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L’économie du cinéma est une économie de l’offre de films. Certes, la force du cinéma français et du cinéma en France c’est qu’il est bâti, comme aux États-Unis, sur trois piliers : la production, la distribution et l’exploitation. C’est ce qui le distingue de tous les autres cinémas d’Europe qui ne soutiennent, et de manière limitée, qu’un pilier du secteur : la production. Seul le cinéma en Grande-Bretagne s’est doté d’un réseau de salles de qualité qui lui permettait, avant la crise du Covid, d’atteindre 165 millions de spectateurs. Mais sa production nationale était limitée et sa fréquentation dépendait essentiellement des films américains. Après la crise, comme les majors américaines, à l’exception de Disney, ont limité leur production, la fréquentation n’est remonté qu’à 125 millions de spectateurs.

                                                     Une production diversifiée et de qualité
Au contraire, la France a maintenu une production diverse et de qualité. Sa part de marché qui était de 35% avant la crise, contre 55% pout les films américains, est montée à 45% en 2023 et 2024. Et sa fréquentation est remontée à 180 millions d’entrées, ne chutant que de 10%, alors que la fréquentation chutait de 25% au Royaume-Uni où il n’y avait pas une production nationale suffisante pour prendre le relai des films américains manquants.
Mais la France pourra-t-elle retrouver ses 200 millions de spectateurs pour lesquels son réseau de salles est configuré ? Tout dépendra évidemment de l’offre de films. Ainsi, l’année 2023 avait démarré, pour ses 3 premiers mois, avec  des entrées d’un niveau équivalent à celui d’avant la crise. C’était dû à la poursuite de «Avatar : la voie de l’eau », sorti à la fin 2022 et qui allait cumuler 10, 6 millions d’entrées, puis la sortie de « Asterix et Obelix: l’empire du milieu » qui allait en cumuler 4,6 millions. Mais ce niveau ne s’est pas maintenu était hors de portée. Mais, en cours d’année, sont sortis deux « blockbusters » français :     » Un p’tit truc en plus  » qui atteindra 10,8 millions d’entrées et « Le comte de Monte-Cristo » qui dépassera les 9,4 millions d’entrées. Dans l’année, 2 autres films dépasseront les 8 millions d’entrées et 8 les 4 millions d’entrées contre seulement 5 films à plus de 4 millions d’entrées en 2023. 2024 qui avait démarré en dessous de 2023 terminera terminera donc légèrement au-dessus.
2024 a été marqué par une concentration des entrées sur quelques films : outre les deux cités, deux autres â plus de 8 millions d’entrées et 4 autres à plus de 4 millions d’entrées contre seulement 5 à plus de 4 millions d’entrées en 2023.

Depuis le début de l’année, en cumulé, nous sommes 6% au-dessus du démarrage médiocre de l’année dernière mais 13% au-dessous du bon démarrage de 2023. A cette occasion, rappelons que « Bienvenue chez les ch’tis » a rassemblé 20,5 millions de spectateurs en 2008 et «Titanic » 20,8 millions d’entrées 10 ans plus tôt.
Le cinéma est un marché de l’offre et le cinéma en France peut, de nouveau,  rencontrer des  films atteignant ces niveaux.

