Jean Stock* « LUXE-TV est une chaîne sur-consommée par les jeunes »
Le fondateur, dirigeant et actionnaire à 50% de cette chaîne thématique européenne ayant une diffusion mondiale en présente la singularité et analyse aussi l’impact qu’aura la période de confinement mondial sur la télévision
Siritz : Quel est plus précisément le positionnement de Luxe.TV ?
Jean Stock : C’est celui de l’art de vivre. La chaîne est diffusée en anglais et en français, dans 120 pays. Elle touche 320 millions de spectateurs.
Siritz : Quel est son modèle économique ?
Jean Stock : Il est double. D’une part un financement par les opérateurs qui diffusent la chaîne et qui la revende dans des bouquets avec d’autres chaînes. D’autre part la publicité, au besoin par décrochage, en utilisant la technique de décrochage des Networks aux Etats-Unis , où , sur un marché donné, on introduit des publicités spécifiques à ce marché. Nos principaux annonceurs au niveau mondial sont dans le secteur des voyages. La chaîne dispose des droits mondiaux pour ses programmes. Donc elle peut aller partout, sans limitation de durée ni du nombre de diffusions.
Siritz : Est-ce que les différents opérateurs payent à peu près le même prix ?
Jean Stock : Ils payent un prix adapté à la capacité de financement de leurs abonnés. Mais la fourchette de prix est relativement resserrée. Il y a différents types de contrats : il y en a à l’abonné, d’autres à l’abonné avec minimum garanti et des contrats au forfait. Cela dépend des pratiques commerciales sur chaque territoire. En moyenne un opérateur acquiert la chaîne pour 5 000 € par mois.
Siritz : Quel est le profil des spectateurs ?
Jean Stock : C’est l’opposé du profil des téléspectateurs habituels de la télévision. Nous sommes surconsommés par les jeunes, et notamment les étudiants qui regardent la chaîne pour rêver, principalement de 23 heures à 2 heures du matin. Et nous sommes regardés par les gens aisés, qui sous-consomment la télévision comme les jeunes. Ces CSP+ apprécient LUXE.TV le week-end, le matin.
LUXE Today du lundi au jeudi, LUXE This week, le web-end qui commence vendredi matin
Siritz : Comment est structurée la grille de programmes ?
Jean Stock : Du lundi au jeudi la chaîne se positionne comme une chaîne d’information relative à l’art de vivre et au luxe et, ensuite, pendant le week-end, elle rediffuse sa programmation de semaine sous le titre LUXE.ThisWeek alors qu’en semaine c’est sous le titre LUXE.Today. Le bloc en semaine, du lundi au jeudi, est constitué de programmes d’une heure, adaptés à l’actualité de l’art de vivre ; le bloc du week-end est sur un format de 8 heures. Notre week-end commence dès le vendredi matin, du fait des congés dans le monde arabe et des horaires asiatiques où la chaîne est très bien consommée. En semaine la grille est construite en 24 formats d’une heure, donc on épouse tous les fuseaux horaires.
Siritz : Il y a 12 thèmes ?
Jean Stock : Du lundi au vendredi ils sont activés en fonction de l’actualité dans l’offre d’une heure rotative et pendant le week-end les sujets sont regroupés par thèmes.
Siritz : C’est quoi votre actualité ?
Jean Stock : Selon les semaines, nous donnons la priorités aux défilés dfe mode, aux sorties des nouveaux modèles d’automobiles à l’occasion des salons, aux nouvelles montres … A chaque fois, nous produisons un sujet qui est traité sur le plan éditorial.
Siritz : Est-ce que certains programmes sont cofinancés par l’activité ou le fabriquant dont on parle ?
Jean Stock : La règle européenne impose la séparation entre l’éditorial et la publicité. Donc les séquences relatives à l’art de vivre et au luxe sont des séquences sans préfinancement des marques. Par contre, nous faisons des coproductions avec les marques quand elles souhaitent utiliser nos images. Depuis deux ans nos images sont toutes aux normes 4 K. La chaîne utilise ces images pour réaliser un produit éditorial dont elle a le « Final Cut ».
