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Nos démocraties sont entrées dans une ère où l’incompétence économique peut-être un atout pour leurs élus et et même, parfois, de leurs dirigeants. Et la France n’en est pas à l’abri. Ainsi, le 7 mai, un communiqué du SNPCT * a attiré l’attention sur un amendement mis au vote des députés le 7 avril dernier, lors de l’examen du « projet de loi sur la simplification  de la vie économique ». Certes, il est indispensable de rėduire le coût de fonctionnement de notre État et de nos services publics qui sont beaucoup plus élevés en France que chez nos voisins européens. Plus élevés en moyenne de 20%.

Mais 41 députés, principalement du Rassemblement national, mais aussi quelques uns du LR, ont voté pour cet amendement qui proposait rien moins que la suppression du CNC et du compte de soutien. Heureusement 88 députés ont voté contre. Mais un tiers des députés qui ont voté ce texte  sont persuadés que le CNC et le compte de soutien alourdissent le coût de fonctionnement de l’État. Alors que, comme on le sait, le compte de soutien est financé par une taxe supplémentaire à la tva-10,7% pour le cinéma et 5,5% pour la télévision- qui est reversée aux entreprises qui l’ont générée, mais uniquement pour financer de nouveaux investissements. Cet énorme incitation à constamment investir et innover explique que le marché du cinéma français est de loin le premier d’Europe et que notre production de films est de loin la première du continent. Elle   permet aussi à la France de posséder certains des principaux producteurs audiovisuels du monde. Le principe de ce mécanisme est si intelligent que nous avons suggérer de l’étendre à d’autres secteurs économiques pour relancer l’investissement et l’innovation dont la France à tant besoin. https://siritz.com/editorial/cinema-un-modele-dindustrialisation-reussie/

Ce compte de soutien est d’autant plus incitatif pour les producteurs français qu’il est plus important que la taxe qui leur est prélevée puisqu’il n’est pas reversé aux producteurs et distributeurs d’œuvres étrangères. Mais les majors américaines ne se sont pas plaintes de ce qu’elles pourraient considérer comme un droit de douane sur leurs productions, parce qu’elles constatent qu’il élargit le marché français, ce qui est tout à leur avantage. Et, lorsqu’elles produisent des œuvres françaises, elles en bénéficient elles aussi

Bien plus, rappelons aux 41 députés que, pour financer son énorme déficit de 2024, l’État n’a pas hésité à puiser 400 millions € dans la trésorerie du CNC. Une trésorerie qui s’explique en grande partie par le décalage qu’il y a entre le moment où la taxe est payée et le moment où l’entreprise encaisse son compte de soutien parce qu’elle a investi. Enfin, si le moteur que constitue le compte de soutien disparaissait, la production de films et découvres audiovisuelles françaises chuterait fortement, donc  l’emploi, que la tva et les cotisations sociales du secteur. Ce qui creuserait le déficit de l’Etat et de la sécurité sociale. Les responsables politiques qui supportent cet amendement pourraient alors  expérimenter en grandeur nature la théorie des dominos. En attendant, ce qui est certain c’est que la menace contre le compte de soutien et le CNC est dans l’air. La profession se doit d’éduquer les incompétents . Car l’exemple américain démontre que les idées les plus stupides sont souvent les plus attractives.

*syndicat national des techniciens de la production cinématographique et des la télévision (le principal syndicat de techniciens)

Les exceptionnelles performances du cinéma français en 2024 sont évidemment encourageantes pour les professionnels français de ce secteur. Elles devraient l’être aussi pour les responsables politiques français et européens qui sont pétrifiés de découvrir que nous vivons dans un monde où domine la loi du plus fort et que l’Europe, divisée par nature, ne fait pas partie des plus forts. Bien plus elle est très en retard, sinon absente, en matière des technologies et des industries qui constituent une part croissante de l’économie mondiale.
Tout d’abord le succès de notre cinéma est impressionnant. Ainsi, alors que la fréquentation des salles a reculé partout en Europe, et dans la plupart des pays du monde, à commencer par les États-Unis, elle a augmenté en France. Et cette augmentation est uniquement due à la progression des films français qui dominent nettement les films américains. https://siritz.com/editorial/seuls-les-films-qui-paraissent-exceptionnels/

