LA FRANCE ENFIN VERS LE TOP DE LA FABRIQUE DES IMAGES
Par Serge Siritzky
L’annonce, au Festival de Cannes, par la ministre de la Culture, du lancement de La Grande fabrique des images, marque un double tournant pour la France. https://www.cnc.fr/professionnels/actualites/france-2030–68-laureats-de-lappel-a-projets–la-grande-fabrique-de-limage_1957382
Tout d’abord, ce projet fait partie du plan France 2030, par lequel notre État se fixe des objectifs de développement économique. Il reconnait enfin que, même dans une économie de marché, son action doit s’inscrire dans une stratégie de développement à long terme.
En second lieu, il a pris conscience que l’industrie de l’image -cinéma, audiovisuel et jeux vidéo-est un des secteurs au plus fort potentiel de croissance et de création d’emplois.
Il va donc soutenir à hauteur de 350 millions € 68 projets sélectionnés de studios de tournage et de formations.
En fait, pour ce qui est de l’industrie de l’image, tout est parti d’une série d’évènements de 2018, très significatifs des maux dont souffre la France : la profession cinématographique de notre pays se mobilisait parce que les studios de Bry-sur-Marne menaçaient de fermer parce que déficitaires. En fait, la plupart des studios de tournage français avaient du mal à joindre les deux bouts. Et l’idée selon laquelle ils étaient condamnés à disparaitre était largement répandus.
Au même moment, un article du Financial times annonçait que les Studios de Pinewood, près de Londres, allaient investir 650 millions dans de nouveaux studios. Or, les studios de Pinewood possédaient 39 000 m2 de plateaux et il y avait 4 studios en Angleterre totalisant 100 000 m2 alors que les studios français n’en totalisaient qu’à peine 30 000 m2. Et les studios en Allemagne s’étendaient sur 80 000 m2.
Bien plus, les américains venaient de tourner » Mission impossible -Fallout-en France « . Mais, comme tous les blockbusters américains, une partie avait été tournée en studio. Or, comme il n’y avait pas en France de studio répondant aux besoins du film, cette partie avait été tournée en Angleterre. Et donc, pour un film se passant en France, les dépenses au Royaume-Uni étaient supérieures celles dans l’hexagone. Marc Tessier, qui dirigeait Film France, l’organisme chargé d’attirer les tournages étrangers en France, m’en avait parlé.
Je lui ai alors proposé de réaliser une étude pour comprendre ce paradoxe des studios de tournage français. Il a réussi le faire cofinancer par le CNC que le sujet ne semblait pourtant pas intéresser.
Après plusieurs mois d’enquête en France et à l’étranger j’ai découvert que nos studios étaient déficitaires parce que nullement adaptés aux besoins des productions modernes. Et que cette situation, qui allait s’aggraver, avait être un terrible un frein au développement de notre production cinématographique et, surtout, au prometteur besoin de production de séries. Bien plus, la France était l’un des pays les plus recherchés par les producteurs étrangers par la qualité de ses décors et de ses techniciens. Mais le sous-développement de ses studios de tournage constituait un véritable obstacle à nombre de tournages en France.
Dans mon étude intitulée « Les studios de tournage, un enjeu primordial de la production en France » j’expliquais comment s’y prendre pour combler cette lacune. https://www.cnc.fr/professionnels/etudes-et-rapports/rapport/les-studios-de-tournage-un-enjeu-primordial-pour-la-production-en-france_990068
Le Royaume-Uni n’était d’ailleurs pas le seul pays disposant de studios de tournage compétitifs. On en trouvait aussi de bien plus grands qu’en France en Allemagne, en Tchécoslovaquie ou en Hongrie. Alors qu’en France le plus grand plateau avait 2 000 m2 ils en possédaient de 3 000, 4000 et même de 7000 m2. La surface de leur backlot, pour y construire des décors en extérieur, était souvent supérieure à celle de leurs plateaux couverts, alors qu’il n’en existait pratiquement aucun en France. Ils disposaient de vastes et profonds bassins pour les tournages sous l’eau. Et les studios étaient de véritables usines, avec des dizaines de prestataires qui, en louant leurs locaux, représentaient une source de revenu importante pour les studios : prestataires de construction et de stockage de décors, de stockage de matériel, de fabrique et de stockage de costumes ou d’accessoires, de salles de montage et d’enregistrement, etc…
Bien entendu, une fois la France dotée de studios performants, il faudra des directeurs de production ayant l ‘expérience de l’optimisation de l’utilisation de ces formidables et complexes outils, afin de réduire au maximum les jours de tournages et diminuer les coûts de tournage.
En tout cas, visiblement, quelqu’un en haut lieu a lu cette étude, a été convaincu et a inclus mes propositions dans le plan pour l’industrialisation de la France d’ici 2030.
Dans mon étude j’insistais bien entendu sur la nécessité de développer la formation de techniciens, notamment dans les nouvelles technologies, car les besoins allaient exploser.
Il se trouve que notre sponsor, l’ESRA, la plus grande école de cinéma en France (elle à un établissement à Paris, à Nice/Cannes et à Rennes) fait partie des 34 sélectionnés pour la formation. Son communiqué met l’accent sur l’importance de ces nouvelles formations.
« 🎥 Le projet du Groupe ESRA, dont la vocation est la formation aux métiers du cinéma, de l’audiovisuel, du son et du film d’animation a retenu l’attention du jury par son objectif de créer ou étendre de nombreuses formations initiales et professionnelles – dans les secteurs audiovisuels et cinématographiques, mais aussi des VFX, de l’animation et du jeu vidéo. Les nouvelles technologies seront à l’honneur ainsi que les pratiques éco-responsables et l’inclusion des publics empêchés. »