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Il est clair que l’Intelligence Artificielle va bouleverser nos vies. Elle a déjà commencé à le faire avec les fake news qui fleurissent sur les réseaux sociaux. Elle va également bouleverser l’activité économique. Les industries du cinéma, de l’audiovisuel et de la musique sont évidemment particulièrement concernées. Cinéma, audiovisuel, musique : l’IA est là.
Comme l’a démontré le passionnant « think tank » juridique la COMINA*, organisé les, audio 30 avril dernier, certaines de ses applications sont déjà impressionnantes.
Lors de leur grève à Hollywood en 2023 les guildes de comédiens et de scénaristes ont obtenu l’encadrement de l’utilisation de l’IA. Mais ils ont également prévu que l’image et la voix des comédiens puissent être numérisées afin que les films et les séries puissent être doublées dans toutes les langues du monde. Désormais l’IA (avec Respeecher, EkeventLabs ou Papercut) permet en effet de reproduire une voix dans une autre langue en maintenant les intonations et en synchronisant les mouvements labiaux des lèvres. Néanmoins, il faudra au moins un adaptateur par langue, voir par pays, parce que, pour ne prendre qu’une exemple, une réplique qui est très drôle dans un pays peut ne pas l’être dans un autre En tout cas  cela va à la fois permettre de baisser sensiblement les frais d’édition par territoire  et conduire à la disparition de la profession de comédien de doublage.
Autre bouleversement :  des agences américaines comme CAA « numérisent » leurs artistes. Grace à quoi, ceux-ci peuvent autoriser leur producteur, au cas où un accident ne leur permettrait pas de terminer le tournage d’un film, de le  terminer avec ce clone numérique que l’on ne peut distinguer de l’artiste lui-même. Cela permet, entre autre, de réduire les frais d’assurance. Mais pourra peut-être permettre aussi de stopper le vieillissement d’une star si celle-ci y consent….
Plus incroyable encore, Netflix a réalisé un film entièrement par IA, sans que la moindre image ou le moindre son soit tiré d’une œuvre ou d’un comédien existant. Au cours du think tank la bande annonce de « Maharaja Denim » a été diffusée. Ce film spectaculaire à la Bollywood a été entièrement réalisé par IA, sans le moindre droit à payer.De même,  la Comina a diffusé une chanson entièrement créée par IA, via SUNO, sans clonage d’œuvre existante.

*La COMINA était animée par maitre Gérald Bigle, avec maître Florence Ivanier. Maître Isabelle Laratte y a fait une présentation des enjeux juridiques et des solutions dans le monde. Les participants étaient des juristes, des producteurs et des interprètes.

Après la plate-forme de S-vod Netflix c’est Amazon Prime vidéo qui attaque l’arrêté entérinant l’accord entre le cinéma et Disney +, autorisant cette dernière à diffuser les films de cinéma 9 mois à partir de leur sortie en salle.
Les obligations d’investissement dans les films de cinéma français et européens des chaînes hertziennes  ainsi que leurs fenêtre dans la chronologie de diffusion des films sont fixées par décret. Ainsi,  chaînes hertziennes gratuites peuvent diffuser les films qu’elles ont préfinancés 22 mois après leur sortie en salles et les autres 30 mois. La fenêtre de Canal +, qui est, de loin le premier pré-financeur des films français, se situe à 6 mois.

                                                                        La chronologie des médias
Pour les plateformes ces obligations sont fixées à la suite d’un accord entre la profession du cinéma et chaque plateforme. Faute d’accord, une plate-forme de S-vod peut diffuser les films 17 mois après sa sortie en salle.
Netflix est la première plate-forme à avoir signé un accord avec le cinéma ce qui lui a permis d’avancer sa fenêtre de diffusion à 17 à  15 mois. Disney + vient de signer un accord qui avance sa fenêtre à 9 mois. Canal + a très mal pris ce dernier accord qui ne lui donne que 3 mois d’avance alors qu’elle investit 160 millions € dans la production française et européenne, bien au-delà de l’obligation fixée par décret, qui n’est que de 110 millions €. Elle a pourtant renouvelé son engagement pour 3 ans. https://siritz.com/editorial/accord-audacieux-mais-risque-avec-disney/Mais Netflix estime qu’il n’y a aucune raison que la fenêtre de Disney+ se situe 6 mois avant la sienne, alors que Disney+ n’investit que 40 millions dans la production tricolore, soit 20% de moins que Netflix. Quant à Amazon Prime Vidéo, certes, à ce jour, elle investit beaucoup moins dans le cinéma que Netflix et Disney +. Sa plateforme n’est d’ailleurs qu’un complément du gigantesque service Amazon. Mais, compte tenu de la taille du groupe, ses investissements dans le cinéma, comme dans l’audiovisuel, pourraient exploser. A titre d’exemple, rien que son pré-achat de « Ma mère, dieu et Sylvie Vartan » est tout de même de 4,5 millions. Il est vrai que celui de Netflix dans  « Natacha (presque) hôtesse de l’air » est de 4,8 millions €. N’oublions pas que plusieurs de ces plateformes font partie des Maga qui sont plus puissants que des États.