Pour fabriquer les programmes nous avons des partenaires dans le monde entier
Siritz : Qui fabrique les programmes ?
Jean Stock : Nous avons des partenaires dans le monde entier. Par exemple, Gaël Caron, le reporter d’images de France 2 qui a été confiné 77 jours à Wuhan alors qu’il venait d’arriver avec son collègue journaliste dans la première ville chinoise touchée par le coronavirus, quand il ne travaille pas pour France 2, tourne, depuis 15 ans, des programmes pour LUXE.TV. Nous avons ainsi des sociétés de production qui travaillent pour nous aux Etats-Unis, au Luxembourg, à Paris, sur la Côte d’Azur, à Rome, à Milan et en Asie.
Siritz Qui décide des sujets ?
Jean Stock : Les choix sont toujours faits en fonction de l’actualité définie par nous. Pour les illustrations nous utilisons les propositions des agences, comme l’Agence Paris-mode pour tous les défilés de mode, ou de l’Agence France-Presse pour les salons automobiles, etc… Les sujets courts viennent assez souvent des agences, ils ont une durée de vie courte et ne peuvent être diffusés que pendant une semaine. Les sujets plus longs sont produits par la chaîne et rentrent dans notre bibliothèque, pour laquelle nous avons tous les droits, sans limitation de durée, de territoires et du nombre de diffusions.
L’application LUXE.TV Player propose une version spécifique de nos programmes pour l’iPhone, l’iPad et l’Apple TV
Siritz : Quelle est la durée des programmes de semaine ?
Jean Stock : 2 fois 24 minutes. On produit une heure originale par jour. De cette façon, avec une programmation par ordinateur, on arrive à cumuler les audiences des 24 fuseaux horaires.
Siritz : Est-ce que je peux regarder la chaîne directement sur mon ordinateur ?
Jean Stock : Il y a un « Best of » des meilleurs sujets de LUXE.TV sur notre site WEB. De plus, l’application « LUXE.TV Player » propose, une version spécifique de nos programmes pour pour l’ iPhone, l’ iPad, et l’Apple TV. Nous proposons 10 sujets par jour et cette forme de consommation non linéaire est complémentaire de la consommation linéaire 24×7. Est est gratuite dans le contexte du Coronavirius.
https://apps.apple.com/fr/app/luxe-tv-player/id599577691
Siritz : Comment fonctionnez-vous en période de confinement ?
Jean Stock : On a fait évoluer notre grille éditoriale, nous souhaitons opposer le présent dramatique au passé récent du même lieu, tout en proposant aux confinés de s’évader par l’image. Exemple, la place d’Espagne à Rome. La comparaison est spectaculaire. Et on peut s’appuyer sur 15 ans de nos archives.
Jean Stock : Votre audience a dû augmenter pendant le confinement.
Jean Stock : Oui. Fortement. Donc de nombreux nouveaux téléspectateurs découvrent notre chaîne.
Siritz : J’imagine que, comme pour toutes les chaînes, votre audience a augmenté mais pas vos annonceurs.
Jean Stock : En effet, mais nous devons à nos spectateurs et aux opérateurs qui nous relayent, une programmation originale, diversifiée géographiquement et riche en images de qualité.
Siritz : Où est fabriquée la chaîne ?
Jean Stock : Depuis sa création il y a 15 ans, au Luxembourg. Nous appliquons la législation européenne et pouvons citer les marques.
Siritz : Quel est le budget de la chaîne ?
Jean Stock : De l’ordre de 2 millions € par an et, en régime de croisière hors période de coronavirus, elle est légèrement bénéficiaire.
Siritz : D’après-vous est-ce que le confinement aura un impact à long terme sur la consommation de télévision ?