Nous devons être conscient que le cinéma a changé d’époque depuis le Covid.  C’est en tout cas l’exemple que donne les films français en 2024 . Or, dans la mesure où la télévision est la principale source de financement des films français, il risque de se créer un hiatus le financement de notre cinéma. Il faudra sans doute trouver un moyen de le corriger.
Ainsi, cette année il a été claire que les « stars » ne sont plus du tout un moteur du succès en salle. Le succès du triomphe de l’année, « Un p’tit truc en plus », est essentiellement dû à son casting composé d’amateurs totalement inconnus, des handicapés mentaux jouant, avec un incroyable talent, aux handicapés mentaux tels que nous les voyons.
Certes, le casting de « Le comte de Monte-Cristo », avec, en tête, la star Pierre Niney, est particulièrement relevé. Mais le succès du film est avant tout dû à celui des deux « Trois mousquetaires » de 2023, le bouche à oreille laissant entendre que « Le comte est encore mieux ».
En revanche, il est incontestable que Christian Clavier est l’une des stars du cinéma comique français. C’est en tout cas ce que pensent les producteurs puisque sa rémunération est systématiquement supérieure au million d’euros par film. Or, les entrées du film qui vient de sortir pour les fêtes de Noël, « Jamais sans mon psy https://siritz.com/cinescoop/un-patient-est-le-cauchemar-dun-psychanaliste/ , une comédie dont le budget prévisionnel est au-dessus des 11 millions € et qui est sorti dans 540 salles, devrait avoir du mal à dépasser les 600 000 entrées. C’est loin de ce qu’espéraient son producteur, son distributeur et les exploitants.
C’était déjà le cas des derniers films réalisés et interprétés par celui qui est incontestablement la plus grande star du cinéma français, Dany Boon. « La vie pour de vrai, » qui avait coûté près de 30 millions € a à peine dépassé les 800 000 entrées/https://siritz.com/cinescoop/la-vie-pour-de-vrai/.

En fait, aujourd’hui, le public du cinéma est un public averti qui choisit soigneusement ses films. Il ne se déplace pour aller au cinéma que pour voir soit ce qu’il ne peut voir ailleurs, soit un spectacle dont il a de bonnes raisons de penser qu’il est dans la veine de ce qui lui avait énormément plu, en peut-être encore mieux, et qui, à ce titre, est devenu une franchise.
Mais il y a un hiatus. Il tient au fait que le principal financier du cinéma français ce sont les grandes chaînes de télévision. Or les responsables de ces chaînes savent que chaque soir le public de la télévision va devoir choisir entre un grand nombre de programmes et que, pour les films, son attention va être attirée par les vignettes où apparaissent le visage d’une ou plusieurs stars. Ils vont donc privilégier la présence de stars dans les films qu’ils financent.
Ainsi, les chaînes ont financé 6,5 millions € du devis de 11,5 millions € de« Jamais sans mon psy », soit 56% du coût total du film. Et, sur un devis français de 21 millions € du dernier film de Dany Boon, elles en ont financé 8,2 millions €, soit 40%. Si un producteur peut avoir un casting « fort », à plus forte raison s’il comporte une ou plusieurs « stars », c’est ce qui est le plus facile de financer, parce qu’il intéressera à coup s que lesûr les grandes chaînes.

Ce qui incite les producteurs à privilégier le casting sur le choix du sujet, son originalité et la qualité du scénario. Et, parfois même, au détriment de ces trois autres éléments. Pour le cinéma en salle ce hiatus n’est pas sans poser un problème.

Les stars sont potentiellement un garde fou, car, pour préserver leur statut de star, elles ont besoin du succès. Et, pour ce faire, ce sont elles qui ont le plus intérêt à ce que les projets qu’elles acceptent comportent les ingrédients nécessaires au succès.

Cette année, en fin de compte, le cinéma en France ne dépassera que de peu les 181 millions de l’année dernière.
Mais c’est à juste titre que Le Figaro s’est félicité des bonnes performances de la production 2024 de films français. Avec 45% de part de marché elle fait jeu égal avec  les films américains, soit quelques 80 millions de spectateurs. Avant le Covid, avec des années régulièrement à plus de 200 millions d’entrées, il ne faisait que 35%  de part de marché, soit quelques 70 millions d’entrées contre 55% de part de marché pour les films américain (110 millions d’entrées). Donc, dans un marché un peu plus faible, il fait sensiblement plus en valeur absolu. Le progrès est incontestable.