                                         Des règles du jeu communes à toutes les plateformes
Il est donc temps que, comme la France l’a fait pour les chaînes hertziennes, elle mette en place des règles du jeu communes à l’ensemble des plateformes.
N’oublions pas que nous sommes sortis de l’ère du hertzien. La S-vod est un parmi les innombrables services accessibles par wifi. Et, le wifi permet le replay qui change les modes de consommation : dès le premier jour de sa diffusion un spectateur peut regarder tous les épisodes d’une série. De même, il peut regarder un film bien après cette première diffusion.

                                      Se poser une question fondamentale
Cette révolution oblige les professionnels du cinéma à se poser une question fondamentale : qu’est-ce qu’un film de cinéma ? qu’est-ce qu’un film pour la salle de cinéma ? Qu’est-ce qui fait qu’on est disposé à se déplacer pour aller le voir en salle alors que, dans quelques mois, on pourra le regarder tranquillement, chez soi dans un fauteuil ou dans son lit, le jour et à l’heure que l’on veut ? Par ailleurs, n’oublions pas que certains Mega estiment que la sortie en salle n’est qu’un outil de promotion parmi d’autres de leur plateforme.
Rappelons-nous que, dans les années 80, la fréquentation cinématographique en France est passée en 10 ans de 213 à 116 millions de spectateurs parce que les professionnels du cinéma ne s’étaient pas posé les bonnes questions ou s’étaient donné les mauvaises réponses.

Fin janvier les organisations professionnelles du cinéma (Blic, Bloc et Arp) ont signé un accord avec le S-vod Disney+, augmentant la participation . de celui-ci au financement des films français de 17 à 38 millions par an, pendant l es trois prochaines années. En contrepartie, Disney + pourra diffuser tous ses films (y compris évidemment les films Disney) 9 mois après leur sortie en salle au lieu de 17 mois. HTTPS://siritz.com/editorial/accord/audacieux-mais-risque-avec-disney .
Évidemment, le groupe Canal+, qui est, de loin la principale source de financement des films français, avec 220 millions€ par an, à travers ses trois chaînes à péage (Canal+, Ciné + et Orange) manifestait sa colère. Car il n’avait plus que 3 mois d’avance dans la chronologie de diffusion des films pour un apport 5,7 fois supérieur. Il menaçait de faire subir au cinéma français le sort qu’avait subi la Ligue française de foot-ball quand elle lui avait été infidèle, ce qui l’avait conduit à la grave situation financière dans laquelle elle se trouve aujourd’hui. On parlait d’une réduction de 50% de son apport à l’occasion de l’actuel renouvellement de son accord avec le cinéma.
Les professionnels du cinéma français estimaient qu’il n’en serait rien et leur objectif était, en augmentant l’apport des plate-formes américaines, de moins dépendre d’un seul partenaire.
Finalement ils ont eu raison. Pari gagné pour le cinéma : Canal + estime que le cinéma, et notamment le cinéma français, est un élément essentiel de son ADN. Le groupe, qui conserve sa première place dans la chronologie des médias, vient certes de réduire son apport annuel pour 3 ans à 160 millions par an. Mais le cinéma français estime que ce recul sera en grande partie compensé par l’augmentation des apports des S-vod : déjà 19 millions par Disney +, puis, sans doute des montants du même ordre par Netflix et Prime vidéo (Amazon). En contrepartie, dans les diffuseurs à péage, les producteurs auront désormais quatre sources de financement potentiels.
A noter que Disney + a augmenté son préfinancement des séries françaises dans les mêmes proportions que celui des films. Or les producteurs et créateurs des films français sont aussi ceux de nombreuses séries françaises. En revanche l’apport des chaînes gratuites (coproduction et pré-achat) va sans doute diminuer du fait de la réduction de la subvention de l’État à France télévisions et de celle des ressources publicitaires des chaînes, du fait de la concurrence des réseaux sociaux.

