Serge Siritzky : Dans votre livre vous remarquez que tout l’audiovisuel Français est organisé sur les principes d’une loi de 1986. Elle a été modifiée plus de 80 fois, mais les principes n’ont pas changé. Alors que, depuis, le monde audiovisuel a été profondément bouleversé par le numérique et internet. Et, selon vous, cela pose un véritable problème.
Nathalie Sonnac : Depuis une vingtaine d’année on a effectivement une transformation par l’arrivée des nouvelles technologies de l’information et de la communication ainsi que du numérique. Et cette transformation s’est accompagnée de l’arrivée d’acteurs qui étaient totalement étrangers au monde des médias et de la culture, comme les Telcos, d’autres sont nés avec ce nouveau monde et je pense aux GAFA – Google, Facebook, Amazon ou Apple et aux plateformes numériques, comme Netflix ou Disney+. Et ces acteurs sont extrêmement puissants, à tel point que l’on peut dire qu’ils occupent une place hégémonique dans l’accès à l’information et aux contenus comme dans leur distribution. Leur puissance tient également au fait qu’ils proposent des services qui sont appréciés par le plus grand nombre. Et ils entrent en concurrence directe et indirecte avec les médias traditionnels, chaînes publiques ou privées sur tous les plans. Sur le plan de l’attention, des programmes, de l’accès aux droits, et des revenus publicitaires qu’ils siphonnent littéralement.
SS : Mais c’est de la publicité en ligne.
NS : Les annonceurs des médias historiques se sont précipités vers ce nouveau marché. Google possède la plus grande base de données mondiale de l’humanité , avec une connaissance fine de ce que nous sommes, de ce qui nous intéresse. Amazon c’est le plus grand distributeur de produits au monde. Youtube est de loin la première plateforme de vidéo pour les moins de 25 ans. Tous ces acteurs se sont positionnés dans le marché des industries culturelles et médiatiques. Et ils sont en train de faire vaciller les médias traditionnels.
SS : Vous dîtes qu’une des forces de ces nouveaux médias est leur base de données sur leurs clients qui leur permet de cibler les publicités de manière très précise et de les rendre beaucoup plus efficaces que sur les médias traditionnels qui n’ont que des données très frustres sur leurs clients.
NS : Les médias traditionnels se sont tournés vers la publicité depuis le milieu du XIXème siècle. Cela permettait notamment aux journaux de ne pas être vendus trop cher. Les données principales sur lesquelles s’appuie Médiamétrie, qui servent aux annonceurs de la radio, de la télévision ou de la presse, c’est l’âge, le sexe, la CSP, le revenu. Pour les GAFA la publicité représente entre 85 et 90% de leur chiffre d’affaires. Mais ils brassent les données par milliards, on parle de Big data. Ces données ils les organisent et les sélectionnent avec une précision inouïe, grâce à l’intelligence artificielle. Et elles sont donc beaucoup plus précises que celles relevées par Médiamétrie.
SS : Et ainsi, plusieurs personnes qui regardent le même contenu, vont recevoir des publicités différentes qui tiennent compte des critères de chacune de ces personnes.
Mon essai est une alerte aux pouvoirs publics
NS : Exactement. Par vos likes, par ce que vous avez regardé, par vos amis, toute les traces que nous laissons en naviguant en ligne font qu’ils vous connaissent mieux que vous-même. Cela leur fournit deux leviers puissants. Le premier c’est la capacité à vendre à leurs annonceurs la connaissance des internautes. Le second, c’est que leur connaissance de nous-mêmes leur permet de nous vendre des services qui sont en adéquation avec ce que nous aimons, notamment en matière de films, de documentaires, de séries. C’est là l’un des dangers : ils occupent une position de domination qui menace le modèle économique des médias traditionnels. Or, ce sont ces médias qui fabriquent aussi de l’information fiable et de qualité qui coûte cher à produire. Facebook n’a pas pour mission de fabriquer de l’information fiable et de qualité. Sa seule mission c’est de dégager le maximum de profits. Le vacillement des médias représente un danger pour la démocratie. A ce titre, mon essai est une alerte aux pouvoirs publics.
SS : Vous expliquez que la loi de 86 est fondée sur un certain nombre de principes qui, avant-même l’arrivé de ces nouveaux acteurs, pouvaient être critiqués. Le premier c’est qu’elle ne concerne que les émissions de stock, les œuvres-films, fictions, documentaires-et pas les émissions de flux. Donc pas l’information si importante pour le bon fonctionnement de notre démocratie. Mais pas non plus les formats qui sont si importants du point de vue économique. Enfin la loi vise la diversité des producteurs pas la bonne santé des diffuseurs de télévision. Ainsi, ceux-ci, à la différence des chaînes étrangères, ne peuvent que très marginalement être producteurs d’émissions de stock, donc se constituer un catalogue. C’est peut-être une des causes du fait que nos exportations de films et des programmes de stock sont faibles : les chaînes les financent fortement mais n’ont pas vraiment d’intérêt à commander des programmes qui s’exportent.
NS : Oui. En 1986 il y avait trois à cinq chaînes de télévision. Il existait une asymétrie par rapport aux producteurs notamment de petite taille. Il fallait assurer et garantir la diversité et le pluralisme des programmes avec des producteurs indépendants. C’est sur cette base que, grâce aux décrets Tasca, notre industrie audiovisuelle s’est construite. Mais le câble, la TNT, le satellite, l’ADSL et le web ont complétement changé les données : nous avons aujourd’hui accès à une multitude de chaînes. Notons que les décrets Tasca ont été efficaces : la dernière étude publiée par l’ARCOM a monté que le nombre de producteurs n’a eu de cesse d’augmenter. Aujourd’hui on en compte près de 5 000. Cette asymétrie de 1986 n’existe plus. Par ailleurs, et c’est là le principale problème, on a un amoncellement de règles qui rendent peu lisible la loi, les intentions des pouvoirs publics et notre capacité à mesurer l’efficacité de nos mesures.
SS : Il faut remettre entièrement à plat la législation ?
NS : Oui. Il faut viser le pluralisme et la diversité. Mais il y a d’autres enjeux : il faut un cadre pour l’utilisation de la donnée et le partage de sa valeur. Il faut mieux préserver une information de qualité et indépendante. Et il faut changer le dispositif de mesures anti-concentration qui est totalement désuet.
SS : Vous faites référence à l’interdiction de la fusion de TF1 et M6, sous prétexte qu’elle aboutirait à une position dominante sur le marché de la publicité TV, alors que les annonceurs des chaînes sont siphonnés par les GAFA et que les chaînes en clair sont en concurrence avec des plateformes beaucoup plus puissantes qu’elles pour l’acquisition de contenu et l’attention des téléspectateurs.
On ne considère pas nos entreprises de média comme des entreprises
NS : Le marché de la publicité télévision est un marché de 3 milliards € qui est en décroissance. Et les GAFA que nos chaînes affrontent ont un chiffre d’affaires pour certains, supérieur au PIB de la France. On reviendra certainement sur cette fusion dans deux ou trois ans mais nous aurons perdu du temps, au risque même que ce soit trop tard.
SS : Une des caractéristiques du système français c’est qu’on a toujours donné à notre télévision des moyens insuffisants. Vous le dénoncer fortement dans votre livre.
NS : Oui. On ne considère pas nos médias comme des entreprises. Ou plutôt, on les considère uniquement comme des entreprises entièrement à part. c’est notable avec le secteur public. Notre redevance pour financer le service public était très inférieure à celle de nos grands voisins et à la moyenne européenne. Donc le service public a été autorisé à compléter ce manque par la publicité, au détriment des chaînes privées, sans jamais considérer l’importance d’avoir un secteur public puissant économiquement parlant. On le pense et on le régule comme un centre de coûts, pas comme un vecteur de soft power, qui emploie et rapporte.
Dans les médias on a une utilité marginale croissante
Pour les chaînes privées il en est de même. De nombreux secteurs ont été interdits de publicité télévisée, son niveau aujourd’hui est du même montant que celui d’il y a 10 ans alors même que le nombre de chaînes a été multiplié. On a ouvert la TNT à 27 chaînes sans penser augmenter l’accès aux ressources de la télévision. On aurait dû autoriser en même temps les secteurs jusque-là interdits. On ne se rend pas compte que dans les médias on a une utilité marginale croissante. Plus vous allez au cinéma, plus vous allez avoir envie d’y aller. Même chose pour les livres, le théâtre ou la musique. C’est l’opposé de l’économie classique. Vous avez faim, vous allez manger une pomme, peut-être une seconde. Mais votre utilité décroit dans votre consommation.