Rappelons également les 10 nominations de « Émilia Perez », le film de Jacques Audiard, aux Golden Globes et ses nominations aux Oscars.https://siritz.com/cinescoop/un-cinema-veritablement-transgenre/. Le cru 2024 est donc excellent à tous points de vue

Les stratégies pour réussir

Les données financières que Cinéfinances.info* fournit à ses abonnés  permettent de comprendre la stratégie des producteurs pour viser le succès avec chacun de leur film. À titre d’exemple, avec près de 11 millions d’entrées, le plus grand succès de l’année est « Un p’tit truc en plus », une comédie sans la moindre star, produite par Ciné Nominé et distribuée par Pan distribution https://siritz.com/editorial/le-ptit-truc-en-plus-du-cinema/. Son budget prévisionnel est de 6,7 millions €, légèrement au-dessus de la moyenne du budget des films de fiction.

En seconde position, approchant les 10 millions d’entrées, « Le comte de Monte-Cristo » est une énième adaptation d’un grand classique de la littératured’aventure https://siritz.com/cinescoop/et-de-trois-alexandre-dumas/.Le film d’Alexandre de la Patelière et de Guillaume Laporte, coproduit et distribué par Pathé, a le budget le plus élevé de l’année-42 millions €-qui lui permet un casting relevé et du grand spectacle. Il est plus que probable que ses ventes à l’étranger sont confortables. Ce qui justifie que son producteur, Dimitri Rassam, décide d’adapter au cinéma la saga « Rois maudits », écrits par Maurice Druon, une série de films qui auront pour ambition de concurrencer les blockbusters américains. Ces deux exemples confirment qu’il n’y a pas de recette pour réussir.

Que signifie réussir pour un producteur ou un distributeur ?

Mais, au fait,  que signifie réussite ? Pour un producteur ou un distributeur cela dépend de la façon dont le film est financé. « Un p’tit truc en plus », compte tenu de plus de 3,1 millions € de pré-ventes à 4 chaînes de télévision aurait été une bonne affaire avec un million d’entrées. « Le comte de Monte-Cristo » avait l’avantage de s’appuyer sur l’expérience des deux « Trois mousquetaires », qui, sortis la même année, avaient été des succès en France et à l’international. Ils coûtaient chacun 36 millions € et avaient dépassé respectivement les 3 millions et les 2,5 millions d’entrées. « Le Comte » a donc coûté 20% de plus que chacun d’entre eux. Mais il va rassembler dans les salles en France 180% des spectateurs des deux réunis.

Dans la catégorie des petits budgets, puisque très en-dessous du budget médian, « Vingt Dieux », produit par Agath films/Ex Nihilo à un budget prévisionnel des 2,8 millions €. Son distributeur, Pyramide n’a donné que 50 000 € de minimum garanti https://siritz.com/editorial/les-paysans-ont-la-cote/ . Il n’a aucun acteur professionnel. Dès à présent on peut estimer qu’il dépassera les 400 000 entrées et atteindra peut-être les 500 000. Ce sera donc, là encore, une bonne affaire.

Une industrie à fort risque

Mais le cinéma reste une industrie à risque, et à fort risque. L’exemple le plus spectaculaire est « Emmanuelle », réalisé cette fois Audrey Diwan, produit par Rectangle productions et Chantelouve, et distribué par Pathé https://siritz.com/cinescoop/emmanuelle-version-feministe/. Cette nouvelle version d’une franchise à succès avait un budget de 22 millions € et n’a même pas atteint les 70 000 entrées. Visiblement le public a estimé que son approche  de la sexualité n’avait rien à voir avec celle des années des premiers « Emannuelle », alors que celle du film d’Audrey Diwan en est très différente.

Par ailleurs, les choix du public sont de plus en plus catégoriques. Il y a une poignée de films qui attirent son attention et les autres sont rejetés d’emblée. Sans doute, face aux multiples offres d’images, sur son téléviseur ou son smartphone, le public ne va au cinéma que pour un film qui lui paraît « exceptionnel ».