Les organisations professionnelles du cinéma (Blic, Bloc et ARP) viennent de signer un accord historique avec le service de S-vod Disney +. Celui-ci va passer ses investissements dans les films de cinéma et les œuvres audiovisuelles français de 20 à 25% de son chiffre d’affaires. Son investissement annuel dans l’acquisition de films français va être multiplié par 2,4, passant de 17 millions € en 2024 à 38 millions €. Et, les 70 films qui seront désormais acquis par an respecteront des règles de diversification de budget et de genre. En contrepartie, Disney + ne diffusera plus les films 17 mois après leur sortie en salle mais seulement 9 mois.
Chez le groupe Canal + c’est évidemment la consternation et la colère. Lui qui a, en effet, avait acquis un quasi-monopole sur les chaînes à péage en France, a toujours été, avant tout le groupe de « la » chaîne (Canal +) et « des » chaînes (OCS et Ciné +) du cinéma en France. A cette fin il investit chaque année 220 millions € dans le préachat de films français. A noter que l’ensemble des chaînes et services de S- vod a investi en 2023 383 millions € dans le préfinancement des films français, dont une partie en tant que coproducteur, (donc avec un partage des recettes), soit 34% de l’ensemble des sources de financement. Les chaînes du groupe Canal ont donc à elles seules investi 58% de cette somme et uniquement en préachat.
Selon Cinefinances-info*, en 2024 , Canal + et OCS ont pré-acheté 96 films, ces pré-achats étant presque toujours complétés par des pré-achats de Ciné+. Et il faut ajouter à cette liste ceux que Ciné+ avait acheté seul. A titre d’exemple, pour le préachat du « Comte de Monte-Cristo » Canal + a mis 3 424 000 € et Ciné + 321 000 €. https://siritz.com/cinescoop/et-de-trois-alexandre-dumas/ C’est presqu’autant que la totalité de ce que Disney + s’engage désormais à investir. Mais Canal+ a investi aussi dans de nombreux films à budget moyen et même 120 000 € dans « Highway 65 », la coproduction franco-israélienne de Maya Dreifuss, dont le budget est de 1 million €.
En contrepartie de ces énormes investissements, Canal + avait, au fil des années, obtenu une fenêtre dans la chronologie de diffusion des films de 6 mois après la sortie en salle. Et, soudain, Canal découvre qu’avec un engagement annuel de 38 millions €, soit 17 % du sien, la fenêtre de Disney + ne se situe plus que 3 mois après la sienne.
Le cinéma s’offre-il l’occasion, comme le suggère Caroline Sallè, dans Le Figaro, de « renforcer la concurrence entre diffuseurs audiovisuels payants et de réduire sa dépendance à l’égard de Canal + ? » Cela suppose que Canal+ se doit de rester « la » chaîne du cinéma qu’elle est.
Mais le même article du Figaro rappelle que, jusqu’en 2018, la retransmission des matchs de la Ligue 1 de foot-ball était l’autre moteur des abonnements de Canal+. La Ligue Française Professionnelle  avait alors pensé augmenter ses recettes en transférant ses droits au diffuseur à péage sino-espagnol Médiapro qui avait renchérit à 1,1 milliards €. La chaîne cryptée aurait pu couler. Or, elle a réussi à se « désensibiliser » du foot-ball français, en re-configurant entièrement son offre de sport grâce à la Champion’s league européenne de foot-ball, au championnat de foot-ball anglais, au Top 14 de rugby, à la Formule 1de course automobile.  Mediapro a disparu et les droits de la LFP que diffusent désormais DAZN et BeIn sport, sont tombés à 500 millions €. La LFP est financièrement en difficulté.
Selon son président, Maxime Saada, lors d’une audition au Sénat, Canal + serait en train d’étudier un retournement aussi spectaculaire avec le cinéma. Ses apports annuels pourraient très vite être réduit de 50 millions € en transformant le chaîne Canal+ en deux chaînes, une chaîne avec cinéma et une chaîne avec sport. En outre, n’oublions pas que la chaîne a décidé de quitter la TNT et se positionne désormais comme une plate-forme internationale avec plus de 22 millions d’abonnés. De toute façon elle doit se reconfigurer. Peut-être Maxime Saada bluff-t-il. Mais s’il ne bluff pas ….

