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Elle devrait contribuer à la diversité de notre production mais…

L’entrée des plates-formes de S-Vod dans notre système de financement du cinéma et des œuvres  audiovisuelles, à partir de  janvier, va forcement renforcer celui-ci. On ne sait pas quelle sera la répartition  de leurs investissements entre cinéma et œuvres télévisuelles, mais il est probable que la plus grande part sera réservée aux séries et fictions unitaires. Pour le cinéma, cela devrait en partie compenser la baisse de chiffre d’affaires, et donc le recul des investissements, de nos chaînes. Puis ces apports croitron au fil des années.

https://www.lesechos.fr/tech-medias/medias/creation-audiovisuelle-le-gouvernement-fait-passer-netflix-et-disney-a-la-caisse-1259832

Notre écosystème est remarquable parce que fondé sur l’obligation d’investissement. C’est le cas du soutien financier du CNC qui est à la fois une épargne forcée et un droit de douane. Et il bénéficie non seulement à la production de films et d’oeuvres audiovisuelles françaises mais aux salles de cinéma et à la distribution de films. Ce qui explique que nous ayons le plus performant des réseaux de salle en Europe et une extraordinaire variété de distributeurs. https://siritz.com/financine/le-barometre-de-la-distribution-doctobre/

Néanmoins les obligations d’investissement des chaînes représentent des montants encore plus importants : moins de 10% pour le soutien du CNC, près de 30% pour les apports des chaînes.

Mais ce rôle déterminant des chaînes a un inconvénient. En effet, les films sont avant tout destinés à être diffusés en salle. Sinon ce sont des téléfilms. Or, la tendance naturelle des chaînes de grande audience est de privilégier les projets qui vont leur assurer la première de couverture des magazines télés ou de grands articles. C’est à dire qui sont interprétés par des stars qui vont susciter des articles « people » ou portant sur de « grands » sujets plutôt que le scénario, originalité, le traitement ou la réalisation. Comme les chaînes sont obligées de commander un nombre de films qui dépasse probablement leurs besoins et qu’il n’y a certainement pas suffisamment de projets répondants à cette seconde catégorie de critères, elles sont encore plus incitées à favoriser les premiers critères.

En fiction les chaînes ont réussi à compenser cet inconvénient par les collections puis les séries  dont la force est d’avoir la capacité de fidéliser le public par les intérêt et pas forcement sur leur casting.

Néanmoins, si le pourcentage de « bons » films est limité, le secteur est tellement développé qu’en valeur absolue le nombre de « bons » films est lui élevé comparativement aux autres pays d’Europe. 

Les plates-formes S-Vod ont une autre logique si elles achètent les droits pour le monde entier ou un grand nombre de territoires : elles ont tendances à viser des niches, représentant des fractions du public, mais que l’on  retrouve un peu partout dans le monde. Comme « Migonnes », de Maïmouna Ducouré, qui vise les adolescentes, ou les films de genre. Y compris des films d’auteur comme « Le portrait de la jeune fille en feu » réalisé par Céline Sciamma. Certes, nos chaînes à péage, Canal+, Multithématiques et OCS ont un peu la même logique. Or elles représentent la plus grande partie du financement par les chaînes. https://siritz.com/financine/les-apports-du-groupe-canal/ et https://siritz.com/financine/les-pre-achats-docs-en-2020/

Donc, en plus d’apporter de nouveaux financements à la production de films français, les plates-formes internationales de S-Vod vont élargir les opportunités des films originaux. Bien entendu, un des grands enjeux sera de distinguer entre l’obligation d’investissement obligatoire, qui va porter sur le seul territoire français et les achats pour les autres territoires. Les plates-formes risquent de proposer un prix global et d’affecter la plus grande partie à l’achat pour la France, mais de conditionner cet achat à la vente des autres territoires. Il faudra mettre en place une procédure pour éviter ce détournement qui risque, notamment, de tuer nos entreprises de ventes internationales.

Eviter l’effet domino

Depuis la réouverture de toutes le salles de cinéma françaises le 22 juin les distributeurs français ont joué le jeu, pariant sur le retour du public. Ce n’était pas du tout évident puisque le CNC, pour les inciter à sortir leurs films, a augmenté sensiblement leur soutien automatique.

