Le monde du cinéma a tout lieu de se satisfaire de la fréquentation de cet été. https://siritz.com/editorial/cinema-les-phenomenes-de-cet-ete/ Bien entendu, la grève des comédiens et des scénaristes américains augure mal de 2024 et 2025. Il y aura pénurie de blockbusters hollywoodiens, comme en 2021. Avec une double conséquence : la baisse de la fréquentation globale, mais aussi la baisse du soutien financier au cinéma français. https://siritz.com/editorial/coups-durs-pour-la-frequentation/Or, cette fois-ci, compte tenu de la situation des finances publiques, il y a peu de chances que l’État comble le trou.
À cette double certitude s’ajoute une autre menace que les professionnels du cinéma auraient intérêt à prendre au sérieux. En effet, depuis quelques temps, dans le monde politique, commence à se faire entendre une petite musique contre ce qui serait le sur-financement du cinéma français. La profession reste encore sur sa dernière conquête : l’apport des plateformes de S-Vod s’ajoutant à celui des chaînes. Mais le vent commence à souffler dans l’autre sens.
Il y d’abord le rapport du Sénateur Karoutchi qui prône la réduction des avantages fiscaux aux soficas et du crédit d’impôt. https://www.senat.fr/salle-de-presse/communiques-de-presse/presse/17-05-2023/itineraire-dun-art-gate-le-financement-public-du-cinema.html
Il y a ensuite la décision de Laurent Wauqiez (Parti Républicain), le président de la région Auvergne-Rhône Alpes, de réduire de moitié la subvention au festival de Clermont-Ferrand, le plus prestigieux des festivals mondiaux du court métrage. Certes, la ville a un maire socialiste, mais, jusqu’à présent, aucun responsable aux ambitions nationales n’avait l’idée de s’attaquer au cinéma. https://www.liberation.fr/idees-et-debats/tribunes/le-festival-du-court-metrage-de-clermont-ferrand-mis-en-danger-par-laurent-wauquiez-20230516_KMTKXLZCXFF4FIICAX3YW6A2YM/
Enfin, dans une communication sur Linkedin, l’avocat Denis Goulette cite un rapport conjoint de l’Inspection générale des finances et de l’inspection des Affaires Culturelles qui dévoile des taux de marge impressionnants dans l’audiovisuel et le cinéma, largement supérieurs à ceux observés dans d’autres secteurs culturels et dans le reste de l’économie. C’est dire que la loupe est pointée.
Or, nul n’est besoin d’être prophète pour prévoir que, dans les années à venir, avec son taux d’endettement considérable et son taux de prélèvements obligatoires records et croissant, l’État va chercher désespérément des sources d’économie.
Dans cette perspective le monde du cinéma doit impérativement bâtir une communication de défense. Elle doit évidement reposer sur l’exception culturelle, en rappelant que l’ultra-libérale Union économique Européenne l’a acceptée. L’Europe repose sur l’économie de marché grâce à laquelle la ou les plus performantes des entreprises l’emportent sur les autres, et ce, au bénéfice du consommateur. Pour que cette économie fonctionne, les États ne peuvent fausser ce mécanisme par des soutiens aux moins performants. Néanmoins, ils doivent empêcher les plus performants d’abuser de la position dominantes qu’ils auraient ainsi acquise.
Mais la France a réussi à faire accepter par tous ses partenaires que cette interdiction de l’intervention de l’État ne s’applique pas à la culture. Elle leur a fait reconnaître que la culture n’est pas un bien ou un service comme un autre. Tout d’abord, parce que la diversité des cultures est une richesse en soi. D’autre part et surtout parce que la culture et l’identité culturelle sont indispensables au lien social. Et, aujourd’hui, à l’heure où le mobile, les réseaux sociaux et le télétravail vont isoler les individus dans leur bulle, à l’heure de la montée de la violence, le cinéma en salle, parce qu’il est le plus populaire des loisirs culturels collectifs est indispensable au maintien de ce lien social.
Dans cette optique la France a mis en place des mécanismes pour avoir une production nationale, exprimant son identité et qui, fait unique en Europe, rassemble 40% des spectateurs. Et elle a fait en sorte que la moindre petite ville, et même des villages, aient un cinéma où les habitants se croisent et partagent leurs émotions. Et nul part en Europe autant de citoyens s’y côtoient.
Il faut donc que la profession trouve au plus vite un axe de communication pour faire comprendre cette dimension à tous les responsables politiques.