Mais alors que l’on suit les réactions de Canal+, une autre plate-forme, Netflix, qui est le principal concurrent de Disney+,  va probablement réagir. Sa fenêtre se trouve à 15 mois, donc, désormais, largement derrière Disney+.  Or, il a investi 17,3 millions € dans le pré-achat des films français sortis en 2024. Il a notamment  préacheté « Les chèvres » 6 millions €, https://siritz.com/?s=Les+chèvres&cat=cinescoop« Chien & chat » pour 4,575 millions €, https://siritz.com/cinescoop/a-la-fois-live-et-animation/ , « Bolero le Mystère Ravel » pour 2,5 millions € https://siritz.com/cinescoop/vers-un-nouveau-succes-du-bolero-au-cinema/.Il serait étonnant qu’il ne cherche pas à, au moins, avancer sa fenêtre à 9 mois, en échange d’une augmentation de ses investissements. Les 50 millions de baisse de Canal+ pourraient alors être pratiquement compensés.

En tout cas, le cinéma a passé cet accord audacieux et risqué avec Disney au moment où l’État a diminué de 200 millions € son apport à France télévisions et où les recettes publicitaires de toutes les chaînes en clair reculent. Leurs investissements  dans les oeuvres, et, notamment le cinéma, tout comme leur contribution au compte de soutien, vont donc également reculer. Le cinéma français a pris des couleurs 2024. Ses films risquent d’être  plus difficiles à financer en 2025.

*www.Cinefinances.info est un site, accessible par abonnement, destiné aux professionnels du cinéma.  Il publie le budget, le plan de financement et la répartition des recettes de tous les films français qui sortent (hors les films « sauvages » qui ne déposent pas leurs contrats au registre public et ne demandent donc pas l’agrément qui leur permettrait d’accéder à l’aide du CNC). Il dispose d’un puissant moteur de recherche multicritères et de 15 ans d’archives.

Le coup de théâtre de la décision de sortie des chaînes payantes de la TNT par le groupe  Canal+ ne fait que confirmer que l’audiovisuel est entré dans une nouvelle époque. Le groupe présente son choix comme une réponse à deux  décisions de l’État à son égard : d’une part, celle de l’Arcom de ne pas renouveler la fréquence de C8, du fait de manquement répétés (31) à ses obligations et à la loi ; d’autre part, celle du ministère des finances d’estimer que son taux de TVA ne doit pas être de 10%, comme c’est le cas pour les biens et services culturels, mais de 20%, car le groupe serait avant tout un agrégateur de services audiovisuels, comme le sont les plateformes américaines. Et, à ce titre, Bercy lui réclamerait, selon l’Informé, le coquet arriéré de 655,6 millions €. Cette décision de Bercy va évidemment être contesté par le groupe devant le tribunal administratif, d’autant plus qu’elle arrive au moment de  l’entrée de celui-ci en bourse.

Le non renouvellement de la fréquence de C8 est loin d’être une catastrophe pour Canal +, tout d’abord parce que la chaîne est déficitaire. Par ailleurs, le groupe peut très bien reprendre sur sa chaîne CStar l’émission « Touche pas à mon poste » de Cyril Hanouna, pour laquelle C8 a ėté sanctionnée. Quand à Canal+, les abonnés qui la reçoivent en hertzien ne représentent que 1% de tous ses abonnés et la diffusion hertzienne terrestre lui coûte 20 millions € par an. Plusieurs autres modes de diffusion, moins coûteux peuvent lui être substitués.

Qui va occuper le canal 4 ?

En fait, la décision de Canal + souligne que désormais, par le numérique, on peut recevoir un nombre illimité de chaînes du monde entier. Bien entendu, une question essentielle est de savoir qui va occuper le canal 4 jusque là occupé par Canal +. A qui l’Arcom va-t’il l’attribuer ?  Mais peut-on imaginer qu’Orange, SFR, Free et Bouygues acceptent que Canal + et ses 10 millions d’abonnés, en France et ses programmes en clair, soit relégués au fin fonds de son classement et que l’on ne puisse plus y accéder rapidement en un ou deux clicks ? Il est plus que probable qu’ils vont lui trouver une place de choix dans leur offre.

