Le monde, à commencer par le monde de la culture, de l’audiovisuel et du cinéma, est en train de changer à la vitesse grand V. Une vitesse qui ne fait que n’accélérer et bouleverser tous les modèles économiques. De nombreux créateurs s’en rendent compte et à juste titre, veulent agir.
Ainsi, la semaine dernière, 206 réalisatrices, réalisateurs et scénaristes ont signé une lettre ouverte pour encourager la création d’une plate-forme dédiée aux œuvres de télévision. Ils rappellent que depuis 2016 un accord interprofessionnel à été instauré pour obliger les producteurs à fournir leurs meilleurs efforts pour favoriser les diffusion de ces milliers d’oeuvre. Mais ils regrettent que les moyens matériels pour remplir cette obligation aujourd’hui.
La leçon de Kaizen
Ce n’est pas tout à fait exact parce que L’INA a créé le site Madelen qui permet de regarder gratuitement 7 366 contenus, dont 1048 fictions et 298 épisodes de fiction. Ces diffusions sont financées par un abonnement de 2,99€ par mois. Mais elles sont consultables surtout sur ordinateur, tablette ou téléphone et quelques téléviseurs Samsung. Et il ne s’agit que d’œuvres dont l’INA a hérité des droits.
Bien évidemment, ces chiffres sont dérisoires comparés à ceux de Youtube qui est, du point de vue de la diffusion, de loin, la première chaîne en France et dans le monde (un milliard d’heures vidéos diffusées par jour dans le monde). Les programmes « vus » sont financés par de la publicité : en moyenne 18 € par 1 000 « vus », dont 68 % sont reversės au producteur ou à la chaîne. Ainsi ces derniers reçoivent entre 3 et 5 € pour 1000 « vus ». Rappelez-vous que le documentaire Kaizen a réalisé 22 millions de vus sur You tube. https://siritz.com/editorial/les-lecons-du-triomphe-de-kaizen/Donc le producteur de Kaizen a reçu entre 66 000 € et 110 000 € de Youtube.
Or, 2 jours avant le démarrage sur Youtube, il avait ėté organisé 800 séances payantes dans des salles de cinéma française, car voir l’ascension de l’Everest sur un grand écran au cinéma, même en payant, est autre chose que le voir même gratuitement chez soi sur son ordinateur ou téléviseur. Et ces séances avaient générées 310 000 entrées. Au prix moyen du billet, le distributeur avait donc dû facturer aux salles de cinéma aux alentours d’un millions d’entrées…
Les enjeux de l’avenir
On voit que les médias traditionnels (cinéma et télévision) offrent encore des rentabilités sans commune mesure avec internet.Mais, compte tenu de la puissance de Youtube, il est certain qu’il sera très bientôt possible de regarder la plateforme sur tous les téléviseurs. Ce sera évidemment une énorme concurrence pour les chaînes. Mais aussi la possibilité pour les producteurs de diffuser directement leur production ou d’utiliser Youtube et les réseaux sociaux pour la promotion de leurs œuvres auprès des média traditionnels que sont la télévision et le cinéma. La qualification de chaîne TNT perdra de sa signification puisque n’importe qui pourra accéder à votre écran de télévision. L’Arcom va devoir élargir sa réglementation à tous les diffuseurs qui accèdent à votre téléviseur et le CNC leur ėtendre la taxe sur les services de télévision, actuellement payée seulement par les chaînes.
Les auteurs de fiction de télévision ont donc bien perçu en quoi ces enjeux sont en train de bouleverser le secteur audiovisuel. Mais les européens sont loin de posséder des plateformes qui soient autre chose que des nains par rapport au géants américains.