Comme on l’avait espéré la fréquentation des salles de cinéma en France, mais aussi dans d’autres pays, comme le Royaume uni, a retrouvé son niveau d’avant le Covid. Les résultats de l’été, malgré la canicule, se sont révélés exceptionnels, ce qui fait que le cumul de l’année n’est désormais que 9,5% en-dessous de celui de 2019 qui avait terminé au niveau record de 213 millions d’entrées.
C’est évidemment dû au phénomène « Barbeinhamer » qui confirme que le cinéma reste un loisir collectif des plus populaires, notamment quand il n’oublie pas qu’il est aussi un art et que les réalisateurs sont des auteurs. https://siritz.com/editorial/oppenheimer-nouveau-graal-du-cinema/.une
Mais, cet été, un film français a, lui aussi permis de confirmer cette constatation. Il s’agit de « Yannick » le 12ème film de Quentin Dupieux, un réalisateur qui est aussi célèbre par sa musique électronique. https://fr.wikipedia.org/wiki/Quentin_Dupieux
Il n’a pas rassemblé comme les deux blockbusters américains des millions de spectateurs. Mais il illustre à quel point la force du cinéma français est dans sa diversité.
Cinéfinances.info* a fourni les données financières de cet article.
Car « Yannick », dont le budget de 925 000 € est parmi les 10% les moins élevées des fictions françaises sorties depuis le début de l’année. Il a été tourné en 6 jours ce qui est exceptionnellement rapide, même pour ce niveau de budget. En outre, il ne dure que 67 minutes, ce qui est à peine plus que les 60 minutes de durée maximale des courts métrages. Et pourtant, les salles affichent le même tarif que pour leurs autres films. Or, il est parti pour quelques 350 000 entrées.
C’est qu’il repose sur une véritable idée de créateur, à laquelle tout spectateur du film peut s’identifier. Dans « La rose pourpre du Caire » Woody Allen faisait sortir de l’écran le personnage du film pour rejoindre dans la salle une spectatrice et vivre avec elle dans la vraie vie. Ici Quentin Dupieux, au milieu d’une mauvaise pièce de théâtre, comme il nous est arrivé d’en voir, fait se lever et objecter un spectateur qui n’en peut plus. Il monte sur scène et impose progressivement des changements à la pièce.Chacun d’entre nous qui a souvent envie de refuser de se voir imposer sans réagir le monde tel qu’il est peut s’identifier à lui.
Le distributeur Diaphana n’a pas donné le moindre minimum garanti. Mais il va recevoir, rien qu’en soutien automatique à la distribution, ce qui devrait en grande partie couvrir les frais d’édition pour une sortie dans 300 salles. Et, sur un minimum de 1 000 000 € de recette distributeur, sa commission devrait se situer autour de 200 000 €.
Les producteurs -Atelier de Production (Thomas et Mathieu Verhaegue) et Chi-Fou-Mi Productions(Nicolas Dumont)- ont financé le film sans le moindre apport extérieur, ce qui, là encore, est exceptionnel pour une fiction. Compte tenu du crédit d’impôt leur apport effectif est de l’ordre de 700 000 €.
Or, rien qu’en soutien automatique ils devraient recevoir plus de 300 000 €. Déduction faite de sa commission et des frais d’édition, le distributeur devrait pouvoir leur verser de l’ordre de 400 000 à 500 000 €. Ils seront donc très bénéficiaires. En outre ils conservent tous les droits, en dehors de la distribution salle. Compte tenu de son succès le film sera sans doute acheté par une chaîne payante Premium, une chaîne cinéma et une chaîne en clair, ce qui rendra le film encore plus bénéficiaire pour ses producteurs. Peut-être sera-t-il même exporté. Et pourquoi le remake n’intéresserait-il pas les États-Unis ?
Enfin, compte tenu de ce succès, il est probable que le réalisateur recevra des droits d’auteur complémentaires proportionnels aux résultats du film, supplémentaires à sa rémunération fixe limitée à 10 000 €.
Bien entendu la sortie à succès, en plein été, de la Palme d’or du dernier Festival de Cannes est une autre illustration de la santé du cinéma français. Nous en parlerons demain.
*www.Cinefinances.info est un site, accessible par abonnement, destiné aux professionnels du cinéma. Il publie budget, le plan de financement et la répartition des recettes prévisionnels de tous les films français qui sortent (hors les films « sauvages » qui ne déposent pas leurs contrats au registre public et ne demandent donc pas l’agrément qui leur permettrait d’accéder à l’aide du CNC). Il s’agit des chiffres de l’agrément d’investissement sur la base duquel le producteur a monté son financement. Il dispose d’archives des films sortis depuis 2010 et d’un puissant moteur de recherche, avec de multiples critères.