Rien à craindre pour le cinéma

De même, Canal, dont sa convention avec le cinéma arrive à échéance à la fin de l’année, est, de loin, le principal financier de la production de films français dans laquelle  il investit 210millions € par an. Ce qui, soit dit en passant, est plus que son engagement vis à vis de la profession, qui n’est que de 170 millions €. En contrepartie, de cet apport la chaîne peut diffuser les films de cinéma 6 mois après leur sortie en salle, contre 15 ou 17 mois pour les plate-formes américaines. Ce qui lui permet d’être « la » chaîne du cinéma, image qu’elle n’abonnera à aucun prix à Netflix ou Disney+. Le cinéma n’a donc pas à s’inquiéter.

Les grands groupes de tv sont tous des agrégateurs de programmes

En revanche, l’analyse du ministère des finances est très importante. Elle indique bien que l’audiovisuel est en train d’entrer dans une nouvelle phase de son histoire. Car si, avec la généralisation des replays,  le groupe Canal serait devenu avant tout un agrégateur de programmes, la vérité c’est que tous les grands groupes français de télévision, privés comme publics, le sont devenus aussi. Certes, ils sont gratuits. Et, d’autres chaînes thématiques françaises payantes développent le replay. Bien entendu ce  différentiel de tva avait surtout pour but de pénaliser les plateformes géantes américaines. Mais est-ce qu’un programme n’est plus culturel si on le regarde en replay ?

La plateforme Netflix commence à être un acteur important de notre cinéma et de notre audiovisuel. Or, il y a quelques semaines, son principal responsable du département film,  l’américain Scott Stuber, a été remplacé par un nouveau, Dan Lin https://www.allocine.fr/personne/fichepersonne_gen_cpersonne=235737.html.  Stuber a dirigé Netflix pendant sept ans avant d’annoncer son départ. Pendant sa direction il a fait venir à Netflix plusieurs réalisateurs couronnés aux Oscars et on peut considérer qu’il est l’un des principaux responsables de l’évolution de l’audiovisuel vers l’ère de la s-vod et du streaming.

Lin, fils d’un émigré Taïwanais, à 50 ans, a été vice-président en charge de la production chez Warner et a fondé Rideback Productions qui a produit plusieurs séries et films à succès. Il dépendra de Bela Bajaria, le responsable des contenus de Netflix. Il est considéré comme l’un des plus brillants producteurs américains actuels.

Mais ce passage d Stuber à Lin semble devoir s’accompagner d’une profonde transformation de politique du cinéma de la plate-forme. Sous le premier, les budgets étaient élevés et la surveillance relativement légère. C’est lui qui a amené Martin Scorcese ou Jane Campion à travailler pour la plate-forme. Il n’hésitait pas à investir massivement dans les spectacles à effets spéciaux, avec des stars de catégorie A, qui étaient à la fois démolis par la critique et réalisaient de fortes audiences.

Aujourd’hui Netflix envisagerait de réduire significativement le nombre de films produits par an et de mettre l’accent sur la qualité et le contrôle. Cela s’explique aussi par le fait que les grands studios ont fini par accepter de lui louer leurs films. Sur la liste des 10 films les plus vus récemment, 6 proviennent en effet de studios. Netflix reste par ailleurs plus que jamais fidèle à son exigence d’être le premier diffuseur, alors que d’autres plateformes n’écartent pas le sortie salle préalable. Or, cela peut entrainer une difficulté à convaincre les grands réalisateurs, dont la plupart continuent à penser qu’un film est avant tout destiné à un public dans une cinéma.

Le Congrès de le Fédération nationale des Cinémas Français est, chaque année, un des moments importants de la vie du cinéma en France. Son 78 ème exemplaire, qui vient de se tenir à Deauville, la semaine dernière, l’était encore plus que d’habitude.

