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Alors que nous approchons du dernier trimestre de l’année, nous avons établi un nouveau baromètre des budgets prévisionnels des films de fiction français sortis à fin septembre et nous l’avons comparé à celui de mai dernier et à celui de l’année dernière. https://siritz.com/financine/2024-reduction-des-budgets-previsionnels/

Cinéfinances.info* a fourni les données financières de cet article.

On constate ainsi que le budget moyen remonte de 4,747 millions € en mai dernier à 4,834 millions € en septembre, sans pour autant être au niveau des 5,268 millions pour l’ensemble de l’année dernière.

Cette remontée par rapport à mai mais le retard par rapport à l’année dernière s’explique principalement par les films ayant le budget le plus élevé. L’année dernière c’était « Asterix & Obelix : l’empire du milieu », réalisé par Guillaume Canet dont le budget était de 64 millions €. https://siritz.com/cinescoop/la-remuneration-de-guillaume-canet-2/ Le film avait atteint 4,6 millions de spectateurs. En mai de cette année, c’est « Les chèvres », de Fred Caillavé qui avait le budget le plus élevé : 19 millions €. https://siritz.com/cinescoop/une-comedie-de-cayave-au-moyen-age/ Rappelons que le film avait été un cuisant échec puisqu’il n’avait atteint que 183 000 entrées. Mais, depuis, est sorti « Le comte de Monte-Cristo » (réalisé par Alexandre de la Patellière et Matthieu Delaporte) et ses 42,905 millions € de budget. https://siritz.com/cinescoop/et-de-trois-alexandre-dumas/ En 11 ème semaine il en est à 7,8 millions d’entrées et, toujours en tête du box-office de la semaine.

Cela dit un budget élevé n’est pas une condition pour battre les records d’affluence, puisqu’en tête du box-office de cette année, mais aussi de celui des films français depuis de nombreuses années, on trouve « Un p’tit truc en plus », réalisé par Artus, et qui, en 19ème semaine a déjà dépassé les 10 millions d’entrées et se situe toujours dans le top 10 de la semaine. Or, son budget n’était que 6,7 millions, soit seulement 25 % de plus que le budget moyen de tous les films de fiction sortis depuis le début de cette année. https://siritz.com/cinescoop/le-premier-demmarrage-de-lannee/ Ainsi donc, un budget moyen peut donner un gros B.O

En ce qui concerne le budget médian, au mois de Septembre, il est de 3,840 millions €, soit 10% au-dessus de celui de l’année dernière ou de cette année jusqu’au mois de mai.

Quant au plus petit budget il s’agit toujours et, sans doute pour longtemps, des 56 000 € de « Si proche du soleil », réalisé par Benjamin Rancoule, sorti dans 2 salles le 17 janvier de cette année et qui a rassemblé 183 spectateurs. https://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=293559.html

www.Cinefinances.info est un site, accessible par abonnement, destiné aux professionnels du cinéma.  Il publie budget, le plan de financement et la répartition des recettes prévisionnels de tous les films français qui sortent (hors les films « sauvages » qui ne déposent pas leurs contrats au registre public et ne demandent donc pas l’agrément qui leur permettrait d’accéder à l’aide du CNC). Il s’agit des chiffres de l’agrément d’investissement sur la base duquel le producteur a monté son financement. Il dispose d’archives des films sortis depuis 2010 et d’un puissant moteur de recherche, avec de multiples critères.

Le succès de « Un p’tit truc en plus », https://siritz.com/cinescoop/le-premier-demmarrage-de-lannee/, ce film au budget moyen et sans vedette, qui va largement dépasser les 10 millions d’entrées, illustre à quel point le cinéma est une phare de la société française, à quel point il la reflète quand il ne la précède pas.

En effet, la force de cette comédie sur un village de vacances pour handicapés mentaux, réside moins dans ses gags sympathiques que parce qu’il nous fait prendre conscience de l’humanité des handicapés mentaux puisque, dans le film, leurs personnages sont joués par de véritables handicapés qui interprètent, avec subtilité, le rôle de handicapés mentaux.

Or, quelques mois plus tard la France se passionne pour les jeux Paralympiques et les exploits, notamment français, de toutes les formes de handicaps.

