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LE CINÉMA POURRAIT PERDRE PLUS QU’IL NE GAGNE

Les discussions entre la profession du cinéma et les plateformes de S-Vod sur les règles du jeu qui leurs seront appliquées vont probablement déclencher un processus de modification de l’ensemble de l’écosystème du cinéma.

Tout d’abord, il est à noter que ces plateformes n’étaient pas demanderesses de l’obligation d’investir dans le cinéma, c’est-à-dire dans des films qui sortent au préalable dans des salles de cinéma. En revanche, comme on le sait, elles investissent spontanément dans des films qui sortent en exclusivité chez elles. https://siritz.com/financine/razzia-de-netflix-sur-les-films-de-cinema/

Par ailleurs, il est à noter que, pour la première fois, la proposition de René Bonnell de fusionner les obligations d’un diffuseur est retenue puisque les plateformes doivent investir dans les oeuvres audiovisuelles 20% de leur chiffre d’affaire, dont 20% pour le films de cinéma. https://siritz.com/le-carrefour/rene-bonnell-sur-leconomie-du-cinema-francais/ Des chaînes françaises ont désormais des raisons de demander que de même régler leur soient appliquées, en profitant pour réduire le pourcentage à investir dans les films, tout en conservant leur obligation d’investissement globale, puisqu’elles veulent augmenter leurs investissements dans les séries.

En second lieu, la fenêtre de 12 mois dans la chronologie des médias qui leur est proposée est une pierre dans le jardin de Canal+ qui se situe à 8 mois, mais qui est « la » chaîne du cinéma et la principale source de financement de notre production nationale. 4 mois d’écart c’est bien peu pour un diffuseur qui investit 12,5% de son chiffre d’affaires dans le cinéma par rapport à un autre qui n’en investi que 4%.

Canal menace d’abandonner son statut de chaîne pour ne devenir que plateforme, avec, donc, une obligation d’investir dans les films de cinéma qui passerait de 12,5% à 4% de son chiffre d’affaires. Mais elle perdrait alors son identité fondamentale qui est d’être le diffuseur prioritaire des films de cinéma. En outre, ses charges passeraient alors de 25% à investir dans les programmes, 5,5% de taxe au compte de soutien plus 10% de TVA, soit 40,5%, à 20% à investir dans les programmes, 5,5% de taxe au compte de soutien et 20% de TVA, soit 45,5%.

Elle économiserait certes le coût de la diffusion hertzienne, mais devrait trouver le moyen de transférer ces abonnés sur un autre média. Cette réaction est donc peu probable. Néanmoins Vincent Bolloré a démontré, avec le football, qu’il n’hésitait pas à renverser la table si on l’y oblige.

En tous cas, même avec une fenêtre reculée par exemple à 14 mois les plateformes pourraient surpayer une poignée de films à gros potentiel commercial en apportant un peu plus de ce que Canal+ aurait investi pour sa fenêtre, et donc, en soustrayant entièrement ces films à celle-ci. Si la chaîne française perdait ainsi 5 à 10 parmi les plus gros films de l’année, cela pourrait lui être très préjudiciable. C’est pourquoi certains professionnels du cinéma tentent également d’imposer aux plateformes de répartir leurs investissements entre petits, moyens et gros films.  Comme cela est le cas pour les autres chaînes et pour assurer la diversité de la production française.

Problème de survie pour Ciné Cinéma et OCS

Enfin, la création d’une fenêtre pour les plateformes entre les 8 mois de Canal+ et les 22 mois des grandes chaînes en clair coproductrices pose un problème de survie à Ciné Cinéma. Dans de nombreux films, celle-ci, qui fait partie du bouquet de chaînes appartenant à Multithématiques, filiale de Canal+, achète une seconde fenêtre payante, après Canal+ et avant les chaînes en clair. Concurrencée par trois plateformes elle risque de voir beaucoup de films lui échapper. Et de disparaître.

Il en est de même d’ OCS qui prend quelques premières fenêtres de chaînes à péage, mais aussi des secondes fenêtres, derrière Canal+. D’autant que le contrat entre OCS et HBO, qui comprend, entre autres, la série « Game of Thrones », arrive bientôt à échéance. Or, en 2022, HBO Max, la plateforme de Warner, arrive à son tour en France et voudra probablement se réserver les meilleurs contenus. OCS est donc également menacée.

Il n’est donc pas certain que, en fin de compte, le cinéma ne perde pas  d’un côté ce qu’il croit gagner de l’autre.

En outre, certains professionnels souhaitent que le compte de soutien généré par les plateformes ne puisse servir aux réinvestissements dans les programmes français commandés par ces plateformes.

Attention à Washington

Objectivement cela ne semble pas équitable. Cette taxe est à la fois une épargne forcée pour les producteurs et,  déjà, un droit de douane sur les films étrangers puisqu’elle n’est reversée qu’aux producteurs de films français. Mais si elle devenait aussi un droit de douane sur les plateformes cela pourrait justifier que Washington s’intéresse au dossier.

