Archive d’étiquettes pour : Le Forum des coproductions

Serge Siritzky : L’année dernière vous m’aviez dit que 35 % des projets de Méditalents aboutissaient. Mais on était dans une période particulière avec la Pandémie.  Aujourd’hui à combien en êtes-vous vous ? https://siritz.com/le-carrefour/35-des-projets-de-meditalents-aboutissent/

Didier Boujard : Effectivement. Le problème c’est que l’on a eu les 2 années de pandémie et, naturellement, il y a un certain nombre de projets qui ont dû été reportés. Et puis, il y a eu des fonds d’investissement publics dans différents pays qui ont été supprimés. Par exemple en Algérie. Mais c’est en train d’être remis en place. Donc, du coup, je ne saurais être trop précis. Mais effectivement, entre   les différents ateliers d’écriture et les forums de coproduction, on devrait être autour de 30 à 35% dans les années qui viennent, une fois qu’on aura attrapé le retard.

Les premiers films tournés

SS : Il y avait un projet en tournage et un autre qui allait être tourné.

DB :  Le premier a été tourné. Il s’agit de « Lumière Noire » de Karim Bensalah produit par Oualid Baha, Tact Production, en coproduction avec Les films du Bilboquet. Le film est en post production après avoir reçu le premier prix de Final Cut à Venise. Il sera distribué par Jour de Fête en France, et à l’international par The party film sales.

Le second, « Sirocco or the Pilarica adventure », en tournage, est le film de Yassine Marco Marroccu produit par Eclipse film au Maroc, en coproduction avec Mirage Film en Hongrie.

SS : Cela veut-dire qu’il n’y a pas que des pays de la Méditerranée qui participent à la production.

DB : Oui. Ce film a su trouver des financements hors le pays d’origine du film, le Maroc. C’est le premier film produit dans le cadre de l’accord de coproduction signé entre le Maroc et la Hongrie, ce qui a permis l’accès aux financements hongrois. La plus grosse partie du tournage se passe au Maroc. Mais une partie se passe en Europe, tournée en Hongrie, grâce à la coproduction hongroise.

Les comités de sélection

SS : Est-ce que les comités de sélection pour les différents Labs d’écriture Meditalents et pour le Forum des coproductions sont les mêmes ?

DB : Ce ne sont jamais les mêmes.  Pour le Forum de coproduction par exemple, le jury de sélection était composé de Marianne Dumoulin (JBA Productions, France), de Francesca Duca (Le moindre geste production, Maroc/Italie), Lara Abou Saifan (Productrice libanaise), Marion Berger (Programmatrice du FCAT, Espagne) ainsi que de Nella Banfi et Jean-Christophe Victor pour Meditalents. Pour la sélection du Lab documentaire, le jury de sélection était composé de Reda Benjelloun (Directeur des documenaires sur TV2M, Maroc), Clothilde Bunod (La Société du Sensible, Marseille), Sylvain Meyer (Impala Production, France), et également de Nella Banfi et Jean-Christophe Victor pour Meditalents. Ce sont plutôt des producteurs, comme vous le voyez. Les réalisateurs et les scénaristes sont moins enclins que les producteurs à participer à des jurys de sélection.

SS : Et qui sont les intervenants des ateliers de Meditalents ?

DB : Des scénaristes, des réalisateurs ou des réalisateurs-scénaristes. Ils doivent savoir écouter les cinéastes qu’on reçoit et se projeter dans leur univers avec empathie, sans projeter eux-mêmes ce qu’ils feraient si c’était leur sujet qu’ils devaient développer. C’est le plus gros challenge.  Très souvent on a en effet remarqué que certains avaient tendance à projeter le film qu’ils feraient. Il faut vraiment trouver des personnalités qui ont suffisamment de retrait intérieur pour pouvoir se projeter complètement dans le projet de l’auteur qu’ils ont en face d’eux afin de faire sortir l’essence de ce projet.

Le profil des intervenants

SS : Comment pouvez-vous savoir à l’avance que l’enseignant possède  ce profil ?

DB : C’est l’expérience, au fil des années, qui nous permet de les détecter. Et puis aussi on est en contact avec d’autres ateliers d’écriture et on échange entre nous.  Enfin il y aussi des intervenants pour Méditalents qui ont pu travailler avec tel ou tel autre intervenant sur d’autres ateliers d’écriture et qui nous indiquent qu’il fonctionne très bien, qu’il est à l’écoute des participants et, avec lequel, ils ont très bien travaillé ensemble.