SS : Deux parlementaires viennent de proposer de supprimer la publicité sur le service public, en la compensant par des recettes publiques. Comme cela, selon eux, il y en aura plus pour les chaînes privées, et les diffuseurs publics pourront mieux se concentrer sur leur vocation. Qu’en pensez-vous ?
NS : Deux choses. Je partage l’idée qu’il est impératif de pérenniser les ressources publiques des diffuseurs publics. La redevance est à présent remplacée par une fraction du produit de la tva. Il faut le graver dans le marbre. Ensuite, la publicité après 20 heures est déjà interdite. Ils proposent de supprimer la publicité le reste de la journée et le parrainage. Ce sera positif si on est certain que ces recettes seront intégralement compensées et que l’idée n’est pas de réduire la voilure. Car, une fois encor les chaînes publiques jouent un rôle indispensable dans le financement de la création française. C’est 500 millions d’euros chaque année qui sont investis dans la création. Qu’on les différencie un peu plus des chaînes privées n’est pas une mauvaise chose. Si on est bien certain de remplacer à l’euro près cette baisse de ressource publicitaire. Et que cette publicité va aux chaînes privées.
SS : Mais on dit que cela va aller majoritairement aux GAFA.
NS : C’est un risque. Et en plus, je me méfie quant à la pérennisation des recettes publiques de compensation.
SS : Revenons à l’information. C’est une des fonctions des médias traditionnels. Et elle est soumise à des règles du jeu précises qui garantissent sa fiabilité. S’ils s’en écartent ils sont sanctionnés par les tribunaux. Mais ce sont les GAFA qui sont aujourd’hui la principale source d’information des gens. Et la plus grande partie de cette information est de source anonyme. Et, elle est si volumineuse que c’est quasiment impossible de la contrôler. Bien plus, les fake news, les messages de haine, les invectives, les clashs ont souvent plus d’audience que les informations rapportant des faits exacts.
Il faut une nouvelle loi qui modifie profondément la loi de 1986
NS : C’est une menace très forte pour la démocratie. C’est pourquoi il faut renforcer le marché pertinent de l’information et garantir les conditions de sa fabrication. C’est une préoccupation des européens par les règlements DSA-DMA qui vise à responsabiliser les GAFA de grande taille et à leur imposer des obligations techniques et humaines de de modérations. Mais depuis que les réseaux sociaux sont dans le champ d’intervention de l’Arcom on voit bien combien il est difficile de les contrôler. Les amendes que l’on peut appliquer à Google ou Facebook sont minuscules face à des entreprises dont la valorisation boursière est supérieure au PIB de la France. La bonne échelle de régulation c’est l’échelle européenne. Mais il ne faut pas négliger l’échelle nationale. La transposition de la directive et des deux règlements est essentielle. Mais elle doit s’accompagner d’une nouvelle loi qui modifie profondément la loi de 1986 et qui, notamment, prenne en compte les risques de circulation de fausses informations. On voit les menaces que font peser certains réseaux sociaux sur la santé mentale des jeunes, cela a été démontré pour Instagram. Il nous faut par ailleurs plus de garanties en matière de transparence de l’information pour lutter contre la défiance à l’égard des médias. Enfin il faut développer l’éducation aux médias et à l’information. Pour aller plus loin et plus vite, car il y urgence, il faut associer l’Éducation Nationale et médias. Il faut que les élève apprennent dès leur plus jeune âge à être des citoyens numériques.
SS : Mais où trouver le temps à l’École pour cet enseignement ?
NS : On ne peut se limiter à ce type de réponse. On est dans un monde qui aujourd’hui comprend 15% de gens qui pensent que la terre est plate. Cette éducation devient une vraie urgence. Il faut trouver une heure d’éducation au numérique par semaine, et ce, à tous les stades de l’enseignement. Parce que le monde est numérique. On n’envoie plus un curriculum vitae par la Poste. La plupart des documents administratifs sont numériques. Et pourtant, ils sont 40% des Français à qui il manque une des quatre compétences de base.
A l’ère numérique, la manipulation de l’information, la collecte de données à notre insu est une réalité. L’élection de Trump aux Etats-Unis, le vote du Brexit, l’élection de Bolsonaro au Brésil ont posé la question de la manipulation de l’information par des organismes qui ont bombardé les boites mails et autres réseaux pour infléchir les votes. Donc, trouver du temps dans les programmes scolaires à cette formation est un impératif. Aux États-Unis, un tiers des Américains n’ont plus de presse quotidienne régionale et c’est dans ces zones que la participation aux élections a le plus baisser. La perte d’information entraine une perte d’intérêt à la vie de la cité qui se traduit par un non-déplacement des citoyens vers les urnes.
Or, la participation aux élections est un élément fondamental de la démocratie.
SS : Dans un média traditionnel il y a un directeur du média qui est responsable. Il lit tous les articles qui vont paraitre dans le journal ou est au courant de ce que la chaîne ou la radio va diffuser. Mais sur un réseau social il est impossible d’être au courant des milliards d’informations diffusées. Il y a quelques semaines j’ai rencontré Gilles Babinet, le coprésident de notre Conseil national du numérique, et je lui ai dit qu’avec Chat GPT, on avait enfin un outil à qui on allait définir les règles du jeu à respecter et qui pourrait instantanément pointer et, même, bloquer les messages qui ne les respectaient pas. Il m’a répondu que Facebook utilisait depuis des années l’intelligence artificielle dans ce but et employait 60 000 personnes pour ça, et qu’il n’y arrive pas.
Le modèle américain ne respecte pas la vie privée au sens où nous l’entendons
NS : C’est un problème de fonds. En plus, quand Trump était président des États-Unis, parce qu’il avait dit sur Twitter que le Covid n’était pas dangereux et qu’un verre d’eau de Javel suffisait à le guérir, Twitter a fermé son compte, car il s’agissait d’une atteinte à la santé publique. Le nouveau propriétaire, Elon Musk l’a rétabli au nom de la liberté d’expression. Dans le même temps, il a décidé d’interdire de s’exprimer sur Twitter à des journalistes qui ne lui plaisent pas. Tout ça pose de sérieux problèmes de liberté d’expression et de respect de la vie privée. Mais on ne peut dire qu’on n’y arrivera pas. Les règlements européens DSA https://fr.wikipedia.org/wiki/Législation_sur_les_services_numériques et le DMA https://fr.wikipedia.org/wiki/Législation_sur_les_marchés_numériques sont déjà des avancées majeures. L’Europe est le seul continent à avoir établi des normes et des règles sur l’intelligence artificielle. Le modèle américain ne respecte pas la vie privée au sens où nous l’entendons. C’est une question de culture. Nous devons pouvoir faire respecter la nôtre au même titre qu’eux qui souhaitent imposer la leur.https://fr.wikipedia.org/wiki/Règlement_général_sur_la_protection_des_données sur l’utilisation des données personnelles. Le RGPD est en ce sens une avancée majeure.
SS : En ce qui concerne les plateformes de S-Vod, nous avons transcrit la directive européenne SMA. A cette occasion vous notez qu’on les a obligés à investir dans les œuvres françaises et européennes. Or, comme c’était de l’argent en plus, et, à terme, beaucoup d’argent, pour la création, on aurait pu en profiter pour réduire les obligations des chaînes pour qu’elles aient un peu plus les moyens de résister à ces nouveaux et très puissants concurrents. On ne l’a pas fait.
NS : C’est un nouvel exemple de la non prise en considération du modèle économique des chaînes de télévision. La directive a pour but de protéger la création, le droit d’auteur et les droits voisins. Elle a permis de faire participer les nouveaux acteurs au financement de la création, réduisant ainsi l’asymétrie entre ancien et nouveau monde. Mais les décrets d’application n’ont pas pris en compte les enjeux économiques des chaînes et la concurrence exacerbée des plateformes numériques. Canal+ finançait le cinéma à hauteur de 150 millions € par an et maintenant c’est 200 millions €. Quant aux plateformes, elles peuvent investir à hauteur de 300, 400, certains parlent même de 700 millions € dans le cinéma et l’audiovisuel. Si on avait réduit obligations des chaînes, elles auraient pu dégager plus de bénéfices et on aurait pu par exemple les obliger à investir une partie du gain dans la fabrique de l’information.
Est-ce qu’on n’a pas fait entrer le loup dans la bergerie ?