*www.Cinefinances.info est un site, accessible par abonnement, destiné aux professionnels du cinéma.  Il publie le budget, le plan de financement et la répartition des recettes de tous les films français qui sortent (hors les films « sauvages » qui ne déposent pas leurs contrats au registre public et ne demandent donc pas l’agrément qui leur permettrait d’accéder à l’aide du CNC). Il dispose d’un puissant moteur de recherche multicritères et de 10 ans d’archives.

Après les succès de « Les trois mousquetaires : d’Artagnan » (3,4 millions d’entrées) et de « Les trois mousquetaires : Milady » (2,5 millions d’entrées) Chapter 2 (Dimitri Rassam) et Pahé sont les producteurs délégués d’une autre adaptation des romans d’Alexandre Dumas,  une nouvelle version de « Le comte de Monte Cristo » https://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Comte_de_Monte-Cristo_(film,_2024) réalisée par Alexandre de la Patellière https://fr.wikipedia.org/wiki/Alexandre_de_La_Patellière et Matthieu Delaporte https://fr.wikipedia.org/wiki/Matthieu_Delaporte.

Ciné.info* a fourni les données financières de cet article.

Alexandre de la Patellière

Matthieu Delaporte

Son budget est de 43 millions €, soit plus que les 36 millions de chacun des deux autres films cités ci-dessus https://siritz.com/cinescoop/les-trois-mousquetaires-dartagnan/ et https://siritz.com/cinescoop/les-trois-mousquetaires-milady/. C’est le budget prévisionnel le plus élevé de films de fiction français sortis cette année. https://siritz.com/financine/2024-reduction-des-budgets-previsionnels/ Pour la préparation, 74 jours de tournage et la post-production la rémunération des réalisateurs est de 550 000 €, dont 200 000 € d’à valoir sur droits d’auteur et 350 000 € de salaire de technicien, ce qui constitue la deuxième rémunération de l’année  et 4 fois la rémunération moyenne des réalisateurs https://siritz.com/editorial/remuneration-du-realisateur-en-du-budget/.nIls ont écrit le scénario pour 718 000 €, soit 3,6 fois le budget moyen des scénarios et le second montant de l’année. https://siritz.com/financine/impressionnante-chute-du-budget-des-scenarios/ Les rôles principaux ont reçu 1,6 millions €, soit la deuxième rémunération de l’année et 8,6 fois leur rémunération moyenne. https://siritz.com/financine/remuneration-des-roles-principaux-2024-2023/

M6 est coproducteur. Le film a reçu du CNC de l’aide sélective et automatique pour les effets visuels et numériques. La région Ile de France et la région Sud lui ont apporté leur soutien. Canal+, Ciné+, M6 et W9 l’ont préacheté. Pathé a donné un minimum garanti pour son mandat de distribution en salle, un pour son mandat vidéo et vod, un pour le mandat TV et s-vod, enfin un pour le mandat vente à l’étranger. Il y a un coproducteur belge, Umédia, pour 1,3%.

Les deux mêmes producteurs avaient produit le précédent film des deux réalisateurs (qui en ont réalisé trois), « Le meilleur reste à venir », sorti le 4 décembre 2019 et dont le budget était de 13,3 millions €.  https://fr.wikipedia.org/wiki/Le_meilleur_reste_à_venir

Il avait rassemblé 923 000 spectateurs.

www.Cinefinances.info est un site, accessible par abonnement, destiné aux professionnels du cinéma.  Il publie budget, le plan de financement et la répartition des recettes prévisionnels de tous les films français qui sortent (hors les films « sauvages » qui ne déposent pas leurs contrats au registre public et ne demandent donc pas l’agrément qui leur permettrait d’accéder à l’aide du CNC). Il s’agit des chiffres de l’agrément d’investissement sur la base duquel le producteur a monté son financement. Il dispose d’archives des films sortis depuis 2010 et d’un puissant moteur de recherche, avec de multiples critères.