La 49 ème cérémonie des César a été pour la première fois depuis sa création à la hauteur de ce qu’on pouvait attendre d’elle. Elle a été l’illustration de ce que le cinéma n’est pas seulement l’un de nos principaux loisirs mais aussi un art qui reflète nos sociétés et marque notre époque.
Certes il y a encore eu quelques tunnels au cours desquels, emportés par leur bonheur, les récipiendaires ont trop longuement remercié tous ceux qui avaient compté dans leur vie. La musique l’arrivait finalement à leur faire prendre conscience qu’ils avaient dépassé la limite. Mais la plupart des lauréats avaient préparé par écrit leur intervention et exprimé la conception de leur métier et la signification de l’oeuvre couronnée. Les interventions de la présidente comme des présentateurs mêlaient pertinence et humour. Et ils avaient tous fait l’effort de les apprendre par cœur ce qui n’était le cas d’aucun des récipiendaires. Gageons que l’année prochaine, ils sauront faire cet effort, car le cinéma fait partie du monde du spectacle.
Certaines des intervention, comme celle bouleversant de Judith Godrèche, soulignaient quel point cet art est au coeur des grands enjeux de notre époque. Il y a eu quelques interventions en faveur de Gaza mais pas la moindre pour dénoncer le pogrom du 7 octobre. Les films nominés, et tout particulièrement pour le César du meilleur film, nous ont rappelé à quel point, en 2023, le niveau de notre cinéma était très élevé et explique ses très bons résultats au niveau du public. https://siritz.com/editorial/les-raisons-detre-optimiste-de-la-fnef/ Et, le fait que toutes les œuvres retenues pour le César suprême soient réalisées par des femmes marque un tournant dans l’histoire de notre cinéma mais aussi de la société française.
La profession vient de faire un triomphe à « Anatomie d’une chute ». On ne comprend d’ailleurs pas comment ce film qui avait triomphé à Cannes et se trouve bien placé pour emporter des Oscars face aux films américains, n’a pas été sélectionné pour représenter la France dans la catégorie des meilleurs films étrangers. Les deux César d’honneur sont évidemment justifiés. Les talents d’Agnes Jaoui sont multiples et sa présentation par Djamel Debbouze était à la fois émouvante et pleine d’humour.
Il était également émouvant d’entendre Christopher Nolan, l’un des plus grands réalisateurs vivants, expliquer que c’est la France qui l’a fait découvrir aux studios américains. En revanche l’attribution du César du film étranger à un film québécois plutôt qu’à « Oppenheimer » est un véritable coup de théâtre. Car le film de Nolan donne tout son sens à des récompenses comme les César, les Golden Globes ou les Oscar. En effet, alors que, comme dans les années 30, nos démocraties et notre État de droit sont menacés, alors que le Tsunami de la guerre et de ses abominations se répand dans le monde, le chef d’oeuvre de Nolan n’est pas seulement passionnant de bout en bout. Il nous rappelle que, de fil en aiguille, cette situation peut nous conduire vers le gouffre. Ce choix est un peu comme si, en 1938 on avait primé « Drôle de drame », qui est un excellent film, plutôt que « La grande illusion » que Goebbels traitait d’ » ennemi cinématographique n°1″. Pour un sujet aussi sérieux préfère-t-on regarder à côté ?