Tout d’abord parce qu’il a confirmé qu’à peu près partout dans le monde, en 2023, la fréquentation tend à se rapprocher de son niveau d’avant Covid. C’est dû, en grande partie, à la reprise de l’offre de films américains dont la production s’était totalement arrêtée pendant le Covid. Mais pas uniquement. En France, où l’on peut encore espérer atteindre cette année les 200 millions d’entrées d’avant la crise, c’est aussi dû aux succès de la production nationale. En tout cas , on n’a, à ce jour, que 7% de retard sur la moyenne des année 2017/19. Mais, d’autres pays, comme l’Autriche, la Norvège, la Tchéquie ou l’Allemagne font encore mieux dans la reprise. Il est vrai qu’ils sont loin de la fréquentation par habitant de la France.

Mais, bien entendu, partout, à commencer par aux États-Unis, du fait de la grève des comédiens et des scénaristes, on est conscient que l’arrêt de la promotion, donc le décalage des sorties, et, surtout, de la production, des blockbusters de Hollywood, va entraver cette reprise, puis entrainer une nouvelle chute de la fréquentation à partir du deuxième semestre 2024. Et, John Fithian, l’ancien président du NATO (qui représente les exploitants américains), estimait que l’enjeu-notamment l’usage de l’Intelligence artificielle-est suffisamment grave pour que la grève dure au moins jusqu’à la fin de l’année. Néanmoins, les patrons des Studios viennent de marquer la négociation par leur présence  et ont enfin signé un accord avec les scénaristes.Mais la grève des comédiens de se poursuit ce qui continue de bloquer toute production et toute sortie de film.

L’exception culturelle prend racine un peu partout

En fait, la leçon la plus importante du Congrès c’est que, dans un nombre croissant de pays européens, le gouvernement estime que le cinéma-c’est à dire un film dans une salle-est une activité socialement et culturellement indispensable qui justifie un soutien public. L’exception culturelle ne cesse de gagner du terrain. C’est le cas en Espagne et, même en Italie : aller voir un film en salle ça n’a rien à voir avec voir le même film chez soi sur sa télévision ou un ordinateur.

En outre, comme l’a rappelé Tim Richards, le président canadien de Vue Entertainement, l’un des tous premiers réseaux mondiaux de salles de cinéma, présent dans 9 pays, « tous les studios ont compris que vendre directement un film à une plate-forme, sans passer auparavant par une sortie en salle, leur créait un énorme manque à gagner ». Mais il a bien martelé que, à la différence des autres plates-formes, « Netflix n’est pas notre ami », car la plate-forme exige de manière inconditionnelle des exclusivités. Or Netflix domine largement ce nouveau marché. La bataille est donc loin d’être gagnée.

LA MINE D’OR EST DEVENU UN BOULET

Le secteur de l’audiovisuel va devoir revoir entièrement son approche des plates-formes de streaming. Il y a peu, c’était un nouvel eldorado qui allait élargir considérablement son activité. Les plates-formes elles-mêmes semblaient devoir être des mines d’or pour les studios américains.

Or, à ce jour, seule la plate-forme de l’inventeur de ce nouveau service, Netflix, est bénéficiaire. Toutes les autres plateformes des studios sont largement déficitaires.

Le moins que l’on puisse dire c’est que le procès intenté par certains actionnaires à l’ancien PDG du groupe Disney, Bob Chapek, et au groupe lui-même, pour avoir triché sur le nombre des abonnés de sa plate-forme de streaming, Disney +, interpelle. Non seulement les pertes de celle-ci seraient bien supérieures à ce qui était annoncé, mais, pour deux trimestres successifs, ses abonnés auraient chuté, passant de 163 à 158 millions. Or, Disney, par son image auprès des familles et ses capacités de production était, de tous les studios, celui dont la plate-forme semblait la plus à même de rattraper Netflix. En tout cas, les abonnés de ce dernier continuent de progresser, atteignant les 230 millions. De ce fait, l’ensemble du groupe Disney, malgré ses succès dans la production et la distribution, affiche une perte de 659 millions $.

Qu’en sera-t-il alors des plates-formes de Warner, Paramount et Universal ? Si cette diversification se révèle une illusion pour elles qu’en sera-t-il de leur activité de production et de distribution ?

AMAZON, APPLE ET PEUT-ÊTRE GOOGLE ET MICROSOFT

Rappelons qu’en 1948, le décret Paramount avait interdit aux studios d’investir dans les salles de cinéma. Elles s’en sont finalement très bien porté. Or, adoptant la thèse néolibérale selon lequel moins le marché est régulé, mieux il se porte, le  ministère de la justice américain a annoncé qu’il va supprimer cette interdiction.