Bien entendu ils ont repris l’exploitation de films qui avaient été interrompue par le confinement. Ce qui, par exemple,  a permis à « De Gaulle » d’atteindre 860 000 entrées et  « La bonne épouse » 632 000 entrées. Mais ils ont aussi sortis de nouveaux films, comme en période normale.  Plusieurs ont réalisé des entrées proches de celles qu’ils auraient atteintes sans crise du Coronavirus. Et, dans certains cas au-delà, ne serait-ce que parce qu’ils ont bénéficier d’une sortie et d’une couverture médiatique qu’ils n’auraient pas eu  si les films américains étaient présents. La preuve a été donc faite que que le cinéma répond à un vrai besoin des français, car le public n’a pas eu peur de retourner dans les salles.

« Le succès d’Antoinette »

Parmi ces succès, le plus spectaculaire à ce jour est sans doute « Antoinette dans les Cévennes ». Ce film sans star et à budget moyen a atteint 508 000 entrées en 3 semaines. Lors de sa seconde semaine il a réalisé plus d’entrées que la première, avant-premières comprises. Et, en 3ème semaine, avec 153 000 entrées,  il en est encore à  85% de la première semaine.

Le problème, comme on le sait c’est l’absence  de films américains qui représentent normalement entre 55 et 60% des entrées, et plus de 70% l’été.  Sauf l’exception de« Tenet » .  Il en est à 2,2 millions d’entrées et approche le score de « Dunkerque », le précédent film réalisé par Christopher Nolan.  Malheureusement, pour les blockbusters américains la France est un tout petit marché comparé au marché américain qui représente plus de 50% de la totalité de leur marché mondial. Or, aux Etats-Unis la plupart des salles de cinéma sont fermées dans les grandes villes. Et, comme dans la plupart des pays, le Coronavirus est loin d’y être maitrisé.

L’effet domino

Toutes les majors ont donc décidé de repousser sine die la sortie de leurs blockbusters. C’est à dire  de tirer un trait sur 55 à 60% des entrées de nos salles. Le dernier coup de massue a été le report du « James Bond ».

https://www.lemonde.fr/economie/article/2020/10/05/james-bond-peut-attendre-pour-mourir-mais-les-cinemas-ont-deja-un-pied-dans-la-tombe_6054801_3234.html

C’est en fait un film britannique pour lequel le Royaume-Uni est le premier marché avec les Etats-Unis. La fermeture des salles du Pays de Galle et de celles des Etats-Unis a amené son producteur à cette décision. Et celle-ci a eu un effet domino puisqu’elle a amené  Cineworld  à refermer son circuit de salles britanniques et Regal, son circuit de salles américaines.  Son dirigeant a en effet expliqué qu’il perdrait moins d’argent en étant fermé qu’en restant ouvert.

Faute d’approvisionnement en films la plupart des salles du monde risquent de faire le même raisonnement. La France est une exception parce qu’elle a une production nationale importante. Mais cela permet seulement à ses exploitants de perdre moins d’argent que ceux des autres pays. Et le maintien de l’ouverture de notre parc de salle est une bénédiction pour les  producteurs et distributeurs de films français. Leur fermeture serait une catastrophe pour eux.

Le problème des assurances des tournages subsiste

Mais il y a une ombre supplémentaire au tableau : les assurances contre les risque de Coronavirus sont insuffisantes pour les films à gros budget et avec beaucoup de figurants. Leur tournage est donc suspendu. Or ils étaient indispensables pour permettre aux films français d’atteindre leurs 35 à 40% de part de marché.

Le gouvernement a annoncé au Congrès de Deauville un ensemble de mesures qui vont permettre aux salles de tenir jusqu’à la fin de l’année. https://siritz.com/editorial/les-lecons-du-congres-de-la-fncf-a-deauville/ Mais il faut dès maintenant penser à la suite. Car nul ne peut imaginer que la crise sanitaire aura alors disparu dans le monde. Faute de mesures supplémentaires les exploitants français seraient alors contraints d’avoir le même raisonnement que leurs confrères britanniques. Cela déclencherait un effet domino qui serait une catastrophe pour nos distributeurs qui cesseront d’accorder des minima garantis à des projets de films français.  Et donc pour nos producteurs, nos réalisateurs, comédiens, techniciens et  nos industries techniques.

Une poignée de productions seraient alors sauvées par les achats de plates-formes. Mais notre industrie du cinéma serait  à l’agonie.