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LE DISTRIBUTEUR MEMENTO VA SE MAINTENIR À UN FILM PAR MOIS

Siritz.com Comment avez-vous débuté comme distributeur ?

Alexandre Mallet-Guy : En fait j’ai démarré par la production. J’ai fait mes études à l’ESSEC et, dans ce cadre, j’ai fait un apprentissage à BNP Paribas dans le financement de médias. Mon ambition était de travailler dans le cinéma. Je m’occupais du ciné-club de TELECOM PARIS, l’école d’ingénieur que j’ai faite avant l’ESSEC. Après l’ESSEC j’ai intégré la Pan-Européenne Production qu’avait créé Philippe Godeau. J’y ai travaillé pendant 2 ans. Philippe Godeau a ensuite décidé de relancer Pan-Européenne Distribution et m’a demandé de m’en occuper. Puis je suis parti et j’ai créé ma propre société.

Siritz.com : C’était à quelle époque et quel âge aviez-vous ?

AM-G : C’était en 2003 et j’avais 29 ans.

Siritz.com : Vous aviez pu voir que la distribution est un métier très risqué. Pourquoi l’avoir choisi plutôt que la production ?

AM-G : En fait j’ai commencé par la production. Emmanuele Crialese, le réalisateur italien de « Respiro » que j’avais sorti pour la Pan-Européenne m’a proposé de produire son prochain film.     « Respiro » avait été un gros succès en France où il a fait 600 000 entrées alors qu’il avait connu un gros échec en Italie. J’ai accepté, mais le projet n’étant qu’au stade du développement, j’ai décidé, pour m’occuper pendant la longue phase d’écriture qui s’annonçait, de me lancer également dans la distribution.

Siritz.com : Et comme distributeur, comment avez-vous débuté ?

AM-G : J’ai été à Rotterdam où j’ai acheté mon premier film, en février 2003 : un premier film hongrois, sans dialogue, « Hic ». Le film a gagné le prix de la révélation européenne de l’année aux European Film Awards et a rassemblé 35 000 spectateurs. Il a ensuite été acheté par Arte France C’était donc, à notre échelle, un joli petit succès qui m’a permis de financer une partie du développement du projet italien.

Siritz.com : Est-ce que, dès le départ, vous aviez une idée du type de films que vous vouliez distribuer ?

AM-G : J’avais juste un petit pécule suite à la vente de mes actions dans Pan-Européenne Distribution, et donc des moyens très limités. J’ai ainsi été contraint de choisir des films étrangers modestes, mais toujours des films de qualité auxquels je croyais vraiment. A chaque fois des films plus importants, avec des risques plus importants. Au départ des films d’auteur pointus, puis, petit à petit, des films au potentiel commercial plus important.

Siritz.com : Quel a été votre premier gros succès ?

AM-G : « Tetro », de Francis Ford Coppola. C’était une coproduction italo- argentine , en noir et blanc, présentée en ouverture de la Quinzaines des réalisateurs en 2009. Tous les principaux distributeurs indépendants avaient passé. Et moi j’ai eu un vrai coup de cœur. Le film a fait       400 000 entrées, mon premier gros succès.

Siritz.com : Quand on regarde votre catalogue on voit que vous prenez les mandats salle, vidéo et aussi international. Cela suppose une structure relativement lourde.

AM-G : En fait, l’activité de vente internationale a été développée par mon associée de l’époque, Émilie George au sein d’une structure distincte Memento International. Émilie avait alors une participation minoritaire dans Memento Distribution et j’avais une participation minoritaire dans Memento International. Nous avons depuis cédé chacun à l’autre ces participations et sommes à présent chacun unique actionnaire de nos sociétés.

Siritz.com : Aujourd’hui vous êtes un des principaux distributeurs indépendants. Est-ce que vous pourriez caractériser le profil de votre société, c’est-à-dire des films que vous distribuez ?

AM-G : Mes choix sont toujours en fonction de coups de cœur, soit sur scénario, soit sur film fini vu en festival. J’essaye de faire une moitié de films français et une moitié de films étrangers. On a débuté avec des films étrangers, puis on a commencé à recevoir des scénarios de films français. Notre premier succès français a été « Au bout du conte », le film d’Agnès Jaoui avec Jean- Pierre Bacri. Puis, dans la foulée « Le Passé » d’Asghar Farhadi, que j’ai produit, tous deux millionnaires en entrées. A partir de là, on a commencé à recevoir beaucoup de scénarios.

2 millions d’entrées

Siritz.com : J’imagine qu’il y a des producteurs avec lesquels vous travaillez plus régulièrement.

