
DEUX FILMS PHÉNOMÈNES À SUIVRE
Par Serge Siritzky
On estime que les entrées d’un film qui bénéficie d’un bon bouche à oreille chute d’environ 30% par semaine chacune des semaines suivantes et finira sa carrière avec entre trois et quatre fois les entrées de la première semaine. La très grande majorité des films chutent de beaucoup plus.
Cinéfinances.info* a fourni les données financières de cet article.
Mais, depuis fin septembre, deux films ont une carrière totalement atypique qu’il est intéressant d’analyser. Ce sont véritablement deux films phénomènes à suivre. Il s’agit tout d’abord de « Muganga, celui qui soigne » https://siritz.com/category/cinescoop/page/2/ C’est un premier film, réalisé par Marie-Helène Roux. https://fr.wikipedia.org/wiki/Muganga_-_Celui_qui_soigne
Cette coproduction entre la France et la Belgique et tournée au Ghana, a un budget prévisionnel de 5,3 millions €, ce qui est le budget moyen des films français. Son distributeur, l’Atelier distribution, est ce qu’on appelle un petit distributeur qui se spécialise dans « des films engagés qui posent un regard sur des problèmes sociétaux importants. » Le film « Mugamba » sur l’action de deux médecins dans le Congo ravagé par la guerre, correspond à cet engagement.
Il est sorti le 29 septembre dans 131 salles. Mais, dans beaucoup de ces salles il n’a bénéficié que d’un nombre limité de séances par jour, voir par semaine. Il a tout de même rassemblé 51 000 spectateurs. La seconde semaine 29 salles supplémentaires ont rejoint les premières, mais, là encore, avec un nombre réduit de séances. Et il a rassemblé 62 000 entrées, progressant de 23% par rapport à la première semaine ! En troisième semaine 106 salles se sont encore rajoutées, et le film a rassemblé 53 000 spectateurs, soit un recul de 15% par rapport à la semaine précédente, mais un niveau total supérieur à celui de la première semaine. En trois semaine il en était donc à un total cumulé de 168 000 entrées, soit déjà 3,3 fois les entrées de la première semaine.
Deuxième film atypique, « Sacré coeur » un docu-fiction qui est, là aussi, un premier film, réalisé et produit par Steven et Sabrina Gunnel. https://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=1000026320.htmlIl traite d’un évènement que l’église catholique considère comme un vrai miracle. Le film, sorti le 3 octobre, est distribué par Sage, spécialisé dans les films d’inspiration chrétienne. A noter que la régie de la SNCF a refusé les affiches publicitaires de ce film « en vertu du principe de laïcité que doit respecter un service public ». Dans ce cas, elle aurait sans doute également refusé les affiches de « Les 10 commandements » de Cécile B de Mille ou les différents chefs d’œuvres consacrés à Jeanne d’Arc…
« Sacré cœur » a un budget prévisionnel de 690 000 €. Il a été pré-acheté par les chaînes du groupe Bolloré (Canal +, Ciné+, OCS et C8) pour 360 000 € et par KTO pour 20 000 €, alors que Saje a donné un minimum garanti de 20 000 €. https://siritz.com/cinescoop/les-mystere-du-sacre-coeur-de-jesus/Le film est sorti dans 149 salles, avec, là encore, un nombre très réduit de séances. Il a rassemblé 47 000 entrées la première semaine. La deuxième semaine 79 salles se sont ajoutées, soit 50% de plus et la fréquentation a progressé de 54%. Le film totalisait alors 119 000 entrées, soit déjà 2,5 fois les entrées de la première semaine. Il est clair que pour ces deux films très ciblés, le public visé estime qu’ils « valent le déplacement ».
Mais, mercredi dernier sont sortis, avec la perspective des vacances scolaires la semaine suivante, 15 nouveaux films (dont 8 français) dans plus de 3 000 salles. Les budget cumulatif de 3 des films français atteint près de 80 millions € et d’un 4ème, 10 millions €. Il sera intéressant de voir comment ces deux films phénomènes ont résisté à ce déferlement qui a dû leur retirer de nombreuses salles et séances.
*www.Cinefinances.info est un site, accessible par abonnement, destiné aux professionnels du cinéma. Il publie le budget, le plan de financement et la répartition des recettes de tous les films français qui sortent (hors les films « sauvages » qui ne déposent pas leurs contrats au registre public et ne demandent donc pas l’agrément qui leur permettrait d’accéder à l’aide du CNC). Il dispose d’un puissant moteur de recherche multicritères et de 15 ans d’archives.