SS : Parmi les plateformes il y en a une, Amazon Prime, pour qui le cinéma et les séries sont un produit d’appel à l’abonnement à la plateforme, qui est elle-même un produit d’appel aux achats auprès du plus grand distributeur de produits au monde. Ses investissements dans ces contenus sont une goutte d’eau pour lui. Un jour Amazon Prime peut décider d’acheter les droits de diffusion des plus grands films français et américains, à la place de Canal+ et des chaînes en clair, même si c’est pour les diffuser 17 mois après la sortie en salle. Déjà, dans Siritz.com, j’ai noté que pour « Le Grand Cirque », Amazon Prime a investi la même somme que Canal+ qui le passe à 6 mois alors qu’Amazon les passer 17 mois après leur sortie en salle. Généralement le deuxième passage payant est acheté bien moins cher que le premier. Ça devrait faire réfléchir sur ses moyens. https://siritz.com/financine/apport-essentiel-des-diffuseurs-payants/
Est-ce qu’on n’a pas fait entrer le loup dans la bergerie ?
NS : Oui. C’est une bonne expression. Amazon Prime s’est acheté une place dans la chronologie des médias pour pas cher. Je ne suis pas certaine que de telles dispositions soient possibles aux États-Unis. Ils protègent leurs acteurs. C’est comme au début des années 2000 les propositions des Telco pour vendre des abonnements triple play : les chaînes de télévision étaient un simple produit d’appel pour vendre de l’abonnement à Internet. Il faut regarder comment se développe la Corée aujourd’hui en investissant massivement dans les industries culturelles et créatives, le soft power est pour eux une véritable arme économique.
SS : Vous donnez dans votre livre un exemple très parlant : la moyenne des téléspectateurs d’Arte est de 63 ans. Celle d’Arte TV est de 50 ans et celle de Tiktok de 35 ans. Arte c’est vraiment la chaîne la plus en avance dans le domaine du numérique.
NS : Il faut effectivement rendre hommage à Bruno Patino qui a réussi à créer une marque, une plateforme, connue par des gens beaucoup plus jeunes que les téléspectateurs traditionnels de la télévision.
LE NOUVEAU MONDE DES MÉDIAS SELON NATHALIE SONNAC
Le CarrefourSerge Siritzky : Dans votre livre vous remarquez que tout l’audiovisuel Français est organisé sur les principes d’une loi de 1986. Elle a été modifiée plus de 80 fois, mais les principes n’ont pas changé. Alors que, depuis, le monde audiovisuel a été profondément bouleversé par le numérique et internet. Et, selon vous, cela pose un véritable problème.
Nathalie Sonnac : Depuis une vingtaine d’année on a effectivement une transformation par l’arrivée des nouvelles technologies de l’information et de la communication ainsi que du numérique. Et cette transformation s’est accompagnée de l’arrivée d’acteurs qui étaient totalement étrangers au monde des médias et de la culture, comme les Telcos, d’autres sont nés avec ce nouveau monde et je pense aux GAFA – Google, Facebook, Amazon ou Apple et aux plateformes numériques, comme Netflix ou Disney+. Et ces acteurs sont extrêmement puissants, à tel point que l’on peut dire qu’ils occupent une place hégémonique dans l’accès à l’information et aux contenus comme dans leur distribution. Leur puissance tient également au fait qu’ils proposent des services qui sont appréciés par le plus grand nombre. Et ils entrent en concurrence directe et indirecte avec les médias traditionnels, chaînes publiques ou privées sur tous les plans. Sur le plan de l’attention, des programmes, de l’accès aux droits, et des revenus publicitaires qu’ils siphonnent littéralement.
SS : Mais c’est de la publicité en ligne.
NS : Les annonceurs des médias historiques se sont précipités vers ce nouveau marché. Google possède la plus grande base de données mondiale de l’humanité , avec une connaissance fine de ce que nous sommes, de ce qui nous intéresse. Amazon c’est le plus grand distributeur de produits au monde. Youtube est de loin la première plateforme de vidéo pour les moins de 25 ans. Tous ces acteurs se sont positionnés dans le marché des industries culturelles et médiatiques. Et ils sont en train de faire vaciller les médias traditionnels.
SS : Vous dîtes qu’une des forces de ces nouveaux médias est leur base de données sur leurs clients qui leur permet de cibler les publicités de manière très précise et de les rendre beaucoup plus efficaces que sur les médias traditionnels qui n’ont que des données très frustres sur leurs clients.
NS : Les médias traditionnels se sont tournés vers la publicité depuis le milieu du XIXème siècle. Cela permettait notamment aux journaux de ne pas être vendus trop cher. Les données principales sur lesquelles s’appuie Médiamétrie, qui servent aux annonceurs de la radio, de la télévision ou de la presse, c’est l’âge, le sexe, la CSP, le revenu. Pour les GAFA la publicité représente entre 85 et 90% de leur chiffre d’affaires. Mais ils brassent les données par milliards, on parle de Big data. Ces données ils les organisent et les sélectionnent avec une précision inouïe, grâce à l’intelligence artificielle. Et elles sont donc beaucoup plus précises que celles relevées par Médiamétrie.
SS : Et ainsi, plusieurs personnes qui regardent le même contenu, vont recevoir des publicités différentes qui tiennent compte des critères de chacune de ces personnes.
Mon essai est une alerte aux pouvoirs publics
NS : Exactement. Par vos likes, par ce que vous avez regardé, par vos amis, toute les traces que nous laissons en naviguant en ligne font qu’ils vous connaissent mieux que vous-même. Cela leur fournit deux leviers puissants. Le premier c’est la capacité à vendre à leurs annonceurs la connaissance des internautes. Le second, c’est que leur connaissance de nous-mêmes leur permet de nous vendre des services qui sont en adéquation avec ce que nous aimons, notamment en matière de films, de documentaires, de séries. C’est là l’un des dangers : ils occupent une position de domination qui menace le modèle économique des médias traditionnels. Or, ce sont ces médias qui fabriquent aussi de l’information fiable et de qualité qui coûte cher à produire. Facebook n’a pas pour mission de fabriquer de l’information fiable et de qualité. Sa seule mission c’est de dégager le maximum de profits. Le vacillement des médias représente un danger pour la démocratie. A ce titre, mon essai est une alerte aux pouvoirs publics.
SS : Vous expliquez que la loi de 86 est fondée sur un certain nombre de principes qui, avant-même l’arrivé de ces nouveaux acteurs, pouvaient être critiqués. Le premier c’est qu’elle ne concerne que les émissions de stock, les œuvres-films, fictions, documentaires-et pas les émissions de flux. Donc pas l’information si importante pour le bon fonctionnement de notre démocratie. Mais pas non plus les formats qui sont si importants du point de vue économique. Enfin la loi vise la diversité des producteurs pas la bonne santé des diffuseurs de télévision. Ainsi, ceux-ci, à la différence des chaînes étrangères, ne peuvent que très marginalement être producteurs d’émissions de stock, donc se constituer un catalogue. C’est peut-être une des causes du fait que nos exportations de films et des programmes de stock sont faibles : les chaînes les financent fortement mais n’ont pas vraiment d’intérêt à commander des programmes qui s’exportent.
NS : Oui. En 1986 il y avait trois à cinq chaînes de télévision. Il existait une asymétrie par rapport aux producteurs notamment de petite taille. Il fallait assurer et garantir la diversité et le pluralisme des programmes avec des producteurs indépendants. C’est sur cette base que, grâce aux décrets Tasca, notre industrie audiovisuelle s’est construite. Mais le câble, la TNT, le satellite, l’ADSL et le web ont complétement changé les données : nous avons aujourd’hui accès à une multitude de chaînes. Notons que les décrets Tasca ont été efficaces : la dernière étude publiée par l’ARCOM a monté que le nombre de producteurs n’a eu de cesse d’augmenter. Aujourd’hui on en compte près de 5 000. Cette asymétrie de 1986 n’existe plus. Par ailleurs, et c’est là le principale problème, on a un amoncellement de règles qui rendent peu lisible la loi, les intentions des pouvoirs publics et notre capacité à mesurer l’efficacité de nos mesures.
SS : Il faut remettre entièrement à plat la législation ?
NS : Oui. Il faut viser le pluralisme et la diversité. Mais il y a d’autres enjeux : il faut un cadre pour l’utilisation de la donnée et le partage de sa valeur. Il faut mieux préserver une information de qualité et indépendante. Et il faut changer le dispositif de mesures anti-concentration qui est totalement désuet.
SS : Vous faites référence à l’interdiction de la fusion de TF1 et M6, sous prétexte qu’elle aboutirait à une position dominante sur le marché de la publicité TV, alors que les annonceurs des chaînes sont siphonnés par les GAFA et que les chaînes en clair sont en concurrence avec des plateformes beaucoup plus puissantes qu’elles pour l’acquisition de contenu et l’attention des téléspectateurs.
On ne considère pas nos entreprises de média comme des entreprises
NS : Le marché de la publicité télévision est un marché de 3 milliards € qui est en décroissance. Et les GAFA que nos chaînes affrontent ont un chiffre d’affaires pour certains, supérieur au PIB de la France. On reviendra certainement sur cette fusion dans deux ou trois ans mais nous aurons perdu du temps, au risque même que ce soit trop tard.
