LE SCÉNARISTE LUDO DU CLARY ET LE RÉALISATEUR/SCÉNARISTE ARNAUD MALHERBE APPROFONDISSENT LE DÉBAT
«Un scénariste met les pieds dans le plat» https://siritz.com/le-carrefour/un-scenariste-met-les-pieds-dans-le-plat/et le réalisateur Dominique Baron avec ses trois articles sur « Les mousquetaires de l’audiovisuel » https://siritz.com/cinescoop/les-mousquetaires-de-laudiovisuel/ont soulevé un enjeu essentiel du cinéma et de l’audiovisuel français. https://siritz.com/cinescoop/confusion-entre-vision-et-contribution-a/ et https://siritz.com/cinescoop/repenser-la-loi-de-1957/.
Aujourd’hui, un scénariste et un réalisateur enrichissent l’analyse.
LUDO DU CLARY : Il faut réinjecter de la valeur dans l’acte de réalisation pure. Ce n’est pas du tout le même travail que l’écriture de scénario. Il suffit de lire le journal de prépa de tournage de Sebastien Marnier https://fr.wikipedia.org/wiki/Sébastien_Marnier pour le voir. Ce n’est PAS le même travail.
Ludo du Clary : https://www.lecollectifcinq.com/ludovic-du-clary
Aussi, les réalisateurs de cinéma ne devraient plus se sentir contraint d’écrire le scénario, s’ils ne le souhaitent pas, pour obtenir la légitimité d’artiste. Ceux qui souhaitent tout créer, les génies, un Xavier Dolan par exemple, c’est très bien, il faut que ça perdure.
Mais il faut arrêter de dire que le scénariste de ciné est nécessairement au service de la vision d’un autre. J’ai encore entendu ça hier : « En tant que scénariste, je suis au service d’un autre. Je deviens réal car je veux raconter une histoire personnelle. » C’est faux. C’est idiot ! Un bon scénariste écrit des histoires ultra-personnelles. Il peut être le créateur d’une vision et ça donne des chefs d’oeuvre. À plusieurs cerveaux qui interviennent à des moments spécifiques de la création, au service d’un film commun, on est meilleur. On croule sous les exemples dans le monde anglo-saxon… Tout le monde – tous les gens de bonne foi – est à peu près d’accord là-dessus aujourd’hui.
Qu’est-ce qu’on fait maintenant du coup ? C’est aux institutions- CNC et Ministère de la Culture- d’acter ça. Qu’on passe de 5% de scénario de cinéma créés par des scénaristes à 50%. Sinon, tous les scénaristes qui ne croient pas à l’idéologie de l’auteur unique vont continuer à fuir vers la série…
ARNAUD MALHERBE : D’accord a 100%. Même si perso je veux réaliser les films que j’écris ou je co-écris et que j’initie toujours, sans être vaguement considéré comme pas totalement scénariste puisque réal. Il y a cette réalité, ce ressenti là aussi dont on ne parle jamais. On peut être 100 % scénariste et 100% réalisateur. Je ne sais pas si je suis clair, mais j y crois.
Arnaud Malherbe https://fr.wikipedia.org/wiki/Arnaud_Malherbe_(réalisateur)
LUDO DU CLARY: Tout à fait d’accord. Maintenant, il faut regarder ce qui se passe au niveau institutionnel et dans la communication grand public en général. Les réalisateurs de série sont complètement sous-estimés. C’est con, car en les valorisant on aura de meilleures séries. C’est certain. Au cinéma, c’est l’inverse, les scénaristes sont complètement sous-estimés. C’est con parce qu’il y a un déficit de bons scénarios pour les réalisateurs qui en cherchent. Il faut rééquilibrer tout ça. Sans jeter le bébé avec l’eau du bain…
ARNAUD MALHERBE: Ludo du Clary total raccord. Je discutais hier avec un producteur du cas « En Thérapie ». Il est très pote avec Les films du poisson. T’as beau expliquer et ré-expliquer, tu sens que ça rentre pas…
LUDO DU CLARY : Il faut un changement culturel, un truc global. C’est long…
ARNAUD MALHERBE : Tout à fait. Ça passe par tous ces échanges. Je sais que Marie du festival de Fontainebleau, entre autres, veut multiplier les débats sur ce sujet. Il ne faut pas que ça tombe dans un trou…