CINEMA : LA LOGIQUE DE LA S-VOD
Par Serge Siritzky
Elle devrait contribuer à la diversité de notre production mais…
L’entrée des plates-formes de S-Vod dans notre système de financement du cinéma et des œuvres audiovisuelles, à partir de janvier, va forcement renforcer celui-ci. On ne sait pas quelle sera la répartition de leurs investissements entre cinéma et œuvres télévisuelles, mais il est probable que la plus grande part sera réservée aux séries et fictions unitaires. Pour le cinéma, cela devrait en partie compenser la baisse de chiffre d’affaires, et donc le recul des investissements, de nos chaînes. Puis ces apports croitron au fil des années.
Notre écosystème est remarquable parce que fondé sur l’obligation d’investissement. C’est le cas du soutien financier du CNC qui est à la fois une épargne forcée et un droit de douane. Et il bénéficie non seulement à la production de films et d’oeuvres audiovisuelles françaises mais aux salles de cinéma et à la distribution de films. Ce qui explique que nous ayons le plus performant des réseaux de salle en Europe et une extraordinaire variété de distributeurs. https://siritz.com/financine/le-barometre-de-la-distribution-doctobre/
Néanmoins les obligations d’investissement des chaînes représentent des montants encore plus importants : moins de 10% pour le soutien du CNC, près de 30% pour les apports des chaînes.
Mais ce rôle déterminant des chaînes a un inconvénient. En effet, les films sont avant tout destinés à être diffusés en salle. Sinon ce sont des téléfilms. Or, la tendance naturelle des chaînes de grande audience est de privilégier les projets qui vont leur assurer la première de couverture des magazines télés ou de grands articles. C’est à dire qui sont interprétés par des stars qui vont susciter des articles « people » ou portant sur de « grands » sujets plutôt que le scénario, originalité, le traitement ou la réalisation. Comme les chaînes sont obligées de commander un nombre de films qui dépasse probablement leurs besoins et qu’il n’y a certainement pas suffisamment de projets répondants à cette seconde catégorie de critères, elles sont encore plus incitées à favoriser les premiers critères.
En fiction les chaînes ont réussi à compenser cet inconvénient par les collections puis les séries dont la force est d’avoir la capacité de fidéliser le public par les intérêt et pas forcement sur leur casting.
Néanmoins, si le pourcentage de « bons » films est limité, le secteur est tellement développé qu’en valeur absolue le nombre de « bons » films est lui élevé comparativement aux autres pays d’Europe.
Les plates-formes S-Vod ont une autre logique si elles achètent les droits pour le monde entier ou un grand nombre de territoires : elles ont tendances à viser des niches, représentant des fractions du public, mais que l’on retrouve un peu partout dans le monde. Comme « Migonnes », de Maïmouna Ducouré, qui vise les adolescentes, ou les films de genre. Y compris des films d’auteur comme « Le portrait de la jeune fille en feu » réalisé par Céline Sciamma. Certes, nos chaînes à péage, Canal+, Multithématiques et OCS ont un peu la même logique. Or elles représentent la plus grande partie du financement par les chaînes. https://siritz.com/financine/les-apports-du-groupe-canal/ et https://siritz.com/financine/les-pre-achats-docs-en-2020/
Donc, en plus d’apporter de nouveaux financements à la production de films français, les plates-formes internationales de S-Vod vont élargir les opportunités des films originaux. Bien entendu, un des grands enjeux sera de distinguer entre l’obligation d’investissement obligatoire, qui va porter sur le seul territoire français et les achats pour les autres territoires. Les plates-formes risquent de proposer un prix global et d’affecter la plus grande partie à l’achat pour la France, mais de conditionner cet achat à la vente des autres territoires. Il faudra mettre en place une procédure pour éviter ce détournement qui risque, notamment, de tuer nos entreprises de ventes internationales.