Archive d’étiquettes pour : Christopher Nolan

La 49 ème cérémonie des César a été pour la première fois depuis sa création à la hauteur de ce qu’on pouvait attendre d’elle. Elle a  été l’illustration de ce que  le cinéma n’est pas seulement l’un de nos principaux loisirs mais aussi un art qui reflète nos sociétés et marque notre époque.

Certes il y a encore eu quelques tunnels au cours desquels, emportés par leur bonheur, les récipiendaires ont trop longuement remercié tous ceux qui avaient compté dans leur vie. La musique l’arrivait finalement à leur faire prendre conscience qu’ils avaient dépassé la limite. Mais la plupart des lauréats avaient préparé par écrit leur intervention et exprimé la conception de leur métier et la signification de l’oeuvre couronnée. Les interventions de la présidente comme des présentateurs mêlaient pertinence et humour. Et ils avaient tous fait l’effort de les apprendre par cœur ce qui n’était le cas d’aucun des récipiendaires. Gageons que l’année prochaine, ils sauront faire cet effort, car le cinéma fait partie du monde du spectacle.

Certaines des intervention, comme celle bouleversant de Judith Godrèche, soulignaient quel point cet art est  au coeur des grands enjeux de notre époque. Il y a eu quelques interventions en faveur de Gaza mais pas la moindre pour dénoncer le pogrom du 7 octobre. Les films nominés, et tout particulièrement pour le César du meilleur film, nous ont rappelé à quel point, en 2023, le niveau de notre cinéma était très élevé et explique ses très bons résultats au niveau du public. https://siritz.com/editorial/les-raisons-detre-optimiste-de-la-fnef/ Et, le fait que toutes les œuvres retenues pour le César suprême soient réalisées par des femmes marque un tournant dans l’histoire de notre cinéma mais aussi de la société française.

La profession vient de faire un triomphe à « Anatomie d’une chute ». On ne comprend d’ailleurs pas comment ce film qui avait triomphé à Cannes et se trouve bien placé pour emporter des Oscars face aux films américains, n’a pas été sélectionné pour représenter la France dans la catégorie des meilleurs films étrangers. Les deux César d’honneur sont évidemment justifiés. Les talents  d’Agnes Jaoui sont multiples et sa présentation par Djamel Debbouze était à la fois émouvante et pleine d’humour.

Il était également émouvant d’entendre Christopher Nolan, l’un des plus grands réalisateurs vivants, expliquer que c’est la France qui l’a fait découvrir aux studios américains. En revanche l’attribution du César du film étranger à un film québécois plutôt qu’à « Oppenheimer » est un véritable coup de théâtre. Car le film de Nolan donne tout son sens à des récompenses comme les César, les Golden Globes ou les Oscar. En effet,  alors que, comme dans les années 30, nos démocraties et notre État de droit sont menacés, alors que le Tsunami de la guerre et de ses abominations se répand dans le monde, le chef d’oeuvre de Nolan n’est pas seulement passionnant de bout en bout. Il nous rappelle que, de fil en aiguille, cette situation peut nous conduire vers le gouffre. Ce choix est un peu comme si, en 1938 on avait primé « Drôle de drame », qui est un excellent film,  plutôt que « La grande illusion » que Goebbels traitait d’  » ennemi cinématographique n°1″. Pour un sujet aussi sérieux préfère-t-on regarder à côté ?

Cette semaine est à marquer d’une pierre blanche pour l’industrie du cinéma mondial. Deux films de studios américains, visant à être des blockbusters, sont sortis en même temps dans le monde entier et ont, chacun, réalisé un score non seulement énorme mais bien supérieur à celui espéré.

D’une part « Oppenheimer », réalisé par Christopher Nolan. Trois heures sur la vie du père de la bombe atomique. Pas un superhéros, mais un personnage complexe et des enjeux d’une grande actualité. D’autre part, « Barbie », le troisième film qu’a réalisé (elle a également co-écrit le scénario) la comédienne Greta Gerwig, une comédie hilarante dont le personnage principal est la poupée de Mattel. Certes, il s’agit d’une des plus célèbres franchises mondiales. Mais, comme le film de Christopher Nolan, il s’agit en fait d’un vrai film d’auteur. C’est une critique sarcastique de notre société, du statut de la femme du machisme et du capitalisme. Fait incroyable, Mattel à qui ont été achetés les droits d’utilisation du personnage et qui est coproducteur du film, a accepté d’y être mis en boite.

DES RECORDS AUX ÉTATS-UNIS/CANADA ET DANS LE MONDE

Pour son premier week-end,  selon Como, « Barbie » aurait totalisé 150 millions $ aux États-Unis/Canada et 182 millions $ dans le reste du monde. Des chiffres approchant les records absolus, avant le Covid, des deux « Avengers ». Et c’est aussi, de loin, le plus grand succès de toute l’histoire du cinéma d’un film réalisé par une femme. Or celui-ci n’a couté que 145 millions $, alors que les blockbusters les plus performants coutent au moins 200 millions $ et le dernier « Indiana Jones », 300 millions $.

Le box-office de « Oppenheimer » serait de 84 millions $ aux USA/Canada et 94 millions $ dans le reste du monde. Mais, compte tenu de ses trois heures et de son nombre réduit de séances, c’est également énorme et il aura une carrière plus longue. Et il n’a coûté que 100 millions $.

UN RECORD EN FRANCE

En France, selon FilmSource, la lettre hebdomadaire de Philippe Marti, pour son premier week-end « Barbie » a rassemblé 1 221 000 entrées , le troisième plus fort démarrage de l’année.  Et « Oppenheimer » 814 000 entrées. De ce fait le total des entrées ces 5 premiers jours bondit à 3 505 000 entrées, soit le deuxième plus faut score de l’année.

Le New-York times qualifie ces succès simultanés de « Barbenheimer ».  Ce double succès dément la règle d’or selon laquelle le marché ne supporte pas la sortie simultanée de deux blockbusters.

DES LEÇONS À TIRER

Pour l’industrie du cinéma, la première leçon à tirer c’est que, quand le public estime que l’offre correspond à ses attentes, il est entièrement disponible pour aller au cinéma. Et ce qu’il veut c’est quelque chose de nouveau, raconté de façon originale, pas une énième resucée de franchise. https://siritz.com/editorial/le-graal-et-la-pierre-philosophale-des-studios/ Même en plein mois de juillet. D’ailleurs aux États-Unis Juillet et Août sont depuis toujours les mois de sortie des blockbusters. Pour les distributeurs et producteurs Français, bien qu’ils correspondent aux vacances de la plus grande partie des Français, ce ne sont pas du tout des mois porteurs. Et, de toute façon, selon eux il n’y aurait pas la place pour d’autres grands succès  public à côté de ceux des blockbusters américains.

Autre leçon :  le triomphe américain a lieu pendant la grève des comédiens qui n’ont participé en aucune façon au lancement des deux films sur les médias ou dans les salles. La remarquable promotion des deux distributeurs, Warner et Universal, a suffi au public pour le convaincre qu’il devait voir ces deux films.

En tout état de cause, ces  deux succès devraient accélérer la recherche par les studios d’une politique fondée avant tout sur l’innovation créative et non sur les franchises.C’est à dire avant tout sur le talent, voire le génie. Mais cela a toujours été le cas dans les arts. Or, si le cinéma est une industrie, c’est aussi un art.