AM-G : Oui. Il y en a 5 ou 6 qui nous envoient leurs scénarios en priorité et à qui nous faisons confiance à priori. Mais rien n’est automatique. Tout dépend du scénario. On essaie aussi, bien sûr, de suivre les auteurs avec qui nous travaillons.

Iritz.com : Le fait qu’il y a de plus en plus de films qui sortent vous oblige-t-il, pour faire remarquez les vôtres à augmenter vos frais d’édition ?

AM-G : Sur la typologie de films que nous distribuons, le travail avec la presse et les médias nous permet de limiter nos frais d’édition.

Siritz.com : Les producteurs disent que les distributeurs ont tendance à diminuer les minima garantis. Or, c’est déjà le cas des apports des chaînes de télévision.

AM-G : Malheureusement ce n’est pas notre cas, les autres partenaires financiers, notamment les chaines de télévision, ayant diminué sensiblement leurs apports ces dernières années, nous nous retrouvons souvent à devoir compenser cette baisse de financements par un apport accru de notre part.

Siritz.com : Vous produisez ou coproduisez des films. Mais est-ce que, comme certains distributeurs, vous envisagez de produire des séries ?

AM-G : Pas du tout. Je ne m’y connais pas du tout, je n’en regarde pratiquement pas moi-même. On va développer la production de films. On va ainsi produire, avec Agat Films, le nouveau film d’Antoine Raimbault, le réalisateur d’« Une Intime Conviction », que nous avions distribué avec succès.

Siritz.com : J’imagine que pour vous, distributeur, le confinement s’est bien passé, compte tenu du soutien de l’État.

AM-G : Les aides de l’État ont jusqu’à maintenant permis de très bien amortir le choc. Le vrai problème aujourd’hui est celui des minima garantis des films sur lesquels on s’est engagé il y a deux ans et qui vont sortir dans les prochains mois dans un marché convalescent qui va avoir besoin de temps pour retrouver des couleurs. On le voit. Les chiffres de la reprise sont très bas. Le mois de juin va être meurtrier, avec énormément de films français qui vont se concurrencer chaque semaine et un public qui tarde à revenir en salles.

Siritz.com : Mais, par exemple, « La bonne épouse », sorti entre les deux confinements a été un succès.

AM-G : Il a fait 650 000 entrées alors qu’on tablait sur plus d’un million d’entrées au regard du chiffre des premiers jours de pré-confinement. Nous allons à peine couvrir notre investissement.

Siritz.com : « Mandibules » a très bien démarré. Mais, du fait du beau temps, comme tous les films il a fortement chuté. Il vous reste encore beaucoup de salles ? https://siritz.com/cinescoop/la-remuneration-de-quentin-dupieux/

AM-G : Il a chuté moins que d’autres et on conserve une belle combinaison. On devrait atteindre 250 000 entrées. En période normale il en aurait fait certainement  400 000.  Difficile dans ces conditions d’amortir notre investissement sur le film. Mais le CNC nous promet des mesures de majoration du soutien financier généré. Et 80% des frais liés à notre première sortie avortée en décembre vont nous être remboursés par le CNC. Nous avons vraiment la chance en France de bénéficier d’un tel soutien de l’État, c’est vraiment quelque chose d’unique au monde.

Siritz.com : Dans les films à sortir vous en avez trois sélectionnés en compétition au Festival de Cannes : « Julie (en 12 chapitres) », « Les Olympiades « de Jacques Audiard et « Un héros » d’Asghar Farhadi.

AM-G : Et « Ouistreham », le film d’Emmanuel Carrère, avec Juliette Binoche, d’après le livre de Florence Aubenas qui fera l’ouverture de la Quinzaine des réalisateurs. Nous allons essayer de rester, malgré la crise sanitaire, sur un film par mois, un rythme qui a toujours été le nôtre depuis une dizaine d’année.

Siritz.com : Vous n’avez pas eu d’offres des plateformes pendant le confinement ?

AM-G : Si Amazon et Netflix nous ont fait une offre pour « Mandibules ». Mais Canal, qui avait pré-financé le premier passage, s’y est opposé.

Siritz.com : Vous ne craignez pas un trop plein de films à la rentrée ?

AM-G : Si. Bien entendu. Le problème va être de tenir les films à l’affiche.

