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Le cinéma en salle est, on le sait, un marché d’offre. Les performances du Printemps du cinéma (à 5 € la place) de cette année le rappellent : avec seulement 1,7 millions d’entrées en trois jours c’est le plus faible score depuis la création de la manifestation.

Depuis le début de l’année la fréquentation cumulée est à environ 15% de moins que celle  de l’année dernière à la même époque qui, jusqu’au dernier trimestre, était partie pour dépasser les 200 millions d’entrées enregistrées 8 années sur 10 de 2010 à la Covid.  Depuis 2010, si le nombre d’établissement était resté stable, celui du nombre d’écran avait progressé de 15%. Le passage au numérique avait réduit les coûts de distribution des films, et, après un investissement de départ, réduit les coûts de fonctionnement des salles. Le nombre de film distribués chaque année n’a cessé de se situer entre 700 et 800, dont entre 250 et 300 films français.

Après les années 2020 et 2021, fortement marquées par la crise de la Covid, l’exploitation a repris son cours normal en 2022. Mais elle a été marquée par le manque de films américains. Ceux-ci avant la Covid, représentaient en moyenne au moins 50% des entrées, les films français en moyenne 40%. Comme on le sait, alors que notre production n’a jamais cessé, la production américaine a été suspendue pendant l’épidémie. L’absence des blockbusters de Hollywood a fait chuter les entrées à 150 millions en 2022 et 180 en 2023. Mais l’année dernière, la suite de « Avatar » a rassemblé 14,2 millions de spectateurs, soit presqu’autant que le premier opus sorti en 2009. C’est dire qu’il y a toujours un public aussi nombreux pour se presser aux films évènements.

L’année record de ce siècle, et même depuis plus de 50 ans, était 2011 avec 217,2 millions de spectateurs. Or ce résultat était dû à deux blockbusters français : « Intouchables » (19,5 millions d’entrées) et « Rien à déclarer » (8,5 millions d’entrées). Les 209,1 millions d’entrées atteints en 2014 étaient dus aux 4 champions du box-office de l’année qui était tous des films français : « Qu’est-ce qu’on a fait au bon dieu » (12,4 millions d’entrées), « Une famille Bélier «  (7,7 millions d’entrées), « Supercondriaque » (5,2 millions d’entrées) et « Lucy » (5,2 millions d’entrées). Quant aux 213 millions d’entrées de 2019, ils étaient dus à trois films américains qui se situaient entre 6,7 et 9,8 millions d’entrées, mais aussi à « Qu’est-ce qu’on a encore fait au bon dieu » qui avait également rassemblé 6,7 millions de spectateur.

Depuis 2023 les films français ont retrouvé leur niveau global d’entrées d’avant la crise du Covid. Mais ce qui est frappant c’est qu’aucun d’entre eux n’a réussi à atteindre les 5 millions d’entrées. Le champion français de l’année, « Asterix et Obelix, l’empire du milieu » n’en étaient qu’à 4,6 millions d’entrées.

Les résultats du second « Dune » comme du « Godzilla versus King-Kong », qui sont bien meilleurs que ceux de leurs prédécesseurs, s’expliquent sans doute en grande partie par l’absence de véritable concurrence :  ils réalisent leur score sans faire monter la fréquentation qui reste inférieure à celle de l’année dernière.

Cela signifie que le public français est dans l’attente d’une nouvelle génération de films évènements français qui vont largement dépasser le plafond actuel des 5 millions d’entrées, voir atteindre les 10,  les 15 et même les 20 millions d’entrées. Le public attend. Par le passé des producteurs et des réalisateurs ont toujours trouvé le moyen de les satisfaire.

IL Y AURA PROBABLEMENT DE LA RESTRUCTURATION DANS L’AIR

Il y a encore quelques mois les plates-formes semblaient pouvoir réduire le cinéma -c’est à dire un film fait pour la salle et vu dans une salle- à une industrie marginale du point de vue de son chiffre d’affaires comme de son impact sur la société.

C’était d’autant plus prévisible que chacun des grands studios américains avait décidé de lancer sa propre plate-forme et de lui réserver l’exclusivité de ses films, à l’exception d’une fenêtre aussi courte que possible pour les salles de cinéma.

Aujourd’hui, il semble probable que, même avec l’ouverture à la publicité, qu’il n’y a pas la place pour plus de deux plates-formes rentables, sans doute Netflix et Disney. D’autant plus que celles d’Amazon et d’Apple ne visent pas la rentabilité mais sont des outils de promotion pour les deux géants du numérique.