Car attention : il se trouve que ces plateformes, comme Hollywood en général, sont proches des démocrates. Il ne faudrait pas tellement tirer sur la corde que Washington se sente obligé de prendre des mesures de rétorsion.

Sur les films sortis depuis le début de l’année

Le groupe Canal+ (Canal+ et Multithématique) est la principale source de financement de la production français de films de cinéma.Compte tenu de l’arrivée des GAFA comme source de financement supplémentaire à partir de janvier et de l’enjeu de la chronologie des médias, il est important de faire le point sur les apports du groupe Canal+. Les chiffres de cette articles portent sur 7 mois d’exploitation.

Cinéfinances.info*  a fourni les données financières de cet article.

Sur les films sortis depuis le début de l’année, l’apport cumulé du groupe est proche de 100 millions €. Cela représente 17% du devis total des films en question. Voir les chiffres de mai https://siritz.com/les-barometres-de-la-distribution/combien-canal-et-multithematiques-achetent-conjointement-les-films-cinefinances-info-fournit-achats-en-pourcentage-du-devis/

Le film qui a bénéficié du plus fort apport est aussi celui dont le budget est le plus élevé : « Le Prince oublié », dont le budget était de 24,9 millions €, a bénéficié d’un apport de 3,5 millions € de Canal+ et de 500 000 € de Multithématiques, soit un total de 4 millions €. Soit un apport de 16% du budget, légèrement en dessous de la moyenne. Il a été réalisé par Michel Hazanavicius et produit par Prélude.

L’apport moyen est de 988 000 €. Cela correspond à l’apport pour le financement du dessin animé « Sam Sam », dont le budget est de 8 millions €. L’apport est donc de 12% du budget. Il a été réalisé par Tanguy de Kerme et produit par Folivari.

Un apport qui correspond à l’apport moyen du groupe Canal+

https://fr.wikipedia.org/wiki/SamSam

L’apport médian est de 932 000 €. C’est le cas du film « Un vrai homme », réalisé par Benjamin Parent et produit par Delante productions. L’apport est de 31% du budget.

En pourcentage du budget l’apport le plus important est celui pour « Effacer l’historique ». Il est de 42%. Le film a été réalisé par Benoît Delepine et produit par No Money Productions pour 5 millions €.

*www.Cinefinances.info est un site, accessible par abonnement,  destiné aux professionnels du cinéma.  Il publie le budget, le plan de financement et la répartition des recettes de tous les films français qui sortent (hors les films « sauvages » qui ne déposent pas leurs contrats au registre public et ne demandent donc pas l’agrément qui leur permettrait d’accéder à l’aide du CNC). Il dispose d’un puissant moteur de recherche multicritères et de 10 ans d’archives.

La chaîne a pré-acheté un tiers des films français sortis en 2019

Canal+ est la chaîne qui préachète le plus grand nombre de films. Ainsi,  93 films français sortis en 2019, soit environ le tiers,  l’avaient été par la chaîne à péage. Il s’agit donc d’une large palette d’œuvres, destinée à satisfaire l’ensemble de ses abonnés, mais aussi de lui permettre de respecter ses obligations d’investissement.

Si on cherche à savoir combien Canal+ pré-achète les films français, les plans de financement publiés par Cinéfinances.info *, montrent que chaque film est évidemment un cas particulier. Mais il est tout de même possible de dégager de grandes tendances. Notamment, le pourcentage du devis financé par la chaîne est un critère significatif  que Cinéfinances.info met en avant dans ses classements des apports des chaînes.

Le pourcentage le plus élevé concerne  « Intervention », réalisé par Fred Grivois. C’est  un film d’action sur la libération d’un bus d’enfants pris en otage près de Djibouti par des terroristes . Produit par Capture the Flag Films (Raphaël Rocher) pour une budget de 4,7 millions €.

Le film n’a réalisé que 65 000 entrées

https://fr.wikipedia.org/wiki/L%27Intervention

Ce n’est pas le montant d’achat le plus élevé de la chaîne en 2019, ni d’ailleurs le plus élevé par une chaînes à péage.https://siritz.com/les-barometres-de-la-distribution/ocs-au-top-des-prefinancements-de-films-en-2019/

Mais la moyenne des interventions est de 19,7% et les interventions médianes de 17,7%  Enfin, pour « Never grow old », dont le budget est de 6 millions €, l’achat n’est que de 2,5%. Mais il s’agit d’une coproduction avec l’Irlande et la Belgique et la part française n’est que de 10%. De ce fait, l’achat pour les droits de diffusion en France est de 25% du financement français.

Très souvent les apports de Canal+ sont complétés par ceux de sa filiale Multithématiques dont les chaînes diffusent les films dans des fenêtres ultérieures.

www.Cinefinances.info est un site, accessible par abonnement,  destiné aux professionnels du cinéma.  Il publie le budget, le plan de financement et la répartition des recettes de tous les films français qui sortent (hors les films « sauvages » qui ne déposent pas leurs contrats au registre public et ne demandent donc pas l’agrément qui leur permettrait d’accéder à l’aide du CNC). Il dispose d’un puissant moteur de recherche multicritères et de 10 ans d’archives.