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La fréquentation des 8 premiers mois de l’année est 16% en dessous de celle de l’année dernière. Or, 2024, avec 181 millions d’entrées et 2 films français à 10 millions d’entrées, nous faisait espérer qu’après la crise du Covid, cette fréquentation allait, en 2025, retrouver le minimum de 200 millions d’entrées par an qui était celui des 10 années précédentes le Covid. Pour l’instant il n’en est rien. Il faut d’ailleurs noter que presque  nul part, et notamment pas aux États-Unis, la fréquentation n’a retrouvé son niveau d’avant Covid

Et, pourtant, comme avant le Covid, nous sommes revenus à un rythme annuel de 750 nouveaux films sortis, dont 300 français, pour alimenter plus de 2 000 établissements cinématographiques. Et la répartition du marché est presque la même : 55% pour les films américains, 35 % pour les films français et 10% pour tous les autres.

Ne s’agit-il pas d’une évolution structurelle ?

On peut certes se dire qu’il s’agit simplement d’un passage à vide de l’offre. Mais l’enjeu ne vaut-il pas la peine de se demander s’il ne s’agit pas d’une évolution structurelle ? Or il est clair que le confinement consécutif au Covid a fait exploser la pénétration des plateformes : les jeunes comme les retraités ont découvert le streaming qui permet d’accéder d’un click à un nombre incalculable de séries et de films. Et les jeunes sont devenus accros à internet et aux réseaux sociaux.

À l’évidence ces deux médias accaparent une part importante du temps des spectateurs potentiels du cinéma qui sont donc devenus moins disponibles et beaucoup plus exigeants. Les premiers à se rendre compte de cette explosion de l’offre et à réagir sont les dirigeants des plateformes. Comme le note Marina Alcaraz, dans un article des Échos du 22 août, « ils ont fortement réduit les commandes de séries au premier semestre de cette année ». Une des principales raisons, comme le note Philippe Bailly de NPA conseil, c’est que, partout « le public est noyé sous une quantité de contenus(….) streaming des chaînes traditionnelles compris, à un instant T, le public français peut accéder à 200 000 heures de contenus…. Ce qui contribue à émietter et fragmenter l’audience. » Les plateformes cherchent plutôt à conquérir de nouveaux spectateurs et à le fidéliser en acquérant l’exclusivité de droits sportifs.

La loi de l’offre et de la demande s’applique au temps disponible

Certes, aller au cinéma pour voir un film est différent de voir ce même film chez soi sur un téléviseur ou un ordinateur. Mais la loi de l’offre et de la demande s’applique au temps disponible. Plus il y a d’offres, plus la valeur, c’est à dire l’intérêt de ces offres baisse. Et seuls les offres à forte valeur ajoutée pour le spectateur tirent leur épingle du jeu.

Ce constat est évidement un terrible défi pour les exploitants et les distributeurs de films. Il l’est beaucoup moins pour les producteurs et tous ceux qui participent à la création et la fabrication des films, parce que la production et la fabrication de séries, même si elle vient de chuter, avait explosé. Mais l’industrie du cinéma, qui concerne à la fois les producteurs, les distributeurs et les exploitants se doit de remettre en question ses équilibres. Notamment il ne peut reposer sur l’idée que plus il y a d’offres, mieux l’industrie se portera.Une idée qui part du principe que plus il y a de films, plus il y a de chance de découvrir de nouveaux génies de la réalisation ou un nouveau « Plus petits truc en plus » qui gonflerait  le box-office.

Notons que cinéma n’est pas le seul secteur à souffrir de cette évolution. L’édition est dans la même situation. Et il y a peu de chances pour l’offre de près de 500 nouveaux livres pour la rentrées littéraire 2025 renverse le cours des choses.

Mais cela ne veut pas dire que le cinéma ne peut renverser le cours des choses. Une fois qu’elle aura fait le bon diagnostic l’industrie devra imaginer une nouvelle stratégie. Face à une abondance de l’offre une des habituelles stratégies est de proposer des produits haut de gamme auxquelles les autres offres ne peuvent se comparer. Et haut de gamme ne veut pas forcément dire des budgets plus élevés mais  un contenu différent et, avant tout, vu comme étant différent.

EN FRANCE LA PRIORITÉ EST DONNÉE À LA RÉGLEMENTATION ET LA CONCENTRATION

Le gouvernement est favorable à la fusion de TF1 et de M6, car se sont des nains comparés aux géants américains de la S-VoD. Et la présidente de France télévisions partage ce point de vue et doit sans doute souhaiter une fusion de son groupe avec radio France. https://siritz.com/editorial/vers-du-grabuge-dans-laudiovisuel/

Mais, à part la présidente de France télévisions et le président du CSA, les autres diffuseurs et les producteurs indépendants de télévision sont contre, surtout les producteurs de flux que rien ne protège contre une intégration verticale renforcée, dans leur secteur, de ce nouveau groupe.

En tout cas, ce qui est frappant c’est que ces deux diffuseurs, comme France télévisions d’ailleurs, n’ont pas axé leur développement sur l’innovation numérique, à la différence par exemple des chaînes britanniques.

Un article des Échos du 20 octobre notait ainsi que, en 2020, le chiffre d’affaires de la télévision de rattrapage des chaines françaises représentait 125 millions € contre 426 millions € pour la VoD gratuite ou payante des chaines britanniques, soit 11% de leur chiffre d’affaires. https://www.zdnet.fr/blogs/digital-home-revolution/le-replay-l-arme-des-cha-nes-contre-la-svod-39883867.htm

Ce retard â l’allumage de la télévision française n’est pas nouveau. Ainsi, le feuilleton quotidien est à l’évidence un genre majeur de la télévision. Au Royaume-Uni « Coronation street » date de 1960. En France, le premier feuilleton quotidien, « Plus Belle la vie » date de….2004 alors qu’il y en avait alors 4 qui triomphaient au Royaume-Uni et au moins 3 dans chacun des grands pays voisins.

Les GAFA sont intégralement nés de l’innovation, y compris Netflix. Certes Disney, un puissant acteur établi, se développe, mais il reste encore loin derrière.

Le seul domaine où la télévision française a, en fait, innové, est le flux de M6 qui traite des sujets concernant la vie quotidienne des français. Ce qui a permis â cette « petite » chaine d’être beaucoup plus rentable que TF1. Mais elle n’ a pas  transposé ce succès dans le numérique, alors que Netflix a démarré comme loueur de K7 vidéo. Et Amazon a commencé en vendant des livres en ligne.
La culture économique dominante en France repose sur la taille et la réglementation beaucoup plus que sur l’innovation.