Mais ce néolibéralisme, qui a sans doute permis aux GAFA américains de devenir les géants de l’économie mondiale, a peut-être introduit le loup dans la bergerie. Ainsi Amazon et Apple ont également leurs plates-formes de S-Vod et vont investir massivement dans la production. Ces groupes ont de bonnes chances de s’imposer, non parce qu’ils sont les meilleurs, mais parce que ces investissements sont une goutte d’eau pour eux et qu’ils ont les moyens de procéder au dumping le plus extrême. Pour Amazon c’est un moyen de promouvoir Amazon Prime qui est la devanture de son gigantesque magasin. Apple a  peut-être une idée de ce type derrière la tête. Et on ne peut exclure que, demain, peut-être Google et Microsoft, pour qui se serait également une goutte d’eau, ne les rejoignent.

Cela permet en tout cas d’être optimiste quand aux perspectives de création, de production et d’emploi. Mais plus forcément avec les mêmes acteurs.

L’industrie du cinéma et de l’audiovisuel n’a pas saisi à quel point les GAFA représentent un énorme potentiel de recettes encore en friche.

Tout d’abord, les plates-formes mondiales de S-Vod ne sont pas tenues de  rendre public le détail de l’audience de chacun de leurs contenus que pourtant elles possèdent : vus, durée, territoires, public, etc… Elles s’engagent parfois contractuellement à en fournir une partie au fournisseur d’un contenu, mais pas de permettre l’accès de tous les professionnels à la totalité de ces informations, à travers un équivalent de Médiamétrie, comme le font les chaînes gratuites. Au contraire, tous les exploitants de salles de cinéma fournissent à Comscore, auxquels peuvent s’abonner les distributeurs et tous les professionnels, leurs entrées (et, aux États-Unis, leur chiffre d’affaires).

Certes, les audiences des chaînes doivent être impérativement fournies aux annonceurs et les entrées des salles aux distributeurs pour négocier les détails de la programmation. Mais ces informations permettent aussi à tous les professionnels d’avoir une idée précise de la valeur économique des contenus et des talents.

Pourtant, cette obligation de fournir toutes les données d’audience des S-Vod existe déjà en Suisse, comme l’a rappelé le distributeur Laurent Dutoit aux journées de l’exportation. https://siritz.com/editorial/exportation-laudiovisuel-plus-important-que-le-cinema/

La France qui s’enorgueillit d’avoir l’écosystème que toute l’Europe nous envie n’a même pas abordé la question. Elle pourrait suivre l’exemple de la Suisse. Mais elle devrait surtout agir pour faire compléter la directive SMA par cette obligation.

Plus important encore est l’absence de régulation sur le marché des réseaux sociaux. Certes, You tube permet de créer des médias audiovisuels qui ont toutes les caractéristiques des chaines de télévisions et des radios. Leur audience est publique ce qui permet d’assoir la facturation aux annonceurs. Et qui permet aussi  à toutes les sociétés gérant les droits voisins de se rémunérer.

Mais Facebook, Twitter, Instagram et autres TikToK constituent de puissants outils de promotion pour les chaines de télévision, les radios, leurs programmes et les films de cinéma. Or, une partie importante de leurs recettes publicitaires est générée par ces contenus et reste du domaine de la jungle.

Les multiples représentants des propriétaires de contenus et des sociétés gérant les droits voisins sont des nains face à ces géants mondiaux. La loi, et, là encore, surtout une directive, devrait obliger ces géants à fournir toutes les informations dont ont besoin les ayants-droits pour assoir une rémunération sur les recettes des réseaux sociaux.

En fait, ces derniers cherchent toujours à se faire passer pour des sociétés de télécommunication qui ne font que transmettre des communications. Alors que ce sont des médias dont les algorithmes permettent de multiplier et d’orienter ces communications et que cette activité enrichie. Dans cette optique, ils doivent être obligés de rémunérer tous les ayants droits en fonction des chiffres d’affaires que ceux-ci leurs permettent de générer.