SS : Pouvez-vous donner des exemples de lauréats du Forum de Coproduction en Méditerranée ou de Méditalents ?

DB : Le projet « La Nuit du verre d’eau » de Carlos Chahine, qui avait remporté le prix Région Sud à hauteur de 12 500€ lors du Forum de Coproduction en Méditerranée en 2020, a été tourné et a reçu le Prix du public Midi Libre, une dotation de 2 000€ attribuée par Midi Libre lors du 44ème Cinemed.https://fr.wikipedia.org/wiki/Festival_du_cinéma_méditerranéen_de_Montpellier

Le projet « Aisha can’t fly away anymore » de Morad Mostafa produit par Sawsan Yusuf (Bonanza Films), actuel résident du Lab Med 11, a reçu le premier prix dans le cadre de la Bourse d’aide au développement du 44ème Cinemed à savoir une bourse du CNC d’une valeur de 8 000 € ainsi que 2 500 € en prestations de services pour la post-production dotées par TITRAFILM.

Le projet « À la recherche de Woody », de Sara Shazli, produit par Marianne Khoury (Misr International), résidente du Lab Doc 2, a reçu le deuxième prix dans le cadre de la Bourse d’aide au développement du 44ème Cinemed, à savoir une bourse de 4 000 € dotée par la Région Occitanie et 5 000 € en prestations de service dans le cadre d’une post-production dotée par French Kiss studio et Saraband.

Le dernier Lab Sud

SS : Où en est Méditalents ?

DB : La session du Lab Sud a lieu cette année du 7 au 12 novembre à Marseille, au Couvent de la Compassion. Les 6 auteurs et autrices qui participent à la session sont accompagnés par les deux scénaristes intervenants Laurent Hébert et François Lunel sur l’écriture de leur premier ou deuxième long-métrage de fiction.

Laurent Hébert est auteur, notamment pour le cinéma, l’audiovisuel et le théâtre. Il a participé à la création d’une méthode d’écriture de groupe basée sur le « Creative writing » et les techniques « projectives ». Il a été aussi producteur, programmateur et distributeur de films.

François Lunel est réalisateur https://fr.wikipedia.org/wiki/François_Lunel).

La troisième et dernière session du Lab Doc se tiendra du 12 au 16 décembre au Couvent de la Compassion à Marseille. Les auteurs et autrices ont l’occasion de terminer l’écriture de leur premier ou deuxième long-métrage documentaire accompagnés par les scénaristes intervenantes :

Leila Kilani https://fr.wikipedia.org/wiki/Leïla_Kilani

et Shu Aiello https://fr.wikipedia.org/wiki/Shu_Aiello

Ils suivront également une formation au pitch dispensée par Claire Dixsaut https://www.focus-cinema.com/6559499/dans-le-bureau-de-claire-dixsaut/ et termineront la semaine par un pitch de leurs projets devant des professionnels du cinéma (producteur, diffuseurs, financeurs).

SS : Au dernier Forum des Coproduction auquel j’ai assisté il y  avait 11 projets.  Combien venaient de Méditalents ?

DB :  Il y en avait 4. C’est intéressant car ils ont été sélectionnés à l’unanimité par un jury composé majoritairement de professionnels indépendants de Meditalents.

SS : Le niveau semblait élevé puisque, si un projet a recueilli l’unanimité du jury, celui-ci n’a pu s’empêcher d’attribuer plusieurs prix, ce qui n’était pas prévu.

DB : Effectivement. Et on peut noter que le projet qui a eu le Grand Prix Région Sud -« After Dark », du réalisateur albanais Emerik Bequiri, produit par  le producteur français Olivier Berlement- vient de Méditalents. Il y avait beaucoup de bons projets. Emerik Bequiri, a eu un parcours exemplaire avec « After Dark ». Son Court Métrage « The Van », a été sélectionné à Cannes, où il y a reçu la Palme d’Or du Court Métrage, puis à CINEMED, où il a présenté son projet de Long Métrage dans le cadre du programme « Du court au long ». Il y a gagné le prix qui était la Résidence LabMed Meditalents qu’il a intégrée. Puis il a été sélectionné par la CINEFONDATION, à La Résidence et à l’ATELIER. Puis il a tourné un Court Métrage en Région Sud avec une aide régionale. Puis a été sélectionné au Forum de coproduction en Méditerranée où il gagne le Grand Prix Région Sud.