La cérémonie d’ouverture, avec le défilé joyeux des handicapés de 168 pays, avec le superbe ballet emmené par un danseur unijambiste, avec les 4 handicapés racontant, avec un bonheur non feint, comment ils assument leur handicap, au point de nous faire venir les larmes ou  bien le champion tirant à l’arc avec son pied gauche ou ses dents pour toucher la cible en plain milieu à 70 mètres de distance, a attiré sur France 2 une moyenne, inimaginable quelques mois auparavant ,de 10 millions de téléspectateurs. Et au café, comme devant les écrans dressés sur certaines places, le public se passionne véritablement pour les exploits de ces super champions.

Désormais, chacun d’entre nous, c’est-à-dire la société française,  regarde le handicap différemment et c’est « Un petit truc en plus » , un « petit » film de cinéma français, qui a été précurseur en commençant à nous faire voir ce sujet de manière toute différente, à nous rappeler que, dans la vie,  le mental est essentiel, souvent plus que ce que nous appelons l’intelligence ou la normalité. Le public va au cinéma pour se distraire, mais il attend aussi beaucoup plus de  celui-ci. Producteurs et réalisateurs n’oubliez pas que le cinéma est un phare de notre société.

Dans notre avant-dernier éditorial https://siritz.com/editorial/le-cinema-est-un-marche-doffre/ nous rappelions que le cinéma est un marché de l’offre. C’est en effet ce qu’avaient confirmé les performances exceptionnelles de trois films sortis en mai et juin : la comédie française « Un p’tit truc en plus » https://siritz.com/cinescoop/le-premier-demmarrage-de-lannee/, le dessin animé de Pixar « Vis et Versa 2 » https://fr.wikipedia.org/wiki/Vice-versa_2 et le film d’aventure français « Le comte de Monte-Cristo » https://siritz.com/cinescoop/et-de-trois-alexandre-dumas/.

Ils avaient alors permis  de ramener le retard fréquentation de 2024 par rapport à 2023 de 20 % à 10%. Or la fréquentation des 9 premiers mois de 2023 était dans l’étiage de celles des années pré-covid qui, toutes, sur 12 mois, dépassaient les 200 millions d’entrées. En revanche, la fréquentation des trois derniers mois de 2023 avait été très médiocre, du fait de l’absence de blockbusters américains, suite à la grève des comédiens et des scénaristes qui avait stoppé la production pendant 6 mois. C’est pourquoi la fréquentation de l’ensemble de l’année dernière n’avait atteint que 180 millions d’entrées, 10% en-dessous de l’étiage auquel notre industrie de cinéma était habituée avant la crise du Covid.  Ce recul s’est poursuivi au début de 2024, expliquant un retard qui a atteint jusqu’à 20% sur les années pré-covid et le début de 2023.

L’éditorial précité faisait état des craintes des professionnels français qui estimaient que la concurrence des jeux olympiques allait accentuer la chute de la fréquentation. Cette crainte avait d’ailleurs conduit les distributeurs et producteurs français à ne sortir aucun film à fort potentiel commercial pendant ces jeux, ce qui accroissait la probabilité d’une forte chute de fréquentation. Or, il est incontestable que ces jeux, à commencer par leur ouverture, ont eu une audience bien supérieure à ce qui était prévu.

Néanmoins les majors américaines n’ont pas eu les craintes des distributeurs français et ont estimé que l’été restait une période de  très forte fréquentation aux États-Unis. Et, comme on le sait, pour éviter la piraterie, les sorties sont toujours mondiales. Elles ont donc repris leur habitude de sortir de gros blockbusters l’été, sans faire d’exception pour la France.Universal a ainsi sorti « Moi, moche et méchant 4 https://fr.wikipedia.org/wiki/Moi,_moche_et_méchant_4 , Walt Disney « Deadpool et Wolverine » https://fr.wikipedia.org/wiki/Deadpool_et_Wolverine et Sony « Garfield : héros malgré lui » https://fr.wikipedia.org/wiki/Garfield_:_Héros_malgré_lui qui vont tous cumuler les millions d’entrées.

Et les trois succès français de mai et juin ont continué à engranger les spectateurs : « Un p’tit truc en plus » a dépassé les 10 millions de spectateurs et file vers les 11. Aucun film français n’avait atteint de telles chiffres depuis les 12,3 millions de « Qu’est-ce qu’on a fait au bon dieu », il y a 10 ans. Cette année là quatre films français avaient réalisé les meilleurs scores de l’année, ce que l’on n’a jamais revu depuis. « Le comte de Monte-Cristo » a dépassé les 6 et devrait largement dépasser les 7, tandis que « Vis et Versa 2 » en est à 8 et vise les 9.

