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L'édito de Serge
Serge Siritzki

TROP DE FILMS-TROP DE SALLES

Par Serge Siritzky

Si, contrairement à ce qu’affirmait Justine Triet le gouvernement n’a aucune intention de modifier en quoi que ce soit l’éco-système du cinéma français qui marche si bien https://siritz.com/editorial/cinema-une-exception-culturelle-pperformante/, au sein de la profession on entend constamment la complainte : « il y a trop de films ».

Car, effectivement, il y a 750 films qui sortent par an, dont 35% de français. Soit 15 par semaine, dont environ 5 de Français.  Mais il y a des semaines à moins de 10 films et d’autres à plus de 20.

A titre d’exemple, cette semaine, le mois de juin étant une période creuse, viennent de sortir 10 films dont 6 français. La semaine prochaine sortiront 13 films dont 4 français.

QUEL DÉCHET

Dans le meilleur des cas trois ou quatre d’entre eux réussissent à attirer l’attention du public ou d’une partie de celui-ci. Les médias (critiques de la presse écrite et les radio, émissions de plateau) ont une place limitée à leur consacrer. Et quand il leur consacre ce n’est pas toujours dans un sens favorable. Le public français  peut aussi être attiré par une bande-annonce ou une affiche. Les réseaux sociaux doivent jouer un rôle croissant. Mais, en tout état de cause, seuls trois ou quatre films vont percer et réaliser un nombre d’entrées conséquent.

Quel déchet ! Mais c’est la même chose pour le livre : à la rentrée prochaine vont sortir 700 livres et la très grande majorité rencontreront l’échec. C’est également la même chose avec le théâtre et de la musique.

Mais c’est la nature de ces industries culturelles d’être des industries de prototypes. En matière de recherche aussi il y a, par nature, beaucoup de déchets. C’est d’ailleurs en partie parce qu’elle y investit et, donc, y « gâche », un pourcentage plus faible de son PIB (2% au lieu de 3 à 5% pour ses principaux concurrents) que la France s’est sous-industrialisée.

Le nombre de films, comme tout notre écosystème, permet une diversité de l’offre et des acteurs,  ainsi que leur constant renouvellement.

FAIRE ENTRER UN PIED 40 DANS UNE CHAUSSURE 38

En outre, notre écosystème vise à ce que tous les films qui ont été produits aient leurs chances en empêchant les établissements de consacrer plus d’un certain nombre d’écrans à un même film, aussi porteur soit-il,  pour les obliger â élargir leur offre. Mais cela n’empêche pas deux multiplexes côte â côte à diffuser le même film. Et les salles Art et Essai qui ont un soutien spécial, parce que leur vocation est de soutenir la diversité et la recherche, on le droit, parce qu’on ne peut les condamner à ne présenter que des films refusés ailleurs, de proposer aussi des films dont tout exploitant sait avant qu’ils ne sortent qu’ils vont être des succès commerciaux. Et, comme ces règles reviennent souvent à faire entrer un pied 40 dans une chaussure 38, a été mis en place une irremplaçable organisation de médiation. Mais, par nature, elle n’a pas de pouvoir.

Donc aucune mesure ne sera prise pour réduire le nombre de films, la diversité et le renouvellement de l’offre, ni l’accès, du moins potentiellement,  de cette diversité et de ce renouvellement au public le plus large.

A noter que l’on commence aussi à parler d’un surnombre de salles. En effet, le nombre d’établissements et d’écrans ne cesse de croître fortement, alors que la fréquentation reviendra sans doute à son niveau d’avant Covid, mais certainement pas très au-delà. Donc, plus de salles vont se partager la même recette. Mais il faut dire que le compte de soutien automatique du CNC est une épargne forcée qui condamne à l’investissement. Et c’est là son génie. Tandis que le compte de soutien sélectif doit permettre de couvrir le territoire en profondeur. Peut-être que l’on pourrait s’en inspirer pour les déserts médicaux.

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