SS : Une des caractéristiques du système français c’est qu’on a toujours donné à notre télévision des moyens insuffisants. Vous le dénoncer fortement dans votre livre.
NS : Oui. On ne considère pas nos médias comme des entreprises. Ou plutôt, on les considère uniquement comme des entreprises entièrement à part. c’est notable avec le secteur public. Notre redevance pour financer le service public était très inférieure à celle de nos grands voisins et à la moyenne européenne. Donc le service public a été autorisé à compléter ce manque par la publicité, au détriment des chaînes privées, sans jamais considérer l’importance d’avoir un secteur public puissant économiquement parlant. On le pense et on le régule comme un centre de coûts, pas comme un vecteur de soft power, qui emploie et rapporte.
Dans les médias on a une utilité marginale croissante
Pour les chaînes privées il en est de même. De nombreux secteurs ont été interdits de publicité télévisée, son niveau aujourd’hui est du même montant que celui d’il y a 10 ans alors même que le nombre de chaînes a été multiplié. On a ouvert la TNT à 27 chaînes sans penser augmenter l’accès aux ressources de la télévision. On aurait dû autoriser en même temps les secteurs jusque-là interdits. On ne se rend pas compte que dans les médias on a une utilité marginale croissante. Plus vous allez au cinéma, plus vous allez avoir envie d’y aller. Même chose pour les livres, le théâtre ou la musique. C’est l’opposé de l’économie classique. Vous avez faim, vous allez manger une pomme, peut-être une seconde. Mais votre utilité décroit dans votre consommation.
SS : Deux parlementaires viennent de proposer de supprimer la publicité sur le service public, en la compensant par des recettes publiques. Comme cela, selon eux, il y en aura plus pour les chaînes privées, et les diffuseurs publics pourront mieux se concentrer sur leur vocation. Qu’en pensez-vous ?
NS : Deux choses. Je partage l’idée qu’il est impératif de pérenniser les ressources publiques des diffuseurs publics. La redevance est à présent remplacée par une fraction du produit de la tva. Il faut le graver dans le marbre. Ensuite, la publicité après 20 heures est déjà interdite. Ils proposent de supprimer la publicité le reste de la journée et le parrainage. Ce sera positif si on est certain que ces recettes seront intégralement compensées et que l’idée n’est pas de réduire la voilure. Car, une fois encor les chaînes publiques jouent un rôle indispensable dans le financement de la création française. C’est 500 millions d’euros chaque année qui sont investis dans la création. Qu’on les différencie un peu plus des chaînes privées n’est pas une mauvaise chose. Si on est bien certain de remplacer à l’euro près cette baisse de ressource publicitaire. Et que cette publicité va aux chaînes privées.
SS : Mais on dit que cela va aller majoritairement aux GAFA.
NS : C’est un risque. Et en plus, je me méfie quant à la pérennisation des recettes publiques de compensation.
SS : Revenons à l’information. C’est une des fonctions des médias traditionnels. Et elle est soumise à des règles du jeu précises qui garantissent sa fiabilité. S’ils s’en écartent ils sont sanctionnés par les tribunaux. Mais ce sont les GAFA qui sont aujourd’hui la principale source d’information des gens. Et la plus grande partie de cette information est de source anonyme. Et, elle est si volumineuse que c’est quasiment impossible de la contrôler. Bien plus, les fake news, les messages de haine, les invectives, les clashs ont souvent plus d’audience que les informations rapportant des faits exacts.
Il faut une nouvelle loi qui modifie profondément la loi de 1986
NS : C’est une menace très forte pour la démocratie. C’est pourquoi il faut renforcer le marché pertinent de l’information et garantir les conditions de sa fabrication. C’est une préoccupation des européens par les règlements DSA-DMA qui vise à responsabiliser les GAFA de grande taille et à leur imposer des obligations techniques et humaines de de modérations. Mais depuis que les réseaux sociaux sont dans le champ d’intervention de l’Arcom on voit bien combien il est difficile de les contrôler. Les amendes que l’on peut appliquer à Google ou Facebook sont minuscules face à des entreprises dont la valorisation boursière est supérieure au PIB de la France. La bonne échelle de régulation c’est l’échelle européenne. Mais il ne faut pas négliger l’échelle nationale. La transposition de la directive et des deux règlements est essentielle. Mais elle doit s’accompagner d’une nouvelle loi qui modifie profondément la loi de 1986 et qui, notamment, prenne en compte les risques de circulation de fausses informations. On voit les menaces que font peser certains réseaux sociaux sur la santé mentale des jeunes, cela a été démontré pour Instagram. Il nous faut par ailleurs plus de garanties en matière de transparence de l’information pour lutter contre la défiance à l’égard des médias. Enfin il faut développer l’éducation aux médias et à l’information. Pour aller plus loin et plus vite, car il y urgence, il faut associer l’Éducation Nationale et médias. Il faut que les élève apprennent dès leur plus jeune âge à être des citoyens numériques.
SS : Mais où trouver le temps à l’École pour cet enseignement ?
NS : On ne peut se limiter à ce type de réponse. On est dans un monde qui aujourd’hui comprend 15% de gens qui pensent que la terre est plate. Cette éducation devient une vraie urgence. Il faut trouver une heure d’éducation au numérique par semaine, et ce, à tous les stades de l’enseignement. Parce que le monde est numérique. On n’envoie plus un curriculum vitae par la Poste. La plupart des documents administratifs sont numériques. Et pourtant, ils sont 40% des Français à qui il manque une des quatre compétences de base.
A l’ère numérique, la manipulation de l’information, la collecte de données à notre insu est une réalité. L’élection de Trump aux Etats-Unis, le vote du Brexit, l’élection de Bolsonaro au Brésil ont posé la question de la manipulation de l’information par des organismes qui ont bombardé les boites mails et autres réseaux pour infléchir les votes. Donc, trouver du temps dans les programmes scolaires à cette formation est un impératif. Aux États-Unis, un tiers des Américains n’ont plus de presse quotidienne régionale et c’est dans ces zones que la participation aux élections a le plus baisser. La perte d’information entraine une perte d’intérêt à la vie de la cité qui se traduit par un non-déplacement des citoyens vers les urnes.
Or, la participation aux élections est un élément fondamental de la démocratie.
SS : Dans un média traditionnel il y a un directeur du média qui est responsable. Il lit tous les articles qui vont paraitre dans le journal ou est au courant de ce que la chaîne ou la radio va diffuser. Mais sur un réseau social il est impossible d’être au courant des milliards d’informations diffusées. Il y a quelques semaines j’ai rencontré Gilles Babinet, le coprésident de notre Conseil national du numérique, et je lui ai dit qu’avec Chat GPT, on avait enfin un outil à qui on allait définir les règles du jeu à respecter et qui pourrait instantanément pointer et, même, bloquer les messages qui ne les respectaient pas. Il m’a répondu que Facebook utilisait depuis des années l’intelligence artificielle dans ce but et employait 60 000 personnes pour ça, et qu’il n’y arrive pas.
Le modèle américain ne respecte pas la vie privée au sens où nous l’entendons
NS : C’est un problème de fonds. En plus, quand Trump était président des États-Unis, parce qu’il avait dit sur Twitter que le Covid n’était pas dangereux et qu’un verre d’eau de Javel suffisait à le guérir, Twitter a fermé son compte, car il s’agissait d’une atteinte à la santé publique. Le nouveau propriétaire, Elon Musk l’a rétabli au nom de la liberté d’expression. Dans le même temps, il a décidé d’interdire de s’exprimer sur Twitter à des journalistes qui ne lui plaisent pas. Tout ça pose de sérieux problèmes de liberté d’expression et de respect de la vie privée. Mais on ne peut dire qu’on n’y arrivera pas. Les règlements européens DSA https://fr.wikipedia.org/wiki/Législation_sur_les_services_numériques et le DMA https://fr.wikipedia.org/wiki/Législation_sur_les_marchés_numériques sont déjà des avancées majeures. L’Europe est le seul continent à avoir établi des normes et des règles sur l’intelligence artificielle. Le modèle américain ne respecte pas la vie privée au sens où nous l’entendons. C’est une question de culture. Nous devons pouvoir faire respecter la nôtre au même titre qu’eux qui souhaitent imposer la leur.https://fr.wikipedia.org/wiki/Règlement_général_sur_la_protection_des_données sur l’utilisation des données personnelles. Le RGPD est en ce sens une avancée majeure.
SS : En ce qui concerne les plateformes de S-Vod, nous avons transcrit la directive européenne SMA. A cette occasion vous notez qu’on les a obligés à investir dans les œuvres françaises et européennes. Or, comme c’était de l’argent en plus, et, à terme, beaucoup d’argent, pour la création, on aurait pu en profiter pour réduire les obligations des chaînes pour qu’elles aient un peu plus les moyens de résister à ces nouveaux et très puissants concurrents. On ne l’a pas fait.