Résultat, le retard par rapport à 2023, donc par rapport à la moyenne des années pré-Covid, est tombé de 10% à 7%. Et, la semaine en cours, avec la sortie du nouveau « Alien » et de « Le roman de Jim », le nouveau film des frères Larrieu, les entrées de Cinéchiffres semblent supérieures à celles de l’année dernière.

Or, compte tenu de l’offre prévue d’ici la fin de l’année , il est  très probable que la fréquentation des derniers mois de cette année soit très supérieure à celle de l’année dernière, qui, rappelons le, était mauvaise, et proche de celle des années de pré-covid. Les 200 millions de spectateurs ne seront peut-être pas atteints, mais les 180 millions de 2023 seront certainement dépassés. Et ce résultat aura été atteint avec deux films français aux deux premières places du box-office de l’année.

Les 9 premiers mois de 2023 nous conduisaient vers une année pleine à au moins 200 millions d’entrées. En 2024, fin mai nous avions près de 20% de retard sur la même période de l’année précédente, principalement du fait de l’absence de blockbusters américains, suite à la grève de 6 mois qui avait stoppé la production de Hollywood. Cela correspondait à une courbe menant à moins de 150 millions d’entrées en année pleine. Et, avec les débuts des championnats d’Europe de football, juin semblait devoir aggraver l’écart.

Or c’est l’inverse qui s’est produit puisqu’à la fin juin l’écart des 6 premiers mois de 2024 par rapport à la même période de 2024 n’est plus que d’environ 10%. C’est que, coup sur coup, sont sortis trois films qui ont fait exploser les entrées. Tout d’abord, dès le début mai,  est apparu le phénomène « Un p’tit truc en plus » qui est parti pour quelques 10 millions d’entrées. https://siritz.com/editorial/le-ptit-truc-en-plus-du-cinema/.  Depuis 2022 seul «Avatar : la voie de l’eau » avait, avec ses 14,2 millions d’entées, avait dépassé ce chiffre.Et, parmi les films français, il faut remonter à 2014, avec « Qu’est-ce qu’on a fait au bon dieu » et ses 12,3 millions d’entrées, pour le voir dépassé https://fr.wikipedia.org/wiki/Qu%27estce_qu%27on_a_fait_au_Bon_Dieu_%3F

Puis, le 19 juin est arrivé le dessin animé « Vis Versa 2 » qui a rassemblé 1,933 millions d’entrées la premières semaine. https://fr.wikipedia.org/wiki/Vice-versa_2 Certes, chaque année un ou deux films font encore mieux. Mais, sorti en juin 2015 le premier « Vice Versa » n’avait démarré qu’avec 787 000 entrées pour finir avec un total de 4,55 millions. Le deuxième volet va largement dépasser ce total.

Enfin, le 28 juin, la nouvelle version de « Le comte de Monte-Christo » démarre un vendredi avec 30 000 entrée sur Paris-Périphérie  https://siritz.com/cinescoop/et-de-trois-alexandre-dumas/. Or avec une durée de 3 heures ce film n’a que 3 séances et, surtout, une seule séance le soir. En outre, la fête de cinéma débutant 2 jours plus tard, un grand nombre de sectateurs potentiels ont dû se réserver pour elle. C’est tout de même la moitié du premier vendredi de « Avatar : la voie de l’eau » qui a fini avec 14,2 millions de spectateurs. Si le film d’Alexandre de la Patellière et Matthieu Delaporte réalisait la moitié de ce total, ce serait beaucoup plus que le total des entréesdes deux « Trois mousquetaires ».https://siritz.com/cinescoop/les-trois-mousquetaires-milady/

La profession craint évidemment la concurrence de jeux Olympiques. Et, aussi, les incertitudes de la vie politique. Mais ces trois exemples rappellent que le cinéma est un marché d’offre : certains films réalisent de très fortes entrées quelles que soit le contexte.

Sean Baker, le réalisateur américain indépendant qui a obtenu la Palme d’or du dernier Festival de Cannes avec « Aurora » l’a bien dit : « le cinéma est fait pour être vu dans une salle de cinéma. Le public veut y vibrer, y rire, y pleurez ensemble ».

