Partager l'article

L'édito de Serge
Serge Siritzki

LE GRAAL ET LA PIERRE PHILOSOPHALE DES STUDIOS

Par Serge Siritzky

Les studios américains pensent avoir trouvé le Graal, une véritable corne d’abondance et La Pierre philosophale, capable de tout transformer en or. Mais sont-ils aussi éternels qu’ils le pensent.

LES SUPERS HÉROS ET LES FORMATS

Le Graal c’est le super-héros auquel le public s’identifie. Certains ont été inventés pour le cinéma (comme dans « La guerre des étoiles », « Indiana Jones », « Mission impossible », « Avatar », etc…). D’autres sont adaptés de bandes dessinées célèbres (Superman, Batman, Spiderman, etc…).

Mais, selon les studios, ce Graal ne devient véritablement capable de créer de l’abondance à volonté que quand il se bâtit sur un format qui répète à l’infini la première version des exploits du super héros, en les rendant à chaque fois plus spectaculaires. Le public-surtout les jeunes- y retournera à chaque fois les yeux fermés pour renouveler le plaisir que lui a procuré la version précédente. Dans le cas d’Indiana Jones chaque épisode jusqu’au 5ème a même eu plus de succès que le précédent.

LES PLATES-FORMES DE S-VOD

La Pierre philosophale ce sont les plates-formes de S-Vod, qui proposent un choix considérable de fictions-surtout des séries, parfois des unitaires-évènements et des documentaires-que, grâce au numérique, on peut regarder quand on veut sur son téléviseur, son ordinateur et sa tablette. Et, pour ces programmes, comme pour les super-héros du cinéma, le récit doit s’inscrire dans un format qui reproduit à l’identique celui de succès passés : durée des séquences, climax à tels moments, etc…

L’inventeur de la plate-forme est Netflix qui avait réussi dans la location de cassettes vidéo, puis de DVD. Et son succès a été foudroyant et universel. Les majors se sont dit qu’elles ne pouvaient laisser l’exclusivité de l’usage de cette Pierre philosophale à une entreprise de location alors qu’elles possédaient le Graal des Blockbusters.

C’est pourquoi toutes les majors, à l’exception de Sony-donc 4 majors-ont lancé là leur tour eur plates-formes. Ont également crée la leur Amazon pour qui ce n’est qu’un produit d’appel pour s’abonner à sa plate-forme de livraison. Et pour qui c’est une goutte d’eau. Apple a également lancé la sienne. Pour c’est aussi une goutte d’eau et sa stratégie est de bâtir une marque fondée sur l’innovation et la qualité.  Avec Pixar elle avait bien démontré que la qualité et la créativité sont dans ses gènes.

Or, pour l’instant, toutes les plates-formes des studios sont lourdement déficitaires. Et elles risquent de le demeurer. Seule la plate-forme de Netflix est bénéficiaire et capable d’amortir ses 17 milliards $ par an investis dans les contenus.

Mais peut-on imaginer que chacune de ces plates-formes trouve les millions d’abonnés qui lui sont nécessaires pour atteindre l’équilibre. Comme cela s’avère improbable elles tentent de réduire leur tarif d’abonnement avec une offre comprenant de la publicité. Mais les chaînes de télévision traditionnelle sont bien placées pour savoir que c’est un marché en régression. Certes la publicité sur le replay est  en progression mais elle reste marginale.

LE GOULOT D’ÉTRANGLEMENT DES TALENTS

Surtout, les plates-formes se heurtent à un véritable goulot d’étranglement : le manque de talents. Il ne suffit pas de respecter un format qui a fait ses preuves pour fabriquer un bon programme. Car le public regarde une série et va au cinéma pour se changer les idées en étant captiver par une histoire et des personnages qu’il découvre et qui le surprennent.

Même les jeunes finissent par se lasser de la répétition. Il n’est donc pas certain que tous les films à très gros budget que les majors croient devoir être de nouveaux blockbusters ne soient pas des déceptions. Comme le dernier Indiana Jones qui est sans doute bien meilleur que son précédent et qui n’a visiblement pas attiré le public jeune.  De même il ne suffit pas de mettre une star dans une série et suivre pas à pas les régler d’un format pour que son succès soit inéluctable.

Or le cinéma en France dépend beaucoup du succès des blockbusters américains. Les résultats mitigés, aux États-Unis et en France, du nouvel Indiana Jones, qui est pourtant bien supérieur à son prédécesseur, sont un avertissement. Les jeunes d’étaient pas au rendez-vous. Or cet échec fait suite à celui d’autres films qui se présentaient comme des blockbusters. Peut-être que le Graal ne va plus transformer le plomb qu’en plomb. Les studios devront alors en trouver un autre Graal, qui sera probablement découvert par l’inventivité d’un nouveau talents.

De même il risque d’y avoir un soudain rétrécissement de l’offre de plates-formes du fait du tarissement de la Corne d’abondance. Et le boom de la demande de séries va peut-être se ralentir brusquement si plusieurs plates-formes disparaissent.

© Copyright - Blog Siritz