NS : C’est un nouvel exemple de la non prise en considération du modèle économique des chaînes de télévision. La directive a pour but de protéger la création, le droit d’auteur et les droits voisins. Elle a permis de faire participer les nouveaux acteurs au financement de la création, réduisant ainsi l’asymétrie entre ancien et nouveau monde. Mais les décrets d’application n’ont pas pris en compte les enjeux économiques des chaînes et la concurrence exacerbée des plateformes numériques. Canal+ finançait le cinéma à hauteur de 150 millions € par an et maintenant c’est 200 millions €. Quant aux plateformes, elles peuvent investir à hauteur de 300, 400, certains parlent même de 700 millions € dans le cinéma et l’audiovisuel. Si on avait réduit obligations des chaînes, elles auraient pu dégager plus de bénéfices et on aurait pu par exemple les obliger à investir une partie du gain dans la fabrique de l’information.
Est-ce qu’on n’a pas fait entrer le loup dans la bergerie ?
SS : Parmi les plateformes il y en a une, Amazon Prime, pour qui le cinéma et les séries sont un produit d’appel à l’abonnement à la plateforme, qui est elle-même un produit d’appel aux achats auprès du plus grand distributeur de produits au monde. Ses investissements dans ces contenus sont une goutte d’eau pour lui. Un jour Amazon Prime peut décider d’acheter les droits de diffusion des plus grands films français et américains, à la place de Canal+ et des chaînes en clair, même si c’est pour les diffuser 17 mois après la sortie en salle. Déjà, dans Siritz.com, j’ai noté que pour « Le Grand Cirque », Amazon Prime a investi la même somme que Canal+ qui le passe à 6 mois alors qu’Amazon les passer 17 mois après leur sortie en salle. Généralement le deuxième passage payant est acheté bien moins cher que le premier. Ça devrait faire réfléchir sur ses moyens. https://siritz.com/financine/apport-essentiel-des-diffuseurs-payants/
Est-ce qu’on n’a pas fait entrer le loup dans la bergerie ?
NS : Oui. C’est une bonne expression. Amazon Prime s’est acheté une place dans la chronologie des médias pour pas cher. Je ne suis pas certaine que de telles dispositions soient possibles aux États-Unis. Ils protègent leurs acteurs. C’est comme au début des années 2000 les propositions des Telco pour vendre des abonnements triple play : les chaînes de télévision étaient un simple produit d’appel pour vendre de l’abonnement à Internet. Il faut regarder comment se développe la Corée aujourd’hui en investissant massivement dans les industries culturelles et créatives, le soft power est pour eux une véritable arme économique.
SS : Vous donnez dans votre livre un exemple très parlant : la moyenne des téléspectateurs d’Arte est de 63 ans. Celle d’Arte TV est de 50 ans et celle de Tiktok de 35 ans. Arte c’est vraiment la chaîne la plus en avance dans le domaine du numérique.
NS : Il faut effectivement rendre hommage à Bruno Patino qui a réussi à créer une marque, une plateforme, connue par des gens beaucoup plus jeunes que les téléspectateurs traditionnels de la télévision.
SUPPRIMER LA PUBLICITÉ SUR LE SERVICE PUBLIC ?
ÉditorialDeux députés, l’un de l’opposition (Jean-Jacques Gaultier, LR) l’autre de la majorité (Quentin Bataillon, Renaissance), viennent de remettre un rapport sur le service public de la radio et de la télévision. Ils proposent, notamment , la suppression totale de la publicité et du parrainage sur ce service public, ainsi que la création d’une holding regroupant France télévisions, Radio France et l’INA. Les présidentes de France télévisions et Radio France s’opposent à ces deux idées. Qu’en penser ?
LE RÔLE IRREMPLAÇABLE DU SERVICE PUBLIC DE LA TÉLÉVISION ET DE LA RADIO
Tout d’abord remarquons que ces deux députés font partie de ceux qui reconnaissent le rôle irremplaçable de ce service public. A l’heure du populisme c’est important. N’oublions pas que Boris Johnson, lorsqu’il était Premier ministre du Royaume-Uni, envisageait de privatiser la BBC. Selon-lui, un service public financé par une taxe n’avait plus aucun sens alors que le numérique et internet offraient une surabondance de contenus audiovisuels.
Or, cette offre numérique, notamment celle des GAFA, est aussi une menace pour nos médias nationaux puisqu’elle accapare une part croissante de l’attention des citoyens et des recettes publicitaires. Elle est surtout une menace pour nos démocraties puisque la majorités de ses contenus sont anonymes et peuvent véhiculer, en toute impunité, des fake news et des messages de haine. Elles ont joué un rôle déterminant dans le Brexit, l’élection de Trump et celle de Bolsonaro. Alors que les dirigeants de nos médias sont responsables devant les tribunaux de ce qu’ils diffusent. Il est donc impératif de protéger ces médias « traditionnels ».
L’ÉTAT A L’HABITUDE DE NE PAS SE DONNER LES MOYENS DE SES OBJECTIFS
En France où la télévision a commencé par être publique, à la différence des télévisions publiques britanniques et allemandes, elle était entièrement soumise au pouvoir exécutif. Elle était, comme les autres télévisions publiques en Europe, financée par la redevance. Mais, là encore, à la différence des redevances de nos voisins, la notre était insuffisante pour financer notre service public. C’est une habitude de notre État qui, sous prétexte de bien gérer son budget, est de pas se donner les moyens de ses objectifs. Comme une entreprise qui serait gérée par son comptable. Résultat le déficit du budget de l’État est énorme, son endettement abyssal et notre balance commerciale est structurellement déficitaire.
Ainsi, pour compléter ce manque à gagner les ressources de notre service public provenaient aussi de la publicité. Ce qui réduisait les recettes des chaînes privées quand elles sont apparues.
La redevance a été supprimée. L’État a compensé ce manque à gagner par le versement d’une fraction de la TVA. Notons que le gouvernement a dit qu’il a supprimé un impôt , ce qui est faux. Comme pour la taxe d’habitation, il l’a compensé par un apport du budget de L’État. Il est vrai que, comme celui-ci est déficitaire, en réalité, il est compensé par une augmentation de l’endettement de l’État.
Mais cette compensation n’a été votée que pour deux ans. Pour aller au-delà il faudrait que le Parlement le permette par une loi organique. Celle-ci doit être votée par les deux Assemblées ou, si le Sénat la refuse, par une majorité absolue de l’Assemblée Nationale. Il y a des chances que ce soit le cas.
Pour compenser la perte de la publicité et du parrainage (456,8 millions € en 2022) ils proposent de taxer les GAFA, ce qui serait une assiette en expansion car leurs recettes ne cessent de croître. Cela pourrait renforcer progressivement le service public si, dès la première année, la perte de recettes publicitaires était compensée. Et si l’État n’en profitait pas pour réduire la quote-part de TVA.
Un des arguments pour cette nouvelle taxe est que la publicité perdue irait sans doute majoritairement vers les GAFA plutôt que vers les chaînes privées. Mais les recettes de ces dernières n’en augmenteraient pas moins.
Ce qui est important c’est de reconnaitre le rôle essentiel du service public dans le financement de la production cinématographique et audiovisuelle. Une production qui se différencie de celle du privée et assure la diversité de l’offre. Ce service public renforce aussi le pluralisme de l’information.
Autre proposition des deux députés : la création d’une holding chapeautant France télévisions, Radio France et l’INA. En fait, sous l’apparence d’une rationalisation du fonctionnement du service public de l’audiovisuel il s’agirait de la création d’une organisation supplémentaire, donc de coûts et de sources de conflit . Alors qu’il y a des tas de problèmes non résolus auxquels il serait temps de s’attaquer.
LA RÉMUNÉRATION DE ANCA DAMIAN
CinéscoopPOUR LA RÉALISATION DE « L’ÎLE »
C’est le 10ème film d’animation de cette réalisatrice roumaine. https://fr.wikipedia.org/wiki/Anca_Damian
Cinéfinances.info* a fourni les données financières de cet article.
Il s’agit d’une coproduction entre la France (28%), la Roumanie (55%) et la Belgique (17%) pour un budget prévisionnel de 1,3 millions €.
C’est l’adaptation d’une pièce de théâtre de Gellu Naum et Alexander Balanesco dont les droits ont été acquis pour 30 000 €. La rémunération de la réalisatrice est de 46 000 €. Elle a écrit le scénario avec Daniel Defoe et ils se sont partagés 41 000 €. Le producteur français est Komadoli Studio (Johachim Hérissé). Special Touch Studios, Amopix , Train-train Pictanovo sont coproducteurs.
