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L'édito de Serge
Serge Siritzki

REMETTRE LE PUBLIC AU CENTRE DU JEU

Par Serge Siritzky

PLUTÔT QU’AUGMENTER CONTINUELLEMENT LE NOMBRE DE FILMS

Les bonnes performances de la fête du cinéma apportent de l’eau au moulin des optimistes qui pensent que le cinéma va retrouver en France la fréquentation des années d’avant la Covid. Cette année la fréquentation est de 4% au-dessus des années précédentes, y compris de celle de 2019. https://www.leparisien.fr/culture-loisirs/cinema/apres-le-succes-de-la-fete-du-cinema-des-etats-generaux-proposes-pour-relancer-le-desir-et-doper-la-frequentation-07-07-2022-MAP6IV5FZBBPNJPRNTTU7JQZJQ.php?ts=1657385193282

Mais, si on les regarde de près, elles confortent les analyses de ceux qui estiment que le cinéma français doit impérativement être profondément réformé. Car ces bonnes performances sont presqu’essentiellement dues à l’offre de films américains : la sortie des « Minions 2 » comme la continuation de « Top gun »,  « Jurassic park », « Buzz l’Éclair » ou  « Elvis ».

Parti pour largement dépasser les 5 millions d’entrées

Cité par Le Parisien, Richard Patry, le président de la FNCF fait le bon diagnostic à propos des faiblesses du cinéma français : «Les films français sont un peu déconnectés des goûts du public, dit-il avec euphémisme.  Il faut remettre le spectateur au centre du jeu, s’adresser d’avantage aux jeunes, accorder plus d’importance au scénario ».
Plusieurs  réalisateurs ou scénaristes partagent ce point de vue.
Alors comment en est-on arriver là ? Tout simplement parce qu’au fil des années les pouvoirs publics ont multiplié les sources de financement des films pour gonfler l’offre, c’est â dire multiplier le nombre de films.
Notre soutien automatique est un mécanisme génial parce que le producteur (mais aussi le distributeur et l’exploitant) ne peut récupérer l’ensemble de sa recette que s’il la réinvestie. En outre, il peut récupérer plus que sa recette, parce que les films étrangers, générant aujourd’hui 65% de la recette, n’en bénéficient pas. C’est donc à la fois une épargne forcée qui incite les entreprise à  investir constamment et un droit de douane.
Mais ce  soutien automatique n’a cessé d’être complété par de plus en plus de nouvelles sources de financement. A tel point qu’aujourd’hui un producteur peut dégager un bénéfice avant que son film ne sorte et qu’en produisant deux ou trois films par an il peut ainsi vivre très confortablement. Il va se consacrer à rassembler les talents qui vont motiver et rassure les décideurs de ces sources de financement. Et, dans cette étapes, les grands agents ont un poids énorme, imposant un casting et une équipe que ne voulaient pas le producteur et le réalisateur au départ.
Puis le producteur peut se consacrer à monter un financement qui couvre plus que largement le vrai coût du film.
Cette évolution explique pourquoi les grands producteurs comme Claude Berri, Serge Silberman, Georges Danciger ou Anatole Dauman, qui prenaient un risque en produisant chacun de leur film, et, donc, dépendaient du succès de ce film, ont disparu. Parce qu’à leur époque ils devaient investir de l’argent en plus de leur temps et que, de ce fait, pour eux, comme le dit Richard Patry, « le public était au centre du jeu ».
Mais pour revenir à cette logique, qui est celle du cinéma américain et explique son succès, le cinéma français doit entamer une vraie révolution. https://siritz.com/editorial/revoir-lecosysteme-de-notre-cinema/

Notre politique du cinéma doit cesser de donner la priorité à l’augmentation perpétuelle de l’offre, car les moyens qui permettent d’atteindre cet objectif sont la cause principales de la crise de notre cinéma.

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