Archive d’étiquettes pour : baisse de la fréquentation cinéma

Le Congrès de la Fédération Nationale des Cinémas qui vient de se tenir à Deauville était particulièrement intéressant. I https://www.lefilmfrancais.com/cinema/158466/congres-fncf-2022-richard-patry-nous-devons-nous-adapter-aux-nouvelles-pratiques-des-spectateurs-dont-les-habitudes-changent

Il a notamment permis de mettre l’accent sur une problème qui n’avait jamais été abordé par le passé et qui fait peser de graves menaces sur l’avenir des salles de cinéma et donc du cinéma en France : les salles de cinéma sont de gros consommateurs d’énergie, qu’elles soient vides ou pleines, et leurs factures vont exploser cet hiver. Tant la ministre de la Culture, Rima Abdul-Malak, que le président du CNC , Dominique Boutonnat, ont promis que l’État va mettre en place une compensation mais ils ont dû reconnaitre qu’à ce jour celle-ci n’existait pas.

La menace par Walt Disney de ne pas sortir en salle à l’automne son blockbuster « Black Panther, Wanda forever », parce que la chronologie des médias situe sa fenêtre pour une diffusion sur sa plate-forme Disney à 17 mois et que cette diffusion doit cesser quand elle démarre sur une chaîne en claire, fait évidemment très peur aux exploitants. Car le précédent film de la franchise avait rassemblé 3,7 millions de spectateurs. Les pouvoirs publics ont prévu une réunion le 4 octobre avec toutes les parties prenantes de cette chronologie des médias. Mais  cette chronologie des médias  est fixée par des accords interprofessionnels. C’est évidemment une règle absurde s’agissant d’une production Disney qui n’est nullement pré-financée par les chaînes françaises. Et, même pour un film français, alors que la fenêtre de Canal+ ou d’Orange est à 6 mois,  il est absurde de porter celle d’une plate-forme  à 15 ou 17 mois. Elle est le résultat d’un chantage de Canal+ sur les producteurs français, la FNCF ayant laissé faire.

La principale préoccupation de l’ensemble de la profession est la baisse de la fréquentation qui est globalement de 28%. Certes la situation est encore pire dans d’autres grands pays : -60% en Italie, -40% en Espagne, -32% aux États-Unis. Ce qui est frappant c’est que la baisse dans nos petites salles, notamment les salles art et essai, est de 10%  inférieure à celle de nos grandes salles. Certains estiment que c’est dû aux prix élevés pour les spectateurs occasionnels des grandes salles. Mais cette interprétation est très contestée car les grandes salles offrent beaucoup de tarifs réduits pour différentes catégories de population.

En tout cas les distributeurs indépendants sont évidemment très touchés par cette chute de la fréquentation. Le CNC a prévu pour eux un nouveau bonus/minimum garanti de 3 millions €.

Tous les exploitants ont rappelé, comme Christine Désandré, du Loft de Chatellerault, que le cinéma est un marché d’offre et que ce qui compte c’est la qualité des films pas leur nombre. Il y a trop de « films tièdes ». Christophe Courtois, qui dirige la distribution de SND, a précisé : « Il faut faire des films spectaculaires ou qui relient à son époque ». Il rappelle que la production cinéma est un métier à risque dans lequel les gros succès compensent les pertes dues aux échecs et permettent de dégager un bénéfice. Et « le succès crée du lien social », ce qui explique l’importance du cinéma dans notre société. Il indique que seuls 15% des Français sont au courant des films qui sortent. Il est donc important de renforcer la promotion des films de cinéma.

Olivier Snanoudj, le vice-président de Warner France estime que, pour que le cinéma devienne une sortie pérenne il faut que les films soient des évènements. Selon lui le système français de soutien à la production « pousse les producteurs à produire vite », ce qui explique que souvent les scénarios sont insuffisamment travaillés, ce qui n’est pas le cas des séries. https://siritz.com/editorial/revoir-lecosysteme-de-notre-cinema

Éric Marty qui dirige Comscore France a montré que la baisse de la production de films par les studios américains avait commencé bien avant le Covid. Ils pensaient donc que, pour tenir tête aux plates-formes il fallait moins de films, mais des films événements.

Il faut dire que la Journée des distributeurs de jeudi, où les principaux distributeurs présentaient leur line up à venir, poussait à l’optimisme. A partir du premier trimestre de l’année prochaine il semble qu’il y a beaucoup de films, français, américains et étrangers très porteurs.

