IL FAUT SAUVER NOTRE CINÉMA
Par Serge Siritzky
QUI EST GRAVEMENT MENACÉ
Donc il n’y aura pas d’accord entre tous les distributeurs sur la sortie régulée des quelques 450 films qui auraient dû sortir pendant le confinement. Et ce, malgré l’accord exceptionnel du Conseil de la concurrence pour qu’une telle « entente » puisse avoir lieu. https://www.lemonde.fr/economie/article/2021/05/06/cinema-le-calendrier-concerte-de-sorties-des-films-est-mort-ne_6079345_3234.html
Mais, franchement, une telle régulation était-elle possible ? Ni souhaitable d’ailleurs ? Car elle visait à limiter la casse alors qu’il s’agit véritablement de sauver notre cinéma.
En effet, en période normale, il y a 12 à 14 nouveaux films qui sortent chaque semaine. A ce rythme, pour écouler ces 450 films il faudrait de 30 à 40 semaines. Mais, pendant cette période, vont arriver sur le marché 12 à 14 nouveaux films par semaine. Peut-être un peu moins, parce que, tout de même, partout dans le monde, la production s’est ralentie pendant le confinement. Disons donc 8 à 10 nouveaux films par semaine. Cela fait 20 à 24 films à sortir chaque semaine pendant 30 à 40 semaines.
La régulation n’aurait donc pu consister qu’à limiter le nombre de copies réservé à chaque film, et, notamment, aux films « porteurs », pour laisser de la place à tous les films. Et elle n’aurait pas assuré une présentation de tous ces films par tous les médias. En outre, il aurait fallu que les exploitants, qui viennent de subir une véritable hémorragie, acceptent ce nouveau sacrifice. Or, ils n’étaient même pas autour de la table destinée à organiser cette régulation.
Certes, il est probable que le public va avoir une folle envie de sortir pour se distraire et, donc, d’aller au cinéma. Mais la fréquentation ne va pas exploser par rapport aux 200 millions d’entrées de ces dernières années. Et, comme toujours, une minorité de films vont accaparer la majorité des entrées. Ce qui ne veut pas dire que des films d’auteurs, des premiers films ou des films de distributeurs indépendants ne vont pas tirer leurs marrons du feu parce que le public de ce genre de films aura très envie de les voir.
Mais, face à ce trop-plein, pour une grande partie des films à sortir, le distributeur n’a sans doute pas intérêt à aggraver sa situation en prenant en charge des frais d’éditions qu’il ne pourra amortir.
C’est pourquoi il serait souhaitable que les pouvoirs publics initient des discussions avec les chaînes et les plateformes pour qu’elles permettent aux films qui ne sortiront pas en salle d’être au moins diffusés. Car la non diffusion aggraverait le gâchis. Et l’État doit proposer des carottes pour que ces propositions aient la moindre chance d’aboutir. En effet, les films dont il s’agit sont dans leur grande majorité ceux qui n’intéressent pas les diffuseurs audiovisuels. Mais, en faisant preuve d’imagination, il y a peut-être des moyens de les rendre attractifs à un partie des publics de ces diffuseurs.
Bien entendu, ce constat est dramatique. Dramatique pour les distributeurs, les producteurs et tous ceux qui ont participé à la réalisation de ces films dont la très grande majorité vont rester sur le tapis. Tout simplement parce que les circonstances font qu’il y aura deux ou trois fois moins de films rentables qu’habituellement.
Pour éviter des catastrophes en cascade l’État devrait mettre en place un plan financier comme celui dont ont bénéficié toutes les entreprises pendant le confinement. Certes, jusqu’ici les coûts fixes des distributeurs et des producteurs ont été pris en charge, en grande partie. Mais pas leurs investissements qui représentent, de très loin le plus gros de leurs dépenses. Si l’État n’y parvenait pas, une grande partie de notre industrie cinématographique serait menacée de disparition. Certes, les grands groupes intégrés devraient pouvoir survivre. Mais le tissu de petites et moyennes entreprises qui contribuent à sa diversité, qui assurent une partie du renouvellement de sa création et constituent son secteur de recherche ne le pourraient pas. https://siritz.com/editorial/premieres-lecons-de-sortie-de-pandemie/