Partager l'article

L'édito de Serge
Serge Siritzki

LES RISQUES DU BEURRE ET DE L’ARGENT DU BEURRE

Par Serge Siritzky

LA RÉGLEMENTATION DES PLATEFORMES RISQUE DE TOURNER A L’ABSURDE

Les professionnels français du cinéma et de l’audiovisuel voudraient que les plateformes de S-Vod américaines aient des obligations similaires à celles des diffuseurs français : obligations d’investissement, taxe alimentant le compte de soutien, quotas. Ils ont raison. Mais dans l’actuelle réglementation française les producteurs français de cinéma et d’œuvres audiovisuelles qui bénéficieraient de leurs commandes ne peuvent bénéficier des avantages dont bénéficient ces producteurs lorsqu’ils travaillent pour des chaînes françaises : réinvestissement du soutien généré dans de nouvelles productions françaises, crédit d’impôt pour compenser les charges sociales très élevées qui renchérissent considérablement le tournage en France. https://www.lesechos.fr/tech-medias/medias/netflix-ne-veut-pas-seulement-financer-lexception-culturelle-mais-aussi-en-beneficier-1301258

Si cette discrimination était maintenue cela conduirait les producteurs français concernés à privilégier aussi souvent que possible les coproductions avec des partenaires européens. En tournant à l’étranger ils feraient appel à des prestataires de ces pays et utiliseraient le plus de salariés possibles sur lesquels ne pèseraient pas les charges sociales françaises. Et, pour maximiser les soutiens publics de ces pays, ils utiliseraient le plus souvent possible des créateurs et des comédiens francophones ou européens non français. En somme, cela ouvrirait à la Belgique, au Luxembourg et à l’Allemagne un marché inespéré.

Il faut rappeler que le Crédit d’impôt international permet de faire bénéficier de cette subvention des productions entièrement américaines à condition qu’elles soient tournées en France.

De même, un film français distribué par une major américaine bénéficie à la fois du compte de soutien et du crédit d’impôt.

En fait,  cette exclusion reviendrait à vouloir le beurre et l’argent du beurre, à refuser d’admettre la réalité : les plateformes souhaitent investir fortement dans les séries mais beaucoup moins dans des films qui sortent d’abord en salle. On les oblige néanmoins à investir dans nos films de cinéma. Mais cela met en danger Canal +, notre chaîne du cinéma. Pour ne pas perdre Canal+, cette mesure « compenserait » cette menace par de lourds handicaps à supporter par les producteurs auxquelles ces plateformes seront obligées de commander. Mais comme la réglementation les obligera à investir dans des films de cinéma cela ne supprimera aucunement la menace pesant sur Canal +. Et le bénéfice économique global de ces obligations sera en grande partie perdu. Les organisations professionnelles représentant les producteurs français (SPI, SPECT, USPA, AnimFrance, etc…) demandent à l’État de modifier cette règle absurde.

En somme, faire entrer les plateformes dans notre écosystème est logique. Mais le développement de ces plateformes accompagne le bouleversement des pratiques culturelles. Notre écosystème ne peut ignorer ce bouleversement et rester immuable. Pour en conserver l’esprit il faut le faire évoluer. https://siritz.com/editorial/faire-evoluer-lecosysteme-de-notre-cinema/

 

© Copyright - Blog Siritz