L’analyse de la baisse de la fréquentation reste essentielle pour le cinéma. Or on commence à disposer de données qui permettent de l’approfondir.  https://siritz.com/editorial/le-cinema-est-un-loisir-collectif/D’une manière générale, la baisse est beaucoup moins élevée en France que chez nos voisins européens. https://www.lefigaro.fr/medias/en-europe-la-frequentation-des-cinemas-a-plonge-de-60-20220517

En ce qui concerne la France, Comscore vient de publier le cumul de fréquentation sur l’année écoulée, du 19 mai 2021 au 18 mai 2022. Elle est de 153,1 millions d’entrées. Soit 73,9% par rapport à la moyenne des années 2011 à 2019 qui était de 2007 millions.

MOINS DE FILMS AMÉRICAINS

Mais depuis un an, la part de marché des films américains, qui était avant la crise de la covid, de 55%, est tombée à moins de 30%. Parce que les majors américaines ont arrêté nombre de leurs productions, ont retardé la sortie de leurs films ou les ont diffusés directement sur les plateformes. S’ils les avaient sortis normalement, ce qui aurait maintenu leur part de marché de 55%, leur fréquentation serait normalement passée de 46 millions de spectateurs à 84 millions, soit 38 millions de plus. La fréquentation globale aurait été de 191,1 millions d’entrées. Soit 7,7% de moins que la moyenne de 2011 à 2019 et non 26,1%.

Bien entendu la question est de savoir si et quand les blockbusters des majors vont retrouver leur niveau d’avant la crise. Ce qui est certain c’est que l’offre du second semestre sera supérieure à celle du second semestre, en commençant pas « Top Gun » jusqu’à « Avatar 2 » qui va sorti le 14 décembre. Or le premier « Avatar » avait rassemblé plus de 14 millions de spectateurs.

Mais Disney n’aura-t-il pas la tentation de sortir certains de ses gros blockbusters directement sur sa plateforme Disney+ pour pousser les abonnements ? C’est peu probable. D’une part parce qu’il semble que ce soit avant tout les fortes séries qui incitent aux abonnements, comme « Oussékine » sur Disney+ ; d’autre part parce que le marché français des salles est un très fort marché. Un film susceptible de réaliser 3 millions d’entrées, peut générer plus de 10 millions de chiffre d’affaires en salle et plus de 9 millions € de marge. Il peut ensuite générer plusieurs millions d’euros par ses ventes à Canal+ ou OCS, puis à une chaîne en clair. Même si le film sort directement sur une plateforme dans de nombreux territoire, cette sortie peut être occultée en France.

Constatant en tout cas que les studios américains en se concentrant sur les blockbusters spectaculaires fabriquent des œuvres conçues pour les salles de spectacle du cinéma et qui perdent une grande partie de leur attrait sur les plateformes.

LA CONCURRENCE DES PLATEFORMES

Mais, même avec ce calcul, on arrive à une fréquentation de 16 millions d’entrées en moins que la moyenne des années d’avant la crise. Comme expliquer le solde qui subsiste ? https://www.franceinter.fr/cinema/cinema-les-plateformes-de-streaming-video-sont-bien-une-menace-pour-la-frequentation-des-salles-obscures

Là, c’est une étude que vient de réalise l’IFOP pour l’AFCAE qui apporte des lumières. Selon elle 29% des abonnés à un service de S-Vod vont moins au cinéma et 12% plus du tout. Or les abonnements à ces plateformes ont fortement augmenté pendant la fermeture des salles. 35% d’entre eux ont souscrit à cet abonnement pendant la fermeture. Et ce que les abonnés recherchent sur ces plateformes ce sont avant tout les séries.

Arrivera-t-on à reconquérir progressivement ces spectateurs perdus. Est-ce que le prix des places de certains cinéma n’est pas devenu prohibitif pour une partie des spectateurs qui constate qu’il dépasse de loin un mois d’abonnement à une plateforme et que, souvent, il n’y a plus de réduction pour les seniors. Ou bien le cinéma français doit offrir des œuvres qui sont de véritables spectacles ? Il faut dire que cette option est peut-être entravée par le rôle déterminant que joue les chaînes de télévision dans le financement de nos films.