A tel point que les dirigeants des studios se rendent compte que les blockbusters peuvent leur procurer des bénéfices incomparables et ne contribuent en rien à la pénétration de leur plate-forme. Il y a probablement de la restructuration dans l’air.

Quant aux plates-formes d’Amazon et d’Apple ce sont incontestablement des opérations de dumping, puisqu’il s’agit de ventes à perte. https://alain.le-diberder.com/la-nouvelle-economie-de-la-svod/ Il n’est pas impossible que les studios engagent en commun des actions auprès des instances chargées de contrôler la concurrence pour concurrence déloyale par vente à perte. Si elles obtenaient gain de cause cela pourrait augmenter le nombre de vraies plates-formes susceptibles de survivre.

Certes, la vague de froid historique aux États-Unis, l’explosion de la Covid en Chine et la fermeture du marché Russe aux films américains ont affecté les recettes mondiales d’Avatar 2. Mais, aujourd’hui,  les dirigeants de tous les studios ont toutes les raisons d’estimer que le film de cinéma reste leur produit locomotive.

En France, évidemment, la question ne se pose pas puisque, politiquement, le cinéma reste une activité prioritaire. 2022 a prouvé notre capacité à produire de nombreux films d’auteur et de films d’action de très grande qualité. Mais, pour que, compte tenu de cette priorité, nos films retrouvent leur 50% de part de marché des années 80, notre cinéma doit retrouver sa capacité à produire des comédies populaires qui drainent les foules.  https://siritz.com/editorial/le-cinema-est-loin-davoir-dit-son-dernier-mot/

Comme le note Les Échos, l’année 2022 va terminer avec une fréquentation en-dessous de 155 millions de spectateurs, la plus faible depuis 1999. Et pourtant, il y a tout lieu d’être optimiste pour l’avenir du cinéma en France et sur a capacité à retrouver une fréquentation annuelle d’au moins 200 millions de spectateurs.

C’est ce que démontre les remarquables performances d’Avatar 2.

La semaine dernière, avec les seuls résultats des quatre premiers jours du Cinechiffres, https://siritz.com/editorial/demarrage-encourageant-pour-avatar-2/,nous estimions que, hors match de l’équipe de France, il faisait mieux que le premier Avatar, sorti en 2009. Or, sur la semaine, et sur l’ensemble de la France, malgré la demi-finale et la finale de l’équipe de France, il a fait mieux que le premier opus : 2,74 millions de spectateurs contre 2,65 millions !

C’est une confirmation éclatante de ce que le cinéma est un marché d’offre. Mais, changement majeur, il l’est devenu plus qu’avant. Car il est clair que le spectateur, sans doute du fait de la multiplication des offres de distraction, est beaucoup plus sélectif. Il ne veut se déplacer et payer que s’il estime que, dans son genre, le film est exceptionnel.

Le cinéma français doit renouveler ses comédies

Autre fait à noter. Les Américains ont sensiblement réduit leur nombre de films et ont même stoppé leur production pendant une bonne partie de la pandémie, alors que les Français l’ont poursuivi au même rythme. Or le Top 10 des entrées n’est composé que de films américains. Et le Top 20 de 14 films américains. Les Français ont perdu la capacité de faire des films qui rassemblent plus de 5 millions de spectateurs alors qu’ils ont su en faire qui en rassemblaient de 15 à 20 millions. En fait, pour atteindre ces scores les films français doivent être des comédies populaires, qui attirent tous les âges. Peut-être sera-ce le cas d' »Asterix le gaulois ». Mais, « Asterix la potion magique », sorti en décembre 2018, n’avait pas atteint 4 millions d’entrées. En tout cas, la production française doit impérativement renouveler ses comédies, car, comme le démontre Alain Le Diberder, c’est elle qui tire la fréquentation des films français. https://alain.le-diberder.com/le-cinema-a-la-francaise-nest-pas-eternel/

Un manque total de stratégie

En fait, la production cinématographique française dispose plus de moyens financiers et de sources de financement que jamais. Mais, bien que le CNCA soit chargé de l’encadrer et de piloter tous ces moyens, il le fait sans la moindre stratégie, sans la moindre reconnaissance que les bouleversements du secteur audiovisuel doivent inévitablement conduire à une profonde réforme de l’écosystème de ce secteur.