Le film a bénéfiicié du soutien d’Eurimages, de la Région Grande Est et de l’Eurométropole de Strasbourg. La chaîne Alsace 20 l’a préacheté. Special Touch/Eurozoom a donné un minimum garanti pour la distribution salle.
Le producteur Roumain est Aparte Films qui a bénéficié du crédit d’impôt et du soutien du CNC Roumain, du soutien d’Eurimages et de Media Creative Europe.
Le producteur Belge est Take Five qui a bénéficié du Tax shelter ainsi que du soutien d’ Eurimages et du Vlaams audiovisuel Fund. Le distributeur est Périscope.
Anca Damian avait réalisé un précédent film en France « L’extraordinaire voyage de Marona », sorti le 8 janvier 2021. C’était une coproduction entre la France (60%), la Roumanie (30%) et la Belgique (10%) pour un budget prévisionnel de 2,5 millions €. La rémunération de la réalisatrice était de 52 000 €. Elle avait écrit le scénario avec Angel Damian pour 43 000 €. Le producteur roumain était Aparte Films et le producteur Belge Minds Meet.
En France le film avait rassemblé 37 000 spectateurs.
www.Cinefinances.info est un site, accessible par abonnement, destiné aux professionnels du cinéma. Il publie budget, le plan de financement et la répartition des recettes prévisionnels de tous les films français qui sortent (hors les films « sauvages » qui ne déposent pas leurs contrats au registre public et ne demandent donc pas l’agrément qui leur permettrait d’accéder à l’aide du CNC). Il s’agit des chiffres de l’agrément d’investissement sur la base duquel le producteur a monté son financement. Il dispose d’archives des films sortis depuis 2010 et d’un puissant moteur de recherche, avec de multiples critères.
LA RÉMUNÉRATION DE VIRGINIE VERRIER
CinéscoopPOUR LA RÉALISATION DE « MARINETTE »
C’est le deuxième film qu’elle a réalisé. Elle est également la productrice déléguée.
Cinéfinances.info* a fourni les données financières de cet article.
Sa société de production, Vigo Films, l’a produit pour un budget prévisionnel de 5,8 millions €. https://fr.wikipedia.org/wiki/Marinette_(film)
C’est 12% de plus que le budget prévisionnel moyen des films français de fiction sortis depuis le début de l’année. https://siritz.com/financine/pathe-et-boon-explosent-les-barometres/
Pour la préparation, 39 jours de tournage (dont un aux États-Unis) et la post-production la rémunération de la réalisatrice est de 113 000 €, dont 47 000 € d’à valoir sur droits d’auteur et 56 000 € de salaire de technicien. C’est 45% de la rémunération moyenne des réalisateurs de ces films. Le film est tiré de « Ne rien lâcher », témoignage de Marinette Pichon, la grande joueuse de foot-ball, dont les droits ont été acquis 40 000 €. Elle a écrit le scénario avec cette dernière et elles se sont partagées 74 000 €. Le budget du scénario est donc la moitié du budget moyen du scénario de ces films. Les rôles principaux ont reçu 200 000 €. C’est 90% de ce qu’ont reçu les rôles principaux de ces films.
Le film est co-produit par France 3, Pictanovo (Les région Hauts-de-Seine) et Beside Films (Marie Besançon). Il a bénéficié de l’aide du CNC pour la musique originale ainsi que pour la diversité, de celle du ministère des Sports et du département de la Somme.
Ce qui est impressionnant c’est le nombre de sponsorings que la productrice/réalisatrice a su réunir dans le milieu du sports : FFF,FIFA,UEFA, Arkéma, Guilde des orfèvres/Synalia, SNCF, Lekid et l’Equipe de France.
Canal+, Ciné+ et France 3 l’ont préacheté. Un minimum garanti pour le mandat de distribution salle a été donné The Jokers films/Bookmakers et Have a Good One a donné un minimum garanti pour le mandat de ventes à l’étranger.
Le premier film de Virginie Verrier était « A deux heures de Paris », sorti le 27 juin 2018. C’était déjà elle qui l’avait produit. Il était distribué par Kanibal films. Sorti dans 2 salles il avait rassemblé 587 spectateurs.
www.Cinefinances.info est un site, accessible par abonnement, destiné aux professionnels du cinéma. Il publie budget, le plan de financement et la répartition des recettes prévisionnels de tous les films français qui sortent (hors les films « sauvages » qui ne déposent pas leurs contrats au registre public et ne demandent donc pas l’agrément qui leur permettrait d’accéder à l’aide du CNC). Il s’agit des chiffres de l’agrément d’investissement sur la base duquel le producteur a monté son financement. Il dispose d’archives des films sortis depuis 2010 et d’un puissant moteur de recherche, avec de multiples critères.
LA MODESTE RÉMUNÉRATION DE BRUNO PODALYDES
CinéscoopPOUR LA RÉALISATION DE « WAHOU !»
C’est le 10ème film qu’il a réalisé alors qu’il est aussi scénariste et comédien. https://fr.wikipedia.org/wiki/Bruno_Podalydès
Cinéfinances.info* a fourni les données financières de cet article.
Il est produit par Why not Productions (Pascal Caucheteux) pour un budget prévisionnel de 1,2 millions €. C’est le tiers du budget médian des films français de fiction sortis depuis le début de l’année. https://siritz.com/financine/pathe-et-boon-explosent-les-barometres/
Pour la préparation, 22 jours de tournage et la post-production la rémunération du réalisateur est de 10 000 €, répartie en part égale entre à valoir sur droits d’auteur et salaire de technicien. C’est très modeste puisqu’égal à 12,5% de la rémunération médiane des réalisateurs de ces films. Il a écrit le scénario pour 5 000 €. C’est 5% de la rémunération médiane des scénarios de ces films. Les deux rôles principaux, dont lui, ont reçu40 000 €. C’est moins de la moitié de la rémunération médiane des principaux rôles de ces films.
Le film a été préacheté par Canal+ et OCS. UGC a le mandat de distribution en salle sans minimum garanti.
Le précédent film de Bruno Podaydes était « Les 2 Alfred », sorti le 16 juin 2021. https://siritz.com/cinescoop/la-remuneration-de-bruno-podalydes/ Il était également produit par Why not Productions pour un budget prévisionnel de 3,9 millions €.
Pour la préparation, 30 jours de tournage et la post-production la rémunération du réalisateur était de 100 000 €, répartie en part égale entre à valoir sur droits d’auteur et salaire de technicien. Il avait écrit le scénario pour 150 000 €. Sandrine Kiberlain et lui occupaient les premiers rôles en plus de son frère Denis. Ils avaient reçu 302 000 €. Le film était déjà préacheté par Canal+ et OCS. UGC était le distributeur sans minimum garanti.Le film avait rassemblé 401 000 spectateurs.
www.Cinefinances.info est un site, accessible par abonnement, destiné aux professionnels du cinéma. Il publie budget, le plan de financement et la répartition des recettes prévisionnels de tous les films français qui sortent (hors les films « sauvages » qui ne déposent pas leurs contrats au registre public et ne demandent donc pas l’agrément qui leur permettrait d’accéder à l’aide du CNC). Il s’agit des chiffres de l’agrément d’investissement sur la base duquel le producteur a monté son financement. Il dispose d’archives des films sortis depuis 2010 et d’un puissant moteur de recherche, avec de multiples critères.
LA RÉMUNÉRATION DE ISABELLE MERGAULT
CinéscoopPOUR LA RÉALISATION DE « DES MAINS EN OR »
Ce film sort demain 7 juin. C’est le second long métrage réalisé par Isabelle Mergault qui est avant tout une comédienne. https://fr.wikipedia.org/wiki/Isabelle_Mergault
Cinéfinances.info* a fourni les données financières de cet article.
Il est produit par ADNP (Quad Films) pour un budget prévisionnel de 5,9 millions €. C’est 12% de plus que le budget moyen des films français de fiction sortis depuis le début de l’année. https://siritz.com/financine/pathe-et-boon-explosent-les-barometres/
Pour la préparation, 31 jours de tournage et la post-production la rémunération de la réalisatrice est de 150 000 €, répartie en part égale entre à valoir sur droits d’auteur et salaire de technicien. C’est 60% de la rémunération moyenne des réalisateurs de ces films. Elle a écrit le scénario avec Jean-Pierre Hasson et ils se sont partagés 210 000 €. C’est 90% du budget moyen des scénarios de ces films. Les rôles principaux ont reçu 280 000 €. C’est 25% de plus que ce qu’ont reçu en moyenne les rôles principaux de ces films.
