Partager l'article

L'édito de Serge
Serge Siritzki

LE REGARD DE L’HOMME AUX LUNETTES BLANCHES

Par Serge Siritzky

Pour les réalisateurs, les producteurs, les distributeurs et les exploitants de cinéma la lecture de « Le regard de l’homme aux lunettes blanches » de Philippe Reynaert* est un investissement particulièrement utile. Tout d’abord parce que celui qui a tant marqué le cinéma belge et européen https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Philippe_Reynaerty fait preuve à chaque page de son humour légendaire, que je vous laisse découvrir lors de votre lecture. Mais aussi parce qu’il constitue un formidable outil d’analyse pour tous ceux qui s’interrogent sur l’avenir de leur métier.

A titre d’exemple, il rappelle que seuls les Français utilisent le mot « audiovisuel « pour désigner tout ce qui n’est pas cinéma dans l’univers des images qui bougent ». Or, si l’on considère qu’il s’agit d’un même secteur, en 10 ans, en France, la production annuelle est passée de 1,5 milliards € à 3 milliards €.Quand on constate la baisse générale de la fréquentation il faut donc ne jamais ignorer cette donnée.Donc, certes, en France, comme dans la plupart des  pays, depuis la crise du Covid, la fréquentation des salles de cinéma est en chute. Cela été dû à la baisse de la production de blockbusters américains à la suite de la grève des scénaristes et des comédiens. Mais cette production ne retrouvera sans doute jamais son niveau d’avant car, désormais, les majors, sauf Sony, réservent une partie de leurs investissements à leur plateformes et aux contenus de ces plateformes. Or le cinéma est un marché de l’offre.

En 2024, le cinéma français a en partie compensé cette baisse des scénaristes et de l’offre américaine puisque les films français ont vu leur fréquentation augmenter par rapport aux années d’avant Covid. Pour retrouver la fréquentation d’avant Covid le cinéma français et européen doit faire encore mieux. Or, de ce point de vue, Philippe Reynaert rappelle un éditorial de Christopher Nolan dans le Wall street journal en 2014 :  » la salle de cinéma est à l’industrie du film ce que les concerts sont à l’industrie de la musique, et personne ne a à un concert pour se faire jouer un mp3 sur une scène déserte ». Cela ne veut pas dire qu’il ne faut produire que des superproductions spectaculaires. Encore que les français savent en faire qui sont des succès mondiaux, comme l’ont prouvé Luc Besson ou récemment « Le comte de Monte-Cristo ».

Mais Philippe Reynaert rappelle que sur les 32 films qui en France ont dépassé les 10 millions d’entrées, 42% sont des comédies. Et  12 sont des films français : tous des comédies.

Et là, Philippe Reynaert met les pieds dans le plat. Il rappelle le rapport de la Cour des comptes en 2019 qui soulignait que la moitié des quelques 300 films français produits avaient réalisé moins de 20 000 entrées. 300 films c’est beaucoup plus que le nombre de films produits par les États-Unis de 320 millions d’habitants. pour un marché intérieur  A quoi il est répondu que cette diversité est un moyen d’augmenter les chances de trouver les pépites qui vont renouveler l’offre. Mais Philippe Reynaert rétorque que quantité n’est pas diversité :  » on se demande comment on faisait dans les années 80 quand on tournait moitié moins de films qu’aujourd’hui et que la diversité était donc divisée par deux. Évidemment chacun des films français était vu en moyen par 60% de spectateur en plus qu’aujourd’hui. » Et il rappelle une évolution spectaculaire : En 2018, les 10 champions de box-office représentaient 24% du total des entrées. En 2022 ils en représentaient 32%.

Enfin, alors que l’animation traverse une crise, il rappelle que « l’anim est le genre cinématographique qui permet le plus facilement le partage du travail entre les différents territoires, et aussi, celui qui, par la magie du doublage, a le plus fort potentiel d’exportation : animateurs de tous les pays unissez-vous pour produire moins et mieux ! » Ajoutons que c’est le genre où lA peut dès à présent, abaisser considérablement les coûts de fabrication. Jusqu’à 10 fois. Mais l’IA est un formidable outil pour les talents, elle ne peut les remplacer.

Ce  livre aborde bien d’autres sujets passionnants pour les professionnels du cinéma. Régalez-vous

*Recueil de ses chroniques dans Écran total publié par les Editions Montparnasse

© Copyright - Blog Siritz