Le verdict du box-office de cette semaine
Par Serge Siritzky
Le cinéma est-il un service culturel de première nécessité ?
La fréquentation de la semaine qui s’ouvre ce lundi fournira des indications essentielles sur la place du cinéma dans la vie quotidienne des français. En outre, il déterminera le choix des distributeurs sur les dates de sortie de leurs films dans les semaines et les mois à venir.
En effet, après trois mois de confinement, la question est de savoir si les français vont hésiter à retourner dans les salles alors que le Coronavirius rôde encore. Ou vont-ils tout simplement reprendre le cours de leurs habitudes. A moins qu’ils ne se précipitent dans les salles obscures pour compenser ce long sevrage d’un service de première nécessité. Or, un sondage de Médiamétrie la semaine dernière, pointe nettement vers cette dernière hypothèse. Il prévoit en effet que 18,7 millions de français affirment avoir l’intention d’aller au cinéma dans les 4 semaines qui viennent.
A comparer avec 2018 et 2019
Ces 18,7 millions d’entrées sont à comparer avec les entrées de juin et de juillet des deux années précédentes. En 2019, qui a été une année de forte fréquentation, avec plus de 213 millions d’entrées, il y avait eu 12,47 millions d’entrées en juin et 18,23 millions en juillet. En 2018, qui, avec 201,2 millions d’entrées, avait été plus représentative des 10 dernières années, il y en avait eu 10 millions en juin et 13,94 millions en juillet. En outre, ce qui est également encourageant, c’est que le pourcentage a augmentė de 4% par rapport au sondage de la semaine dernière.
Ces résultats sont à priori logiques, parce que la fréquentation dépend avant tout de l’offre. Or, trois locomotives françaises reprennent leur exploitation stoppée par le confinement. Alors que le mois de juin n’est pas habituellement celui de ces locomotives. «La bonne épouse», distribué par Mémento films, avait, en 4 jours d’exploitation en mars, et alors que l’on parlait d’un confinement imminent, rassemblé 171 000 spectateurs. «De Gaulle», distribué par SND, avait rassemblé 512 000 spectateurs la semaine précédente, et 83 000 au cours de sa deuxième semaine de 4 jours. Ces deux films bénéficiaient en outre de bonnes critiques et d’un excellent bouche à oreille.
Enfin, la franchise « Ducobu 3 », distribuée par UGC, qui vise principalement les jeunes, a été arrêtée en 5ème semaine. Elle avait déjà atteint 1,466 millions d’entrées, dont 69 000 les 4 derniers jours.
Des chiffres élevés. Mais qui sait ?
D’ailleurs, le sondage de Médiamétrie indique que « De Gaulle » sera vu en priorité par 13% des français qui retourneront au cinéma, «Ducobu 3 »par 8% et » La bonne épouse » par 6%. Si on appliquait mécaniquement ces chiffres, cela donnerait 2,3 millions de spectateurs supplémentaires pour « De Gaulle », 1,4 millions pour « Ducobu 3 » et un million pour « La bonne épouse ». Des chiffres qui, si on les ajoute à ceux dėjà enregistrés, apparaissent très élevés. Mais qui sait ?
Normalement, les entrées d’un film à succès chutent de 35 ã 40% la seconde semaine. Une évolution qui n’est qu’apparente, car les chiffres de la première semaine sont gonflés par de nombreuses avant-premières les semaines précédentes. C’est pourquoi le pourcentage de baisse se ralentit les semaines suivantes.
Il est vrai que ces trois films ont un handicap : le gros de leur promotion a eu lieu il y a plus de trois mois. Mais il se peut qu’assidus et réguliers aient conservé le souvenir de ce qu’ils avaient l’intention de voir.
Quoi qu’il en soit, particulièrement significative sera, dès les premiers jours, la fréquentation de « De Gaulle » et de « La bonne épouse ». Prenons « De Gaulle », par rapport aux quelques 300 000/350 000 entrées de ce qu’aurait été une deuxième semaine normale. En tenant compte du fait que celle-ci aura 9 jours et que, 83 000 entrées ont déjà ėtė engrangées en deuxième semaine. Ce qui complique un peu le calcul.
Des craintes
Certains font remarquer que, la capacité des salles étant rėduite, cela va réduire la fréquentation. Mais la FNCF a évité la réduction de 50% de la jauge. Et, à part certains soirs, notamment le week-end, ou le dimanche après-midi, les salles sont rarement pleines. En outre, à ce stade, les salles ne ploient pas sous le nombre de films. Un écran pourra donc être rajoutė sans trop de difficulté pour un film véritablement porteur. Par ailleurs, les mesures de nettoiement sanitaire vont rėduire le nombre de séances. Il y aura sans doute une séance à 19h30 plutōt qu’une ã 20h et une autre à 22 h. Mais les spectateurs qui veulent voir un film sauront s’adapter à ces conditions. Et, si nécessaire, le film pourra, là encore, bénéficier de deux ėcrans avec des horaires dėcalės.
Certains distributeurs indépendants craignent justement de voir le nombre séances de leur film réduites et confinées aux mauvais horaires. Mais, compte tenu des films actuellement programmés on en est loin. Pour l’instant la prėoccupation des exploitants est plutôt de ne pas manquer de films. D’ailleurs, n’oublions pas que, cet été, le nombre de « blockbusters » américains, sortant sur beaucoup d’écrans, sera réduit. Il semble qu’il n’y en aura que deux. Mais si, compte tenu d’une fréquentation élevée et du soutien automatique renforcé, plusieurs films français porteurs étaient finalement avancés, les grands exploitants seraient alors tenus de respecter leurs engament å l’égard de la distribution indépendante.
En tout cas, si le sondage de Médiamétrie se révélait exacte, cela voudrait dire que le cinéma, c’est à dire un film dans une salle, est bien un service culturel de première nécessité pour les français. Après la catastrophe qui a frappé le secteur ce serait une nouvelle particulièrement réconfortante.