France 3 est coproducteur. Le CNC a accordé une aide à la création musicale originale et le film a bénéficié du soutien de la région Ile de France. Une sofica y a investi. Canal+, Ciné+ et France 3 l’ont préacheté. Bac Films a donné un minimum garanti pour les mandats de distribution salles, vidéo et vod. ADNP a les mandats s-vod et tv sans minimum garanti et Angle Picture le mandat de vente à l’étranger sans minimum garanti.
Le précédent film réalisé par Isabelle Mergault était « Donnant donnant », sorti en salle le 6 octobre 2010. https://www.cinefinances.info/film/166
Il était produit et distribué par Gaumont pour un budget prévisionnel de 11,2 millions €. Pour la préparation, le tournage et la post-production la rémunération de la réalisatrice était est de 900 000 €, répartie en part égale entre à valoir sur droits d’auteur et salaire de technicien.
Elle avait déjà écrit le scénario avec Jean-Pierre Hasson et ils s’étaient partagés 600 000 €. Les rôles principaux (Daniel Auteuil, Sabine Azema, Medea Marinescu) avaient reçu 1,43 millions €.
Le film avait rassemblé 507 000 spectateurs.
www.Cinefinances.info est un site, accessible par abonnement, destiné aux professionnels du cinéma. Il publie budget, le plan de financement et la répartition des recettes prévisionnels de tous les films français qui sortent (hors les films « sauvages » qui ne déposent pas leurs contrats au registre public et ne demandent donc pas l’agrément qui leur permettrait d’accéder à l’aide du CNC). Il s’agit des chiffres de l’agrément d’investissement sur la base duquel le producteur a monté son financement. Il dispose d’archives des films sortis depuis 2010 et d’un puissant moteur de recherche, avec de multiples critères.
CINÉMA : UNE EXCEPTION CULTURELLE PERFORMANTE
ÉditorialON NE DOIT PAS PRÉFÉRER L’IDÉOLOGIE AUX FAITS
Le discours de Justine Triet lors de la réception de sa Palme d’or est typique de la tendance des Français à préférer l’idéologie aux faits. En effet, le moins que l’on puisse dire c’est que, pas plus ce gouvernement que tous ceux qui l’ont précédé, de droite comme de gauche, n’ont manifesté le moindre néolibéralisme visant à casser l’exception culturelle par la marchandisation de la culture. Tout particulièrement, le cinéma n’a cessé d’être un secteur privilégié.
Justine Trier reconnait d’ailleurs en bénéficier. https://siritz.com/cinescoop/la-remuneration-de-julie-triet/ En effet, non seulement la production de films français est financée par les multiples subventions du CNC et des collectivités locales, auxquelles s’ajoute le crédit d’impôt. Mais, en outre, la loi permet les investissements des soficas qui n’existent que grâce aux importants avantages fiscaux accordés à leurs actionnaires. Et, surtout, elle impose aux chaînes de télévision, à commencer par Canal +, auquel s’ajoute désormais les plateformes de S-Vod, d’importants financement des films français. Ainsi, c’est largement plus de 50% du financement de la production de film français qui provient de mécanismes prévus par la loi.
UN ÉCOSYSTÈME INTELLIGENT, PAS NÉOLIBÉRAL
Certes, tous ces apporteurs de financement y trouvent un avantage. C’est que l’écosystème de notre cinéma est intelligent. Mais il n’a rien de néolibéral.
Autre exemple qui vient à l’esprit quand le cinéma se déclare maltraité : le régime du chômage des intermittents du spectacle, dont font partie ceux du cinéma. En 2019 ils étaient de 290 000, soit 1% de tous les salariés en France. Son déficit, pris en charge par l’État (le contribuable mais, surtout, la dette), était de 1,2 milliards €. Celui des tous les autres salariés du pays était de 19 milliards €. Proportionnellement l’apport de l’État est donc 6 fois plus important pour un intermittent du spectacle que pour tout autre salarié. Cet énorme écart est tout à fait justifié par la spécificité de l’intermittence qui est un des piliers de l’exception culturelle et sans laquelle notre cinéma ne serait pas si performant. Mais on ne peut le qualifier de néo-libéralisme.
Bien entendu, grâce à cet écosystème, le cinéma français est, de loin, le premier de l’Union européenne en terme de fréquentation, de fréquentation par habitant, en nombre de films produits et en part de marché de cette production sur le marché national. C’est pourquoi aucun gouvernement ne le remet le moins du monde en cause.
Enfin, que, comme l’a souligné Justine Triet, produire un film soit un long parcours du combattant pour la plupart des producteurs et des réalisateurs est évident. Mais le cinéma est une industrie coûteuse : la moitié des films français de fiction sortis depuis le début de l’année ont un budget supérieur à 3,5 millions €, ce qui n’est pas une petite somme. https://siritz.com/financine/pathe-et-boon-explosent-les-barometres/Qu’il soit difficile de réunir ces financements alors que 50% des films ne dépasse pas 50. 000 entrées, est inévitable. Néanmoins chaque année, grâce à l’écosystème de notre cinéma, entre 250 à 300 nouveaux films français sont produits et sortent.
APPORT ESSENTIEL DES DIFFUSEURS PAYANTS
FinanCiné69% DES FILMS FRANÇAIS EN BÉNÉFICIENT
Les chaînes de télévision payantes, Canal+, OCS et Ciné-tv sont une source de financement essentiel du cinéma français. Sur les films français de fiction sortis depuis le début de l’année jusqu’à fin avril, elles en ont préacheté 69%. En général ces préachats sont effectués par deux chaînes. Désormais les plateformes de S-Vod américaines vont s’ajouter aux chaînes françaises. Le financement des diffuseurs payant représente en moyenne 19% du financement Français de ces films. Et, à la différence de celui des chaînes gratuites, il est entièrement en achat de droit de passage et aucunement en part de coproduction. Si on inclut les 31% de films dans lesquels ils n’interviennent, cela représente tout de même 17% du financement français.
A titre de comparaison, les distributeurs ont donné un minimum garanti finançant le film à 80% des films français de fiction sortis de janvier à fin avril 2023. Mais leur apport moyen pour ces films est de 12,5%. https://siritz.com/financine/distribution-alibi-com2-champion/
Cinéfinances.info* a fourni les données financières de cet article.
Le préachat le plus élevé est de 4,7 millions €, sont 4 millions € de la part de Canal+ pour le premier passage et 700 000 € par OCS pour le second passage. Il a bénéficié à « Asterix et Obélix-L’empire du milieu », dont le budget est également, de loin le plus important de tous les films français. https://siritz.com/cinescoop/la-remuneration-de-guillaume-canet-2/
Le préachat moyen est de 1,187 millions € et le médian de 1,010 millions
Le préachat le plus élevé d’OCS est de 2,8 millions €, pour « Les 3 Mousquetaires-D’Artagnan ». https://siritz.com/cinescoop/les-trois-mousquetaires-dartagnan/ Pour ce film Canal+ a préacheté le 2ème passage de télévision payante avec un apport de 526 000 €.
Au cours de cette période la plateforme Amazon a effectué un préachat de deuxième passage de télévision payante : 500 000 € pour « Le Grand cirque https://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Grand_Cirque_(film,_2023)
C’est autant que le préachat d’un premier passage par Canal+ dont la fenêtre de passage ses situe à 6 mois alors que celle d’Amazon est à 17 mois. C’est une indication de la puissance financière des plateformes, qui, même avec une fenêtre éloignée, seront en mesure d’empêcher Canal+ ou OCS de préacheter certains films.
Si on évalue le pourcentage des sources de financement françaises (car il y a de nombreuses coproductions, avec des financements étrangers) financé par l’apport des chaînes payantes, les résultats sont impressionnants.
Le plus élevé est de…. 97,6% pour « Tu choisiras la vie ».https://siritz.com/cinescoop/la-remuneration-de-stephane-freiss. C’est un film réalisé par Stéphane Freiss, dont le budget prévisionnel est de 3 millions €. 20% ont été financés par la France et 80% par l’Italie. L’apport du producteur français est de 15 000 €, celui de Canal+ de 500 000 € et celui de Ciné+ de 100 000 €.
La télévision payante a financé 97,6% du budget Français de cette coproduction franco-italienne
www.Cinefinances.info est un site, accessible par abonnement, destiné aux professionnels du cinéma. Il publie budget, le plan de financement et la répartition des recettes prévisionnels de tous les films français qui sortent (hors les films « sauvages » qui ne déposent pas leurs contrats au registre public et ne demandent donc pas l’agrément qui leur permettrait d’accéder à l’aide du CNC). Il s’agit des chiffres de l’agrément d’investissement sur la base duquel le producteur a monté son financement. Il dispose d’archives des films sortis depuis 2010 et d’un puissant moteur de recherche, avec de multiples critères.