 

 

MAIS TRÈS INSUFFISANTE POUR LES DISTRIBUTEURS

La semaine d’ouverture des salles de cinéma a rassuré toute la profession. FilmSource, l’analyse hebdomadaire destinée aux abonnés de Comscore, a ainsi souligné que, sans le lancement ni la continuation de blockbusters américains, la fréquentation a été presqu’au niveau de la fréquentation médiane des années précédentes à cette date.
Il est vrai qu’il y avait presque partout en France un véritable temps de cinéma. Mais ces résultats ont confirmé que la longue fermeture des salles n’avait pas fait perdre aux français le chemin du grand écran.
513 000 entrées
Ainsi, « Adieu les cons » a redémarré avec 513 000 entrées pour dépasser 1,2 million d’entrées cumulées et ADN a dépassé 114 000 entrées, cumulant 176 000 entrées. Les jeunes sont venus voir « Demon slayer », la manga distribuée par CGR qui a dépassé les 350 000 entrées et « Tom et Jerry », distribué par Warner qui a atteint les 250 000 entrées. Les démarrages de plusieurs films français ont été très satisfaisants puisque « Envole-toi » a atteint les 160 000 entrées et « Mandibules » les 130 000 entrées.
160 000 entrées
Mais la semaine suivante a été marquée par un temps estival qui réduisait fortement toute envie de s’enfermer au cinéma alors que les terrasses des cafés et restaurants étaient si accueillantes. Et l’absence de la séance de 22 heures renforçait cette tendance.
130 000 entrées
Un seul nouveau film, l’Oscarisé « The father », distribué par Studio Canal et UGC a atteint 150 000 entrées. Aucune autre nouveauté n’a approché les 100 000 entrées et les continuations ont chuté de plus de moitié.
Le début de la 3ème semaine est marqué par une nouvelle chute, sans doute parce que la priorité des français reste de profiter du très beau temps après des mois de confinement. En outre, alors que les continuations continuent de chuter fortement, aucun des nouveaux films ne tire son épingle du jeu.
Globalement la fréquentation est donc ce qu’elle devrait être en l’absence de films américains qui, en moyenne, représentent 55% des entrées.
Mais, pour les distributeurs c’est une autre histoire, car, avec de telles chutes, peu de films vont permettre d’amortir le minimum garanti et les frais d’édition. D’autant plus que, compte tenu du nombre exceptionnel de films qui doivent sortir chaque semaine, seuls ceux qui démarrent très forts ont des chances de rester à l’affiche.

POUR LA RÉALISATION DE « MANDIBULES »

Le distributeur Alexandre Mallet-Guy (Memento Films) et les producteurs Hugo Selignac et Vincent Mazel (Chi-Fou-Mi)sont parmi ceux qui ont choisi de sortir leur film dés le 19 mai, malgré la jauge à 35% et une seule séance du soir. Mais ils parient sur l’envie des spectateurs de se retrouver dans les salles obscures et une moindre concurrence par rapport à la période où l’exploitation des salles sera revenue à la normale.

La comédie fantastique « Mandibules » https://fr.wikipedia.org/wiki/Mandibules_(film) est le 9ème film réalisé par Quentin Dupieux qui est également connu pour son œuvre musicale sous le pseudonyme d’Ozio. https://fr.wikipedia.org/wiki/Quentin_Dupieux

Cinéfinances.info* a fourni les données financières de cet article.

Le film a un budget initial de 4,5 millions €.

Pour la préparation, 33 jours de tournage et la post-production la rémunération du réalisateur est 255 000 €, répartie entre 165 000 € d’à-valoir sur droits d’auteur et 90 000 € de salaire de technicien. C’est sensiblement plus que rémunération moyenne des réalisateurs de films français sortis en 2020.https://siritz.com/financine/le-barometre-des-realisateurs-fin-octobre/

Il a en outre reçu 230 000 € pour le scénario.

Son précédent film comme réalisateur est « Le daim », sorti en salle le 19 juin 2019. Il avait été produit par Thomas et Mathieu Verhaeghe (Atelier de production) pour un budget initial de 4 millions € et distribué par Diaphana.

La rémunération du réalisateur était de 120 000 €, répartie à part égale entre à valoir sur droits d’auteur et salaire de technicien. Il avait en outre touché 100 000 € d’à valoir pour le scénario.

Le film avait rassemblé 214 000 spectateurs.

*www.Cinefinances.info est un site, accessible par abonnement, destiné aux professionnels du cinéma.  Il publie le budget, le plan de financement et la répartition des recettes de tous les films français qui sortent (hors les films « sauvages » qui ne déposent pas leurs contrats au registre public et ne demandent donc pas l’agrément qui leur permettrait d’accéder à l’aide du CNC). Il dispose d’un puissant moteur de recherche multicritères et de 10 ans d’archives.