Notre bataille d’Angleterre
Par Serge Siritzky
Tout le cinéma et l’audiovisuel doivent faire face à un véritable cataclysme
La semaine dernière nous pouvions consacrer le premier numéro de Siritz à l’extraordinaire potentiel de développement du cinéma et de l’audiovisuel, notamment en France. Cette semaine nous sommes obligés de prendre en compte le renversement complet de situation, du moins à court terme, mais pour un court terme dont personne ne connaît le terme.
L’épidémie de Coronavirius bouleverse le fonctionnement de la société, comme de l’économie nationale et mondiale. Le cinéma et l’audiovisuel sont particulièrement concernés. Les salles de spectacle, et, notamment les salles de cinéma, sont les premières touchées. En Italie, où le développement du virus a une dizaine de jours d’avance sur la France, toutes les salles ont dû fermer. En France, alors que la fréquentation depuis le début de l’année s’était effondrée par rapport à celle des années précédentes, principalement du fait d’une offre beaucoup moins attractive, elles ont dû brusquement fermé à partir de dimanche. Le gouvernement s’est engagé à prendre en charge le chômage technique du personnel. Mais les loyers et les divers frais généraux ?
Pour les distributeurs de films qui viennent de sortir ou qui sont sortis ces dernières semaines, c’est un désastre comme le montre notre analyse dans Cinescoop sur le désastre financier pour trois films français sortis mercredi derniers. Les producteurs de ces films ne toucheront pas de supplément sur les recettes salles et leur fonds de soutien automatique sera amputé. Pour les films qui devraient sortir le 18 ou 25, lorsqu’ils sortiront, les distributeurs devront repayer tout ou partie de leurs frais d’édition. Et il ne seront pas certains que les comédiens seront disponibles pour la promotion.
Comme le montrent nos baromètres, la distribution est un secteur fragile. La majorité des films ne couvrent pas l’investissement du distributeur. Leur profit ne repose que sur le succès d’une poignée de films. Si les frais d’édition de ces films à succès potentiel augmentent, leur rentabilité va diminuer. Et si leur sortie est reportée, les distributeurs vont avoir du mal à financer les pertes des films précédents.
La production, y compris celle de l’audiovisuel, est tout aussi touchée,. En effet, à ce jour, les assurances ne couvrent pas les risques d’épidémies. Il faudra que les assureurs et les pouvoirs publics imaginent et mettent en place au plus vite une réponse à cette lacune. Mais l’impact du virus sur le fonctionnement de notre société aura inévitablement des conséquences. Ainsi, le tournage du prochain film de François Ozon a dû être suspendu, par ce qu’il se passait en partie dans un hôpital. Ce genre d’impossibilité touchera sans doute de nombreux tournages, y compris audiovisuels. Ainsi, hier, dès 14h15, Michel Gomez, le responsable de la Mission cinéma de la ville de Paris, envoyait un mail à toutes les associations de techniciens :
« IMPORTANT, Bonjour, Suite au passage au stade 3 l’ensemble des TOURNAGES en cours et à venir sont SUSPENDUS jusqu’à nouvel ordre.Nous restons avec Arnaud et l’équipe de Parisfilm à votre disposition en particulier lorsqu’il faudra dans plusieurs semaines remettre en route l’activité et la planifier avec doigté.Bien à vous Michel Gomez Mission Cinéma »
L’audiovisuel, bien que ses spectateurs peuvent le consommer à domicile, est déjà touché. Le Mip-tv, le plus important marché du monde, qui devait avoir lieu à Cannes à la fin du mois, n’aura pas lieu. Cela aura un impact sur les ventes de programmes et donc sur les recettes des distributeurs et des producteurs. Il en sera de même de Série Mania, qui devait avoir lieu à Lille d’ici la fin du mois.
Bien entendu, tout le monde s’interroge sur le principal marché du monde, le Festival de Cannes, qui devait avoir lieu en mai à Cannes, comme chaque année. Là encore il est probable qu’il doive être annulé.
Les chaînes de télévision vont devoir bouleverser leur programmation : plus de public dans certaines émissions et certaines émissions en direct, tout particulièrement de grandes émissions de variétés, devront sans doute être reportées, voire annulées. Tout comme le tournage de séries et de feuilletons, pour les mêmes raisons que pour les films de cinéma. Les chaînes vont puiser dans leurs stocks et multiplier leurs rediffusions. Comme les français resteront confinés chez eux, l’audience ne va pas forcément être affectée. Puisque les salles de cinéma seront fermées elles pourraient demander une dérogation pour augmenter leur diffusion de films, notamment les jours interdits. Mais les grands vainqueurs seront Netflix et Amazon Prime.
En fait, on n’a aucune idée de l’évolution de l’épidémie. Le fait qu’elle touche désormais des pays chauds de l’hémisphère sud laisse craindre qu’elle ne disparaitra pas avec la monté des températures.
Toutes les entreprises du secteur, comme de l’économie française, sont en crise.
Nos génération ont eu la chance de ne pas connaitre la guerre. Or, nous sommes confrontés à une véritable guerre. Et il nous faudra improviser une résistance comme ont dû et su le faire les britanniques en 1940.
Adieu à Jacques Dercourt
La semaine dernière a eu lieu la cérémonie d’adieu à Jacques Dercourt. Ce producteur de nombreux films de télévision était très aimé et admiré comme le prouvait la très grande assistance. Jacques était aussi un véritable patriarche d’une large famille réunissant trois générations. Au cours de son homélie le curé a parlé de l’action de Jacques en faveur des SDF, ce que, moi qui connaissait Jacques depuis les années 80, ne savait pas et alors que je me consacrais à la même action.