Les premiers contacts de coproduction

SS : Est-ce qu’au Forum les projets présentés par leur réalisateur et leur producteur ont trouvé des partenaires ?

DB : Il y en a eu 3 ou 4 qui ont trouvé des partenaires avec lesquels ils sont en discussion. Rien ne se signe sur place. Dans le cinéma les choses prennent du temps. Il faut noter, souvent, que pendant toute les phases de montage financier jusqu’au début du tournage, le scénario est modifié, parce que les investisseurs ont des remarques et des exigences.

SS : Vous en êtes où pour les prochains Lab d’écriture Méditalents ?

DB : Nous venons de recevoir les candidatures pour le Lab fiction Longs Métrages méditerranéens, le LabMed 2023. On est en train de former le jury de sélection qui sera composé de huit professionnels, dont un ou deux de Meditalents.

Je voudrais ajouter qu’ayant abandonné mes fonctions de Directeur de Meditalents pour devenir président de l’association, celle-ci a engagé Soukaina Sentissi pour en être sa déléguée Générale. Soukaina Sentissi avait auparavant collaboré à l’administration de l’association et à la mise en œuvre de ses programmes. Sa connaissance acquise de ce que nous sommes lui a permis de prendre rapidement la mesure de la tâche et a pu organiser avec maitrise le Forum de coproduction en Méditerranée.

Siritz.com : Comme définir Méditalents et le Forum des coproductions. https://siritz.com/editorial/foisonnement-de-projets-prometteurs/

Nella Banfi : Méditalents c’est un lieu d’expertise sur l’écriture : les labs sur la fiction et les labs sur le doc. Le Forum des coproductions semblait tout à fait complémentaire : d’abord avoir un bon scénario pour un producteur, ensuite trouver un coproducteur.

Siritz.com : En trois ans avez-vous constaté une évolution ?

NB : En trois ans c’est difficile à dire. Mais je pense que, de plus en plus on va vers l’excellence. On le voit avec les projets de cette année. On a de vrais critères de sélection. Il se trouve que Didier et moi savons lire. Et puis c’est un vrai bonheur pour nous.

Siritz.com : Est-ce que la Méditerranée a une véritable identité culturelle ?

NB : La Méditerranée c’est un territoire, un territoire à part, qui est fédéré par ce truc bleu qui est au milieu, un dénominateur commun qui apporte une forme de lumière, un mode de vie. Ca fédère sans même qu’on en parle. Naturellement.

Siritz.com : Y-at-il un cinéma de la Méditerranée ?

NB : Oui. Sur la lumière, le choix de sujets, une forme d’humanisme. Mais ça n’est pas explicite. C’est comme ça.

Siritz.com : Ce qui est frappant sur les projets de cette année c’est qu’ils sont à la fois très ancrés sur la culture de leur pays et très universels.

NB : Quand on fait une sélection, on la fait d’abord sur la qualité du texte, puis, après, on essaye de faire des équilibres géopolitiques.

Siritz.com : Ce qui est également notable c’est que les budgets sont très très bas comparés à ceux d’un pays comme la France.

NB : La Méditerranée est pauvre. Les salaires sont très bas. Même le sud de l’Europe. Mais elle est inventive. Et ce ne sont pas des films au rabais. Toute la jeune génération est une génération du digital et elle est capable de faire des choses de grande qualité avec de petits budgets.

Siritz.com : Est-ce que le Forum est une caisse de résonnance qui touche des producteurs qui n’y viennent pas, par le bouche-à-oreille ?

NB : Tout à fait. Désormais il y a un tam-tam qui part d’ici. D’autant plus que le cinéma c’est un tout petit milieu. Dans les labs nous considérons que tous les gens qui sont là sont nos ambassadeurs. Maintenant Méditalents a 10 ans, c’est un véritable réseau et on lui envoie toutes nos infos. Notre crédo et mon expérience en tant que productrice est que tout est toujours possible. Là où il y a un problème il y a une solution.