Plutôt mieux que prévu
Par Serge Siritzky
Mais tout est entravé par la pusillanimité et la bureaucratie
Ça reprend. Et plutôt mieux que prévu. Les tournages de fictions et de longs métrages ont repris à la mi-mai. Les exploitants pensaient ouvrir leurs cinéma la première semaine de juillet et ce sera le 22 juin. Avec la jauge maximale de 50% espérée et sans port du masque obligatoire une fois assis. Au point que les distributeurs de films sont un peu pris de court, car un lancement ne s’improvise pas.
Bien entendu, certains distributeurs se demandent s’il n’est pas préférable d’attendre, craignant que les spectateurs ne se précipitent pas dans les salles obscures. Mais les français se sont précipités aux terrasses des restaurants et cafés, même les jours de pluie quand ces terrasses étaient couvertes. Cela indique qu’ils souhaitent reprendre leur « vie d’avant » et même, « rattraper le temps perdu ».
Pour les tournages, Le Carrefour de Rémy Chevrin, publié la semaine dernière, est capital : contrairement à ce qu’on pouvait craindre, les mesures de protections sanitaires ne semblent pas rallonger les tournages : https://siritz.com/le-carrefour/remy-chevrin-notre-cinema-manque-dambition-visuelle/
Les spécialistes de l’assurance estiment ce risque insoutenable
En tout cas, après l’arrêt total, on va assister à un inévitable embouteillage. On ne peut évidemment s’en plaindre. En fait, beaucoup va dépendre de l’évolution du virus. S’il disparait quasiment, tout laisse à penser que la consommation va repartir fortement et qu’il en sera de même de l’économie, donc du cinéma et de l’audiovisuel. Si, à la rentrée, il continue à roder et fait désormais partie de notre vie, ce sera une autre histoire.
En attendant, tout est loin d’être rose. Ainsi, l’assurance des tournages contre les risques de pandémie a été mise en place, grâce au fond d’indemnisation de 50 millions €, doté par le seul Trésor. Car, contrairement à ce qui était logiquement attendu, pour l’instant, la Fédération des Assurances n’y participe pas. Même symboliquement. Ce qui signifie que les spécialistes de l’assurance estiment ce risque insoutenable. Le moins que l’on puisse dire c’est qu’ils ne contribuent en rien à la relance de l’activité. En fait, seules les petites mutuelles semblent étudier leur participation au fonds, alors que les très grosses assurances refusent. Ce qui est un comble.
En outre, le remboursement est plafonné à un 1,2 € par film. Donc, prenons le cas d’un film de 10 ou 20 millions €. A deux semaines de la fin du tournage, un des comédiens principaux tombe malade. Et le tournage doit être annulé parce que les autres comédiens enchaînent sur d’autres films ou que l’acteur décède. Donc la plus grande partie du budget est à la charge du producteur. Si le Coronavirus continue d’être une menace sérieuse quel producteur peut prendre un tel risque ?
Il est vrai que, si les tournages savent intégrer cette menace et s’organiser en conséquence, comme l’indique Remy Chevrin, le risque peut être très limité. Mais alors, pourquoi les assurances ne veulent en rien participer au fonds ?
Le refus des banques
Autre problème. L’Etat prend à sa charge 84% du chômage partiel, ce qui est particulièrement généreux et va lourdement peser sur les finances publiques. Mais de nombreuses entreprises ont des coûts fixes, et tout particulièrement des loyers qui ont continué à courir pendant le confinement. Là encore, pour leur permettre de passer ce cap difficile, elles peuvent demander à leur banquier un prêt garanti à 90 % par l’Etat. Mais très souvent, les banques refusent d’accorder ce prêt, car elles ne veulent pas prendre de risque sur les 10% restant. Chez les prestataires il semble que les refus dépassent les 50%. Or, si l’activité de la France plonge de plus de 10%, comme le prévoit le gouvernement et ne retrouve pas, au plus vite, son niveau d’avant, les banques, comme les assurances d’ailleurs, en seront forcément victimes.
De même, la Banque Publique d’Investissement a été créée à grande pompe pour permettre aux entreprises françaises d’innover et d’investir dans les secteurs porteurs. En leur apportant des fonds propres ou des prêts à longs termes. Mais, là encore, c’est la même pusillanimité. Ainsi, les studios de tournage sont un secteur incontestablement porteur et créateur d’emploi, comme démontré dans une étude très étayée. C’est pourquoi leur restructuration est indispensable.
Or, pour son projet de grands studios dans l’Essonne, alors que la région Île de France en manque singulièrement, TSF ne s’est vu accorder par la BPI que le tiers de sa demande. Les studios de Bry-sur-Marne, qui sont un remarquable outil de travail, reconnu par toute la profession, doivent impérativement racheter leur immobilier. Et aussi se développer pour satisfaire une demande croissante. Ils ont immédiatement obtenu le soutien de la région Ile de France, il y a plus d’un an. Mais celle du CNC, qui doit le compléter et dont le principe semble acquis, tarde à venir.
En fait, on l’a vu en ce qui concerne notre politique de santé, à l’occasion de la crise du Coronavirus : même quand il y met les moyens, la politique de notre Etat est entravée pour la lourdeur de sa bureaucratie et par une accumulation de grains de sable. Au point de frôler la catastrophe.