LA RÉMUNÉRATION DE ROBIN CAMPILLO
CinéscoopPOUR LA RÉALISATION DE « L’ÎLE ROUGE »
C’est le 4ème film de ce réalisateur. https://fr.wikipedia.org/wiki/Robin_Campillo
Cinéfinances.info* a fourni les données financières de cet article.
Il est produit par Les Films de Pierre (Marie-Ange Luciani) pour un budget prévisionnel de 7,2 millions €. https://fr.wikipedia.org/wiki/L%27Île_rouge_(film) C’est 40% de plus que le budget moyen des films français de fiction sortis depuis le début de l’année. https://siritz.com/financine/pathe-et-boon-explosent-les-barometres/
A noter que Les Films de Pierre est le producteur de la Palme d’or du Festival de Cannes. https://siritz.com/cinescoop/la-remuneration-de-julie-triet/
Pour la préparation, 45 jours de tournage et la post-production la rémunération du réalisateur est de 116 000 €, répartie en part égale entre à valoir sur droits d’auteur et salaire de technicien. C’est 60% de la rémunération moyenne des réalisateurs de ces films. Il a écrit le scénario avec Gilles Marchand et Jean-Luc Raharimanana. Ils se sont partagés 221 000 €. C’est le budget moyen des scénarios de ces films. Les rôles principaux ont reçu 130 000 €. C’est 60% de ce qu’ont reçu en moyenne les premiers rôles de ces films.
Le film a bénéficié de 720 000 € d’avance sur recettes ainsi que de l’aide au développement du CNC, du soutien de la Procirep et de Media Creative Europe. 7 soficas adossées sur le minimum garanti du distributeur y ont investi. France 3 est coproducteur. Canal+, Ciné+ et France 3 l’ont pré-acheté. Memento Film a donné un minimum garanti pour le distribué en France et Play time a le mandat de vente à l’international sans minimum garanti.
La Belgique est coproducteur à hauteur de 10%. Scope Pictures (Géneviève Lemale) est le producteur avec le Tax shelter, le soutien de la Communuaté française de Belgique, une coproduction et un achat de la RTBF, un minimum garanti de Cinéart.
Le précédent film de Robin Campillo était « 120 battements par minute » sorti le 23 aout 2017.
Il était déjà produit par Les Films de Pierre, pour un budget prévisionnel de 5,4 millions €. https://fr.wikipedia.org/wiki/120_Battements_par_minute
Pour la préparation, 45 jours de tournage et la post-production la rémunération de Robin Campillo était de 100 000 €, dont 55 000 € d’à valoir sur droits d’auteur et 45 000 € de salaire de technicien. Il avait écrit le scénario avec Philippe Mangeot qui avait reçu 2 500 €. Les rôles principaux avaient reçu 231 000 €.
Le film avait bénéficié de 700 000 € d’avance sur recette. Il avait été pré-acheté par Canal+, Multithématiques et France 3. Memento avait donné un minimum garanti pour les mandats salle et vidéo. Le film avait rassemblé 855 000 spectateurs.
www.Cinefinances.info est un site, accessible par abonnement, destiné aux professionnels du cinéma. Il publie budget, le plan de financement et la répartition des recettes prévisionnels de tous les films français qui sortent (hors les films « sauvages » qui ne déposent pas leurs contrats au registre public et ne demandent donc pas l’agrément qui leur permettrait d’accéder à l’aide du CNC). Il s’agit des chiffres de l’agrément d’investissement sur la base duquel le producteur a monté son financement. Il dispose d’archives des films sortis depuis 2010 et d’un puissant moteur de recherche, avec de multiples critères.
MISE AU POINT IMPORTANTE
Dans mon dernier éditorial j’avais indiqué qu’en matière de tournage la France avait encore un handicap : la durée de travail était limitée à 48 heures par semaine alors que chez nos voisins on peut travailler 60 heures. Or, un responsable du SNTPCT, le principal syndicat de techniciens, https://fr.wikipedia.org/wiki/Syndicat_national_des_techniciens_de_la_production_cinématographique_et_de_télévision , me fait remarquer que, depuis 2010, le SNTPCT et l’API avaient négocié la possibilité, dans le cinéma, de travailler 60 heures par semaine et même des journées de 12 heures.
Je dois d’ailleurs dire que, lors de mon enquête, plusieurs producteurs et réalisateurs américains m’avaient dit que les techniciens français étaient les plus performantes d’Europe.
Voici ce qu’il m’écrit et qui est très important :
LA RÉMUNÉRATION DE JUSTINE TRIET
CinéscoopPOUR LA RÉALISATION DE « ANATOMIE D’UNE CHUTE »
Ce film, qui lui a valu la Palme d’or du Festival de Cannes, est le 4ème qu’elle a réalisé. Dès sa première diffusion il avait été considéré comme l’un des grands favoris. https://fr.wikipedia.org/wiki/Justine_Triet
Il sortira en salle le 23 août.
Cinéfinances.info* a fourni les données financières de cet article.
Il est produit par Les Films de Pierre (Marie-Ange Luciani) et Les Films Pélléas (Philippe Martin et David Thion) pour un budget prévisionnel de 6,2 millions €. https://fr.wikipedia.org/wiki/Anatomie_d%27une_chute
C’est 20% de plus que le budget médian des films français de fiction sortis depuis le début de l’année. https://siritz.com/financine/pathe-et-boon-explosent-les-barometres/
Pour la préparation, 45 jours de tournage et la post-production la rémunération de la réalisatrice est de 100 000 €, répartie en part égale entre à valoir sur droits d’auteur et salaire de technicien. C’est 25% de plus que la rémunération médiane des réalisateurs de ces films. Elle a écrit le scénario avec Arthur Harari et ils se sont partagés 147 000 €. C’est deux tiers du budget moyen des scénarios de ces films. Les rôles principaux ont reçu 253 000 €. C’est 10% de plus que ce qu’ils ont reçu pour ces films.
Le film a bénéficié de 500 000 € d’avance sur recette du CNC. France 2 est coproducteur et 6 soficas y ont investi. Les régions Rhône-Alpes et Aquitaine ont apporté leur soutien ainsi que la Charente-Maritime.
Canal+, Ciné+ et France 2 ont effectué un pré-achat. Le Pacte a donné un minimum garanti pour la distribution en France et MK2 international pour la distribution à l’étranger.
Le premier film réalisé par Justine Tiriet était « La bataille de Solférino », sorti en salle le 18 septembre 2013. Il était produit par Ecce films pour une budget prévisionnel de 842 000 €. Pour la préparation, le tournage et la post-production la rémunération de la réalisatrice était de 31 000 €, dont 10 000 € d’à valoir sur droits d’auteur et 21 000 € de salaire de technicien. Elle avait écrit le scénario pour 10 000 €. Le film avait bénéficié de 500 000 € d’avance sur recettes. Distribué par Shellac il avait rassemblé 37 000 spectateurs.
Son second film était « Victoria », sorti le 14 septembre 2016. https://fr.wikipedia.org/wiki/Victoria_(film,_2016) Il était encore produit par Ecce films pour un budget prévisionnel de 4 millions €. Le film avait bénéficié de 550 000 € d’avance sur recettes.
675 000 spectateurs
Pour la préparation, le tournage et la post-production la rémunération de la réalisatrice était de 144 000 €, répartie en part égale entre à valoir sur droits d’auteur et salaire de technicien. Elle avait écrit le scénario pour 135 000 €. Distribué par Le Pacte le film avait rassemblé 657 000 spectateurs.
Le troisième film de Justine Triet état « Sybil », sorti le 24 mai 2019 par Les Films Péléas, pour un budget prévisionnel de 6,2 millions €. https://siritz.com/cinescoop/la-remuneration-de-la-realisatrice-justine-triet-realisatrice/ Pour la préparation, le tournage et la post-production la rémunération de la réalisatrice était de 94 000 €, dont 45 000 € d’à valoir sur droits d’auteur et 49 000 € de salaire de technicien.
Elle avait écrit le scénario avec Arthur Harari et ils s’étaient partagés 166 000 €. Distribué par le Pacte le film avait rassemblé 310 000 spectateurs.
www.Cinefinances.info est un site, accessible par abonnement, destiné aux professionnels du cinéma. Il publie budget, le plan de financement et la répartition des recettes prévisionnels de tous les films français qui sortent (hors les films « sauvages » qui ne déposent pas leurs contrats au registre public et ne demandent donc pas l’agrément qui leur permettrait d’accéder à l’aide du CNC). Il s’agit des chiffres de l’agrément d’investissement sur la base duquel le producteur a monté son financement. Il dispose d’archives des films sortis depuis 2010 et d’un puissant moteur de recherche, avec de multiples critères.