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L’industrie de l’image est une industrie d’avenir et dans laquelle la France est particulièrement performante. C’est ce qu’ont rappelé les deux tables rondes organisées vendredi dernier à l’INA sur les « Modèles et enjeux des studios de tournage, de production et de post-production à l’ère du numérique ».
Il faut dire que le lieu était particulièrement approprié pour réfléchir à la fabrication des images à l’ère numérique puisqu’il s’agit sans doute d’un des tous premiers clusters de l’industrie de l’image en Europe et dans le monde. On y trouve en effet à la fois l’INA, avec son incomparable centre d’archives, de production de documentaire et de formation ainsi que les studios de tournage de Bry-sur-Marne, qui sont les principaux studios français et s’apprêtent à doubler de volume.
L’industrie de l’image c’est celle du cinéma, des télévisions, des plateformes mais aussi, désormais,  de You tube. Elle est donc en pleine croissance. La formation, tant initiale que permante est un enjeu essentiel puisque les technologies ne cessent d’évoluer. La France dispose d’un énorme réseau d’écoles et de centres de formation publics et privés. Or, plusieurs intervenants ont rappelé que nombre de ces formations ne débouchaient pas sur des emplois. Il est indispensable que l’État mette en place un mécanisme d’information sur les débouchés effectifs de chaque école ou centre de formation.
Paradoxalement il y a à la fois un nombre croissant de diplômés chômeurs alors qu’il y a des tensions sur certains emplois. Ainsi, le producteur exécutif Nicolas Royer (Voulez-vous Production services) a expliqué qu’il y avait un manque significatif d’administrateurs de production, une fonction essentielle de la production qui doit cumuler compétence et expérience.
Les VFX sont aujourd’hui l’un des piliers de la création cinématographique et audiovisuelle. Et c’est un secteur où la France est particulièrement performante, notamment grâce au regroupement des principaux acteurs au sein de France CFX et du soutien du CNC. À ce sujet, Olivier Emery, Président de Trimaran VFX et coprésident de France VFX à abordé la question de l’IA générative : est-ce une menace pour la plus grande partie des emplois de l’industrie de l’image ? Il a cité l’exemple du détourage d’image qui est un travail fastidieux puisqu’il faut le réaliser  de manière  répétitive image par image. Il existe une application IA qui permet de le réaliser très rapidement à partir d’un prompt. Les résultats sont parfaits sur un petit écran. Mais sur un grand écran « ça ne le fait pas », car l’IA repose sur la statistique : c’est juste à 80 ou 90%, mais, par nature, jamais juste à 100%. Pour le grand écran l’IA ne remplacera pas les techniciens.
Guillaume de Menthon, le président des studios de Bry, en les faisant visiter, à rappelé que des studios étaient performants pour des productions de films à partir de 6 millions € de budget ou de séries dont les épisodes dépassaient 1,3 millions € de budget. Mais un de ses plateaux possède un écran led qui permet de tourner des scènes extérieures à un prix compétitif. La démonstration était impressionnante.
Laurence Schwob, présidente de V Studios et directrice du développement du groupe France télévisions, a d’ailleurs rappelé que les studios de ce dernier à Montpellier, grâce à ces nouvelles technologies, sont très compétitifs pour fabriquer des feuilletons quotidiens à budget légers. Certes, comme plusieurs intervenants, Guillaume de Menthon a reconnu que le cinéma et l’industrie de séries traverse une période de basses eaux au niveau mondial. C’est spectaculaire pour Hollywood où les studios, du fait de leurs coûts et de celui de leurs techniciens, sont désertés : les blockbusters sont tournés à Vancouver ou au Royaume-Uni. Bien pire, la plupart des derniers blockbusters ont été des désastres financiers.
En fait le chiffre d’affaires du cinéma est en recul partout, y compris en France. Est-ce parce que, du fait de la concurrence des plateformes et de l’i-phone son temps est passé ? N’oublions pas que le cinéma est un marché d’offre. C’est une industrie de prototypes. Au cours de son histoire il a connu de nombreuses crises. À chaque fois il en est sorti par un complet renouvellement de sa création.
Enfin, rappelons que la France a un atout considérable : c’est l’existence du CNC, un organisme public particulièrement compétent qui dote le pays d’une stratégie englobant toute l’industrie de l’image de la technologie de fabrication à la salle de cinéma.

L’industrie française du cinéma et de l’audiovisuel est la preuve que notre pays peut être l’une des toutes premières puissances économiques et créatrices du monde, pour peu qu’elle accepte de s’en donner les moyens. Comme elle l’a prouvé en réussissant à réaliser les plus spectaculaires Jeux Olympiques de l’Histoire, en tenant les délais, sans dépasser le budget et en trouvant le financement. Comme elle a réussi à reconstruire Notre-Dame, en tenant les délais et le budget.
Notre industrie du cinéma est un autre exemple parlant. Rappelons-nous qu’en 1947, par les accords Blum-Byrns, les américains ont conditionné l’annulation de la dette de la France à leur égard ainsi que le bénéfice de futur plan Marshall, au déferlement non limité de leurs films sur notre territoire.Le cinéma français aurait pu être balayé.

