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L'édito de Serge
Serge Siritzki

UN HIATUS DANS LE FINANCEMENT DE NOTRE CINÉMA

Par Serge Siritzky

Nous devons être conscient que le cinéma a changé d’époque depuis le Covid.  C’est en tout cas l’exemple que donne les films français en 2024 . Or, dans la mesure où la télévision est la principale source de financement des films français, il risque de se créer un hiatus le financement de notre cinéma. Il faudra sans doute trouver un moyen de le corriger.
Ainsi, cette année il a été claire que les « stars » ne sont plus du tout un moteur du succès en salle. Le succès du triomphe de l’année, « Un p’tit truc en plus », est essentiellement dû à son casting composé d’amateurs totalement inconnus, des handicapés mentaux jouant, avec un incroyable talent, aux handicapés mentaux tels que nous les voyons.
Certes, le casting de « Le comte de Monte-Cristo », avec, en tête, la star Pierre Niney, est particulièrement relevé. Mais le succès du film est avant tout dû à celui des deux « Trois mousquetaires » de 2023, le bouche à oreille laissant entendre que « Le comte est encore mieux ».
En revanche, il est incontestable que Christian Clavier est l’une des stars du cinéma comique français. C’est en tout cas ce que pensent les producteurs puisque sa rémunération est systématiquement supérieure au million d’euros par film. Or, les entrées du film qui vient de sortir pour les fêtes de Noël, « Jamais sans mon psy https://siritz.com/cinescoop/un-patient-est-le-cauchemar-dun-psychanaliste/ , une comédie dont le budget prévisionnel est au-dessus des 11 millions € et qui est sorti dans 540 salles, devrait avoir du mal à dépasser les 600 000 entrées. C’est loin de ce qu’espéraient son producteur, son distributeur et les exploitants.
C’était déjà le cas des derniers films réalisés et interprétés par celui qui est incontestablement la plus grande star du cinéma français, Dany Boon. « La vie pour de vrai, » qui avait coûté près de 30 millions € a à peine dépassé les 800 000 entrées/https://siritz.com/cinescoop/la-vie-pour-de-vrai/.

Bien entendu, cette constatation ne signifie pas qu’ un casting fort ne sert à rien. Ainsi, pour le film « Frères », dont le budget prévisionnel était de 3,8 millions €, ses deux interprètes star, Yvon Attal et Mathieu Kassovitz, ont empoché 45% du budget et le film  a rassemblé près de 700 000 spectateurs. Mais le film d’Olivier  Cassas comportait des ingrédients qui font que la sauce a pris. Si de tels ingrédients manquent, quel que soit le casting, la sauce ne prendra pas.  https://siritz.com/cinescoop/un-film-qui-parie-sur-son-casting/

En fait, aujourd’hui, le public du cinéma est un public averti qui choisit soigneusement ses films. Il ne se déplace pour aller au cinéma que pour voir soit ce qu’il ne peut voir ailleurs, soit un spectacle dont il a de bonnes raisons de penser qu’il est dans la veine de ce qui lui avait énormément plu, en peut-être encore mieux, et qui, à ce titre, est devenu une franchise.
Mais il y a un hiatus. Il tient au fait que le principal financier du cinéma français ce sont les grandes chaînes de télévision. Or les responsables de ces chaînes savent que chaque soir le public de la télévision va devoir choisir entre un grand nombre de programmes et que, pour les films, son attention va être attirée par les vignettes où apparaissent le visage d’une ou plusieurs stars. Ils vont donc privilégier la présence de stars dans les films qu’ils financent.
Ainsi, les chaînes ont financé 6,5 millions € du devis de 11,5 millions € de« Jamais sans mon psy », soit 56% du coût total du film. Et, sur un devis français de 21 millions € du dernier film de Dany Boon, elles en ont financé 8,2 millions €, soit 40%. Si un producteur peut avoir un casting « fort », à plus forte raison s’il comporte une ou plusieurs « stars », c’est ce qui est le plus facile de financer, parce qu’il intéressera à coup s que lesûr les grandes chaînes.

Ce qui incite les producteurs à privilégier le casting sur le choix du sujet, son originalité et la qualité du scénario. Et, parfois même, au détriment de ces trois autres éléments. Pour le cinéma en salle ce hiatus n’est pas sans poser un problème.

Les stars sont potentiellement un garde fou, car, pour préserver leur statut de star, elles ont besoin du succès. Et, pour ce faire, ce sont elles qui ont le plus intérêt à ce que les projets qu’elles acceptent comportent les ingrédients nécessaires au succès.

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