Ce succès est d’ailleurs reconnu internationalement, comme le confirme le triomphe aux Golden globes « Emilia Perez », mais aussi de la coproduction franco-lettonne « Flow, le chat qui n’avait plus peur de l’eau ». On peut y ajouter les deux articles dithyrambiques que le New-Times a consacré â« Emilia Perez » et au « Comte de Monte-Cristo » qui estimait que ces films français sont à la hauteur des meilleurs films américains.
Certes, aux États-Unis, le box-office des films français reste Picrocholin. Car il se heurte au plafond de la langue. Constatons que, quand celui-ci saute, le cinéma français peut triompher, même aux États-Unis. Pour preuve, le triomphe de « The Artist » aux Oscars : il n’y avait de barrière de la langue puisqu’il était muet. Tout comme pour le dessin animé « Flow, le chat qui n’avait plus peur de l’eau ». Il est vrai que ces succès sont des succès d’estime, pas des succès populaires, car le grand public ne se déplace pas pour voir des films muets. Mais pénétrer un marché par le haut de gamme est souvent une bonne méthode.

l’IA, une opportunité pour le cinéma français et européen

Et ceci nous ramène au défi technologique. Nous savons que, bientôt, l’intelligence artificielle permettra de doubler les films à l’aide de logiciels et de se passer de comédiens pour ce doublage. Cela supprimera de nombreux emplois, mais ce sera une économie pour les producteurs et les distributeurs internationaux, équivalente au remplacement de la pellicule par le numérique. L’ensemble du cinéma, y compris les comédiens, en a amplement bénéficié.
Mais l’intelligence artificielle pourra faire bien plus que doubler la voix. Elle pourra sans doute aussi adapter le mouvement des lèvres des comédiens dans chacune des langues. Elle réussit déjà à le faire avec des fake vidéos indétectables. Et si, comme le reconnait la presse américaine, les productions françaises peuvent-être du niveau des meilleures production de Hollywood, il n’y aura plus de barrière de la langue. En outre, , comme la France et les Européens ont une grande maîtrise des coproductions internationales, n’oublions pas que le marché de l’Union Européenne comporte 450 millions d’habitants contre seulement 320 millions aux États-Unis.
Il est donc clair que l’intérêt de la France et de l’Europe est d’être à la pointe dans la technologie du doublage par l’intelligence artificielle. Et que l’Europe et la France doivent se doter d’entreprises leaders dans ce secteur. Personne ne sait à quelle vitesse l’IA va évoluer ni jusqu’où. Mais il semble qu’elle aille toujours plus vite que prévu. Avis aux start up.

Les leçons du succès du cinéma français

En tout cas, comme nous l’avons dit, ce succès du cinéma européen, doit aussi être une leçon pour les responsables politiques européens. En effet, il est avant tout dû à une idée très simple qui a donné naissance à un mécanisme très efficace. Rappelons-nous qu’en 1946, par les accords Blum-Byrnes, les États-Unis ont imposé à la France, en contrepartie de ce qui allait devenir le Plan Marshall, de laisser passer  tous les films de cinéma américains, car les américain savaient qu’ils allaient être les propagateurs de l’American Way of Life. Le cinéma français risquait d’être balayé. Or les Français ont réagi avec audace. Ils ont créé le compte de soutien : une taxe additionnelle de 10,7% sur chaque billet vendu. Les producteurs et distributeurs français pouvaient récupérer plus que les taxes qu’ils avaient générées, mais uniquement s’ils réinvestissaient ces sommes dans de nouveaux films ou le développement de leurs salles. C’était l’assurance que jamais ils ne baisseraient les bras. Ce soutien financier est donc à la fois un droit de douane sur les films étrangers, avant-tout américains, et une épargne forcée qui incite les entreprise à constamment investir.
Notons que ce soutien bénéficie aux producteurs, mais aussi aux distributeurs et aux salles, qui sont des acteurs essentiels de l’économie du cinéma. Alors que les autres pays européens ne soutiennent que leurs producteurs, ce qui explique la faiblesse de leur cinéma.
Plus tard, France a complété ce système en instaurant une taxe équivalente, de 5,5%, sur les chaînes de Tv et les plateformes. Et elle a obligé les chaînes et les plateformes à investir une part minimale de leur chiffre d’affaires dans la la production de films et d’œuvres audiovisuels français. Grâce àui, inspirons-nous du cinéma ces deux mécanismes nous sommes le no 1 du cinéma en Europe et nos producteurs audiovisuels sont également les no 1 en Europe.

