POUR LE CINEMA, PENSER A LA SUITE
Par Serge Siritzky
Eviter l’effet domino
Depuis la réouverture de toutes le salles de cinéma françaises le 22 juin les distributeurs français ont joué le jeu, pariant sur le retour du public. Ce n’était pas du tout évident puisque le CNC, pour les inciter à sortir leurs films, a augmenté sensiblement leur soutien automatique.
Bien entendu ils ont repris l’exploitation de films qui avaient été interrompue par le confinement. Ce qui, par exemple, a permis à « De Gaulle » d’atteindre 860 000 entrées et « La bonne épouse » 632 000 entrées. Mais ils ont aussi sortis de nouveaux films, comme en période normale. Plusieurs ont réalisé des entrées proches de celles qu’ils auraient atteintes sans crise du Coronavirus. Et, dans certains cas au-delà, ne serait-ce que parce qu’ils ont bénéficier d’une sortie et d’une couverture médiatique qu’ils n’auraient pas eu si les films américains étaient présents. La preuve a été donc faite que que le cinéma répond à un vrai besoin des français, car le public n’a pas eu peur de retourner dans les salles.
« Le succès d’Antoinette »
Parmi ces succès, le plus spectaculaire à ce jour est sans doute « Antoinette dans les Cévennes ». Ce film sans star et à budget moyen a atteint 508 000 entrées en 3 semaines. Lors de sa seconde semaine il a réalisé plus d’entrées que la première, avant-premières comprises. Et, en 3ème semaine, avec 153 000 entrées, il en est encore à 85% de la première semaine.
Le problème, comme on le sait c’est l’absence de films américains qui représentent normalement entre 55 et 60% des entrées, et plus de 70% l’été. Sauf l’exception de« Tenet » . Il en est à 2,2 millions d’entrées et approche le score de « Dunkerque », le précédent film réalisé par Christopher Nolan. Malheureusement, pour les blockbusters américains la France est un tout petit marché comparé au marché américain qui représente plus de 50% de la totalité de leur marché mondial. Or, aux Etats-Unis la plupart des salles de cinéma sont fermées dans les grandes villes. Et, comme dans la plupart des pays, le Coronavirus est loin d’y être maitrisé.
L’effet domino
Toutes les majors ont donc décidé de repousser sine die la sortie de leurs blockbusters. C’est à dire de tirer un trait sur 55 à 60% des entrées de nos salles. Le dernier coup de massue a été le report du « James Bond ».
C’est en fait un film britannique pour lequel le Royaume-Uni est le premier marché avec les Etats-Unis. La fermeture des salles du Pays de Galle et de celles des Etats-Unis a amené son producteur à cette décision. Et celle-ci a eu un effet domino puisqu’elle a amené Cineworld à refermer son circuit de salles britanniques et Regal, son circuit de salles américaines. Son dirigeant a en effet expliqué qu’il perdrait moins d’argent en étant fermé qu’en restant ouvert.
Faute d’approvisionnement en films la plupart des salles du monde risquent de faire le même raisonnement. La France est une exception parce qu’elle a une production nationale importante. Mais cela permet seulement à ses exploitants de perdre moins d’argent que ceux des autres pays. Et le maintien de l’ouverture de notre parc de salle est une bénédiction pour les producteurs et distributeurs de films français. Leur fermeture serait une catastrophe pour eux.
Le problème des assurances des tournages subsiste
Mais il y a une ombre supplémentaire au tableau : les assurances contre les risque de Coronavirus sont insuffisantes pour les films à gros budget et avec beaucoup de figurants. Leur tournage est donc suspendu. Or ils étaient indispensables pour permettre aux films français d’atteindre leurs 35 à 40% de part de marché.
Le gouvernement a annoncé au Congrès de Deauville un ensemble de mesures qui vont permettre aux salles de tenir jusqu’à la fin de l’année. https://siritz.com/editorial/les-lecons-du-congres-de-la-fncf-a-deauville/ Mais il faut dès maintenant penser à la suite. Car nul ne peut imaginer que la crise sanitaire aura alors disparu dans le monde. Faute de mesures supplémentaires les exploitants français seraient alors contraints d’avoir le même raisonnement que leurs confrères britanniques. Cela déclencherait un effet domino qui serait une catastrophe pour nos distributeurs qui cesseront d’accorder des minima garantis à des projets de films français. Et donc pour nos producteurs, nos réalisateurs, comédiens, techniciens et nos industries techniques.
Une poignée de productions seraient alors sauvées par les achats de plates-formes. Mais notre industrie du cinéma serait à l’agonie.