L’HEURE DU GRAND CHOIX DE LA STRATEGIE
Par Serge Siritzky
ENTRE MONDIALISATION ET SOUVERAINISME
A l’occasion du Festival de la fiction qui a eu lieu à Paris les chaînes de télévisions françaises ont réclamé un assouplissement de la loi sur l’audiovisuel. Le gouvernement avait prévu de la réformer mais a donné la priorité à l’application de la directive SMA. En vertu de celle-ci les plates-formes internationales vont, d’ici la fin de l’année, devenir un acteur important et puissant de notre écosystème audiovisuel. Or ces deux textes sont indissociables.
La mise en oeuvre de la directive SMA sera incontestablement profitable pour les producteurs, puisqu’ils vont avoir des clients supplémentaires et très riches. Il est vrai que c’étaient déjà des clients de plus en plus importants. Mais, désormais, le gros de leurs investissement sera consacré à l’acquisition pour le seul territoire français. Néanmoins, rien ne dit qu’ils ne subordonneront pas ce type de commande à un achat, à prix réduit et pour une longue durėe, des droits mondiaux.
Actuellement en tout cas, les diffuseurs français n’ont que des droits pour la France et de courte durée. Alors que, pour les films de cinéma entrant dans leurs engagements, les grandes chaînes en clair ont des parts de production. Les producteurs audiovisuels soulignent que les chaînes ne financent qu’au plus 70% du coût de leurs œuvres contre 120 ou 125% en ce qui concerne les plates-formes.
Les chaînes coproductrices ?
Mais si les chaînes étaient coproductrices et acheteuses sur de longues durėes, peut-être qu’elles seraient plus motivées pour commander des programmes qui ont un potentiel sur le marché mondial et une longue durėe de vie.
En fait, Marie Masmonteil, dans son Carrefour a bien posé la question de fonds : est-on pour une mondialisation permettant la plus forte concurrence ou pour un « souverainisme » qui vise à favoriser les diffuseurs français ? https://siritz.com/le-carrefour/marie-masmonteil-sur-la-production-cinema/
Ce débat est similaire à celui qui oppose les partisans du mondialisme qui conduit à produire en Asie pour faire baisser les prix, au bénéfice du consommateur et de la marge des entreprises. Mais au détriment de l’emploi et de notre balance commerciale. Le meilleur système doit évidemment prendre en compte ces deux approches. Toute la question est de savoir où l’on met le curseur.
Préserver notre écosystème de ventes et de préfinancements internationaux
Mais il est certain que l’on pourra plus facilement imposer un écosystème à nos chaînes qu’aux les plates-formes mondiales qui sont plus puissantes que la plupart des États.
En tout ėtait de cause, nos producteurs doivent être conscients que, si les plates-formes continuent à acheter les droits monde, elles risquent d’affaiblir progressivement l’écosystème de cofinancements et de ventes internationales qu’ils ont réussi à bâtir. Ce serait au dėtriment de leur indépendance.
Néanmoins, deux de ces plates-formes viennent de dėcouvrir les limites et les inconvénients d’une diffusion planétaire dans un monde fractionné.
Les limites de la diffusion planétaire
Ainsi, Netlix a acheté la diffusion hors hexagone du film de cinéma français «Mignonnes» . Celui-ci met en scènes des jeunes filles pubères de banlieue s’adonnant à des danses lascives, en réaction à l’ultra-conservatisme de leurs parents.Or patatra ! Ce sujet, qui vise un vaste public jeune et banlieusard, soulève l’hostilité bruyante et très politisée des conservateurs américains, notamment parmi les partisans de Trump, qui l’accusent d’exhibitionnisme pédophile.
Quant à Disney, il a produit pour 200 millions $ un remake live de son dessin animé à succès Mulan. Presque partout il ne sortira pas en salle, mais en VoD pour les abonnées de Disney +, ou, en France, directement sur la nouvelle plate-forme. C’est une locomotive pour ce service. Bien entendu tous ces exploitants sont furieux à l’égard de Disney.
Mais, en Chine, où Disney + n’est pas diffusé, il sort en salle. Et, s’agissant d’une héroïne chinoise, le public chinois est le premier visé. Or, là aussi, patatra ! Le public chinois s’offusque bruyamment de cette vision hollywoodienne de la culture chinoise. Et, aux États-Unis, Disney est très critiqué pour avoir tourné au Xinjiang, où les ouïgours sont victimes d’un génocide.