Une vérité que nous rappelle l’énorme succès du film français, « Un p’tit truc en plus », la première réalisation d’Arthus qui en est aussi l’un des rôles principaux, une comédie qui traite du handicap mental et qui est interprété par des handicapés mentaux. https://siritz.com/editorial/le-ptit-truc-en-plus-du-cinema/

Ses performances sont phénoménales. Il a démarré avec 1,131 millions d’entrée et la seconde semaine et n’a baissé que de 13% en seconde semaine, alors qu’un recul de 30% est considéré comme un succès. Et surtout, sa troisième semaine, avec 1,3 millions d’entrées, ce qui correspond à une progression de 33%, est de loin la plus forte.   Et il semble que la quatrième semaine ne reculera que de quelques pour cent, portant le film à 4,7 millions d’entrées, ce qui le place déjà, et de loin, au sommet du box-office 2024, loin devant « Dune 2 ».

A ce stade il est totalement impossible se savoir jusqu’où il est capable d’aller. Il est en tout cas probable qu’il dépassera le record de 2023, les 7,3 millions d’entrées de « Super Mario ». Ce qui est incroyable c’est qu’il paraitrait que le projet avait été refusé par plusieurs producteurs, puis plusieurs distributeurs.  Décidément le  cinéma n’est pas une science exacte.

Bien entendu ces performances permettent aux entrées nationales hebdomadaires de progresser par rapport à l’année dernière : de 3% la semaine de sortie du film, de 67% sa seconde semaine et de 8% sa troisième. Or, les 9 premiers mois de 2023 nos salles étaient à un étiage de 200 millions d’entrées. Cette année, en entrées cumulées elles sont certes toujours à moins 14% de l’année dernière à la même époque , mais principalement du fait du trou d’air de la production américaine. Or, deuxième semestre et, surtout, à partir de la fin des jeux Olympiques l’offre américaine devait retrouver son niveau habituel.

Ce qui est certain c’est que les films français, eux, sont à un étiage très fort. Le double prix obtenu par « Emilia Perez » de Jacques Audiard au Festival de Cannes est encore une illustration de l’excellence du cinéma français. Il est très rare qu’un film soit doublement couronné et il est probable que le jury n’a pas voulu attribué une Palme d’or a un film qui avait déjà le prix d’interprétation. Après la Palme d’or et les deux golden Globes attribués l’année dernière à « Anatomie d’une chute » de Justine Triet notre création ne cesse de briller.

Aucune phrase ne peut mieux résumer l’économie du succès au cinéma que le titre de la comédie française qui est en train de faire remonter la fréquentation de nos salles à ses plus hauts niveaux : « Un p’tit truc en plus ». https://siritz.com/cinescoop/le-premier-demmarrage-de-lannee/Avec 250 000 entrées il a réalisé le plus fort premier jour de l’année et, avec 1,112 millions  d’entrées, la seconde semaine de l’année, juste derrière « Dune 2 ».  Soit 15 fois les entrées au Cinéchiffres, alors qu’un coefficient entre 3 et 4 est considéré comme tout à fait correct. C’est typiquement un film qui « marche en profondeur ». Et, alors qu’il avait réalisé le mercredi 1er mai 16 000 entrées, fait exceptionnel, il est monté à 19 000 entrées le mercredi 8 mai !

Pourtant il s’agit du premier film de son réalisateur, Artus, un humoriste à succès qui en est par ailleurs interprète avec le comédien Claude Cornillac.  Ce n’est pas, à l’évidence un film « tiré » par  le poids de ses rôles principaux, puisque ils n’ont reçu comme rémunération fixe que 50 000 €, soit 50% de la rémunération médiane de tous les films de fiction français sortis en 2023. La rémunération du réalisateurs comme le budget du scénarios sont sensiblement en-dessous de la moyenne de ceux des films de fiction français. Le budget global du film n’en est pas moins 30% au-dessus de la moyenne de celui des films français, avec 35 jours de tournage.

En fait, son succès est dû à son sujet qui tourne autour d’un fait de société  auxquels ne sont pas indifférents un  grand nombre de personnes :  l’existence de handicapés mentaux. https://siritz.com/editorial/faire-rire-de-dures-faits-de-societe/Et, ce qui explique l’élargissement de son audience, c’est qu’il est interprétés par de véritables handicapés mentaux qui se révèlent de très bons comédiens, faisant preuve d’intelligence et de sensibilité.   Et, une situation que chacun considère â priori comme dramatique, se révèle pouvoir susciter du bonheur. Ce qui conduit ceux qui ont vu le film â en parler autour d’eux et à créer un formidable bouche à oreille.

En somme, ce film rappelle que l’un des moteurs du succès du cinéma est de sortir des sentiers battus. Donc, d’offrir un p’tit truc en plus.