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L'édito de Serge
Serge Siritzki

RÉFLÉCHIR À L’ÉVOLUTION DU PUBLIC DU CINÉMA

Par Serge Siritzky

Depuis le début de l’année la fréquentation des salles de cinéma en France est particulièrement décevante. Bien entendu nous savons que le cinéma est un média d’offre et qu’il suffit, comme on l’a vu l’année dernière, de quelques films pour retourner la situation. Mais cela ne doit pas empêcher de réfléchir à l’évolution du média.

Il est en effet clair que, depuis la crise du Covid, le public a profondément évolué. Ainsi, désormais, il ne se déplace pour aller au cinéma que pour voir un film qui, selon lui, « en vaut la peine ». Ainsi, l’année dernière, sur quelques 750 films diffusés, 5 films ont rassemblé à eux seuls près du quart des spectateurs.
Un autre chiffre mérite une attention toute particulière. Mercredi dernier, 13 nouveaux films sont sortis. Le nombre de salles dans lesquels ils étaient présentés allait de 3 pour « L’âge imminent » à 483 pour « On ira ». Et le nombre d’entrées par salle dans cette journée allait de 6 à 55 ! Un maximum de 55 entrées pour 5 séances, soit une moyenne de 11 entrées par séance !
Ou bien une moyenne de 26 entrées par salle, soit 5 entrées par séance.
Or le cinéma en salle est un spectacle conçu pour qu’on y assiste en collectivité. Il est évident que l’on n’a n’a pas du tout la même sensation quand on assiste à une comédie au milieu des rires d’une salle pleine ou tout seul dans une salle vide. On n’en aura donc pas le même souvenir et le bouche à oreille ne sera pas le mème.
Par ailleurs, nous vivons dans une société où, avec internet, et depuis le Covid, les offres de distractions et de loisirs se sont multipliées. Or, comment les médias qui présentent l’offre de films peuvent-ils, chaque semaine, attirer l’attention des spectateurs potentiels sur une moyenne de 15 nouveaux films ?
En fait, toute l’économie de la production cinématographique française repose sur l’idée qu’il est indispensable de favoriser la production du plus grand nombre de films possibles. A la fois parce que cela garantit une diversité de l’offre et une plus grande chance d’offrir un ou plusieurs films à succès. Mais, au-de-là d’un certain niveau, on peut se demander si ce nombre ne nuit pas à la diversité et à l’émergence de nouveaux talents ?
De même, les distributeurs ont tendance à rechercher à sortir dans le plus de salles possibles afin d’obtenir le plus grand nombre d’entrées total. Au détriment du nombre d’entrées par salle,  qui conditionne la réception du public et la poursuite de la programmation du film. De même, les exploitants ont du mal à admettre que leur concurrent immédiat puisse présenter « un film  intéressant » qu’ils ne peuvent pas présenter eux aussi. Et le distributeur a du mal à résister à la pression de ses clients.
Or, n’oublions pas que le nombre d’écrans ne cesse d’augmenter chaque année, même si ce n’est que marginalement.
La constatation de ces faits devrait conduire la profession à réfléchir à l’évolution du public du cinéma, qui entraine  une nouvelle économie du cinéma. N’oublions pas que c’est quand, après avoir analysé l’évolution du mode de vie des spectateurs, les exploitants ont compris la nécessité de fermer leur complexes pour les remplacer par des multiplexes que la fréquentation est rapidement remontée de 116 millions à plus de 200 millions de spectateurs par an.

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