias pour pas cher. Je ne suis pas certaine que de telles dispositions soient possibles aux États-Unis. Ils protègent leurs acteurs. C’est comme au début des années 2000 les propositions des Telco pour vendre des abonnements triple play : les chaînes de télévision étaient un simple produit d’appel pour vendre de l’abonnement à Internet. Il faut regarder comment se développe la Corée aujourd’hui en investissant massivement dans les industries culturelles et créatives, le soft power  est pour eux une véritable arme économique.

SS : Vous donnez dans votre livre un exemple très parlant : la moyenne des téléspectateurs d’Arte est de 63 ans. Celle d’Arte TV est de 50 ans et celle de Tiktok de 35 ans. Arte c’est vraiment la chaîne la plus en avance dans le domaine du numérique.

NS : Il faut effectivement rendre hommage à Bruno Patino qui a réussi à créer une marque, une plateforme, connue par des gens beaucoup plus jeunes que les téléspectateurs traditionnels de la télévision.