Faire preuve de la même audace avec les réseaux sociaux

Face au défi des réseaux sociaux la France doit prendre le taureau par les cornes et s’inspirer de l’audace qui a permis le succès de notre industrie du cinéma et de l’audiovisuel. Oui. Inspirons-nous du cinéma français

Le défi est capital, car le monde est entré dans une nouvelle ère. Aux deux siècles précédents, les grands magnats de l’industrie influençaient à la fois les dirigeants politiques par leur puissance financière et l’opinion publique en possédant des journaux ou des télévisions qui les informaient. Or, au XXIème si’or ècle, les plus grandes puissances financières du monde sont celles qui contrôlent les principales sources d’informations. Elles sont plus puissantes que les dirigeants politiques élus. Au point qu’elles sont en passe de faire sauter les règles qui, jusqu’ici, dans le monde capitaliste, entravaient les abus de position dominante et, dans les démocraties, celles qui rendaient les éditeurs d’information responsables des informations qu’ils propagent.
Pour contrer Musk, inspirons-nous de l’audace du compte de soutien qui a permis le succès du cinéma français. La réglementation européenne permet de sanctionner les géants du numérique s’ils ne respectent pas certaines règles. La France, qui pourrait s’allier avec d’autres États, devrait mettre en place un mécanisme qui les incité financièrement à le faire.

Jérôme Clément, qui a été directeur général du CNC et qui est l’un des fondateurs d’Arte, dans un message sur linkedin, attire l’attention sur un article paru dans Le Journal.info qui souligne que Charles de Courson, le rapporteur général de la Commission des finances de l’Assemblée Nationale, pour économiser les deniers de l’État, propose de ne plus subventionner les films qui n’ont pas de succès. Le député n’est pas plus précis. Mais il s’agit sans doute pour lui, au moins de ne pas permettre aux  producteurs et distributeurs de ces films de bénéficier du soutien automatique du CNC qu’ils ont généré, si ce n’est  d’obliger producteurs et distributeurs à rembourser tout ou partie de l’aide qu’ils ont investi dans ces films.

L’article compare avec humour cette proposition à l’oeuf de Christophe Colomb et imagine que c’est une commission parlementaire, dont ferait partie le rapporteur, qui déterminerait les films qui n’ont pas de succès.

Le rapporteur général de la Commission des finances de l’Assemblée nationale est compétent en matière de finances publiques. Ainsi, dès sa présentation, il avait dénoncé à quel point le projet de budget de l’État pour 2024 était insincère, et, même, de quel ordre de grandeur. Mais, à l’évidence, il ne connaît rien à l’économie du cinéma. C’est d’ailleurs peut-être une des principales causes de la situation catastrophique des finances publiques et de la dégradation constante des services publiques de notre pays : nos dirigeants politiques gèrent notre État comme des comptables, sans aucune prise en compte des réalités économiques.

Ainsi, rappelons à notre rapporteur que, en ce qui concerne le cinéma, le soutien financier n’est pas une subvention de l’État, puisqu’il est financé par une taxe payée par les spectateurs en plus de la TVA. De plus, les entreprises de production, de distribution et d’exploitation ne peuvent en bénéficier que s’ils l’investissent. C’est un mécanisme qui donc les oblige  à investir en permanence. Tout le contraire de notre État qui emprunte pour payer ses dépenses de fonctionnement.

Et si le cinéma français est, de très loin, le premier d’Europe, c’est que le soutien bénéficie également aux exploitants, ce qui nous permet d’avoir le meilleur parc de salle d’Europe. Car le cinéma se voit dans une salle de cinéma. Alors que les États des autres pays européens soutiennent essentiellement leur production de films. Le seul défaut de notre soutien c’est qu’au-delà d’un million, les d’entrées d’un film français ne génèrent pas de soutien automatique. Ces films payent donc la taxe additionnelle mais n’en bénéficient pas. Comme pour un film américain. Est-ce parce que l’augmentation du nombre de films est une priorité ou parce que le succès est mal vu ? à moins que ce soit par une totale méconnaissance du rôle du distributeur.

Bien entendu, en France, on produit et on distribue « trop » de films. Mais c’est l’essence même de l’économie de marché. Combien de nouveaux produits ou de nouveaux services sont lancés chaque année qui sont des échecs, combien de recherches n’aboutissent pas. Dans les économies communistes ces « gaspillages » ne sont pas possibles. Mais, étonnamment, leurs productions sont systématiquement insuffisantes. Quand les communistes chinois ont compris les avantages de l’économie de marché et l’ont adopté, la Chine a décollé.