Le cinéma a su se donner les moyens de résister au cinéma américain

Mais, sachant, tout autant que les américains, l’importance du cinéma, il a su lui  donner les moyens de résister. Il  a inventé le génial compte de soutien : une recette différée pour nos producteurs, distributeurs et exploitants, à condition qu’ils la réinvestissent et, donc, ne baissent jamais les bras. Et une recette augmentée, parce que financée par un quasi droit de douane sur les films américains. Les américains ne pouvaient se plaindre, parce que, en France,  le cinéma, comme la culture, bénéficias d’une taxe sur le chiffre d’affaires très favorable. Bien plus tard, ce mécanisme a été complété par l’organisation d’un partenariat structurel entre les producteurs de films français et les chaînes de télévision. Puis par le drainage, vers la production de films français, des capitaux privés, grâce aux sonica. Et, enfin, par le soutien des régions et des collectivités locales aux tournages de productions françaises  sur leur territoire  afin d’y susciter des emplois et promouvoir leur image.
Grâce à quoi, non seulement le cinéma français n’a cesser de résister au cinéma américain, mais il est aujourd’hui le premier d’Europe et l’un des premiers du monde. Comme le confirment les 4 Golden Globes de « Emilia Pérez » et ses 11 nominations aux Oscars, record historique pour un film non américain et non anglophone.
Le compte de soutien a été étendu et tous les mécanismes mis en place pour le cinéma ont été mis en place au profit des œuvres télévisuelles, notamment des séries, et la France a désormais les plus importants producteurs de télévision européens.
L’inauguration par la ministre de la Culture du pôle de l’image et du son de l’Est Parisien est une nouvelle l’occasion de démontrer le potentiel de la France pour peu qu’elle s’en donne les moyens. Comme on le sait il regroupe notamment les studios de Bry-sur-Marne où « Émilia Pérez » a été intégralement tourné et, qui, d’ici 2026, passeront de 7 à 14 plateaux, avec 7 000 m2 d’ateliers.
Or, en 2017, je constatais que nos studios de tournages fermaient les uns après les autres faute de rentabilité, que de plus en plus de tournages de films français avaient lieu à l’étranger et que les blockbusters américains qui auraient pu être tournés en France s’en détournaient.
Alors que je dirigeais encore Écran total, j’ai proposé à Marc Tessier, qui dirigeait alors Film France, chargé de promouvoir les tournages en France, d’étudier la question et de proposer des solutions. Il m’est très vite apparu que les britanniques avaient plusieurs gigantesques studios de tournage qui tournaient à plein et qui étaient si rentables qu’ils avaient décidé d’investir 400 millions $ dans de nouveaux studios.

La nécessité d’investir dans des studios de tournage modernes

En fait, la crise des studios français avait deux causes. Tout d’abord, comme souvent en France, une cause idéologique : depuis les succès de la Nouvelle vague, tournés en décors naturel et caméra sur l’épaule, la plupart de réalisateurs estimaient qu’une véritable œuvre cinématographique se devait d’être tournée en décors naturel. D’autre part, nos studios étaient anciens et pas du tout configurés pour le cinéma moderne : peu de plateaux, pas de grands plateaux, pas d’ateliers pour fabriquer les décors, pas de surface pour stocker les décors, pas de backlots pour tourner en décors naturels, etc… Certes, il était probable que les réalisateurs français de cinéma mettraient du temps à reconnaître l’intérêt du tournages en studio, mais la télévision allait bientôt connaître une véritable révolution avec l’explosion des séries. Or l’économie des séries reposait sur le tournage dans quelques décors récurants et l’utilisation des fonds verts pour les décors extérieurs. Elles allaient donc avoir une faim insatiable de studio. Inciter à la création des ces studios modernes était donc impératif.

Le handicap du coût de travail plus élevé qu’ailleurs

Par ailleurs, la France avait un handicap qu’elle rencontre dans pratiquement tous ses secteurs industriels : son cout du travail sensiblement plus élevé que partout ailleurs, du fait des 35 heures et des charges sociales. Il existait certes un crédit d’impôt pour le compenser, mais en partie seulement. Il était donc souhaitable de l’augmenter et de le généraliser aux tournages de films et d’œuvres étrangères. On pouvait d’ailleurs démontrer que ce « cadeau » fiscal, par les emplois directs et indirects qu’il créerait, générerait  des recettes pour l’État bien supérieures à ce cadeau.
Ce constat et ces propositions ont été publiés * par le CNC en 2019. Et l’État a lancé La grande fabrique de l’image 2030, un plan de 350 millions € pour soutenir la création de 11 grands studios de tournage aux 4 coins du territoires. Plusieurs fonctionnent déjà et d’autres vont apparaître.
Ainsi, alors que certains pensent que la France est condamnée à la désindustrialisation, dans le cinéma et l’audiovisuel, elle ne cesse de développer son industrialisation et ses emplois. La grande fabrique de l’image 2030 de la France permet l’industrialisation réussie de notre audiovisuel français.

*Les studios de tournage, un enjeu primordial pour la production en France

https://www.cnc.fr/recherche?keywords=Les+studios+de+tournage%2C+un+enjeu