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L'édito de Serge
Serge Siritzki

La fermeture des salles bouleverse la chronologie des médias

Par Serge Siritzky

Certains distributeurs et producteurs ont décidé de sortir directement en VoD ou en S-Vod

Face à la fermeture des salles de cinéma pour une durée indéterminée les distributeurs, grâce aux possibilités ouvertes par le CNC, ont rėagi avec promptitude. La semaine dernière ils ont immédiatement demandé 43 dėrogations ã ce dernier pour sortir en VoD sans respecter la chronologies des médias.C’était un choix logique puisque puisque la plupart étaient en fin de carrière ou l’avait terminé (voir Cinescoop)

Certes, la VoD est un tout petit marché, même s’il semble que le confinement l’ait fait progresser de près de  90%. Il était en effet  tombé à nettement moins de 200 millions € de chiffre d’affaires en 2019. En outre il se concentre sur la location dont le tarif public TTC est de 4 ou 5 €. A comparer à un chiffre d’affaires de plus de 1, 3 milliard € des salles de cinéma et un prix moyen public  de 6,7 €. Surtout, comme le montrent les baromètres de Siritz, le soutien financier à la distribution en salle  est essentiel à l’équilibre de la distribution. Mais pour les distributeurs qui ont fait ce choix, ce sera tout de même une recette additionnelle,  sans investissement.

En tout cas, à cette occasion, comme l’a montré la table ronde numérique organisée par Le Film français et Comscore, il est intéressant de voir que la VoD est, pour certains exploitants art et essai, un complėment de la sortie en salle et un outil relationnel avec leur public fidèle. Ainsi, Shellac a dėcidė de sortir le documentaire de Richard Copans, « Monsieur Deligny, vagabond solitaire » (voir Cinescoop), sur les autistes, immédiatement en VoD, puis de dėbuter une exploitation en salle quand les cinémas rouvriront. Mais c’est un film à exploitation longue, avec des séances uniques, suivies d’un dėbat et les exploitants art et essai ne s’estiment pas gênés par la diffusion en VoD.

« Forte », un film commercial directement sur Amazon Prime

Le grand évènement  est le choix de Quad (Nicolas Duval), et de son partenaire coproducteur et distributeur TF1 DA, de ne pas sortir en salle  «Forte »,  la comėdie réalisée par Katia Lewkowicz, (voir Cinescoop) qui  devait sortir le 18 mars et dont le distributeur, TF1 DA, avait donc dépensé tous ses frais d’édition.  Grande première, pour un film commercial, il  sortira donc directement en S-vod sur Amazon Prime. Quad est un des plus grands producteurs français, habitué aux succès avec des comédies de qualité (intouchable, Le sens de la fėte, Hors norme, etc…). Il s’est récemment lancé dans les séries avec le spectaculaire et palpitant « Bazar de la  charité », diffusé avec grand succès sur TF1, mais vendu pour le reste du monde à Netflix. Cette vente ėtait une innovation majeure puisque, ã la différence des autres sėries françaises vendues ã Netflix, la série a ėtė diffusée en France sur une chaīne en clair et pas sur Netflix. Preuve que la plate-forme estime qu’il plaira dans le monde entier.

Dans le cas de Forte la vente à Amazon Prime peut-être un pis aller puisque la sortie en salle, sans doute dans plusieurs mois, aurait nécessité  une nouvelle campagne de promotion rendant très problématique  l’amortissement du film pour TF1 DA. Mais rien ne dit qu’elle n’a pas permis à Quad et TF1 DA de transformer une perte probable en un bénéfice, même léger (voir Cinescoop).

Il sera intéressant de voir si Amazon fera la publicité de cette offre, notamment  sur TF1, à des tarifs sans doute très réduits du fait de la disparition des annonceurs, et même préférentiels puisque c’est une recette qui, pour TF1 compense en partie son minimum garanti et ses frais d’édition. Pour la plate-forme ce serait une occasion de gagner de nouveaux abonnés en annonçant sur le premier média d’Europe. Etpour les producteurs un argument pour obtenir un bon prix.

Vers d’autres films porteurs en S-VoD ?

Certains films  sont dans une situation intermédiaire mais tout aussi dramatique : c’est le cas de « De Gaulle », distribué par SND, et de « La bonne épouse », distribué par Memento Films,  qui avaient bien démarré et qui  étaient promis à des très bons résultats en salle. Mais nul ne sait quand la réouverture des salles aura lieu et si le public ne craindra pas de s’y enfermer. En outre, cette reprise nécessitera une nouvelle promotion. Il est donc possible que ces deux distributeurs, qui ont les droits S-Vod, discutent avec Netflix et Amazon Prime d’une sortie immédiate sur leur plate-forme.

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