Jean Stock : Tout d’abord, les téléspectateurs confinés multiplient la consommation non linéaire, par ailleurs ils « zappent » beaucoup, et, donc, découvrent des chaînes qu’ils ne connaissaient pas ou n’avaient pas l’habitude de regarder. Il y donc aussi un développement du linéaire. Mais au lendemain de la pandémie, les chaînes thématiques vont avoir de plus en plus de mal à s‘amortir sur un seul territoire. Donc il faut s’attendre à une mondialisation des chaînes thématiques, peut-être à travers des consolidations. Pour ce faire nous avons un peu d’avance puisque depuis nos débuts nous avons fait le choix d’avoir un positionnement mondial, afin d’être diffusés partout, sans limitation de droits.
Nous allons rajouter une 13 ème rubrique « La santé est un luxe »
Siriz : Le luxe est un thème très fort.
Jean Stock : Et il est renforcé par la situation actuelle parce qu’il apparaît que la santé est un luxe. Nous allons d’ailleurs ajouter, dès la fin du confinement, ce treizième thème à notre grille. Il s’appellera « La santé est un luxe ». On donnera aux gens des informations sur les développement récents en terme de santé mais aussi sur les destinations les moins polluéees.
Siritz : Le luxe est une secteur porteur car dès que les gens accèdent à la classe moyenne supérieure, ou tout simplement à la classe moyenne, ils veulent s’affirmer en consommant du luxe.
Jean Stock : Tout à fait. Cela explique pourquoi nous avons une forte demande de nos images en Chine et depuis peu en Inde. Les nouvelles classes moyennes de ces pays, avant même d’acheter veulent rêver ; c’est d’abord le cas des jeunes adultes. En fait, ce positionnement auquel nous avons pensé il y a 15 ans s’applique plus que jamais au présent et au futur proche. Mon expérience de président de TV5 monde et de secrétaire générale de l’Union européenne de radio télévision m’a été précieuse. A l’époque, je me suis demandé quel est le format de télévision thématique pourrait circuler dans le monde entier, sans contrainte, en correspondant à une attente forte. Je n’ai trouvé que deux formats : le sport où tout avait été fait et où les prix étaient très élevés, et l’art de vivre associé au luxe où pratiquement rien n’avait été fait.
Siritz : Quelle est l’équipe de LUXE.TV?
Jean Stock : 8 personnes localisées à Luxembourg dans le cadre de RTL City qui est notre opérateur technique pour mettre en oeuvre la diffusion de la chaîne. La directrice générale des programmes Marie-Hélène Crochet, travaille avec deux rédacteurs, trois éditeurs/monteurs et deux personnes en charge de la mise en forme de l’offre des programmes sur les différents réseaux.
*Jean Stock
*Jean Stock a effectué la première partie de sa carrière comme journaliste au sein du groupe RTL radio, puis RTL télévision De 984 à 1987 il a conduit le développement de RTL Télévision en Belgique francophone et en France, en qualité de directeur des programmes et de l’information.
Il a contribué à la création de M6 en tant que directeur général adjoint chargé des programmes et de l’information de 1987 à 1989. Il est aussi le créateur du journal télévisé de la chaîne qui dès l’automne 1987 est devenu le 6 Minutes, puis le Six , un journal tout en images d’une durée moyenne de 8 minutes.De 1989 à 1994 comme directeur délégué pour l’ensemble des activités télévisuelles du Groupe RTL, il a notamment participé au lancement de RTL4 aux Pays-Bas et au développement de RTL Télévision en Allemagne. En 1994 il a créé à Los Angeles la filiale américaine du groupe RTL qu’il a présidée jusqu’en 1996.
Il a assumé ensuite, de 1997 à 1998, les fonctions de directeur de l’audiovisuel du groupe Havas. De 1998 à 2001 il est de PDG de TV5 Monde et de Canal France International De 2001 à 2004 il a été secrétaire général de l’UER, l’Union européenne de radio-télévision.
Il a participé en 2006 il a participé à la création de la chaîne Luxe.TV, une des premières chaînes HD en Europe, au Moyen-Orient et en Asie.