Avec le même raisonnement, la passionnante  série suédoise « The Playlist » diffusée par Netflix, sur l’histoire de Spotify, raconte comment ce site a sauvé l’industrie de la musique. Mais aujourd’hui il enrichit ses actionnaires, les plus grandes stars de la musique et, surtout, les majors du secteur. Mais la masse des chanteurs et compositeurs, même s’ils ont du succès, ne peuvent vivre des revenus de Spotify ou de ses concurrents, car ceux-ci et les majors leurs affirment qu’être écoutés sur leur site constitue une promotion pour la vente de leurs CD ou de leurs concerts. La série démontre que les pouvoirs publics doivent intervenir pour mettre fin à cet abus de position dominante. https://fr.wikipedia.org/wiki/The_Playlist

 

LES CINÉMAS TIENNENT ET NETFLIX PERD DE SON AVANCE

Aux États-Unis la vie normale commence à reprendre. Alors qu’il n’y a pas eu de soutien de l’État, les salles de cinéma ont plutôt bien résisté. Certes, deux circuits de la Californie du sud, Pacific Theatres et Arclight, ont été liquidés. Mais il s’agit de petits circuits de  17 établissements avec 230 écrans. Au contraire, le premier réseau américain et du monde, AMC, qui possède 8 000 écrans, a trouvé 917 millions $, dont 506 millions $ en augmentation de capital, pour poursuivre son activité. C’est dire qu’il y a des investisseurs pour croire dans l’avenir de la salle de cinéma.

Celles  qui ont réouvert l’ont fait avec des jauges limitées. Surtout, elles ont accepté de perdre leur fenêtre d’exclusivité pour pouvoir diffuser les blockbusters de Warner. Tout d’abord « Wonder woman 1984 ». Puis, surtout, « Godzilla et King-Kong » qui a été diffusé simultanément dans les salles et sur HBO Max. Il a réalisé la première semaine un box-office salle de 80 millions $ aux États-Unis et de 400 millions $ dans le monde. Mais la question de savoir si cette sortie simultanée est seulement liée à la situation de pandémie ou va devenir une pratique définitive n’est pas réglée.

En tout cas, le groupe Disney a passé un accord avec Sony pour diffuser l’ensemble de ses films et de son catalogue sur ses chaînes et sur Disney+. Parmi ces acquisitions il y a les « Spiderman ». Or, pour les films à venir, cet accord respecte la fenêtre d’exclusivité des salles de cinéma.

Ce qui est frappant, c’est que la progression des abonnés de Netflix se ralentit. https://www.letelegramme.fr/multimedia/gueule-de-bois-pour-netflix-apres-une-pandemie-en-or-21-04-2021-12738463.php Ainsi, au troisième trimestre, la progression de ses abonnés est la moitié de ce qu’elle avait prévue. C’est en partie dû au recule de la pandémie et au fait que celle-ci, du fait des restrictions sanitaires de tournages, a moins produit, et donc moins diffusé de nouvelles séries. Mais surtout, son avance par rapport à ses concurrents se réduit. Au contraire, comme on l’a vu, la progression de Disney+ est spectaculaire, bien supérieure à ce que ses dirigeants avaient prévu. Mais c’est vrai aussi des chaînes à péage de Warner . Ainsi, aux États-Unis, au premier trimestre Netflix n’a progressé que de 450 000 abonnés alors que Warner Media, avec HBO et HBO Max, en a gagné 2,7 millions. Au total Netflix a 67 millions d’abonnés, mais les chaînes de Warner, en cumulé, en sont à 44,2 millions. Néanmoins, les dirigeants de Netflix affirment qu’avec la levée des restrictions sanitaire, le renouvellement des séries va s’accélérer.

Amazon prime annonce 200 millions d’abonnés dans le monde. Mais il s’agit d’un abonnement à 50 € par an et les films où les séries ne sont qu’un produit d’appel pour inciter à l’abonnement à cette plateforme de vente pour le principal hypermarché du monde.

En France, les plateformes doivent, pour les films de cinéma, respecter la chronologie des médias. Mais les studios peuvent ne pas du tout sortir leurs films en salle et les diffuser directement sur leurs plateformes. Ils perdraient évidemment les recettes salle et des chaînes à péage. Mais si les pouvoirs publics français leur imposent des obligations trop contraignantes les studios et les plateformes ont cette arme atomique à la leur disposition. https://siritz.com/editorial/la-salle-de-cinema-menacee-de-mort/