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L'édito de Serge
Serge Siritzki

L’IA GÉNÉRATIVE EST UNE CHANCE POUR L’ANIMATION ?

Par Serge Siritzky

L’animation est en crise. Partout dans le monde, et notamment en France, sa production a chuté. Pire encore, lors d’un forum organisé par Bloomberg a Singapour, en 2023, Jeffrey Katzenberg, l’un des principaux producteurs américains de blockbusters (il a dirigé Disney et a créé le studio Dreamworks avec Steven Spielberg et David Greffen) a prédit que c’est le secteur de l’audiovisuel qui va le plus être touché par l’IA https://fr.wikipedia.org/wiki/Jeffrey_Katzenberg. Selon lui, 90% des emplois dans l’animation vont disparaitre. Doit-on donc s’attendre à la quasi disparition de l’animation ?

Au contraire.

La crise de l’animation était prévue mais son ampleur a surpris

Pour ce qui est de la crise du secteur, Marc du Pontavice, le PDG de Xilam, l’un des principaux producteurs français d’animation et qui est côté en bourse, a expliqué pourquoi son chiffre d’affaires a chuté de 41% en 2024. En fait,  les plateformes de streaming, en particulier, ont mis en place un virage radical dans leur stratégie. Pendant plusieurs années, l’objectif était de conquérir le marché avec des dépenses colossales pour produire et acheter des programmes, et donc séduire de nouveaux abonnés. Mais elles ont opéré ensuite un revirement stratégique : le marché étant saturé, le but est désormais la rentabilité, et donc la réduction des coûts. Les programmes d’animation pour la jeunesse en ont fait les frais.

Marc du Pontavice

Pour le syndicat des producteurs AnimFrance ce virage était anticipé. Son ampleur et sa brutalité ont en revanche très clairement surpris une grande partie de l’industrie de l’animation, qui a pris la crise de plein fouet. Néanmoins il faut noter que  le résultat de  Xilam est resté positif du fait de son important catalogue et de son département prestation.

Les coûts de l’animation vont baisser et son marché croître

Mais alors, l’activité du secteur va-t-elle subsister à un niveau très inférieur à ces dernières années ?  C’est là que l’analyse de Katzenberg est on ne peut plus optimiste. Selon lui, là où, il y a 10 ans, pour produire un des blockbusters américains de l’animation il fallait 500 salariés travaillant 5 ans, grâce à l’IA générative il n’en faudra plus que 50 travaillant 3 ans. Toutes les taches répétitives et d’exécution seront supprimées. Donc le coût des films et des séries d’animation va considérablement baisser. Donc le volume de ces productions va sensiblement augmenter puisque, l’animation, qui reste un programme très attractif, sera moins cher, dont plus rentable.

Jeffrey Katzenberg

Mais si 90% des emplois sont condamnés à disparaitre, ce sera tout de même une catastrophe.  Or ce ne sera pas le cas. Tout d’abord parce que seuls les Américains produisent des films d’animation qui nécessitent le travail de 500 techniciens. Et, en second lieu, même aux États-Unis, les différents métiers de l’animation ne vont pas disparaitre. Ils vont fortement évoluer et devront savoir utiliser l’IA générative pour être encore plus créatifs et travailler plus vite. Ils devront maitriser le « prompting », c’est à dire l’art de demander à l’IA ce qu’ils veulent créer. En fait, aux États-Unis, comme partout ailleurs, ce  seront toujours des professionnels de l’animation qui écriront les scénarios, inventeront les personnages (leur squelette, leur visage, la façon dont ils s’habillent et se meuvent, le décor, leur voix), les bruits, la musique, etc…  Mais, partout, comme à Hollywood, ils iront plus vite, ce qui réduira les coûts de production et augmentera la rentabilité de l’animation. En revanche ces auteurs et techniciens créatifs pourraient se passer des apprentis pour exécuter certaines tâches d’exécution. D’où un défi pour la formation. Mais l’IA générative est une chance pour l’animation ?

Un nouveau marché pour l’animation

Par ailleurs internet, avec You tube et les réseaux sociaux, vient d’ouvrir un gigantesque marché pour la création audiovisuelle. L’animation devrait en être l’un des principaux bénéficiaires. Car ces diffuseurs ont besoin d’un nombre incommensurable de programmes d’animation courts et bon marché. Pour l’instant c’est déjà un marché pour les catalogues. Mais, avec un petit chiffre d’affaires compte tenu des tarifs publicitaires . Mais les productions originales pourraient avoir des recettes décuplées.

Ainsi, rappelons-nous les années 50. Les télévisions américaines avaient besoin d’un énorme volume de programmes d’animation pour leurs grilles du matin à destination des enfants. Mais pour lesquelles elles n’avaient que de tous petits budgets, parce que, pour les annonceurs, les enfants n’avaient pas du tout la valeur des spectateurs du prime time.

Et, en visant ce marché, Hanna Barbera est devenu le principal producteur d’animation au monde. Le studio y est parvenu en  produisant de l’animation rudimentaire, coupant en deux le nombre d’images par seconde, en réutilisant les dessins d’une scène dans d’autres scènes, réduisant par 7 le nombre de nouveaux dessins par série.  Mais cette réduction des coûts n’a pas empêché Hanna Barbera de produire des séries originales qui ont marqué l’histoire de l’animation :  The Flinstones,  Scooby-Doo, The Smurfs, etc…

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